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Une ZLEA pour le patronat

vieuxcmaq, Mercredi, Mars 21, 2001 - 12:00

Mathieu Houle Courcelles (mathieuhc@hotmail.com)

C'est bien connu, l'histoire a la fâcheuse tendance de se répéter. Comme ce fut le cas au milieu des années '80, puis au début des années '90, la «communauté des affaires» se mobilise une fois de plus pour vanter les mérites d'un nouvel accord de libre-échange, la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Ce qui a pourtant changé par rapport à hier, c'est l'inquiétant consensus politique cautionnant la mise au monde de la ZLEA, à quelques bémols près.

Même du côté syndical, on ne voit plus de réelle opposition face à la démarche proposée. «Soyons réalistes, demandons le possible»: voilà le nouveau crédo. Il n'y a que les patrons, semble-t-il, qui soient porteurs d'un projet pour les Amériques. Cohérents, les hommes d'affaires? Sans aucun doute, puisqu'il est question de fric.

Les principales organisations patronales canadiennes mènent une charge à fond de train pour convaincre le gouvernement fédéral d'être à l'avant-garde des négociations sur la ZLEA. Le Conseil canadien des chefs d'entreprises (CCCE), la Chambre de commerce du Canada et l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs encouragent sans réserve l'intégration toujours plus poussée des Amériques afin de créer un seul et grand Marché, de l'Alaska à
la Terre de Feu. Cette nouvelle zone de libre-échange, négociée en catimini depuis le milieu des années '90, a reçu un appui inconditionnel du patronat dès ses tous premiers pas. Suite logique de l'Accord de libre-échange canado-américain (ALE), puis de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), l'intérêt de la ZLEA pour les hommes d'affaires se situe à plusieurs niveaux.

L'exemple canadien

Au plan domestique, la ZLEA contribuera à créer un «environnement propice au commerce» grâce à l'application intégrale des préceptes du libre-marché. En d'autres mots, c'est la restructuration politique, sociale et économique du Canada qui continue de plus belle: remboursement de la dette nationale, déréglementation de nouveaux secteurs d'activités, privatisation de «services» publics (au nombre desquels on retrouve la santé et l'éducation). En somme, la quasi-absence de débat sur les fondements de la ZLEA confirme le triomphe culturel de l'idéologie libérale. «Pour être crédible, soutient Thomas D'Aquino (président du CCCE), il nous faut montrer l'exemple et corriger les éléments problématiques de notre structure économique et de nos politiques publiques».

À travers le «redressement» des finances publiques, les politiques «d'allègement» réglementaire ou la «flexibilisation» de la main-d'oeuvre, nous avons pu constater de visu les conséquences des «corrections» que le patronat exige de la population «pour faire face à la concurrence internationale». La ratification de la ZLEA (prévue pour 2005) aura pour effet d'approfondir et d'enraciner cette logique destructrice, celle de l'accumulation maximale du Capital, dans les moindres aspects de la vie en société.

L'État au service des patrons

La mise au rancart de l'intérêt public au profit de l'entreprise privée se manifeste également au plan régional. La nature même du système politique canadien encourage depuis longtemps la participation des organisations patronales à divers exercices de consultation publique, comme ce fut le cas lors des négociations sur l'Accord multilatéral sur les investissements (AMI) en 1996 ou celles tenues à l'OMC en 1999. Loin d'être «un groupe parmi les autres», les hommes d'affaires sont systématiquement mis à contribution lorsqu'il s'agit de négocier les modalités d'un accord de libre-échange.

Avant, pendant et après sa ratification, les patrons ont accès à différents canaux décisionnels au sein de l'appareil gouvernemental canadien ou des instances mises en place avec la signature d'un accord. En ce sens, la ZLEA ne fait pas exception à la règle. Il y a quelques mois, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a tenu des audiences publiques un peu partout au pays pour tâter le pouls de la population canadienne face à cet accord. Les recommandations des députés ont largement fait écho aux revendications formulées par le patronat et ses acolytes (des
thinks tanks ultra-libéraux comme l'Institut Fraser ou l'Institut CD Howe).

Cette reconnaissance institutionnelle est présente au coeur même du processus de la ZLEA. En 1998, l'Americas Business Forum (ABF), le regroupement patronal hémisphérique, a obtenu un statut consultatif privilégié auprès des Chefs d'États et des ministres du commerce. Les priorités des hommes d'affaires participant à l'ABF aboutissent directement aux tables de négociation. Si la prise en charge par l'État des intérêts du Capital existe au niveau national depuis belle lurette, c'est maintenant au
niveau régional que cette relation privilégiée refait surface.

Un intérêt sans cesse croissant

Pourquoi le patronat canadien voit-il d'un bon oeil la création d'une nouvelle zone de libre-échange d'un bout à l'autre des Amériques? Thomas d'Aquino nous l'explique en faisant un parallèle avec les accords précédants: «Le Conseil canadien des chefs d'entreprise a défendu farouchement l'Accord de libre-échange canado-américain, puis l'ALENA, parce que ceux-ci remplissaient deux conditions essentielles à nos yeux.

Premièrement, ces accords permettaient d'obtenir des résultats plus rapidement que par le biais des négociations multilatérales menées au GATT [l'ancêtre de l'OMC]. Deuxièmement, ils permettaient d'obtenir une discipline et des engagements plus fermes qu'à un niveau multilatéral. Le CCCE souhaite voir les mêmes critères s'appliquer aux différents projets d'accords bilatéraux et régionaux négociés à l'heure actuelle». Du point de
vue patronal, les accords de libre-échange comme la ZLEA ont des effets à plus court terme que les interminables rondes de négociations à l'OMC. Leur ratification progressive permet d'obtenir rapidement une «première moisson» de bénéfices.

À cet effet, il y a fort à parier que le Sommet se tenant à Québec du 20 au 23 avril débouchera sur une série d'engagements à brève échéance. C'est du moins ce que souhaite obtenir le patronat canadien: l'échec relatif des négociations à l'OMC (tenues à Seattle du 30 novembre au 3 décembre 1999) a eu pour effet de raviver leur intérêt pour la ZLEA.

Changer la face du monde

Ce n'est donc pas un hasard si des organisations comme le CCCE font la promotion d'accords de libre-échange régionaux ou bilatéraux. Les entreprises représentées au sein du CCCE comptent parmi les plus puissantes au monde. Leurs «activités» sont loin de se confiner au seul territoire canadien, mais s'étendent bien au-delà des frontières nationales.

Pour les multinationales, les accords de libre-échange sont une formidable bouée de sauvetage leur permettant de réduire leurs coûts tout en ouvrant la porte à de nouveaux marchés jusqu'ici protégés pour diverses raisons. Ces traités leurs servent de palliatif en attendant l'entrée en vigueur d'un cadre multilatéral assurant la (dé)régulation des échanges commerciaux. Les accords comme l'ALENA (et bientôt la ZLEA) permettent de créer des précédents appelés à se généraliser, puis à être dépassés par de nouvelles «contraintes» imposant la «discipline» du Marché à une plus grande échelle.

C'est pourquoi les conséquences de la ZLEA n'auront pas seulement un impact local ou régional: les prérogatives de cet accord risquent fort de se retrouver un jour ou l'autre à l'OMC ou à l'OCDE, sous une forme plus agressive et totalitaire. Ainsi va la logique d'un système qui prétend nous imposer son projet et ses lois.

Membre du Collectif de recherche autonome et critique (CRAC)

NB: cet article apparaît sous une forme différente dans le numéro mars-avril de la revue Relations.
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