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Jaggi Singh libérévieuxcmaq, Lundi, Mai 7, 2001 - 11:00
Christian Dubois (duboischristian@hotmail.com)
Québec (CMAQ) L’activiste et écrivain Jaggi Singh, arrêté par des policiers déguisés en manifestants le 20 avril dans le cadre du Sommet des Amériques, a obtenu aujourd’hui sa libération moyennant une caution de 3000$. Faisant face à des accusations de bris de condition, de participation à une émeute et de possession d’arme (une catapulte lançant des toutous !), il aura attendu 17 jours sous les verrous avant de recouvrer sa liberté. « J’ordonne que l’on relâche l’accusé », a laissé tomber le juge Laurent Dubé à la fin de la seconde enquête sous cautionnement de Jaggi Singh. Justifiant sa décision par le fait qu’aucune manifestation antimondialisation n’est prévue dans les prochains mois, le juge a estimé inutile pour servir l’intérêt de la justice que se poursuivre l’incarcération de l'activiste. La juge Dubé renverse ainsi la décision du 26 avril dernier de son collègue le juge Yvon Mercier, réputé pour ses décisions arbitraires. L’accusé devra garder la paix d’ici son procès prévu pour le 4 juin et devra s’abstenir d’agir comme leader dans une manifestation d’ici là. Il a néanmoins convaincu le juge de lui laisser son droit de manifester en invoquant la jurisprudence et la Charte canadiennes des droits et libertés. Au cours de l’audience qui ressemblait à une répétition générale pour le procès à venir, la défense, menée avec humour par M. Singh lui-même et l’avocat Pascal Lescarbot, s’est appliquée à défaire point par point les accusations de la Couronne dans le but de démontrer l’inutilité de garder l’accusé plus longtemps derrière les barreaux. Techniquement, l’activiste originaire de Toronto, comparaissait de nouveau pour une enquête de cautionnement en raison de nouvelles accusations de bris de condition relativement à des accusations portées contre lui en octobre dernier suite à sa participation à une manifestation contre le G20. LA FAMEUSE CATAPULTE Un bonne part des débats a porté sur la fameuse catapulte à animaux en peluches que les policiers tentent d’associer à Jaggi Singh. Paul Smith, un paysagiste de 48 ans, résidant à Ottawa, est venu témoigner qu’il était un des responsables de la catapulte le jour du 20 avril. Il a confirmé que l’accusé n’avait aucun rapport avec la catapulte et il a expliqué avec force de détails le fonctionnement de l’engin qui était conçu pour lancer des objets de petit poids, comme des animaux en peluches ou des confettis. Il a expliqué à la cours que l’intention de son groupe, le bloc médiéval, était satyrique et qu’en aucun temps il n’était prévu se servir de la catapulte dans un but violent. Par ailleurs, M. Smith a pu affirmer que le mécanisme de la catapulte avait été altéré entre le moment ou huit policiers l’ont saisi en pleine rue et le moment où les forces de l’ordre ont procédé à des tests pour évaluer la puissance de l’engin. Le mécanisme de propulsion, un ressort, était absent des photos prises par les policiers dans le hangar où croupis l’arme de siège. Cette affirmation a permis à la défense de remettre en cause l’évaluation de la puissance réelle de la catapulte dont est venu témoigner l’inspecteur Doris Pagé. De plus, contrairement à la première enquête de cautionnement, les policiers n’affirmaient plus que la catapulte avait servi à lancer des cocktails molotov (ce sont plutôt eux qui en ont fait l’essai). Guildo Allée, un enseignant à la retraite de Montréal, est venu à la barre pour relater les déplacements et les paroles de Jaggi Singh lors de la journée du 20 avril. Il a corroboré la version des faits de l’accusé qui soutient n’avoir fait que des discours à la population de Québec, incité les gens à rester calme et à ne pas courir et n’avoir en aucun moment incité à la violence. La Couronne accuse l’activiste d’avoir dirigé la manifestation et d’avoir incité les gens à se diriger vers le périmètre de sécurité. Un autre témoin, Hélène Vallière, étudiante en science politique à l’Université Laval, est venue faire de même en plus de décrire Jaggi Singh, avec qui elle a fait une tournée de conférence sur le Sommet de Amériques, comme « un militant très dévoué » qui a véritablement à cœur la cause qu’il défend. LA SAGA DES CONDITIONS À l’origine, les policiers ont justifié l’arrestation de Jaggi Singh en invoquant les conditions de libération qui lui avaient été imposées par la cour municipale de Westmount. Le 2 mai 2000, M. Singh faisait face à un jugement de la cour municipale de Westmount pour sa participation dans le quartier à une manifestation contre la pauvreté. Lors de la première enquête de cautionnement, le juge Mercier a refusé la version de faits de l’accusé qui soutenait que ces conditions ne s’appliquaient qu’à Westmount. Le juge a considéré que Jaggi Singh n'avait pas respecté les conditions d'engagement qui lui avaient été spécifiées par le tribunal, soit de ne pas participer à une manifestation sur un terrain privé sans le consentement du propriétaire et en lieu public de ne participer qu'à des manifestations légales et pacifiques, avec la promesse de quitter toute manifestation en cas d'éventuels débordements violents. Il est à noter que lors de son arrestation Jaggi Singh se trouvait dans une zone paisible sur la rue Saint-Jean avec un ami. Lors de son témoignage du 26 avril, Jaggi Singh avait pourtant précisé qu'il avait parlé, la veille, avec le procureur de la couronne de Westmount, John Donovan, qui lui aurait certifié que les conditions du tribunal ne s'appliquaient qu'à Westmount. Selon M. Singh, le juge Ham à l'époque lui avait aussi certifié que son jugement ne s'appliquait qu'à Westmount. Ces affirmations ont été confirmées par la suite par le procureur Donovan. Vendredi dernier, la cours municipale de Westmount a même laissé tomber les procédures contre M. Singh dans cette affaire. Au cours de l’audience du 7 mai, la Défense a reproché amèrement à la Couronne de n’avoir fait aucun effort à l’époque pour contacter le procureur Donovan de Westmount, ce qui aurait évité à Jaggi Singh son long séjour en prison. Ce dernier a même affirmé sous serment que le procureur Donovan lui avait confié, pour justifier l’arrêt des procédures, trouver « bizarre » ce que fait son collègue Letendre à Québec pour le garder en prison. Au cours de son témoignage, Jaggi Singh a dénoncé au juge le cercle vicieux engendré par les conditions de libération qui permettent aux forces de l’ordre d’arrêter arbitrairement des manifestants, de leur faire imposer de nouvelles conditions qui leur permettent ensuite de trouver un prétexte facile pour les arrêter à nouveau. Dans son plaidoyer final, maître Lescarbot s’est insurgé contre les pratiques de la Couronne dans toute l’affaire et a accusé les forces de l’ordre de mentir à la cour pour arriver à leurs fins. Bref, le procès prévu pour le 4 juin promet d’être des plus intéressants puisqu’il permettra de faire la part des choses entre les affirmations des forces de l’ordre et celles de la défense, de déterminer qui ment et qui dit vrai dans toute cette histoire.
Article sur la première enquête de cautionnement.
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