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Le terrorisme, prétexte de l'emprise russe en Géorgie

vieuxcmaq, Mercredi, Décembre 26, 2001 - 12:00

Natalie Nougayrède (cdesjardins10@hotmail.com)

A deux reprises, la Géorgie, dirigée par le président Edouard Chevardnadze, a accusé l'armée russe de s'être livrée à des bombardements sur son territoire

Ces bombardements-là seraient presque passés inaperçus. "Pendant que l'attention du monde est focalisée ailleurs, Moscou commet des forfaits en se disant que l'Ouest lui pardonnera bien", commente une journaliste russe. Il s'agit des pressions accrues que la Russie exerce depuis des semaines, et singulièrement depuis le début de son soutien à la "campagne antiterroriste" internationale, sur l'un de ses voisins, la République de Géorgie, 5 millions d'habitants, qui jouxte la Tchétchénie, et que Moscou accuse d'abriter une base arrière des combattants indépendantistes.

A deux reprises, la Géorgie, dirigée par le président Edouard Chevardnadze, a accusé l'armée russe de s'être livrée à des bombardements sur son territoire. Le 8 octobre dernier, des projectiles s'abattaient sur la région de Kodor, en Abkhazie, région séparatiste de Géorgie. Le 27 novembre, cela se produisait dans le défilé de Pankissi, au nord du pays. Dans les deux cas, les radars géorgiens ont affirmé détecter des avions provenant de l'espace aérien russe. Moscou a démenti toute implication.

Lors d'un récent sommet des pays de la CEI (Communauté des Etats indépendants), le président russe Vladimir Poutine a feint l'étonnement : "Comment peut-on parler de bombardements s'il n'y a pas eu de victimes ?" Selon des sources géorgiennes, les attaques auraient provoqué le déplacement des plusieurs dizaines de familles vivant dans les zones montagneuses visées.

Le département d'Etat américain et la Turquie ont exprimé leur inquiétude après le dernier incident. Mais la question n'a pas été soulevée, contrairement à ce qu'évoquait Tbilissi, lors du sommet de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) début décembre à Bucarest, où Moscou a au contraire été félicité pour ses évacuations de matériel militaire de Moldavie et de Géorgie. Ce dernier point soulève, par ailleurs, de nombreux doutes : l'armée russe, contrairement aux annonces officielles, n'a pas évacué la base de Goudaouta en Abkhazie, comme elle s'y était engagée. Environ six cents soldats restent sur place. C'est de cet endroit qu'auraient décollé les bombardiers.

"CONTESTATION INTERNE"

"La Russie veut remettre la Géorgie à sa place, voilà la motivation inavouée derrière ces attaques, dit un expert du Caucase à Moscou, demandant l'anonymat. Elle utilise la campagne antiterroriste comme un prétexte. En face, Chevardnadze ne peut pas accuser Poutine nommément. Il s'en prend, sans insister, à des cercles militaires radicaux, que le Kremlin ne maîtriserait pas, selon lui. Chevardnadze, dont le régime est affaibli par une contestation interne, a plus que jamais besoin des approvisionnements énergétiques russes, car l'hiver est là."

A l'issue d'une rencontre, fin novembre, avec M. Poutine au Kremlin, le président géorgien aurait confié à des proches : "Imaginez ce qui se passerait en Géorgie si la Russie fermait le robinet du gaz, ne serait-ce que pendant une semaine." A Tbilissi, les coupures d'électricité et la contestation des étudiants contre le régime menacent de reprendre, un mois après le limogeage du gouvernement par M. Chevardnadze, qui cherchait ainsi à désamorcer les mécontentements. Le pays sombre dans la crise économique et les tiraillements régionaux.

Selon Vladimir Poutine, "une partie du territoire géorgien est occupée par des terroristes", en référence à la communauté tchétchène vivant dans la zone de Pankissi. La télévision russe a fait grand cas, en octobre, d'une incursion d'un groupe de "trois cents Tchétchènes" en Abkhazie, affirmant qu'ils avaient bénéficié du feu vert du président Chevardnadze pour livrer combat contre les forces russes déployées dans la région. Depuis la guerre que se sont livrée Géorgiens et Abkhazes (ces derniers soutenus par l'armée russe) en 1992-1993, Moscou a, dans la région, un contingent chargé du "maintien de la paix".

Edouard Chevardnadze a été contraint de faire marche arrière, ces derniers temps, dans ses velléités de rapprochement avec l'Ouest et avec l'OTAN. Il espérait notamment que le détachement russe en Abkhazie serait remplacé par des observateurs ukrainiens et turcs, ce à quoi Moscou s'est opposé catégoriquement.

Un des arguments présentés par la partie russe, dans ces tensions qui agitent une région instable et appauvrie de la Transcaucasie, consiste à dire que Moscou est en droit de s'ingérer dans les affaires d'un Etat voisin s'il s'agit de se protéger contre des attaques de "groupes terroristes" installés sur ce territoire. Mais la Russie ne va pas jusqu'à revendiquer ouvertement un droit à l'intervention militaire. Ses troupes affirment avoir simplement effectué des bombardements contre des zones à la frontière Tchétchénie-Géorgie "sans sortir de l'espace aérien russe". Ce à quoi le porte-parole du département d'Etat américain, Richard Boucher, a répliqué, le 27 novembre, jour des deuxièmes frappes : "Nous avons la confirmation que des appareils sont entrés dans l'espace aérien géorgien à partir du territoire de la Russie."



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