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La police est folle

vieuxcmaq, Samedi, Septembre 1, 2001 - 11:00

Carl Desjardins (cdesjardins10@hotmail.com)

Témoignage tiré du courriel d’ATTAC-France

Lundi 20 août, je me rend au rassemblement organisé à Beaubourg par le collectif « Sang Gênes », pour la journée internationale d’action contre les violences policières. J’ai reçu un e-mail qui l’annonçait.

Il y a peu de monde – moins d’une cinquantaine – éparpillés. Les gens discutent – Seules éléments de visibilité, les bandeaux avec marqué dessus VERGOGNA (Honte) comme à Gênes ! Il y a des animateurs de Zaléa TV et Indymedia. Et puis un groupe d’une cinquantaine de CRS se forme à l’écart. Un type avec qui je discutais me dit : « Ils ne vont pas être méchants, ils n’ont pas de bouclier ni de casque ». Ils mettent leurs gants noirs puis courent vers le parvis. À l’endroit où il vont, il n’y a qu’une poignée de militants dont les journalistes alternatifs. Du coup je me dis, ce n’est pas pour nous qu’ils sont là, ils cherchent autre chose ! Alors ils forment un grand cercle autour de la poignée de militants, de musiciens de rue, de touristes. Que veulent-t-il ?

On s’approche en nombre pour voir ce qu’il se passe. Un chef en civil désigne un copain qui a le tort d’avoir un journal militant à la main, puis les gens de Zaléa TV qui ont le tort de ne pas être des journalistes « officiels ». Des CRS foncent sur le copain, lui passent les menottes et l’entraînent vers l’extérieur. A quelques-uns, on commence à gueuler. « Pourquoi l’arrêtez-vous ? », « C’est une atteinte à la démocratie ! », « Où l’emmenez-vous ? », pas de réponse. Maintenant ils passent les menottes aux animateurs de Zaléa TV qui crient : « Nous sommes des journalistes, laissez-nous travaillez ». Ils ne leur demandent pas leurs papiers d’identité !

Il y a beaucoup de monde autour, on commence à chanter des slogans classiques « Libérez nos camarades », « Police partout, justice nulle part ». On crie que c’est une atteinte à la liberté d’expression aux droits démocratiques. Le commissariat est à dix mètres, on les suit. Devant le cordon on continue de chanter en tapant dans les mains. Les gens s’arrêtent de plus en plus nombreux, on leur explique ce qu’il se passe, on leur demande de rester, de chanter. Une jeune femme abasourdie arrive portant un casque et un sac ; c’est à son copain : « On était assis sur la terrasse d’un café devant le parvis. Quand les flics sont arrivés, il s’est levé. Un militant lui a tendu un journal d’AC, il l’a feuilleté et à ce moment là, les flics l’ont embarqué »!

De nouveau, les CRS forment un large cercle autour de nous et commencent à nous pousser très fermement vers le commissariat. Ils nous « palpent » et nous poussent dans la salle du fond – plusieurs sont toujours menottés. Nous nous regardons, abasourdis ! Une Italienne crie et sanglote, ils lui maintiennent la main dans le dos, elle a mal. Et puis elle ne comprend pas, c’est une touriste. « Pourquoi nous a-t-on arrêtés ? », pas de réponse. Ils nous font sortir un par un. Un bus attend. Et ils nous « repalpent » devant le commissariat, plus fermement. « C’est quoi dans ta poche, une arme ? » « Non, mes clefs ! » ; « C’est quoi dans ton sac, une bombe (de peinture) ? » « Non, (ça s’appelle) un livre », « Ah !, vous ne chantez plus maintenant ! »

On se compte dans le bus, on est 26. Il y a deux italiens, un polonais, deux allemandes : des touristes ; le jeune qui avait osé feuilleter le journal d’AC, un autre qui avait fait l’erreur de coller un autocollant qu’on venait de lui donner : ils n’étaient même pas venus pour le rassemblement. Autour du bus, la foule a grossi, les gens sont aussi abasourdis que nous. Quelques copains, arrivés en retard au rassemblement, font des gestes d’incompréhension. On part, direction : le commissariat du 4e. Dehors, on nous applaudit.

Au commissariat on redemandent. « Pourquoi est-on-là ? », « On a reçu des ordres ! », « De qui ? ». Un chef arrive, « Mesdames et messieurs bonjour ! », nous réitérons : « Pourquoi nous a-t-on arrêtés ? », « Mais., vous n’êtes pas arrêtés ! », « Alors qu’est-ce qu’on fait là ? », « Eh bien., on vas vérifiez vos identités et vous pourrez partir. » Tout ça pour relever nos identités ? Pour ça les menottes ? Pour ça les arrestations arbitraires et musclées de touristes, de passants aussi bien que de militants ? Ils ne nous ont donné aucune justification. Finalement, ils nous ont tous relâchés vers 8 heures. Une copine qui est sortie après moi raconte ce qu’elle a entendu dans le commissariat : L’un des flics qui nous gardaient s’est retourné vers un autre en disant : « Il paraît que tu a tué quelqu’un, c’est vrai ? ». Alors ils se sont tous mis à rire !!!!

Que voulaient-ils ? Nous faire peur ? Nous ficher pour nous empêcher de traverser la frontière lors de la prochaine grande manifestation ? Un avant-goût de la police « anti-émeute » européenne dont rêvent tous les ministres de l’Intérieur ? Fini le droit de manifester, d’avoir un journal ou un tract à la main. L’arbitraire, ça me rappelle Gênes. Où va-t-on ? En tous cas, du côté flic, ils ont l’air de le savoir et ils s’entrainent.

Il faut recenser les atteintes aux libertés démocratiques et protester massivement à chaque fois. Si vous avez d’autres exemples faites les circuler.

Texte de Nicolas Verdon



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