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L’Université Laval : L’habiter collectivement, ou la vendre au plus offrant ?Anonyme, Vendredi, Avril 5, 2002 - 01:07
AESS
Manifeste concernant l'action sur pour la course au rectorat à l'Université Laval, mercredi 3 avril. L’Université Laval : L’habiter collectivement, ou la vendre au plus offrant ? Depuis quelques années, l’Université Laval est à la dérive. Devant le retrait progressif des sources de financement publiques, l’administration de l’Université s’est tournée vers deux remèdes-miracle : les compressions budgétaires et le recours à des capitaux provenant d’intérêts corporatifs extérieurs. Bien que la première dimension du problème nous préoccupe également, nous concentrerons ici notre attention sur la seconde. En effet, c’est tranquillement mais sûrement que ces intérêts privés se sont immiscés au sein de l’espace public et du lieu de savoir que constitue l’université et ont pu, progressivement, l’investir, jusqu’à ce que les activités qui s’y déroulent leur soient subordonnées. S’inscrivant dans cette logique, les publicités Zoom Média ont envahi la totalité du campus, allant même jusqu’à nous harceler dans les toilettes ; en 1999, l’administration de l’Université a tenté de nous imposer un contrat d’exclusivité avec un des deux pétilleurs, dont la sale réputation n’est plus à faire. Même la production du savoir est touchée. Avec des chaires d’étude qui répondent aux commandes d’intérêts ciblés, l’université ressemble de plus en plus à un supermarché, où la connaissance nous est offerte surgelée et prête à consommer. Désormais, le savoir est toujours plus sollicité par des intérêts qui influencent la recherche et ce, de manière de plus en plus inventive, audacieuse et proactive (trois termes à l’avant-garde du vocabulaire entrepreneurial si cher à l’administration de l’Université) ; ainsi, tout savoir qui se veut critique et libre est taxé de délire idéaliste ou de curiosité intellectuelle. Il en est de même avec le matériel et l’immobilier du campus. La bibliothèque devient de plus en plus virtuelle (... ) ; certains édifices ne battent plus pavillon, ils coulent ; les coûts d’achat de matériel sont dorénavant absorbés par les étudiants et les étudiantes à travers des frais afférents. Les programmes Ulysse et Liber T sont deux autres exemples de cette incursion du privé dans l’espace universitaire. Le programme Liber T se base sur le « don » d’un serveur d’une valeur approximative de deux millions de dollars, en échange duquel l’administration universitaire tente de transformer les étudiants et étudiantes des départements d’informatique et de génie électrique en clientèle captive de la multinationale IBM en les obligeant à se munir d’un ordinateur portable produit par cette compagnie, qui bénéficie ainsi d’une entrée rêvée dans le grand Laval-Mart, transformant ainsi les étudiants et étudiantes en échantillon-témoin d’une étude de marché. Dans cette optique, comment s’étonner qu’en 1995, l’Université Laval ait accordé un contrat d’exclusivité à la multinationale de restauration Sodexho-Alliance pour l’exploitation des services de restauration dans la majorité des pavillons du campus, alors que partout dans le monde des voix s’élevaient contre la présence de Sodexho sur les campus universitaires ? Sodexho est la plus grande entreprise de restauration et de services dans le monde, avec un chiffre d’affaire, pour l’année 2000-2001, de plus de 15 milliards de dollars canadiens. En accordant l’exclusivité des services de restauration à Sodexho, l’Université Laval endosse les pratiques de cette corporation dans le monde, et oblige ses étudiants et étudiantes à y contribuer, alors que les agissements de Sodexho dans ses diverses activités sont questionnables, sinon condamnables. En juin dernier, après une campagne d’action et d’information à travers les universités et collèges américains, qui a mené nombre de ceux-ci à rompre l’entente qui les liait à cette compagnie, Sodexho s’est retirée de Correction Corporation of America (CCA), une compagnie exploitant des prisons à but lucratif aux États-Unis. Cependant, Sodexho continue d’être impliquée dans l’industrie des prisons privées en Angleterre et en Australie, avec l’argent des étudiantEs, forcéEs par les ententes d’exclusivité à acheter chez Sodexho sur leurs campus. Ces prisons à but lucratif cherchent à minimiser leurs coûts d’opération, ce qui résulte en des standards très bas au niveau de la santé, de la nutrition et de l’éducation en milieu carcéral, et en un taux élevé d’incidents violents et d’évasions. L’industrie des prisons privées est aussi liée à des tentatives de s’assurer une population carcérale élevée, entre autres en s’opposant à la libération sur bonne conduite et en faisant pression pour un durcissement des lois et des sentences. Dans le cas des prisons comme dans celui du monopole d’exclusivité sur les campus, Sodexho cherche à s’assurer une clientèle captive, dans une logique de profit maximal. En signant de telles ententes, l’administration universitaire se fait complice de l’assujettissement d’une société démocratique et d’espaces d’éducation libres et critiques à la loi du profit et à la primauté de bénéfices économiques. Plus près de nous, la présence de Sodexho participe à la colonisation progressive de l’espace universitaire par la logique marchande. Les règles imposées par le contrat qui lie l’université à Sodexho briment le développement des initiatives étudiantes, ce qui n’est qu’un symptôme du vol organisé de notre espace par des intérêts corporatifs. Ce contrat empêche la création et l’essor des cafés étudiants, même dans les pavillons où Sodexho n’exploite que des machines distributrices. À preuve, de nombreuses initiatives étudiantes se sont heurtées à la clause d’exclusivité : citons le cas d’Univert Laval et de son projet de café végétarien, des associations de psychologie, d’éducation et de philosophie et de leur projet d’ouvrir un café au pavillon Félix-Antoine-Savard et enfin, de l’association de Relations Industrielles qui, en raison du monopole, s’est fait retirer sa machine distributrice de boissons gazeuses parce qu’elle entrait en compétition avec celles de Sodexho. Bref, l’alliance Sodexho-Université Laval nous enlève notre droit d’agir collectivement, d’habiter et de posséder notre espace. L’Université Laval est administrée comme une entreprise par un recteur qui marchandise le savoir et notre milieu de vie, désormais aseptisé, commercialisé et envahi par la publicité, où le savoir s’achète. Nous nous voyons projetés dans une logique absurde de clientèle étudiante, d’étudiants-payeurs, de professeurs-vendeurs. Nous, étudiants et étudiantes, citoyens et citoyennes, refusons ce modèle, et c’est dans cet esprit visant à favoriser autant les volets académiques que ceux concernant la vie étudiante et universitaire que : ± Nous exigeons que l’Université Laval redevienne un lieu de savoir et un espace public et démocratique que tous et toutes peuvent habiter et occuper et ce, sans contraintes économiques, politiques ou administratives. ± Nous exigeons que ne soit signé aucun contrat d’exclusivité impliquant un financement privé extérieur à l’université sans consultation préalable de l’ensemble de la communauté universitaire. ± Nous exigeons également que des mesures soient prises afin que soit invalidée la clause d’exclusivité du contrat avec Sodexho d’ici l’automne 2002. ± Nous demandons l’appui financier et logistique de l’administration universitaire aux projets étudiants visant à habiter le campus, entre autres ceux concernant le développement d’aires de restauration étudiante sur le campus. Université Laval, 3 avril 2002
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