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La lutte des camionneurs du port de Montréal : Une lutte antinéolibérale qui s'ignorevieuxcmaq, Mercredi, Novembre 15, 2000 - 12:00
Marc Bonhomme (maison1@total.net)
Les salaires réels et les conditions de travail des camionneurs du port de Montréal n'ont rien de rose. Plusieurs camionneurs-artisans, déductions faites de leurs frais, gagnent, à l'heure, à peine plus que le salaire minimum. Plusieurs, à cause des longues heures passées dans la cabine de leur camion, souffrent de troubles circulatoires et de maladies de la vessie. S'ajoute, souvent, beaucoup de flexibilité et d'incertitude à propos des heures travaillées ou payées. Leur détermination et leur colère en sont le résultat. La lutte des camionneurs du port de Montréal : Une lutte antinéolibérale qui s'ignore Les salaires réels et les conditions de travail des camionneurs du port de Montréal n'ont rien de rose. Plusieurs camionneurs-artisans, déductions faites de leurs frais, gagnent, à l'heure, à peine plus que le salaire minimum. Plusieurs, à cause des longues heures passées dans la cabine de leur camion, souffrent de troubles circulatoires et de maladies de la vessie. S'ajoute, souvent, beaucoup de flexibilité et d'incertitude à propos des heures travaillées ou payées. Leur détermination et leur colère en sont le résultat. Leur lutte - en étaient-ils conscients ? - constituait une véritable déclaration de guerre contre le système de libre-échange à bien des égards. D'abord le bon marché du transport est au cœur de la réorganisation du système de production libre-échangiste basé sur la généralisation de la sous-traitance, y compris outre frontière, et sur la gestion des inventaires à flux tendu (just in time). Les autoroutes publiques deviennent les entrepôts des conglomérats… aux frais des contribuables, en empirant la sécurité routière et en aggravant l'effet de serre. Rien d'étonnant que selon le recensement du Canada de 1996 le camionnage soit devenu la principale occupation des hommes. Pour obtenir du pétrole à bon compte, l'impérialisme maintient sous son joug le Moyen-Orient d'où l'infanticide en Iraq et l'écrasement de la révolte nationale palestinienne. Mais, du point de vue des néolibéraux, à quoi servirait toutes ces barbaries pour contrôler le prix du pétrole, d'autant plus que ce contrôle connaît des ratées, si les prolétaires du transport en récoltent les bénéfices sous forme de meilleurs salaires et conditions de travail. Au contraire, ce serait à ces prolétaires d'encaisser les conséquences de la hausse des prix de l'essence d'autant plus que les vrais coupables, loin d'être les régimes arabes, sont les monopoles du pétrole qui en fusionnant à qui mieux mieux ont rationalisé les capacités de raffinage au point de créer des pénuries. Les trusts pétroliers ne veulent point se sacrifier pour l'intérêt de leur classe. Mais ils sont bien d'accord pour sacrifier les prolétaires. Le coup était d'autant plus difficile à encaisser pour les camionneurs que la déréglementation de leur industrie depuis au moins une dizaine d'années - autre avatar du néolibéralisme - avait à ce point exacerber la compétition tant entre les compagnies qu'entre les camionneurs eux-mêmes que leurs salaires et conditions de travail en étaient déjà rendus en deçà des limites de l'acceptable. La seule riposte légitime ne pouvait être que la syndicalisation pour faire jouer la force collective. Les camionneurs du port s'y étaient mis depuis déjà deux ans. Comme les camionneurs du port font face à plusieurs dizaines d'entreprises dites donneurs d'ouvrage dont aucune n'est à l'abri de la concurrence, la syndicalisation d'une seule entreprise ou d'une poignée d'entre elles ne pouvait que signifier leur mort rapide face aux concurrents. D'ailleurs la généralisation du statut de camionneur-artisan, qui tente de créer une illusion de petit propriétaire, n'est qu'une autre méthode de flexibilisation du travail en faux travailleur autonome dans le but de faire porter les risques de la conjoncture au prolétariat. D'où la nécessité d'une syndicalisation multi-patronale. D'ailleurs la généralisation néolibérale de la sous-traitance et des franchises impose ce mode de syndicalisation comme riposte adaptée au système de libre-échange. Faut-il s'étonner qu'il soit interdit. Faut-il s'étonner que ni le gouvernement fédéral ni celui de Québec ne puissent laisser s'installer la syndicalisation multi-patronale par la porte d'en arrière en accordant des accréditations simultanées comme tentait de le faire la CSN. Une telle attaque frontale du système de libre-échange ne pouvait que se heurter au mur du refus. Ottawa et Québec eurent tôt fait d'oublier leurs querelles constitutionnelles pour s'unir au patronat dans ce qui s'annonçait un pur combat classe contre classe que le statut d'entrepreneur artisan de plusieurs camionneurs ne pouvait masquer… jusqu'à ce que la direction de la FTQ joue au syndicalisme jaune en présentant sur le tard quelques accréditations isolées, économiquement invivables. Voilà où mène la dégénérescence néolibérale d'une stratégie de prétendue Fonds de solidarité qui a fait de la FTQ le principal investisseur de placements à risques au Canada. La direction de la FTQ, comme gestionnaire de fonds risqués, bien entendu encouragée par de généreuses mesures fiscales, en est venue à protéger et promouvoir le système de libre-échange dont la débandade précipiterait une crise de son Fonds de solidarité… avec le capital ! Au-delà du syndicalisme de combat La CSN n'en sort pas blanche comme neige pour autant. Ne tente-t-elle d'ailleurs pas d'imiter la stratégie des Fonds de la FTQ ? Elle avait crû que la bonne vieille recette du syndicalisme de combat du temps de l'âge d'or de l'État providence suffirait pour gagner la bataille. Elle n'a pas compris ou ne veut pas comprendre que le capitalisme néolibéral est une guerre de classe pour établir un nouveau régime d'accumulation du capital sur la base d'un prolétariat atomisé et soumis qui accepte tant la stagnation salariale et une intensité du travail à rendre malade qu'une disponibilité totale sous peine d'exclusion si ce n'est de misère. À moins de se contenter d'ajustements à la marge, parfois gagnables quand les affaires vont bien, noyés cependant dans un recul général, le combat contre le système de libre-échange ne peut marquer des points que s'il est politique. Il doit donc mobiliser au-delà des prolétaires directement concernés. Les directions syndicales doivent donc faire ressortir les caractéristiques générales d'une lutte particulière : · que la lutte des camionneurs favorise la syndicalisation multi-patronale pour que l'appuient activement, par exemple, les employées de MacDonald qui tentent justement de se syndiquer avec la CSN, et à travers eux les jeunes ; · que la lutte des camionneurs est contre la déréglementation pour que l'appuient, par exemple, les employées de la téléphonie et de l'aviation et même les environnementalistes ; · que la lutte des camionneurs est contre la flexibilisation du travail pour que l'appuient, par exemple, les travailleuses des services publics tout comme d'ailleurs celles du commerce de détail et de la restauration ; · que la lutte des camionneurs est contre la logique même du système de production libre-échangiste pour que l'appuient les femmes qui luttent contre la pauvreté et la violence de même que les jeunes qui luttent contre la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA). Que l'État s'en mêle en assénant aux camionneurs une loi matraque et en leur fermant la porte à l'accréditation fait du combat des camionneurs une lutte politique. Pour que, cependant, l'ensemble du prolétariat en saisisse la portée politique, il faut qu'il investisse le champ politique au nom de ses intérêts, qu'il s'habitue à faire de la politique de classe. Pour cela, il lui faut un parti politique dans lequel il se reconnaisse, parti qui propose une alternative au néolibéralisme. Combattre le néolibéralisme réellement existant C'est donc dire que la lutte contre le néolibéralisme doit dépasser l'insipide demande de transparence tout comme elle doit quitter les hauteurs vaporeuses des déclarations et manifestes radicaux tonitruants. En enfer et au ciel tout le monde est d'accord mais c'est sur terre que l'unité doit se faire. Les camionneurs, les travailleuses des services publics, les jeunes voulant étudier s'en s'endetter puis travailler dans la dignité, les femmes voulant en finir avec la pauvreté et la violence doivent tous se reconnaître dans le combat contre le néolibéralisme. La lutte contre le néolibéralisme impose de se rassembler massivement, dans la désobéissance civile, dans la grève, autour d'un programme de combat qui se base sur nos luttes sur le terrain et qui en propose la transcroissance antinéolibérale vers le socialisme. · Nous nous devons de réclamer, en plus de dire non aux coupures, aux privatisations, au remboursement de la dette et à la baisse des impôts, un réinvestissement massif d'au moins 10 milliards dès maintenant dans les dépenses sociales et environnementales. Ainsi ferons-nous le plein de ceux et celles qui luttent pour balayer les effets des coupures dans la santé, l'éducation, l'environnement, le logement social et le soutien du revenu des exclues. · En plus de dire non à la course vers le fond du baril imposé par la compétitivité néolibérale, nous disons oui à un salaire minimum d'au moins 8.50 $ dès maintenant et à une baisse du temps de travail sans perte de revenus suffisante pour que tous et toutes travaillent dans la dignité. Ainsi ferons-nous le plein des femmes et des jeunes qui veulent travailler dans la dignité. · Avec les camionneurs, en plus de dire non à la déréglementation, nous nous devons de réclamer le droit de se syndiquer, y compris la syndicalisation multi-patronale, de faire la grève, d'avoir des organisations populaires suffisamment et statutairement financés, d'avoir des élections intégralement proportionnelles et paritaires à tous les niveaux de sorte à être capable de contrôler les services publics et l'activité législative et réglementaire de l'État. Ainsi ferons-nous le plein de ceux et celles qui veulent construire la société par en bas, syndicalistes, environnementalistes et militantes des organisations populaires. · En plus de dire non aux luttes fratricides auxquelles nous pousse l'anarchie néolibérale, à la soumission des nations face au capital financier, à leur dépendance envers une poignée de grandes puissances, nous devons dire oui à une indépendance de libération nationale et sociale contre le chauvinisme canadien et contre la domination des nations aborigènes. Ainsi ferons-nous le plein du peuple québécois qui persiste à continuer à dire oui sous les coups du matraquage libéral et péquiste. · En plus de dire non à la libéralisation du capital soutenue par une ribambelle d'accords de libre-échange et de programmes d'ajustement structurel, nous disons oui à l'annulation de la dette du tiers monde, à l'abolition des paradis fiscaux et à la constitution d'une assemblée mondiale des peuples élue à la proportionnelle sur la base de l'égalité des genres et des nations, assemblée qui soit dotée d'un budget substantiel basé sur la taxation des transactions du capital financier et sur l'imposition des profits des transnationales afin de redistribuer les richesses de l'homme vers la femme et du Nord au Sud. · En plus de dire non aux partis néolibéraux, de l'Alliance canadienne et l'ADQ jusqu'au NPD et au Bloc en passant par les Libéraux, Conservateurs et PQ, il nous faut dire oui à notre parti socialiste, indépendantiste, féministe, écologiste et internationaliste. Aujourd'hui, ce parti c'est le PDS. Le PDS dit oui à l'unité de la gauche qui soit vraiment à gauche. Pour cela, nous disons oui à une candidature gauche unie dans l'élection partielle de Mercier comme étape vers un parti anticapitaliste et indépendantiste. Pour des camionneurs contre le néolibéralisme. Pour des anti-néolibéraux pour les camionneurs. Marc Bonhomme, 12 novembre 2000
Site web de cet hebdommadaire socialiste, féministe et indépendantiste.
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