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L'Amérique latine : cour arrière des États-Unis

vieuxcmaq, Jeudi, Avril 19, 2001 - 11:00

Richard Fecteau (rfecto@hotmail.com)

Alors que sera discutée la possibilité de créer la Zone de libre-échange des Amériques, il serait tentant de croire que les États-Unis vont amorcer une ère nouvelle dans leurs relations avec les autres pays du continent. À y regarder d'un peu plus près, l'impérialisme américain ne fera que changer de forme : alors qu'au cours des deux derniers siècles il a pris la forme d'interventions militaires ou paramilitaires, le XXIe siècle risque d'être celui d'une guerre économique qui double la menace omniprésente d'une intervention directe.

Le nouvel instrument de Washington : les "régimes démocratiques"

Au cours des années 80, nombre de dictateurs latino-américains ont été expulsés par les armes ou par les urnes. Dans le discours officiel, l'adoption de l'économie de marché par les pays latino-américains est allée de pair avec l'implantation de la démocratie. Il ne faut toutefois pas négliger un fait malheureusement oublié par plusieurs : ces dictatures étaient pour la plupart appuyées par les États-Unis ou avaient carrément été mises en place par Washington.

Le vingtième siècle fut une longue série d'interventions américaines en Amérique latine (Mexique (1915) Nicaragua (1914-1933, 1982-1990), Guatemala (1954), Cuba (1961?), République Dominicaine (1965), Chili (1970-73) El Salvador (1980-1990), Grenade (1983), Panama (1989) et Colombie (2001). Dans le cas de plusieurs de ces interventions répétées dans leur "cour arrière", les États-Unis ont mis au pouvoir toutes sortes de régimes dictatoriaux. À quelle fin ? Tout d'abord pour s'assurer le contrôle des ressources naturelles et pour protéger leurs investissements dans la région, mais également pour sécuriser leur position dans le continent. Pourquoi les États-Unis feraient-ils maintenant confiance à des gouvernements élus avec des enjeux aussi majeurs ?

D'une part, avec l'avènement de moyens de communication et de télécommunication sophistiqués, il n'est plus possible pour Washington de soutenir militairement des régimes autoritaires. Depuis la guerre du Vietnam, une telle pratique a dû être modifiée et l'arme économique fut substituée à l'armée classique. D'une autre part, les accords de libre-échange sont désormais des armes beaucoup plus efficaces pour garder le contrôle de la région que ne pouvait l'être l'intervention militaire.

Les multiples armes d'une guerre économique

Désormais, les gouvernements latino-américains sont très limités dans leurs marges de manœuvre, principalement en raison des protections offertes aux investissements étrangers. Ils ne peuvent plus prôner le nationalisme économique et mettre de l'avant des mesures comme celles initiées par Salvador Allende au Chili ou Arbentz au Guatemala. Dans les deux cas, les présidents démocratiquement élus furent expulsés par coup d'État avec l'aide souterraine de la CIA après avoir procédé à des expropriations massives qui touchaient des propriétés américaines.

Les accords de libre-échange mettent également de l'avant diverses formes de tribunaux commerciaux pour régler les "différends". Plutôt que d'utiliser l'armée américaine pour ouvrir les marchés latino-américains, Washington peut désormais menacer ces sociétés de sanctions économiques et éviter des dépenses inutiles en termes financiers et électoraux.

Comme nous le verrons dans un autre texte, le cas de la Colombie démontre que toutes ces mesures ne suffisent pas à mettre de côté le rôle de l'armée américaine. Les G.I. seront certes davantage confinés dans leurs casernes, mais le cas colombien démontre que leur rôle risque de demeurer plus actif que l'on ne le croit. Avec les dépenses militaires américaines de 272 milliards $ US par année, il est clair que le nouveau président américain, Georges Bush, aura à justifier un tel "investissement".

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