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TotalFinaElf place sous controle judiciairevieuxcmaq, Mercredi, Décembre 12, 2001 - 12:00
observatoire des transnationales (via Guill) (guill_s2000@yahoo.fr)
La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a confirmé lundi les conditions du contrôle judiciaire imposé au groupe pétrolier TotalFinaElf mis en examen en tant que personne morale dans l'enquête sur le naufrage de l'Erika, a-t-on appris mardi de sourcesjudiciaires. Mercredi 12 décembre 2001 1. Erika: la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris ____________________________________________________________ 1. Erika: la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris confirme le contrôle judiciaire de TotalFinaElf La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a confirmé lundi les conditions du contrôle judiciaire imposé au groupe pétrolier TotalFinaElf mis en examen en tant que personne morale dans l'enquête sur le naufrage de l'Erika, a-t-on appris mardi de sourcesjudiciaires. Poursuivi pour "pollution maritime" et "mise en danger de la vie d'autrui" TotalFinaElf contestait les mesures du contrôle judiciaire imposées par la juge d'instruction Dominique de Talancé le 7 novembre dernier. TotalFinaElf doit verser, avant le 15 décembre, une caution de 50 millions de FF (7,6 millions d'euros) et s'est fait interdire l'affrètement de navires de plus de quinze ans pour transporter du fuel de type No2. Le même que celui transporté par l'Erika lorsque le navire s'est brisé le 12 décembre 1999 au large des côtes bretonnes avant de provoquer une gigantesque marée noire. (AP, mardi 11 décembre 2001) 2. Erika, le rapport qui accuse TotalFinaElf et l'Etat ! Le rapport d'expertise consacré à l'Erika que nous publions met en lumière toute une série de manquements du Rina, de Total et de l’État. Explications. Qui rédige le rapport ? C’est le commandant Philippe Clouet, de Lorient. Cet ingénieur de l’École navale est aussi capitaine au long cours. En tant qu’expert maritime et industriel auprès de la Cour d’Appel de Rennes, il a été désigné par le juge d’instruction, Dominique de Talancé, pour déterminer les causes du naufrage. Un architecte naval, également de Lorient, Dominique Paulet, apporte ses éclairages sur tout ce qui touche à la structure du navire. C’est sur le rapport d’expertise - une pièce très importante - que Dominique de Talancé fondera son propre jugement. Quelles sont les sources du rédacteur du rapport ? On en dénombre cinq. Les premières émanent de la justice et des Un bateau âgé Pour se fonder une opinion, l’expert s’est procuré un plan de l’Érika auprès de Panship. Mais celui-ci date du 26 octobre 1998. Aussi, Philippe Clouet s’interroge : « Est-il bien conforme à la disposition du navire et à sa configuration au départ de Dunkerque, le 8 décembre 1999 ? ». En fait, l’Érika est un bateau âgé, construit au Japon, en 1975, au chantier Kasado. Sa longueur est de 184 m. Les curieuses omissions du Rina Certifié par le Bureau Véritas (BV) de 1993 à 1998, l’Érika doit passer sous le contrôle du RINA, organisme italien de certification. C’est la règle : avant la passation de pouvoir, une visite préalable d’inspection intervient. En février 1998, elle est donc menée pour le RINA par M. Pischeda : celui-ci rend un rapport très défavorable à son employeur. Il insiste sur le caractère alarmant des réductions d’épaisseurs de tôles sur l’Érika, qui atteignent 19 % à 40 %, voire 68 % ! Mais M. Pischeda est désavoué : il quitte la compagnie. Curieusement, on ne retrouve plus son constat, six mois plus tard. En août, le RINA donne son agrément au navire comme si de rien n’était. Des tôles trop minces En août 1998, l’Érika entre aux chantiers navals de Bijela, au Qui est le véritable propriétaire du navire ? Difficile à dire ! Plusieurs sociétés s’emboîtent les unes dans les autres, comme des poupées russes. Tevere Shipping est l’armateur propriétaire mais cette entreprise ne possède qu’un seul et unique actionnaire - M. Savarese - et un petit bureau à Londres, toujours pour le seul M. Savarese. Celui-ci ne connaît rien aux choses de la mer : il n’a jamais navigué. En fait, c’est la société Panship qui fait office d’opérateur du navire. Mais cette compagnie n’est pas seule responsable de l’exploitation de l’Érika. D’autres intervenants ont leur mot à dire : Herald Maritime (Bombay) recrute et paie l’équipage (26 marins), Euromar affrète le pétrolier à temps, puis Selmont le remplace (indirectement, cependant, car cette société confie elle-même à Amarship, de Lugano, au Lichtenstein [en Suisse, NdE], le rôle d’agent et de courtier du bateau). Le seul qui semble préserver une vue d’ensemble sur ce montage pour le moins complexe est M. Savarese. Qui est responsable de la sécurité du navire ? Les conventions internationales stipulent qu’il revient à la compagnie responsable de l’exploitation du navire de gérer la sécurité à bord, tant en ce qui concerne l’aspect technique (l’état du bâtiment), qu’humain (il convient de s’assurer que l’équipage est capable de faire face aux situations d’urgence). Dans le cas de l’Érika, personne ne se soucie de ces deux aspects en raison de l’éclatement des responsabilités. Tevere Shipping est toutefois, et à plusieurs reprises, mis en cause face aux manquements. Comment est réalisé le chargement de l’Érika à Dunkerque ? Le 8 décembre 1999, Total raffinage distribution (TRD) charge l’Érika de 30 884 tonnes de Fuel Oil n° 2. Ce produit à haute teneur en souffre provient de la raffinerie des Flandres, également tenue par TRD. Quelle est l’exacte répartition du pétrole dans les cuves et l’incidence du chargement sur les cloisons et la charpente du pétrolier au départ de Dunkerque ? Mystère ! L’unique document (une sortie imprimante) qui aurait pu renseigner l’expert est resté dans le PC fret du tanker et a été perdu lors du naufrage. Le navire est-il trop lourdement chargé ? Non car, avec un peu plus de 30 000 tonnes, il est loin de son emport maximum de 37 000 tonnes. Toutefois, le rapport stipule que, pour des raisons commerciales, le service trading de Total a chargé le navire au-delà de ce qu’avait prévu le bureau du Pilotage : « Que la cargaison ait dépassé 30 000 tonnes reste conforme à la Charte Partie mais non à la commande interne et initiale de Total à la raffinerie de Dunkerque qui était inférieure à 30 000 tonnes ». Les papiers de la cargaison du 8 décembre 1999 sont-ils en règle ? Non, car ils sont rédigés sur des documents à en-tête d’Euromar. Or cette compagnie n’a rien à voir dans ce voyage puisque c’est Selmont qui affrète le navire à temps. Dans quelles conditions Total affrète-t-il l’Érika ? Total Transport Corporation (Panama) affrète l’Érika au voyage en faisant intervenir son courtier de Londres : Petrian Ship Broker. Ce faisant, il commet plusieurs erreurs… Quelles sont les erreurs commises par Total ? C’est au service Vetting de Total Fina (Paris) qu’il appartient de dire si l’Érika peut être agréé à l’affrètement, au chargement et au déchargement. Pour trancher, le service Vetting consulte la base SIRE (Ship inspection report) afin de sélectionner un navire capable de transporter le pétrole en toute sécurité. Étant donné que l’Érika a plus de 15 ans, le service Vetting ne peut lui délivrer qu’une autorisation valable pour seulement 12 mois. C’est ce qu’il fait le 21 novembre 1998, après avoir visité le navire à Mellili (Sicile). L’autorisation prend donc fin un an après la visite, c’est-à-dire le 21 novembre 1999. En clair, lorsqu’il quitte Dunkerque, le 8 décembre 1999, l’Érika ne dispose plus de l’agrément Total Vetting ! Et il est fort peu probable qu’il l’ait à nouveau obtenu, si l’on se réfère au refus sévère de BP d’affréter le pétrolier au départ d’Augusta (Sicile), le 21 novembre 1999. Mais Total transport corporation (Panama) se garde bien de prévenir le service Vetting de Total Fina (Paris) lorsqu’il signe le contrat d’affrètement avec Selmont, le 26 novembre 1999 : chez Total, on joue à cache cache avec les règles. Par ailleurs, le service Vetting de Total Fina se montre par trop léger lorsqu’il réalise son audit d’agrément, en 1998. Il considère en effet Panship comme le réel opérateur du navire, ce qu’il n’est pas. Enfin, l’agrément Vetting était délivré sous réserve que l’armateur prévienne le service Vetting de tout changement affectant le statut opérationnel du navire. Or, Tevere Shipping reste muet sur le remplacement d’Euromar, l’affréteur à temps du pétrolier, par Selmont. Ce silence rend caduc l’agrément Vetting dès le 18 septembre 1999. Total donne-t-il des instructions au commandant ? Oui et ce d’une façon très précise. Total se substitue même à Dans quelles conditions l’Érika quitte-t-il Dunkerque le 8 décembre 1999 ? Curieusement, le pétrolier prend la mer avec une quantité de carburant ridicule ! Alors qu’il consomme 41 tonnes de fuel par jour, il emporte seulement 227 tonnes dans ses soutes, ce qui lui assure environ 5 jours et demi d’autonomie en mer. Et encore ! Car le combustible doit à la fois fournir la machine et permettre le réchauffement des cuves (à 70°) où sont embarquées les 30 000 tonnes de pétrole (pour maintenir la cargaison à l’état liquide). Qui est responsable de ce manque de carburant ? Sur ce point, le rapport souligne une faute caractérisée du capitaine, de l’affréteur à temps Selmont et de Total, affréteur du voyage, qui n’auraient jamais dû laisser appareiller l’Érika avec des soutes très insuffisantes, « ce qui constituait des conditions de sécurité Était-il prévu que l’Érika refasse du carburant au cours de son voyage ? Oui. Toutefois, l’expert estime que, ne disposant que de seulement 15 % des besoins en carburant nécessaires à l’accomplissement de la distance entre Dunkerque et Milazzo, il n’est même pas certain que le pétrolier ait pu ralier Gibraltar, où Selmont avait programmé un soutage à temps ! L’insuffisance en carburant a-t-elle eu une conséquence directe sur le naufrage ? Oui, car pour rester droit à la sortie de Dunkerque, le tanker se verra obligé de maintenir 3 000 tonnes d’eau dans son ballast 4 P/S, sur l’arrière : cela provoquera un enfoncement supplémentaire du navire de 70 centimètres. Et lorsque le commandant Mathur pompera 1 414 tonnes dans le ballast 4 S, le samedi 11 décembre, dans l’après-midi, afin de rétablir l’équilibre de son bâtiment - en proie à une gîte de 10° tribord - il alourdira encore l’avant, ce qui permettra à la mer d’envahir plus aisément la zone de déchirure du pont, située elle aussi à l’avant. L’heure estimée d’arrivée à Milazzo par le commandant est-elle réaliste ? Pas du tout. Pour l’honorer, l’Érika aurait dû marcher à la vitesse de 11,25 nœuds, performance que la machine ne pouvait tenir, a fortiori avec le mauvais temps annoncé et surtout pas en s’arrêtant à Gibraltar pour prendre du fuel… Quelles sont les conditions météo lors du dernier voyage de l’Érika ? Le commandant - qui a pris ses prévisions météo sur seulement 24 heures - sait toutefois qu’il va affronter du mauvais temps. Le 8 décembre 1999 au soir, l’Érika quitte Dunkerque dans une mer forte, vents de Sud-Ouest de force 7. Des contacts, normaux, sont pris avec les Cross de Douvres, Jobourg, Corsen… Le vendredi 10 décembre, le tanker passe Ouessant et affronte une grande houle d’Ouest, de 5 à 6 m de hauteur. La mer devient très forte à grosse avec des creux de 5 à 7 m. L’Érika trace une route directe, au 210, en direction du Cap Finistère. Le samedi 11 décembre, la météo se dégrade encore. Le pétrolier affronte un fort coup de vent de Ouest/Sud-Ouest, force 9. La mer devient très grosse, avec des creux de 9 à 14 m. L’Érika souffre : il roule et tangue, embarque des paquets de mer par l’avant. Durant son quart, de 4 heures à 8 heures, le second note du pilonnement, un phénomène capable de casser un bateau ! Il conviendrait alors de réduire la vitesse et de modifier la route. Mais non… L’expert note : « L À quel moment l’avarie survient-elle ? Dans la matinée du samedi 11 décembre, alors que le pétrolier fait route au 210, à 105 tours minutes (le maximum de sa machine est de 155 tours minute). Soudain, l’Érika s’incline de 10° sur tribord : la cloison longitudinale 3 C a fini par céder et une partie du pétrole s’est déversé dans le ballast 2 S, vide, ce qui a entraîné l’inclinaison. À 14 h 08, le tanker émet un appel de détresse automatique, reçu à 14 h 11 par le Cross Étel. Deux contacts en VHF sont pris avec deux autres navires, le Nautic et le Sea Crusader. L’Érika demande une assistance immédiate… Comment le commandant gère-t-il la situation ? Il parvient à rétablir l’équilibre du bateau, en ballastant. Mais le pont est toujours balayé par les vagues, ce qui rend impossible toute inspection. Pour se rendre compte de ce qui s’est passé, le commandant décide alors de faire demi-tour (cap au 030) et de ralentir. L’Érika reçoit à présent les paquets de mer sur l’arrière. Il se trouve sur un cap propice à sa sauvegarde. En continuant à naviguer ainsi, il peut aller se mettre à l’abri à Douarnenez ou bien à Brest, à environ 14 heures de mer… Mais ce n’est pas ainsi que les événements vont se dérouler. Au moment de l’inspection, le commandant devrait s’interroger sur les causes qui ont déclenché l’avarie et non se borner à en traiter les conséquences. En fait, il s’attache à rééquilibrer le pétrolier, ce qui est logique, mais il ne se rend pas compte qu’il a une brèche équivalente à un trou de 50 centimètres de diamètre dans son pont de franc bord et que son bateau s’enfonce par l’avant, là où est la déchirure ! Le commandant devrait suivre étape par étape le plan d’urgence du bord, mener une inspection méthodique de l’ensemble de ses cuves et ballasts, prévenir tous les représentants du navire (Tevere Shipping, Selmont…) et l’État côtier, sans délais, et leur faire part de la situation. Ensuite, il devrait informer régulièrement les différents intervenants des évolutions constatées à bord. Il ne fera rien de tout cela ! Pourquoi le commandant ne fait-il pas ce que prévoit le plan de Parce qu’il est sans doute désorienté par les événements. Il n’a jamais affronté de telles conditions météorologiques auparavant. Il n’a jamais franchi non plus le Golfe de Gascogne en hiver. Il a sans doute peur et panique. Et puis il reçoit des ordres qui lui enjoignent de se rendre à Donges. Il obéit, fait route au Nord Est (cap 085) à 9 nœuds ! L’Érika, qui reçoit beaucoup d’eau par le travers tribord, s’alourdit de plus en plus sur l’avant - au total, il embarquera 7 400 tonnes d’eau - mais maintient quand même sa vitesse. Une mauvaise route, une vitesse trop élevée, des conditions de mer terribles, une cargaison qui se déverse déjà à la mer, une brèche dans la coque dans laquelle l’océan se précipite… Tout cela allié entraînera la destruction inéluctable du pétrolier. Notons que le choix d’un mauvais cap, imposé au commandant, est Pourquoi la préfecture maritime de Brest ne réagit-elle pas ? Parce qu’elle fait trop confiance au commandant ! Celui-ci a transformé son appel de détresse (Maiday) en simple message d’alerte et assuré qu’il avait la situation bien en mains : la préfecture maritime se contente de cela. Elle ne cherche pas plus loin… Il faut dire aussi que le commandant de l’Érika et l’affréteur tiennent ce que le rapport de l’expert qualifie de « double langage » : entre eux, ils échangent des informations qu’ils se gardent bien de communiquer au Cross Étel et à la préfecture maritime de Brest. Ils dissimulent les faits aux autorités ! Quoi qu’il en soit, le rapport souligne que « la cellule Action de l’État en Mer n’a pas elle-même appliqué ses propres procédures d’urgence, de contrôle et d’intervention qu’elle a prévues spécialement pour ces cas d’avaries ou de risques de pollution majeure ». En fait, le personnel de permanence à la préfecture maritime croit - sans vérifications et sans s’alarmer outre mesure des différents messages que lui envoie le Cross Étel - à une fausse alerte. Plus étonnant, tout de même : le samedi 11 décembre au soir, « lorsque des rumeurs persistantes de fuites et de pollution à la mer lui sont revenues par le Cross et par le commandant du port de Saint-Nazaire », la cellule de permanence reste toujours sans réaction ! Tout au plus programme-t-elle le survol de l’Érika par un Bréguet Atlantic le dimanche matin. Et puis, elle a autre chose à faire. Dans la nuit du samedi au dimanche, elle s’occupe très activement d’un cargo, le Maria K. Mais, là encore, le rapport pointe du doigt le fait que le Maria K était lège (donc vide de cargaison dangereuse) et « qu’il présentait moins de risques et était pris en charge directement par le port de Saint-Nazaire ». Au final, on relève que, dans le traitement de l’alerte de l’Érika, mis à part le Cross Étel et le commandant du port de Saint-Nazaire, personne n’a fait son travail et qu’une invraisemblable chaîne d’incompétence a rendu possible un naufrage qui n’apparaissait pas comme inéluctable .
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