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Descente du Sommetvieuxcmaq, Mardi, Mai 8, 2001 - 11:00
Philippe Morin (The5thNofx@hotmail.com)
Un étudiant du secondaire, je décris ma participation à la Marche des Peuples en avril à Québec, loin de la violence. Descente du Sommet La fin de semaine du 21-22 avril, une marche de 30 000 eut lieu à Québec. Quelques semaines après le Sommet des Amériques, le monde a-t-il changé? "So-so-so...solidarité!" C'est la millième fois déjà que j'entends ce refrain, et ce ne sera certainement pas la dernière fois aujourd'hui. Je suis sur les Plaines d'Abraham, le 21 avril. Il est une heure, le soleil est levé, et je me suis joint aux quelques miliers de gens assemblés en foule. Tous attendent le début de la Marche des Peuples. Bien que la solidarité est le mot du jour, on retrouve une gamme d'idéologies sur le même champ. Regroupés par leurs pancartes et habillement, les manifestants se divisent parfois en petits groupes. Par ici, la coalition socialiste des travailleurs. Un peu plus loin, on installe un kiosque de journaux Marxistes. Quelques drapeaux présentent le portrait de Che Guévara, tandis que plus loin, je remarque même l'emblème Sovietique. L'étoile rouge est omniprésente, ainsi que le symbole Anarchiste. Quelque part au loin, on entend marcher un groupe de gens, rigolant: "Gauche...gauche...extrême gauche!" La grande majorité des manifestants ne représentent pas d'idéologies précises, cepandant. Une énorme proportion sont des étudiants. Quelle que soit leur affliation politique ou culturelle, tous sont réunis pour la même raison. Leurs pancartes sont des variations créatives et amusantes de slogans dénonçant la ZLÉA. "Le peuple avant le profit" est le préféré. La majorité des pancartes sont peinturées de couleurs vives, en français. Il y a des tambours partout, ainsi que des flûtes et sifflets. Comme toute réunion de la gauche, il y a toujours quelques excentriques parmi la foule...je remarque un homme portant un chapeau chinois traditionnel, dansant dans son pyjama parmi les manifestants. C'est maintenant que les représentants des groupes anti-ZLÉA s'adressent à la foule. Un étudiant m'approche et me remet un papier vert. Il y a des chansons et slogans écrits, pour réciter. Tout de suite, à les entendre, il devient évident que ce n'est pas le temps pour l'objectivité. "La stratégie des libéraux/On coupe aux petits, on donne aux gros!". Je regarde les gens autour de moi réciter ce slogan. La majorité des manifestants sont bien informés de la cause... mais il me semble que la réduction de la ZLÉA à un slogan est un peu trop simple... c'est bien une des limites des manifestations comme processus démocratique: il n'y a jamais de milieu. Je suppose que "En faveur du libre-échange, mais seulement si les droits des investisseurs ne sont pas aux dépends des droits humais ou de la protection de l'environnement" serait un peu trop long à réciter. En plus, ca ne rime pas. Après tant de discussion intelligente et balancée dans les médias (je dois ici faire mention spéciale du Citizen et de la radio CBC), je suis un peu irrité d'entendre une succession de discours qui cherchent seulement à exciter la foule. Comme un pep-rallye à l'école, les organisateurs demandent "êtes-vous là?" à plusieurs reprises. On s'adresse à la foule autant en français qu'en anglais et en espagnol. Des versions comiques de chansons populaires passent aux haut-parleurs. Pendant que les discours se répètent, je m'amuse en parlant à la vendeuse de magazines Marxistes. Une femme de quarante ans, elle croit que le capitalisme est la racine de presque tous les problèmes de la société. Je demeure là quelques minutes, esseyant d'expliquer mon point de vue plus modéré. C'est sûr qu'il y a des réformes à faire...mais pourquoi jeter la maison à terre pour rénover la cuisine? Cet échange est indicatif du contexte politique un peu flou de la marche...bien que la ZLËA est la cause principale, il y a plusieurs solutions proposées...certaines plus ambitieuses que d'autres. Pour certains, c'est à l'argent même qu'on s'oppose. Enfin la marche commence, d'un énorme mouvement collectif... et la journée perd aussitôt sa négativité. J'ai l'impression de ne jamais avoir vu autant de gens dans le même espace. Après avoir fait le tour des plaines, le courant énorme de gens se dirige vers les rues de Québec. Il semble que des manifestants apparaissent de nulle part...soudainement je suis conscient que nous sommes quelques dizaines de milliers. Plusieurs citoyens de Québec sont assis sur leurs balcons, regardant la masse de gens passer. Il y a des drapeaux partout, de la musique et du soleil. Quelques photographes grimpent sur les arrêts d'autobus pour prendre des photos, souriants. Pour les trois prochaines heures, la marche continue vers la basse-ville, passant par des intersections, descendant les pentes de la ville. Costumes, marionettes, chants...il semble avoir un sens d'espoir qui se propage. De plus, on aurait pas pu trouver une plus belle journée. Les agences de presse ont estimé la foule à 30 000 personnes. Les policiers ont dit 25 000, et les organisateurs ont même suggéré 50 000 personnes. C'est environ cinquante personnes pour chaque De-La-Sallien. Le chiffre véritable est probablement quelquepart parmi ces estimés. En tout cas, c'est immense pour une manifestation... le Canada n'a pas vu pareil depuis les années 60 en réponse aux armes atomiques. En marchant je pense, sans cynisme pour un après-midi, qu'il y a espoir d'une prise de conscience collective envers une société plus juste. Maintenant, quelques semaines plus tard, quel effet politique pouvons-nous remarquer? Même avec toutes les manifestations, la caravane de la ZLÉA a quand même passé. Dans les médias, les derniers articles et lettres d'opinions cessent de paraître. Je prends encore l'autobus le matin pour me rendre à l'école. C'est un peu démoralisant. À voir la surface de la société, on pourrait dire que la marche n'a eu aucun effet direct...mais ce serait nier l'intention véritable de la Marche des Peuples. Il est évident que la violence n'eut aucun effet...son but était d'interrompre le sommet par la force, et ce but ne fut pas accompli. Cepandant, comme toute manifestation pacifique, avec la Marche des Peuples il s'agissait d'une action symbolique... et je suis convaincu que cette manifestation record est un symbole très puissant. De quoi? Ce n'est pas encore concret... mais je crois qu'il s'agit de quelque chose de très important. À Québec, pour un après-midi, il y eut une réalisation parmi plusieurs (sic)...que chacun des petits groupes communautaires, syndicats de travailleurs, bénévoles et pacifistes qui cherchent à améliorer le monde se retrouvent sur le même côté de la bataille. De l'autre côté, c'est la surconsommation, la pollution, la vénération de l'argent...et surtout l'indifférence. Bien que ce n'est pas tout le monde qui arrive à formuler des arguments précis, la volonté d'un nombre immense de gens à travers le Canada semble être à la bonne place. Nous verrons peut-être des résultats à la prochaine élection...gardez un oeil sur le Parti Vert, qui devrait avoir plusieurs nouveaux recrutés. C'est vrai que la marche est terminée...mais la boule de neige commence seulement à rouler, j'en suis convaincu. Pour faire sa part, il y a du travail à faire, pour une vie de temps...mais il y a des milliers qui y travaillent. ...et dans le cas du Sommet des Peuples, c'est un slogan auquel je crois. |
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