Mardi 11, septembre 2001, 21 :48. Depuis 10H00 du matin, mon poste de télévision crache devant nos yeux ébahis, des images apocalyptiques digne des meilleurs films d'action hollywoodiens.

Devant un tel bombardement d'images rediffusées hors contexte, montrant ad nauseam l'effondrement spectaculaire des tours jumelles en arrière plan d'un envoyé spécial relatant l'attaque du Pentagone, devant des déclarations et commentaires semblant des anagrammes les uns des autres - les mêmes idées, les mêmes termes formulés dans un ordre différent - j'attends en vain le commentaire qui osera formuler une pensée divergente.

Mardi 11, septembre 2001, 21 :48. Depuis 10H00 du matin, mon poste de télévision crache devant nos yeux ébahis, des images apocalyptiques digne des meilleurs films d'action hollywoodiens. Il est difficile de croire que la réalité dépasse cette fois la fiction.
À 21H45, l'écœurement me gagne.

Devant un tel bombardement d'images rediffusées hors contexte, montrant ad nauseam l'effondrement spectaculaire des tours jumelles en arrière plan d'un envoyé spécial relatant l'attaque du Pentagone, devant des déclarations et commentaires semblant des anagrammes les uns des autres - les mêmes idées, les mêmes termes formulés dans un ordre différent - j'attends en vain le commentaire qui osera formuler une pensée divergente.

Pourtant, il n'est pas contradictoire de se désolidariser totalement et inconditionnellement de toute forme de terrorisme, de pleurer avec le peuple américain la perte de milliers de vies qui sont humaines avant que d'être états-uniennes et de noter que nos voisins du sud paient aujourd'hui le prix du bellicisme et de l'arrogance de leur gouvernement sur la scène internationale. Je déplore qu'aucun commentateur ne fasse le parallèle entre les pertes de ce 11 septembre et les milliers de civils qui meurent en Irak victimes des politiques draconiennes imposées par les États Unis et condamnées par plusieurs pays de la communauté internationale, ou encore avec les milliers de vies serbes, parmi lesquelles celles de nombreux opposants au régime de Milosevic, fauchées par les bombardements "salvateurs" de l'Otan auto-proclamé gendarme du monde, ou encore avec les milliers d'opposants Kurdes au régime d'Ankara dont la liberté d'expression est sauvagement réprimée par les armes américaines, françaises ou britanniques vendues au gouvernement turc, pour ne citer que les plus récents massacres.

Un tel parallèle ne signifie pourtant pas "vous l'avez bien mérité" car personne ne mérite de vivre une telle horreur. Il s'agit de dire plutôt au peuple américain "si vous souhaitez éviter que de telles atrocités ne se reproduisent, revoyez la politique extérieure de vos dirigeants et n'appelez pas sans réfléchir une vengeance et un durcissement de la situation qui auraient pour conséquences une escalade de la violence sur la scène internationale." Il s'agit de dire encore "vous n'êtes pas des victimes si innocentes qu'il y paraît lorsque vous appelez de vos vœux la mort des coupables avant même qu'ils ne soient connus. Vous n'êtes pas des victimes si innocentes, vous qui buvez les paroles d'un président se posant en gardien de la paix et de la liberté alors que votre pays depuis cinquante ans impose, là où son intérêt économique, stratégique ou militaire le commande, la paix par les armes ou la guerre par gouvernements interposés. Vous récoltez aujourd'hui, au grand désarroi du monde solidaire de votre douleur, les fruits de la politique que vos dirigeants élus mènent depuis des décennies bien plus que les bombes de quelques fous de Dieu. Dites-vous, après le drame de mardi, que toute action de votre gouvernement entraînera avec elle le reste de la planète et qu'elle ne peut donc être entreprise, contrairement à l'habitude de votre pays, qu'en concertation avec la communauté internationale, tout aussi concernée que vous par les tragiques événements."

Si les états-uniens tremblent aujourd'hui devant leurs symboles dévastés, je frissonne d'angoisse dans l'attente de leur réaction.

Carmen Moral-Suarez,
Citoyenne montréalaise.