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Fiscalités en Europe : le secret bancaire en point de mire !

vieuxcmaq, Mardi, Février 27, 2001 - 12:00

Denis Horman (liege@attac.org)

L'Accord conclu, en novembre 2000 au sein d'Ecofin ( le conseil des quinze ministres de l'Economie et des Finances de l'Union européenne) est-il un pas " historique " vers une fiscalité plus équitable, où chacun(e) participerait, par ses impôts, au financement des besoins collectifs et sociaux, au prorata de ses revenus et de son patrimoine ?

La difficile " harmonisation fiscale européenne " doit-elle rester un prétexte pour justifier des dispositifs typiquement belges qui empêchent de mettre davantage à contribution les plus riches ?

La présidence belge de l'Union européenne, au cours du deuxième semestre 2001, place ainsi les mouvements sociaux et citoyens devant leurs responsabilités.

Une fiscalité au service du néolibéralisme

Plus que les discours, les politiques effectivement menées permettent de juger de la réalité des choix politiques des gouvernements. Les mesures fiscales, prises aussi bien dans chaque pays membres de l'UE qu'au niveau européen, ont, jusqu'à présent, renforcé la concentration des richesses dans les mains d'une poignée de groupes et de personnes et creusent, en même temps, les inégalités sociales.

En 1989/90, les ministres des Finances de l'Union européenne adoptaient la liberté totale de circulation des capitaux entre les Etats de cette zone de libre échange. Ceci concerne à la fois les monnaies (avec la fin du contrôle des changes, notamment) et les actions/obligations (avec la création de nouveaux produits financiers).

A partir du 1er janvier 1993, les frontières au sein de l'UE ont disparu, avec, comme conséquence immédiate, la suppression de tout contrôle ou formalité à finalité fiscale, lors du franchissement physique des frontières intracommunautaires par les marchandises.

Tout ceci s'est fait sans prévoir une harmonisation des taxations des capitaux et des revenus des capitaux.

Les privilèges fiscaux accordés au capital et à ses revenus se sont accrus au fil de la construction européenne.

Aux motifs avancés d'" attirer les capitaux pour l'investissement et pour.l'emploi ", on a vu fleurir les mesures fiscales dérogatives pour les entreprises, visant à favoriser certaines zones géographiques ( zones franches, etc.) ou certaines activités ( par exemple, les centres de coordinations en Belgique - voir périodique Attac-Liège, avril-mai 2000 : " les centres de coordination, un scandale fiscal tout à fait légal - etc.).De plus, la fraude fiscale en matière de TVA des entreprises a crû de manière considérable depuis le 1er janvier 1993, avec la suppression des frontières au sein de l'UE. Au niveau européen, on peut risquer l'estimation de plus de 2000 milliards de FB de perte annuelle de recettes budgétaires.

En matière d'impôts sur les patrimoines et les revenus des particuliers, les modifications intervenues ces dernières années dans plusieurs pays de l'UE ont été dans le même sens d'un allégement de la taxation des hauts revenus. En laissant croire aux pauvres et aux classes moyennes que leurs impôts vont sensiblement diminuer, les couches aisées ont l'opportunité de faire baisser leur contribution aux budgets publics ( voir la dernière réforme fiscale en Belgique, périodique Attac-Liège, octobre-novembre 2000). L'impôt sur les grosses fortunes, minime mais existant tout de même dans plusieurs pays - Allemagne, Italie, Danemark, France.- risque lui aussi d'être abandonné. Les paradis fiscaux, avec leur secret bancaire, leur vide juridique et leur fiscalité faible ou nulle, jouent également un rôle déterminant pour tirer vers le bas la taxation du capital.

Pour éviter de creuser les déficits publics - dus principalement à la baisse de l'impôt sur les entreprises, la réduction des cotisations patronales à la sécurité sociale ( 149 milliards en Belgique pour 2001), l'absence ou la faible taxation des patrimoines financiers (et les revenus engendrés par ceux-ci) ainsi que des profits spéculatifs, les Etats de l'UE ont augmenté la charge fiscale pesant sur le travail salarié, non mobile, et sur les consommations des ménages (les impositions indirectes touchant de la même manière le chômeur et le riche !).

En même temps, le remboursement de la dette publique (en Belgique, plus de 600 milliards par an, remboursés surtout aux organismes financiers dans le pays, soit plus du quart du budget total de l'Etat), avec le recul de la masse salariale et la stagnation des salaires, des pensions et des minima sociaux, permettent de mieux rémunérer encore les actionnaires, les groupes financiers.

L'accord " historique " des Quinze sur la fiscalité de l'épargne

En novembre 2000, les quinze ministres de l'Economie et des Finances (Ecofin) aboutissaient à un accord destiné à harmoniser la fiscalité des revenus de l'épargne. Accord qui devrait, dès le 1er janvier 2003, mettre fin à la concurrence déloyale entre Etats membres, dont certains attirent l'épargne des citoyens des autres pays grâce à des conditions fiscales nettement plus avantageuses. L'accord prévoit également un code de bonne conduite de la fiscalité des entreprises.

Est-ce la fin programmée des paradis fiscaux pour les Européens qui place leur épargne dans un autre Etat de l'Union, ou encore des régimes préférentiels pour des entreprises ? Est-ce la fin du secret bancaire à l'horizon, 2010 ?

Première précision. Cet impôt sur les revenus des épargnants non-résidents ne vise pas les actifs les plus rentables, à savoir les actions et les plus-values générées par la spéculation boursière. Il touche les obligations domestiques ou internationales, les intérêts (les titres à revenus fixes et les comptes bancaires), les revenus distribués par les sicav (et par leurs dérivés) à condition que ceux-ci se rattachent à des obligations. La directive devrait exclure tous les fonds qui investissent dans au moins 60% d'actions, ce qui devrait " donner beaucoup d'imagination à la place financière ", a estimé le ministre luxembourgeois du Budget, Luc Frieden.

Deuxième précision. L'accord prévoit une période transitoire de 7 ans ( 2003-2010), avec, en bout de piste, la levée généralisée du secret bancaire.

Pendant cette période, trois pays, le Luxembourg, l'Autriche et la .Belgique, qui maintiennent leur secret bancaire, appliqueront une retenue à la source des revenus de l'épargne de 15% (pendant 3 ans), puis de 20% ( les 4 années suivantes). La retenue à la source est un impôt forfaitaire anonyme, bien accommodant pour une grosse fortune, surtout si elle n'a pas été déclarée aux autorités fiscales ( en vertu du secret bancaire !).

Les recettes prélevées sur les non-résidents seront partagées entre le pays de l'épargnant (75%) et le pays où est prélevée la taxe (25%).

A quoi serviront ces recettes supplémentaires ? Notre ministre des Finances, Didier Reynders, a déjà sa petite idée : " elles serviront à financer la poursuite de la réduction des charges pesant sur le travail (les charges des entreprises ! ndlr) ".

De même, les recettes obtenues par le démantèlement du régime fiscal favorable accordé aux centres de coordinations des entreprises multinationales ( les effets d'un tel régime de faveur devraient cesser au plus tard fin 2005 ou au-delà " pour tenir compte de circonstances particulières " !) devraient servir à financer la baisse du taux nominal d'imposition des entreprises. Un donné pour un repris en quelque sorte, même si le chiffre météorique de 362,4% d'augmentation des profits des multinationales dans le monde a été avancé pour la période située entre 1983 et 1999.

Pendant cette période de 7 ans, les douze autres Etats (qui ont déjà levé partiellement ou totalement le secret bancaire) appliqueront l'échange généralisé et automatique d'informations sur le revenu tiré de l'épargne de leurs non-résidents.

Troisième précision. Fin 2002, les Quinze d'Ecofin devront voter à l'unanimité la directive qu'il faudra encore transcrire dans les droits nationaux. Et oui, quand l'Europe veut avancer dans la privatisation des services publics, la règle de l'unanimité ne joue pas et les directives sont contraignantes. Quand il s'agit de justice fiscale ou d'Europe sociale, l'unanimité est la règle du jeu.

Ce n'est pas tout : d'ici fin 2002, l'Europe des Quinze devra obtenir de " pays tiers " - la Suisse, le Lichtenstein, Andore, Saint-Marin, Monaco ou encore les îles Anglo-Normandes - qu'ils lèvent leur secret bancaire. Le Luxembourg, premier centre en Europe pour les fonds d'investissements, en fait un préalable. La directive sur l'épargne pourrait bien ainsi attendre des années encore. Sauf si.

Mobilisations sociales et citoyennes

La fiscalité n'est ni une question " technique ", ni un problème "complexe ". C'est un sujet totalement politique qui doit être pris en charge par les citoyens. Sans justice fiscale, il ne peut y avoir de justice sociale.

Un rapport de force social et politique est un préalable évident face aux multiples tergiversations et hypocrisies qui enrobent ce dossier de l'harmonisation fiscale des revenus du capital.

La présidence belge de l'Union européenne offre l'occasion de construire ce rapport de force dans l'unité la plus large. C'est l'occasion d'exiger du gouvernement fédéral une double démarche : proposer des directives précises au niveau européen et concrétiser sans attendre certaines mesures sur le plan national.

Pour régler démocratiquement l'harmonisation de la fiscalité du capital, l'Union européenne devrait se doter d'une directive contraignante abolissant le secret bancaire fiscal et obligeant les Etats à échanger périodiquement les informations sur tous les revenus générés par les produits financiers, y compris les plus-values.

Dans le même temps, une autre directive pourrait établir un dispositif de sanctions à l'égard des paradis fiscaux et des centres offshore. La plate-forme d'Attac et ses nombreuses contributions en vue du démantèlement de ces pratiques méritent d'être soulignées.

La Belgique est probablement aujourd'hui le pays de l'UE le plus rétrograde en matière de transparence fiscale. Quand on compare la Belgique par exemple avec les trois pays voisins qui font également office de référence en matière de formation des salaires ( Allemagne, France, Pays-Bas), il apparaît que le fisc belge est le fisc le plus mal outillé pour obtenir auprès des institutions financières des informations sur les contribuables. C'est un des derniers pays au secret bancaire, sans cadastre des patrimoines mobiliers (financiers) et sans impôt sur la fortune.

Une note commune de la FGTB et de la CSC, datée de septembre 2000 soulignait : " le FGTB et la CSC sont conscientes que certaines avancées ne pourront se faire qu'à l'échelle européenne. L'Union européenne ne peut toutefois pas toujours servir d'alibi : certaines mesures peuvent être prises à l'échelle belge pour assurer une meilleure connaissance de certains revenus et, par ce biais, une meilleure contribution de ces revenus aux recettes de l'Etat " Et de citer, comme mesures indispensables : " la suppression du secret bancaire fiscal, notamment pour permettre à l'administration fiscale une meilleure perception et un meilleur recouvrement de l'impôt " ; " la suppression des titres " au porteur " pour les remplacer par des " actions nominatives ".

En ce sens, nous saluons la campagne nationale de la CSC qui veut récolter d'ici juin (avant la présidence belge de l'UE) au minimum 300000 pétitions, portant sur la suppression du secret bancaire et la mise en place d'un cadastre des fortunes au niveau belge, ainsi qu'un impôt sur la fortune au niveau européen. Des revendications qui font également partie des résolutions de la FGTB et avancées également, depuis 1996, par l'Appel des six cents.

N'est-ce pas le moment de porter ensemble, ces revendications : organisations syndicales, sociales, réseaux ( Attac, réseau contre la spéculation financière, Appel des six cents.), partis. !

N'est-ce pas, pour la Belgique qui présidera de juin à décembre 2001 le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement ou encore le Conseil Ecofin, le moment de " balayer d'abord devant sa porte " !

Denis Horman, membre d'ATTAC-Liège, animateur de l'Appel des six cents.
lie...@attac.org

Association pour une Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyens
www.attac.org


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