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Revendications pour une résistance signifiante : pour que l'acte de contestation ne traduise pas qu'un simple effet de modevieuxcmaq, Mardi, Février 6, 2001 - 12:00 (Analyses)
Jean-Philippe Pleau (jphilippe@webnet.qc.ca)
Il est important de poser un regard critique sur la résistance qui s'articule actuellement face à la mondialisation et d'en témoigner la faiblesse qui peut y être observée. Si une résistance signifiante semble souhaitée par plusieurs et souhaitable pour l'équilibre des forces démocratiques au sein de nos sociétés, ayons le devoir, en tant que collectivité, d'offrir à nos citoyens une information de qualité, juste et claire qui permettra aux consciences de sortir des eaux parfois troubles des étendues de vérités mensongères. Et ceci passe manifestement par la diffusion d'une éducation politique de base. La mondialisation n'est pas une réalité simple à saisir. Processus ou état, phénomène unidimensionnel ou multidimensionnel, phénomène récent ou non, bref, la mondialisation soulève une multitude de questions auxquelles un nombre considérable d'auteurs accordent actuellement une attention croissante. La problématique de la mondialisation prend depuis peu des allures d'embryon de débat de société. Celle de l'autre mondialisation aussi. J'entends par l'autre mondialisation celle qui, moins connue, concerne la consolidation des résistances mondiales, comme en témoignent les nombreuses manifestations entourant la tenue de chaque rencontre pour le développement de la mondialisation économique, culturelle, etc., dont l'exemple le plus connu, puisqu'énormément médiatisé, fut la réunion de l'Organisation mondiale du Commerce à Seattle. Pour l'occasion, créons donc un mélange explosif. Imaginons que pour écrire les lignes qui suivent j'aie procédé à l'observation du réel à partir de lunettes trafiquées : un verre permet d'atteindre la vision objective tant recherchée des sociologues, l'autre permet d'atteindre la vision du militant, celle de terrain, bref, celle que l'on nomme vision subjective. Consciences et âmes objectives sensibles s'abstenir. Il n'y a aucun doute, la résistance à la mondialisation s'articule présentement à un rythme considérable. Du coup, elle permet de mettre un bémol au discours sur la lassitude politique incroyable de notre jeunesse qui est souvent taxée de n'avoir d'intérêt que pour le plastique magnétique que sont les cartes de crédit. En outre, il suffit de lire les journaux pour s'en convaincre, les revendications qui s'articulent contre le discours de la mondialisation sont nombreuses et affirment le caractère néfaste de cette intégration économique, culturelle, etc., sur l'ensemble des sociétés. Dans cette perspective, plusieurs désignent ces revendications par «le mouvement antimondialisation». Vous avez dit antimondialisation? Le terme antimondialisation se retrouve à la une des grands journaux, sur les affiches des manifestants, dans les analyses socio-politiques du mouvement de contestation de la mondialisation, bref, il prend vie et intrigue beaucoup. Mais que désigne-t-il? À première vue, nous pourrions être tenté de croire qu'il signifie un rejet de la mondialisation. C'est là, d'ailleurs, le sens que lui donnent plusieurs manifestants et journalistes. Ouvrons ici une courte parenthèse. Si l'on accepte que la mondialisation soit un phénomène datant d'aussi loin que la diffusion des religions et l'époque des grandes explorations - ce qui est d'ailleurs le cas de plusieurs manifestants et de journalistes -, il apparaît plutôt farfelu, l'instant d'une seconde, de revendiquer la fin ou le rejet de la mondialisation. Ce serait, en quelque sorte, procéder à la renonciation de sa propre expérience humaine. Fin de la parenthèse. Selon une approche parallèle mais modérée, le mouvement antimondialisation renvoie parfois à la revendication d'une mondialisation politique, économique, culturelle, etc. qui serait balisée, saine et plus humaine. Dans ce cas-ci, il n'est pas question de rejet, mais plutôt d'adaptation, de terrain d'entente, de débat, bref, de démocratie. Et dans cette perspective, la nécessité de repenser le terme «antimondialisation» s'impose. En fait, rien de mieux qu'un terme juste pour désigner correctement une portion du réel. D'autres significations peuvent sans doute être attribuées au terme «antimondialisation». Mais celles présentées m'apparaissent les plus fréquentes. Dans un autre ordre d'idées, autour de la notion d'antimondialisation comprise comme rejet de la mondialisation «conventionnelle» planent quelques doutes quant à la qualité de la résistance qui y est articulée. Et ce, pour plusieurs raisons. Si les tenants du discours de l'autre mondialisation considèrent parfois l'univers médiatique comme des outils de «propagande» au service du capitalisme et orienté vers la désinformation plutôt que l'information, il n'en demeure pas moins que certaines revendications, analyses et critiques de la part de défenseurs de ce nouveau discours mériteraient parfois des nuances qui ne sont pas toujours apportées. Plus précisément, si certains condamnent parfois les médias de participer à la construction de réalités, la situation semble se produire également dans le discours «antimondialiste». Il suffit de lire les affiches de quelques manifestants et d'assister à certaines de leurs réunions pour s'en convaincre. Ainsi, le renforcement collectif de vérités mensongères et purement gratuites - par exemple, «les OGM tuent!», - court le risque de nous conduire vers une sorte de paranoïa illégitime d'où il devient difficile d'en sortir. Dans cette perspective, voilà donc pourquoi certains groupes préfèrent peut-être se tourner vers la diffusion d'une éducation politique de base afin de mettre en place les éléments nécessaires à la construction d'une conscience sociale éclairée. Dans un contexte où la mode - à tous points de vue - et la facilité semblent vouloir s'emparer de l'engagement politique et de la conscience sociale, il semble important d'offrir une telle éducation. Sinon, la résistance court le risque de devenir une fin plutôt qu'un moyen. De plus, en marge des «think-tank» ou des boîtes à penser comme l'Institut Fraser à Vancouver souvent critiquées par les tenants de l'antimondialisation semble se mettre en place, lentement mais sûrement, le même type d'appareil informationnel du côté du discours antimondialiste. À leur tour remis en question par les tenants de la mondialisation, ces nouveaux think-tank contribuent parfois à faire glisser le débat vers une lutte de construction de fausses réalités et participent ainsi, en compagnie des think-tank «officiels», à produire un glissement de sens du débat concernant la mondialisation. Parfois justes, parfois douteuses, les conclusions de ces appareils informationnels présentent souvent les caractéristiques d'outils de promotions idéologique plutôt que celles d'outils de connaissances orientés vers l'avancement des savoirs. Bref, toute cette dynamique risque d'offrir à nos sociétés d'interminables débats de vérités mensongères. Ce qui, sans doute, permet de poser l'hypothèse selon laquelle ce contexte d'obscurité et de complexité entourant le débat sur la mondialisation expliquerait en partie le désintérêt de la population pour la politique observé par plusieurs auteurs depuis quelques années. Le tout, bien sûr, ne pouvant être isolé et présenté comme la seule variable responsable du désintérêt observé. Les médias, le système d'éducation, etc., bref, d'autres variables pouvant bien sûr contribuer à l'explication de cette observation. Enfin, une anecdote particulièrement intéressante me pousse à croire que les fondements d'une résistance signifiante reposent sur la diffusion d'une éducation politique et populaire de base afin de rendre possible l'émergence d'une conscience sociale éclairée et autonome. Imaginez que vous assistez à une rencontre d'un groupe de militants antimondialistes. Dans l'espoir de contribuer positivement au débat, donc de le faire progresser plutôt que d'y mettre fin brutalement, vous vous permettez une intervention suite à certains propos tenus par un militant. S'il est plutôt bien vu de prôner la liberté d'expression chez les tenants de l'antimondialisation, sachez que la réalité est parfois déstabilisante. Ainsi, le simple fait de soulever certaines idées telles que la possibilité de survie des États-nations dans le contexte actuel de la mondialisation (plusieurs croient qu'ils sont déjà morts!), le fait que les investissements à l'étrangers des pays de l'Ouest en % du PIB sont actuellement semblables à ceux observés en 1913, etc., vous fait vite passer du camp «antimondialiste» à celui des défenseurs de la mondialisation néolibérale. En fait, c'est comme si la confrontation d'idées était devenue inacceptable. Bref, ce que j'ai voulu faire ici, c'est porter un regard sur la résistance qui s'articule face à la mondialisation et d'en témoigner la faiblesse qui peut y être observée actuellement. Si une résistance signifiante semble souhaitée par plusieurs et souhaitable pour l'équilibre des forces démocratiques au sein de nos sociétés, ayons le devoir, en tant que collectivité, d'offrir à nos citoyens une information de qualité, juste et claire qui permettra aux consciences de sortir des eaux parfois troubles des étendues de vérités mensongères. Et ceci passe manifestement par la diffusion d'une éducation politique de base. |
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