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ATTAC, l’arnaque ?

vieuxcmaq, Samedi, Novembre 4, 2000 - 12:00

Groupe F.A. Nantes Le Monde Libertaire----------------------------- (monde-libertaire@federation-ana

Il était une fois le capitalisme. Il se mondialise, se globalise. Les firmes transnationales apparaissent comme les nouveaux maîtres d’un monde ouvert à leur quête de profits.

ATTAC, l’arnaque ?

Il était une fois le capitalisme. Il se mondialise, se globalise. Les firmes transnationales apparaissent comme les nouveaux maîtres d’un monde ouvert à leur quête de profits.

Concrètement, celles-ci exigent des États qu’ils cessent d’intervenir dans la machine économique, qu’ils appliquent les mesures libérales qui s’imposent et garantissent une « paix » sociale dans l’intérêt des firmes (en surveillant et réprimant de plus en plus sa population). Au fil du temps, l’économie capitaliste est passée de la logique de produire pour dégager des profits et rémunérer ses actionnaires, à celle de spéculer sur les monnaies et les fonds de pension et forcer les sociétés à dégager des profits exorbitants le plus rapidement possible. Cela explique pourquoi des firmes bénéficiaires appliquent des « plans sociaux » destinés encore et encore à abaisser le coût du travail et à garnir les poches de leurs chers actionnaires. C’est ce que l’on appelle le néolibéralisme.

Mais en n’utilisant que ce mot (ATTAC ne parle quasiment jamais de capitalisme), on cache sa propre contradiction politique. Les fondements du néo-libéralisme ou du capitalisme sont les mêmes : le droit d’exploiter les personnes, les matières… en dehors de toute autre préoccupation : environnement, sécurité, vie des salarié-e-s (santé…). Bannir le mot capitalisme de son vocabulaire est essentiel car cela reflète des positions idéologiques : cela sous-entend l’existence d’un capitalisme à visage humain. Mais aucune forme de capitalisme ne remettra en cause les fondements de cette logique de profit qui n’est qu’une logique d’aliénation et de mort.

La taxe Tobin, moins que du réformisme : un soin palliatif !

Cette taxe sur certaines spéculations a été imaginée en 1972. Elle connaît un succès important, à droite comme à gauche. En 1985 elle est remise sur la table par Chevènement. Mitterrand lui-même relance cette idée en 1994 au sommet social de Copenhague. Parmi ses soutiens on peut compter sur Conable (président de la Banque Mondiale de 1986 à 1991) mais aussi sur Delors, Pasqua, Balladur, Jospin (dans son programme de 1995)… « Elle réduirait la dimension des marchés de changes sans le paralyser. Elle agirait à titre préventif en rendant non profitables certaines opérations spéculatives sur les marchés de changes, et éviterait ainsi que se forment des attaques déstabilisatrices contre les monnaies. » (extrait de « Tobin ou not Tobin : une taxe internationale sur le capital » de Chesnais). En résumé, cette taxe n’est qu’une mesure qui permettrait de stabiliser les conditions d’exploitation, rendre le capitalisme viable. Forme d’impôt sur les « grandes fortunes », cette taxe (entre 0,05 et 0,1 %) n’est qu’une petite taxe sur les énormes bénéfices des grandes bourgeoisies et multinationales.

Avant même la création de l’association ATTAC, des libéraux/les défendaient ce principe pour éviter les conséquences d’une implosion sociale et d’une désespérance politique. Elle aurait même été présentée en premier lieu à un congrès de jeunes entrepreneur/ses dans cette optique ! Cette taxe ne serait donc même pas une mesure réformiste mais une soupape de sécurité pour le système. Tobin lui-même s’étonne de voir sa théorie présentée comme une réforme de gauche !

De plus elle soulève de nombreuses questions. À qui donner l’argent dégagé ? Au pays pauvres… à leurs dictatures ? aux bourgeoisies nationales ? Comment s’assurer de la juste distribution de cet argent ? Créer une commission ayant pour but de contrôler sa répartition ? Mais qui contrôlera cette commission ? C’est le cercle sans fin ! Et donner de l’argent « sous contrôle » aux pays pauvres, n’est-ce pas finalement soumettre ces pays aux impératifs économiques capitalistes, comme l’ont fait les États-Unis en 1945 avec le plan Marshall ?

État et citoyenneté

Grâce aux discours d’experts-e-s, qui nous ordonnent (sous le couvert de sciences économiques) les positions politiques à prendre, cette néo-social-démocratie prétend faire de la politique autrement, alors qu’elle ne fait que reprendre les vieilles thèses économiques keynésiennes : mythe interventionniste de l’État garant du pouvoir d’achat des consommateurs/trices. Au-delà des crises des politiques keynésiennes (1973…), cette idéologie est le pilier de la société de consommation et du salariat : il s’agit de produire en dehors de toute utilité sociale, quitte à justifier l’industrie du luxe, de l’armement… avec l’aval de l’État (qui se doit d’être loyal, républicain, citoyen).

Issus des classes moyennes intellectuelles (qui tire souvent ses revenus de son insertion dans les rouages de l’État: beaucoup de fonctionnaires, de salariés-e-s du tiers-secteur également de syndicalistes qui, depuis 1945, se sont toujours appuyés sur l’État pour régler les conflits les opposant au patronat) les partisan-e-s de cette social-démocratie sont donc très attachés-e-s à la figure de l’État national, intégrateur, régulateur, interventionniste. D’où la référence constante aux «citoyens », ces bipèdes libres et égaux entre eux.

Or cette démocratie bourgeoise née avec la Révolution française ne peut porter sur les fonds baptismaux que les « citoyens » disposant d’un capital culturel fort ; quant aux rejetons-e-s des basses classes qui parviennent dans l’hémicycle, on connaît depuis des lustres leur sort : ils-elles sont happés-e-s par la machine et oublient vite ce pour quoi ils ont été élus-e-s : « le système représentatif, loin d’être (une) garantie pour le peuple, crée et garantit, au contraire, l’existence permanente d’une aristocratie gouvernementale contre le peuple » (Bakounine).

Le comble de ce fouillis idéologique chez ATTAC est à chercher dans cette expression : « contrôle citoyen de la dictature des marchés » (ATTAC, occupation Vivendi, 1999) : non-sens idéologique, comment contrôler une dictature ?

Très souvent le PS, PCF, Verts, MDC s’associent aux manifestations d’ATTAC, comme lors des rencontres citoyennes du 7 octobre 2000. Il faut rappeler qu’il existe même un groupe ATTAC à l’assemblée nationale. Les « Rencontres citoyennes » sont des rencontres de gauche, pour le peuple de gauche, réformiste et social-démocrate, élitiste et bien pensant, ressortant les vieux discours d’il y a 20 ans. Régulièrement on entend ATTAC parler de « nation » ou d’« État souverain », discours bien connu de sans-papiers et responsable de leur situation.

Comment lutter avec les partis qui gouvernent !

Le Parti socialiste qui, en vingt ans, a gouverné plus d’une décennie notre belle patrie, qui a privatisé les entreprises publiques, qui a réconcilié les Français avec l’entreprise et marché main dans la main avec les multinationales, le PS sera présent. Le PCF et sa rhétorique productiviste et nationaliste, le PCF sera là. Le MDC et son républicanisme de grand-père aussi. Les Verts dont on ne sait plus s’ils sont contre le nucléaire avec fissure ou pour le nucléaire sans fissures, les Verts seront là. Bref ces « Rencontres citoyennes » sont le marche-pied sur lequel notre brave gauche essaie de se refaire une santé à quelques encablures d’une échéance électorale d’importance.

Mais comment diable peut-on lutter contre cette mondialisation capitaliste en s’acoquinant avec des formations politiques qui, une fois au pouvoir, ne montrent guère de zèle à s’attaquer à l’ordre du monde ?

Parfois, avouons-le, la politique, c’est magique ! De plus en plus, les États occidentaux travaillent main dans la main avec les multinationales, que ce soit à l’ONU, au Parlement européen (noyauté par les lobbyistes), pour déréglementer la société et s’offrir la part belle de nouveaux marchés (éducation, santé, UNEDIC…). Croire que c’est avec un État fort qu’on va renverser la vapeur est pure chimère : c’est l’État et les capitalistes qui la font cette vapeur. Malgré tout ATTAC, aura réussi (grâce au subterfuge de ne pas se présenter comme un parti), à réhabiliter un peu la politique et a réussi à mobiliser des gens qui ne seraient peut être pas présents dans d’autres conditions lors d’actions politiques. Aux personnes, militant-e-s ou non, de juger de la réelle efficacité des propositions d’ATTAC, des analyses proposées et des actions engagées !

Quelles luttes anticapitalistes ?

À travers l’ensemble des luttes quotidiennes, de la sphère privée à la sphère publique, notre lutte s’inscrit dans un long processus. Dans la lutte contre toutes les dominations, nous refusons le compromis, la cogestion. À travers les luttes où nous obtenons des droits, des améliorations sur nos conditions de vie, notre but est d’aller au-delà : de la dynamique de ces luttes auto-organisées sur des bases fédéralistes (mandatement, rotation des mandats, révocabilité…) doivent naître des prises de conscience. Des expériences et des débats au sein de ces mouvements émergent des projets, des convergences anticapitalistes. Les données n’évolueront qu’en fonction des rapports de force que nous sauront créer.

groupe F.A. Nantes
Le Monde Libertaire No1217 Hebdo de la Fédération Anarchiste



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