Bonjour,

Le Sommet des Amériques est à nos portes et fait couler beaucoup d'encre. L'accent est mis surtout sur les mesures de sécurité créant un effet de diversion par rapport aux vrais enjeux du Sommet. La Conférence religieuse canadienne, région du Québec (CRCQ), organisme représentant l'ensemble des premiers responsables des communautés religieuses de la province s'inquiète des négociations à huis clos entourant la ZLÉA ainsi que de leur impact sur le plan des politiques sociales. Dans une lettre ouverte au Premier ministre Jean Chrétien, elle fait appel à la transparence, à la démocratie et à l'équité.

APPEL À LA DÉMOCRATIE ET À L'ÉQUITÉ

LETTRE OUVERTE AU PREMIER MINISTRE DU CANADA JEAN CHRÉTIEN

Le 20 février, 2001

Monsieur le Premier ministre,

Il est minuit moins dix à l’horloge du Sommet des Amériques et la population canadienne ignore toujours le contenu des discussions visant la création d’une zone de libre échange des Amériques (ZLEA). À partir de son souci particulier des pauvres, la section québécoise de la Conférence religieuse canadienne s’inquiète à la fois de l’absence de débat démocratique sur ce projet et de l’impact de telles négociations sur les personnes et les familles dans nos sociétés.

Au moment, en effet, où votre gouvernement prépare sa participation au Sommet d’avril prochain, les gens d’en bas, même dans notre merveilleux pays, vivent dans un état croissant de pauvreté. Dans leurs circonscriptions respectives, à l’instar de tous les passants, vos députés et ministres croisent certainement des hommes et des femmes aux mains tendues, des jeunes sans avenir, des mères incapables de nourrir sainement leurs enfants. Vous savez sans doute que, selon les dernières statistiques sur la pauvreté au Canada, le nombre de familles et de personnes seules vivant avec un revenu inférieur à cinquante pour cent du seuil de pauvreté ont doublé entre 1989 et 1997. Pour cette tranche significative de la population, que peut vouloir dire le rêve canadien de prospérité fondé sur la globalisation des marchés?

Pour nous, religieuses et religieux du Québec, actifs au Sud comme au Nord, préoccupés par les inégalités économiques et sociales, partisans d’une vraie démocratie, le projet d’intégration continentale soulève certaines questions de fond que nous vous soumettons par la présente. Essentiellement, nous vous demandons de quelle intégration il s’agit, par qui et pour qui elle est conçue et fabriquée. Et nous faisons appel à la transparence, à la participation démocratique et à des résultats équitables pour les deux hémisphères.

Le plan d’action du Sommet précédent prétendait notamment à la préservation et au renforcement de la démocratie, de la justice et des droits de la personne, à l’éradication de la pauvreté et de la discrimination, en même temps qu’il projetait l’intégration économique et le libre échange continentaux. Un tel projet passera le test de la cohérence s’il favorise l’autosuffisance alimentaire dans chaque pays davantage que le dumping des pays riches, s’il garantit des conditions de travail comparables dans toutes les régions concernées par l’échange et s’il confirme la responsabilité des États en matière de politiques économiques, sociales et environnementales. Même si vous avez omis de tels engagements lors de votre récente campagne électorale, nous comptons que vous prendrez publiquement ces engagements devant la population canadienne.

Comment arriverez-vous cependant à prendre et à assumer de tels engagements si le projet est concocté, plus ou moins dans le secret, avec le seul partenariat connu, celui des milieux industriel, commercial et financier? Nous vous demandons instamment d’instaurer des mécanismes qui permettent un débat public sur le projet, impliquant toutes les composantes de la population particulièrement les groupes sur lesquels il risque de produire le plus d’impact.

Au nom de la démocratie, du droit, de la responsabilité publique et de la justice, nous vous prions, monsieur le premier ministre, de reconnaître et de considérer le point de vue et l’intérêt de la population qui vient de vous confier à nouveau la gouvernance de cette contrée.

Alain Fiset, RSV, président
de la Conférence religieuse canadienne,
région du Québec (CRCQ)

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