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Un avant-goût des textes officiels de la ZLÉAvieuxcmaq, Jeudi, Avril 19, 2001 - 11:00
Jean-Philippe Sapinski Martin Va
Mercredi le 18 avril 2001, quelques jours seulement avant le début des travaux du Sommet des Amériques de Québec, on a vu apparaître sur la Toile certains documents de travail formel du Groupe de négociation sur l'investissement (NGIN) en préparation de la rédaction du traité de la ZLÉA. Ça y est. Nous pouvons enfin avoir un regard sur le cœur du débat, la base des négociations officielles et contre quoi les protestations sont fondées. Trente-quatre États, chacun ayant lui-même à composer avec des divergences au sein même de ses frontières, en sont à négocier un texte à portée juridique sur les droits des entreprises et les responsabilités des gouvernements dans le cadre d'investissements d'un pays à l'autre. Un travail d'une envergure gigantesque qui, on s'en doutera, ne peut tenir compte des intérêts de tous. Un nivelage s'opérera forcément, reléguant aux abîmes de profondes et essentielles particularités nationales, régionales et locales. Le texte dont nous disposons est un document de travail, daté du 29 novembre 2000. Il a été rédigé pour tenir compte des discussions du NGIN depuis la Réunion des ministres responsables du Commerce, à Toronto en 1999 et les 5 réunions suivantes du même groupe. Il est donc le résultat de la juxtaposition des propositions des participants aux rencontres ministérielles. Ainsi, il ne s'agit aucunement d'un texte suivi, avec des positions claires et des orientations bien définies. Nous avons plutôt à faire à un texte où chaque paragraphe de chaque article peut être pour l’instant interprété d'une multitude de façons, contradictoires les unes des autres mêmes à plusieurs occasions. Alors que certaines propositions défendent les droits des entreprises, quelques autres supportent davantage ceux des États. Voici par exemple le paragraphe 3 de l'article 1, en anglais seulement toutefois. (Ce qui se trouve entre crochets ([ ]) sont ces variantes proposées et à discuter pour définir le texte final. Comme tout est entre crochets, tout reste à discuter. Mais il est clair qu'une tendance se dessine…) "Article 1 SCOPE OF APPLICATION On doit noter par contre que d’une part certains articles ne comportent qu'une seule proposition, et on peut donc presque considérer ceux-ci comme définitifs, du moins non modifiables. D’autre part, il faut voir qu’on peut faire différentes combinaisons des propositions, qui auront des effets différents. Les 40 pages du document, toutes sous cette forme, sont d'une lecture plutôt aride et d'une compréhension ardue. Nous ne nous lancerons pas ici dans une analyse en profondeur, mais il est néanmoins possible d'en dégager quelques grandes lignes et tendances : À la suite d’une première analyse, voici quelques commentaires que l’on peut émettre : comme on s'y attendait, vu les précédents accords commerciaux du genre (les accords commerciaux se ressemblent tous, dixit Pierre Pettigrew), ce texte proclame l'égalité des entreprises devant les différents pays signataires et interdit la discrimination à leur égard. Donc : terminé les subventions aux producteurs locaux, à moins d'en offrir à tout le monde (« Traitement national », Art.2), terminé les quotas, terminé les obligations pour les investisseurs étrangers de s'approvisionner localement, ou d'employer de la main-d’œuvre locale (Art.8). Ces conditions s'appliqueraient possiblement à presque tous les secteurs, y compris la santé et l'éducation, secteurs peu « exploités » s'il en est, l'environnement et l’eau, les droits sociaux, etc., et pas seulement à l'exportation de bois d’œuvre ou la construction d'avions. La façon dont ces secteurs critiques seront touchés dépendra de l'adoption de clauses d'exceptions, réclamées par de nombreux groupes. Cependant, à la lecture de cette ébauche de texte, on peut exprimer certaines réserves à l'égard de ces clauses. Tout d'abord, tout reste en suspend et on ne peut être sûr des propositions qui seront retenues, celles-ci allant du plus vague possible (« Il pourra y avoir des exceptions », Art.4.1, Art.12.1) à une précision détaillée des secteurs exclus. De plus, il ne faudrait pas croire que ce sont toutes les propositions les « moins pires » qui seront acceptées, et il faut être conscient que les clauses environnementales et sociales ne sont pas encore acceptées, et que d’autres parties de l’accord pourraient limiter considérablement leur application, comme par exemple cette petite note inquiétante qu’on trouve au bas de la page 10 (note 6, Art.4) qui dit que : “ In the interest of greater clarity, several delegations wish to state that references to environment-related issues in this paragraph are made solely with respect to the article on Performance Requirements, without such references implying that there is a possibility of including discussion thereof as a new issue in the Chapter on Investment.” La clause environnementale proposée en 7.4.4 ne s’appliquerait donc qu’à cet article, ce qui peut laisser supposer qu’il faudrait que de telles clauses soient inclues dans virtuellement tous les chapitres de l’accord, ce qui serait certainement impensable. Rappelons finalement que de telles clauses existent déjà dans l'ALÉNA, et qu'elles n'ont pas empêché les poursuites aberrantes comme celles bien connues de Metalclad contre le Mexique ou de Ethyl Corp. ou UPS contre le Canada. Elles n'empêchent pas non plus la prolifération des Maquilladoras au Mexique ni l'accentuation des écarts de richesse et la concentration des capitaux. En bref, comme on pouvait s’y attendre, ce document proclame l'égalité absolue des entreprises entre elles et abolit presque absolument les frontières étatiques à leur égard. La discrimination envers elles par les pays signataires sera interdite. Cependant, les entreprises sont soumises à des obligations minimales envers les États et sont bien libres de les discriminer à leur aise. Les entreprises capitalistes obtiendraient par ce projet de traité des droits et une reconnaissance qui étaient jusqu'alors le privilège des êtres humains, ainsi que d'autres que les humains n'ont même pas. Elles ont la liberté quasi totale d'aller où bon leur semble, quand elles le désirent pour produire ce qu'elles désirent comme elles le désirent, pour le vendre où et à qui elles veulent. C'est le rêve de toutes les entreprises multinationales qui se réalise, comme d'habitude au dépend de ceux des vrais être humains. Le document de travail sur l'investissement est un élément primordial dans le processus de négociation, et sa publication est un événement en soi. Les différents groupes de pression ont dénoncé de façon ininterrompue le secret et les portes closes entourant la rédaction du traité. Comment maintenant devons-nous juger le fait que nous puissions avoir accès au document de travail, alors que les responsables avaient annoncé qu'ils ne les rendraient publics qu'après le Sommet des Amériques ? Est-ce une fuite ? Était-ce planifié ? Est-ce une stratégie de négociation de la part de pays impliqués? Les informations dont nous disposons ne nous permettent pas pour l’instant de nous prononcer à ce sujet. Il sera intéressant de voir les diverses réactions à cet événement, et surtout les tentatives de récupération par les responsables du texte. Quoi qu'il en soit, les propositions et les orientations contenues dans ce document, même si elles ne sont pas finales, ont déjà parcouru un trop long chemin à l'écart de notre regard et en ont certainement fait beaucoup depuis novembre dernier. Le plan aurait-il été de nous placer devant le fait accompli, vers 2004, qu'ils n'auraient pas agi autrement. Leur marchandage en catimini est terminé, que les vraies discussions commencent. Encore faudra-t-il que les gouvernements acceptent d’entendre le point de vue des gens qu’ils gouvernent. Jean-Philippe Sapinski et Martin Vachon Liste des articles du contenu en détail du document (en anglais seulement) PART I: DESCRIPTION AND ASSESSMENT PART II: DRAFT TEXT |
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