Par le journaliste indépendant Pierre Cavale, voici un portrait intimiste du grand rassemblement populaire qui s'est tenu à Québec vendredi et samedi. Ce portrait va au-delà des discours prévisibles et des actes de violence et raconte l'essentiel: la présence et les gestes pacifiques de quelque 50 000 citoyens ordinaires. Deux versions de ce reportage sont disopnibles: l'une écrite et l'autre audio.

Du Sommet des Amériques et des manifestations qui l’entourent, si vous avez seulement vu et entendu ce que les grands médias vous en montrent, alors, à mon humble avis, vous n’avez pas capté l’essentiel. Entre tout l’espace occupé par les discours prévisibles, les déploiements des forces de l’Ordre et les actions d’éclat de quelques centaines d’activistes, vous avez peut-être vu une masse de manifestants plus nombreuse et pacifiste que prévu. Vous avez probablement entendu des témoignages de gens ordinaires, de divers âges et de diverses origines. Mais comme tout ceci était loin de rendre l’âme et la beauté de ce formidable mouvement de solidarité que j’ai pu vivre, tout à la fois manifestant et observateur anonyme au coeur de la foule.

Il y a d’abord ce que j’ai entendu, à commencer par les tambours. Ne vous y trompez pas : c’était pas juste un trip de tams-tams. C’était bel et bien un appel à l’éveil des peuples lancé par une jeunesse omniprésente. Vous trouvez que je charrie et vous riez? Elle riait elle aussi, la jeunesse, mais elle, c’était de la joie qu’elle avait à se retrouver rassemblée pour une juste cause. S’il y a eu une fête à Québec cette semaine, c’est bien grâce à cette jeunesse-là. S’il y a eu une forte représentation de toutes les Amériques, c’est aussi grâce à elle. L’engouement des jeunes québécois pour les hispanophones y est certes pour quelque chose, et leur maîtrise de plus en plus répandue de l’espagnol aussi. Il fallait voir avec quelle fierté ils répondaient aux questions de leurs nouveaux amis venus du sud. Oui, ces jours derniers, il fallait être à Québec pour vraiment voir, et j’ai vu!

Oui, j’ai vu en premier lieu ces jeunes qui brillaient par leur créativité... Imaginez, lors de la grande manifestation d’aujourd’hui, des étudiants en théâtre qui jouent des saynètes tout en marchant, protégés par une chaîne humaine faisant cercle autour d’eux... Imaginez de superbes marionnettistes, échassiers et porteurs de masques, qui personnifient des politiciens et des archétypes du capitalisme (le requin, l’aigle...) et qui tiennent de grands discours au second degré sur les mérites de la mondialisation. Comme nous étions loin des banales rengaines du genre “Ce n’est qu’un début...