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Metalclad jugée victime d’expropriation La loi au service de l'investisseur-roi

vieuxcmaq, Samedi, Mai 19, 2001 - 11:00

Jean-Pierre Larche (jplarche@sympatico.ca)

« Les gouvernements ont pleine souveraineté sur leur territoire mais doivent l’exercer avec justice envers les investisseurs » dixit un des avocats de Metalclad.

La Cour Suprême de Colombie-Britannique a rendu son jugement dans l’affaire Metalclad, une entreprise de traitement de déchets toxiques. Le gouvernement mexicain, appuyé par le Canada et le Québec en appelait de la décision émise en août 2000 par le tribunal de l'ALENA. Elle confirme le droit de la multinationale à une compensation de l’ordre 25 millions de dollars canadiens pour expropriation en vertu du chapitre 11 de l’ALENA, celui sur l’investissement. La cause Metalclad montre bien à quel point l’expression « charte des droits et libertés des multinationales » n’a rien à voir avec de l’enflure verbale.

Cette décision, qui pourrait être portée en appel jusqu’à la Cour suprême du Canada confirme les craintes exprimées par les groupes opposés à une telle vision du développement économique. Ce n’est pas la compensation en tant que telle qui soulève l’ire populaire puisque comme le martèlent les promoteurs de ce type d’accord, seulement 13 causes semblables ont été soumises au tribunal de l’ALENA depuis son entrée en vigueur. C’est la souveraineté des États qui est remise en cause. Les choix de société deviennent de plus en plus limités alors que la marge de manœuvre des gouvernements est directement liée à cette protection des investissements. Chaque loi votée dans les parlements, mêmes locaux, est susceptible d’être remise en question par une entreprise qui s’en estime lésée.

Dans le cas de Metalclad, c’est une petite municipalité de 800 habitants, Guadalcazar, qui a fait fi des autorisations délivrées par l’État central mexicain en refusant d’émettre un permis de construction à Metalclad. La population locale voyait venir Metalclad avec beaucoup d’appréhension et pour cause. COTERIN, la société d’État vendue à Metalclad en 1993 et gestionnaire du site s’était vue forcée par les autorités de fermer ses installations, en 1991, après y avoir balancé près de 20 000 tonnes de déchets toxiques sans aucun traitement.

L’esprit de l’ALENA nie aux communautés locales le pouvoir d’adopter les voies de développement qu’elles privilégient. La fuite récente du texte du chapitre sur l’investissement actuellement en négociation révèle que la protection de l’investissement dans la ZLEA irait encore plus loin, assimilant par exemple des pertes encourues à cause de « troubles civils » à une expropriation méritant compensation. D’aucuns y verront une menace au droit de grève et de manifestation. Cela est d’autant plus préoccupant que les parlementaires des différents niveaux de gouvernement ne sont nullement associés aux négociations de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).

Metalclad se savait indésirable

Bien qu’elle obtienne aujourd’hui dédommagement pour expropriation –la municipalité lui ayant toujours refusé un permis et l’État régional de San-Luis Potosi ayant déclaré ultimement le site réserve écologique– il appert que Metalclad a toujours été au fait de l’opposition locale à son projet, même au moment où elle finalisait la transaction visant l’acquisition de COTERIN. De plus, la municipalité assure avoir offert à Métalclad une vingtaine d’autres sites considérés comme moins dangereux. Enfin, le juge Tysoe qui examinait l’appel du Mexique de la décision du Tribunal de l’ALENA estime que les différents paliers de gouvernements ont agi de façon transparente envers Metalclad, contredisant ainsi le jugement du tribunal d’arbitrage de l’accord Canada–Etats-Unis–Mexique.

Une première

C’était la première fois qu’une poursuite en vertu du chapitre 11 de l’ALÉNA, celui sur les investissements, se frayait un chemin jusqu’aux derniers recours. Le gouvernement mexicain a refusé de régler à l’amiable, considérant entièrement justifié de prendre une telle décision. Le Tribunal de l’ALÉNA, lui, n’a fait qu’interpréter l’accord, ce qui démontre bien à quel point les accords commerciaux de cet acabit font peu de cas des préoccupations environnementales et sociales, pourrait-on ajouter.

Ce n’est toutefois pas la première fois que des gouvernements nationaux se voient obligés de verser des compensations en dommages et intérêts. Le Canada, par exemple, a versé 20 millions de dollars à Ethyl corp., en 1998, un règlement à l’amiable alors que la multinationale américaine poursuivait le gouvernement canadien pour un montant de 250 millions de dollars. La compagnie reprochait au gouvernement canadien d’avoir banni, pour des motifs environnementaux, un additif à l’essence, le MMT, dont elle détenait les droits de commercialisation. Le gouvernement canadien s’est vu forcé du coup de lever l’interdiction.

Plus récemment, c’est la compagnie S.D. Myers qui a déposé une poursuite envers le Canada qui a commis l’odieux de bannir, durant quelque 14 mois, l’exportation de BPC, conformément à un accord multilatéral international sur de telles exportations dont le Canada est signataire. En effet, en vertu de cet accord chapeauté entre autres par l'OCDE, le système d'entreposage des BPC aux États-Unis était jugé non-conforme. Encore une fois, le deux poids deux mesures des accords internationaux est frappant.

Le Canada fait également face à des poursuites de la multinationale du courrier, United Parcels Services (UPS) qui s'estime lésée parce que son principal concurrent au Canada, le monopole d'État Postes Canada, dispose d'un réseau de boîtes postales défrayées par la société de la Couronne qu'il utilise pour son service de courrier express.

Vous avez dit choix de société ?

Plusieurs environnementalistes estiment qu'une seule goutte d'eau vendue en vrac au Canada ouvrirait la porte à une commercialisation pancanadienne de notre eau. Terre-Neuve y réfléchirait sérieusement présentement. Or, avec cette décision, il appert que les municipalités perdront du coup leur droit de refuser que leur eau ne soit commercialisée. Enfin, elles n'en perdront pas le droit mais celui-ci coûtera cher aux Canadiens.

La même chose pourrait aussi arriver à nos services de santé et d'éducation. Pour l'instant exclus de l'ALENA, ces services pourraient y être introduits en partie à la suite des travaux de la Commission permanente de l'ALENA qui s'affaire depuis quatre ans à trouver une «solution» devant mener à la libéralisation des produits et services exclus explicitement de l'ALENA lors de sa signature. En outre, à l'OMC, et dans la ZLEA, ces services publics sont présentement sur la table malgré le tollé qu'une telle privatisation sans consultation préalable soulèverait à coup sûr.

Pour en savoir plus :
La décision du juge Tysoe
http://www.courts.gov.bc.ca/jdb-txt/SC/01/06/2001BCSC0664.htm

Excellent reportage de Sans-Frontières
http://radio-canada.ca/actualite/sansfrontieres/mai/04-05/metalclad.html

La langue de bois du chapitre 11 de l'ALENA
http://www.dfait-maeci.gc.ca/nafta-alena/accord/chap-11.asp

IMC–Vancouver offre une couverture au jour le jour des travaux de la Cour Suprême de Colombie Britannique et plusieurs liens intéressants.
www.vancouver.indymedia.org
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