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Mexique, mondialisation et le secteur informelvieuxcmaq, Vendredi, Mars 2, 2001 - 12:00 (Analyses)
Yanick Noiseux (ynoiseux@hotmail.com+)
Petits articles rappelant les preccupations de milliers de travailleurs du secteur informel concernant le processus de la mondialisation/intégration continentale. Disponible en francais et espagnol Mexique, mondialisation et le secteur informel Vicente Fox, le nouvel homme fort du Mexique, s’est amené à la tête du pays en décembre dernier et depuis, il n’a cessé de réitérer sa foi dans la mondialisation. Multipliant les déclarations d’intentions, le Président mexicain courtise les investisseurs internationaux, insiste sur les excellentes opportunités d’affaires sur son territoire et vante la « nouvelle » stabilité politique du pays allant de pair avec l’accession au pouvoir de son parti politique, le PAN. En route vers le Sommet des Amériques qui se déroulera à Québec au printemps prochain, tout semble indiquer que le Président Fox sera enclin à poursuivre l’intégration économique de la zone Amériques, à travers l’aboutissement des négociations et la ratification d’un Accord en ce qui concerne la ZLEA, (Zone de libre-échange des Amériques) dont les détails de la négociation restent entourés de mystère et d’un manque sérieux de transparence de la part des nombreux gouvernements membres de l’OEA. Il est clair que dans le cas mexicain, cette stratégie s’oriente dans la poursuite d’une politique économique résolument axée sur le secteur des exportations. Cette stratégie économique en place dans le pays depuis les années 80 reste cependant fortement contestée. Certes en termes de volume des exportations, les chiffres sont exponentiels et la croissance est soutenue. Cependant, la très grande majorité des exportations se dirigent vers les États-Unis, souvent dans le cadre d’échange intra-firmes, générant très peu de retombées économiques positives pour le Mexique, et surtout, ces exportations sont en provenance du secteur « maquilladora », source d’emplois mal rémunérés avec des conditions de travail pénibles pour une majorité de travailleurs, essentiellement des femmes malgré que l’on note récemment l’apparition de plus en plus d’hommes dans ce secteur industriel. Le salaire moyen dans le secteur manufacturier demeure à 2.80 dollars canadiens et dans le secteur privé considéré comme « moderne », les salaires réels ont chuté de 4,6 % durant la dernière décennie De plus, et c’est ce qui nous semble le plus important, un large pan de l’économie mexicaine reste en marge de cette mondialisation ou dans une moindre mesure de l’intégration économique continentale à travers d’accords commerciaux tel que la nouvelle ZLEA pourrait le proposer. Il s’agit de ce que l’on désigne généralement comme le secteur informel et qui a pris le relais du secteur dit moderne en termes de créations d’emplois depuis maintenant près de 20 ans. Selon les statistiques de l’Organisation Internationale du Travail, plus de 85 % de tous les nouveaux emplois créés durant la décennie 90, l’ont été dans le secteur informel de l’économie. Les données sur le pourcentage d’emplois informels dans l’économie mexicaine varient selon les sources mais dans l’ensemble les données disponibles reflètent bien l’ampleur du phénomène variant de 44 % de l’emploi urbain selon l’OCDE, 57 % de l’emploi non agricole selon l’OIT jusqu’à 61.4 % selon d’autres sources. En proportion du PIB, les estimations varient de 12% selon les statistiques du gouvernement mexicain jusqu’à un tiers de la production intérieure brute d’après l’OCDE. Sur ce dossier le Président Fox semble être assis entre deux chaises. D’un coté, il a promis aux hommes d’affaires de faire la lutte à l’évasion fiscale au sein de ce secteur de l’économie tout au long de sa campagne électorale, et ce d’autant plus qu’il est de notoriété publique au Mexique que les travailleurs ambulants ont été par tradition fortement liés au PRI, l’ancien parti au pouvoir qui a gouverné pendant près d’un siècle sur le pays. Et de l’autre, il tend la main aux plus « humbles », c’est le terme qu’il utilise, à travers un ambitieux projet de soutien à la microentreprises, los changarros comme s’active à les décrire un Vicente Fox, toujours fin politicien et soucieux de cultiver son image d’homme du peuple. On a tous les raisons de croire que ces nouvelles microentreprises contribueront à gonfler encore une fois les rangs du secteur informel. Il ne s’agit pas nécessairement d’un mal en soi (le revenu moyen y est de 3,2 fois le salaire minimum) cependant comme nous l’avons relevé au début de cet article, tant que le gouvernement poursuivra une politique commerciale résolument axée sur le commerce extérieur, la contribution du secteur informel de l’économie restera subordonnée à ce dernier et ne pourra jouer d’autres rôles que celui d’un palliatif à la disposition d’une population cherchant par tous les moyens de joindre les deux buts dans un environnement économique qui ne cessent de se dégrader en termes de revenus depuis maintenant deux décennies. Le défi de M. Fox est énorme en ce qui concerne le secteur informel au Mexique. Force est de constater aujourd’hui que le secteur informel est là pour rester, et que son intégration dans le cadre de l’économie formelle ne sera jamais complète comme on le croyait lors des premiers balbutiements de la recherche sur le sujet au début des années 70. Cela, il semble que le Président Fox l’a compris, si l’on s’en tient à son plan concernant les micro-entreprises. Cependant lorsque l’on s’attarde à ce qui se passe quotidiennement dans les rues de sa capitale où répressions et intimidations de la part des forces policières abondent sur les petits commerçants s’agglutinant dans les espaces disponibles afin d’offrir leurs marchandises, on ne peut qu’être confus devant l’incohérence entre les paroles et les actions des autorités mexicaines. Ironiquement, l’accroissement du phénomène de l’informalité semble se faire en parallèle avec la plus grande ouverture vis-à-vis des marchés internationaux (celui des États-Unis venant en tête de liste) et il semble de plus en plus que le secteur informel de l’économie permet d’accéder à un degré de flexibilisation de la main d’œuvre exigé par le marché, tout cela au grand dam des travailleurs à qui l’on demande de subir la grande partie de la pression inhérente à la politique économique. Comme le souligne plusieurs chercheurs, c’est l’autre visage de la mondialisation. Devant ce genre de constatations, force est de constater que la poursuite de négociations concernant des ententes de libre-échange tel que proposé par la ZLEA devraient être subordonnée à des accords concernant des préoccupations beaucoup plus collées à la réalité des mexicains et de la population latino-américaine en général, notamment en ce qui concerne le marché du travail et le quotidien de milliers de travailleurs pratiquement sans-droits dans la nouvelle économie découlant d’accords se limitant à la réglementation des échanges de biens et de services. Bien entendu, il y a fort à parier que ces types de discussions seront absentes du Sommet de Québec. On y parlera d’accord sur les droits des investisseurs, sur le droits de propriétés intellectuelles, etc. Encore une fois, peu de voix s’élèveront contre la pression toujours accrue sur les travailleurs, et encore moins sur les droits des travailleurs de secteur marginalisés de l’économie comme le sont les informels. Ces derniers sont pourtant, dans une grande partie, une création de la mondialisation/intégration à l’échelle continentale. Il s’agit en quelques sortes de la face cachée de cette dernière à quoi il nous apparaît également essentielle d’ajouté le problème de l’immigration. Malheureusement, ces facettes cachées semblent destinées à le demeurer. Yanick Noiseux Sources Alef Benessaieh et Christian Deblock, « Commerce, croissance et emploi : le cas du Mexique », publication du GRIC, décembre 1998 La Jornada, « La economia informal maneja recursos por 146 mdd segun la OCDE », mai 1999 Yanick Noiseux, « Le secteur informel au Mexique », publication du GRIC, décembre 2000 Organisation internationale du Travail, « Travail décent dans les Amériques », le magazine de l’OIT, septembre-octobre 1999
Site Internet de l’INEGI, Institut national des statistiques du Mexique.
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