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La mondialisation des résistances et des luttes contre le néolibéralisme

vieuxcmaq, Mercredi, Octobre 18, 2000 - 11:00

Francois Houtart (houtart@espo.ucl.ac.be)

Dans tous les continents on assiste aujourd’ hui à un foisonnement de
mouvements sociaux, d’initiatives nombreuses dans les domaines
économiques et sociaux, de réactions culturelles à la désintégration
sociale, se manifestant par des courants nationalistes, régionalistes,
religieux. Bref, le champ social est parcourru au niveau mondial par une
série de remous extrêment divers et apparemment sans grands liens entre
eux.

Il est aussi frappant de constater que de plus en plus de ces
phénomènes sociaux debouchent sur une délégitimation du système
économique, car le capitalisme affecte visiblement non seulement les
intérêts des travailleurs inclus directement dans le rapport
capital/travail, mais des couches de plus en plus diverses des
populations mondiales, indirectement touchées par la logique du système
économique, c’est à dire par le biais des mécanismes financiers
(fixation des prix des matières premières, service de la dette, taux
d’intérêts, fuite des capitaux, etc.). Tous n’arrivent pas à ce niveau
de conscience, mais le phénomène est en croissance, comme on l’a vu à
Seattle, Washington, Genève, Prague, etc.

Mais la délégitimation ne suffit pas. Il faut avancer des alternatives
et il faut bien dire que dans ce domaine, le bouillonnement des
résistances et des luttes n’a pas produit grand chose qui dépasse la
micro-dimension. La chute du socialisme de l’Est européen et
l’intégration progressive de la plupart des régimes socialistes à
l’économie de marché, ne contribuent guére à éclairer les esprits. Les
nouvelles analyses qui commencent à être élaborées dans les milieux
intellectuels n’ont pas encore pénétré profondément au niveau de
l’action.

Afin de mieux comprendre la dynamique contemporaine des résistances et
des luttes, il est bon de rappeler brièvement comment la mondialisation
actuelle de l’économie capitaliste, sous sa forme néolibérale affecte la
situation les classes populaires du monde entier, sans exclure de larges
segments des classes moyennes.

1. Le processus contemporain de mondialisation capitaliste et ses effets
sociaux

Bien des moyens de communication sociale parlent des mouvements
anti-mondialisation, ce qui est un moyen, voulu ou non, de déplacer la
signification du problème. En effet, la plupart des réactions que l’on
relève, sauf les fondamentalismes nationalistes ou religieux ou encore
l’effervescence pentecotiste ou charismatique dépolitisante, ne
s’opposent nullement à l’universalisation des rapports humains, mais
bien à l’appropriation du phènoméne par les pouvoirs économiques.

1) Caractéristiques sociales de la mondialisation contemporaine

La mondialisation du capital et des décisions économiques affectent de
nombreux secteurs de la vie humaine. On sait ce qui en est sur le plan
strictement économique, mais il est bon de souligner la pénétration de
la logique du marché dans des domaines de plus en plus élargis de la vie
humaine, y compris l’éducation, la santé, la sécurité sociale, la
culture. La logique mercantile introduite dans ces domaines, affaiblit
leur caractère de droits humains progressivement conquis par les luttes
sociales pour les mette aux enchères de la solvabilité des individus.
Cette logique porte en son sein l’exclusion des pauvres ou, au mieux,
leur réduction à un objet d’assistance. Il n’est guère étonnant que, les
communications aidant, de plus en plus réagissent.

Les institutions que les luttes sociales des travailleurs avaient
réussi à faire infléchir, au moins partiellement, en leur faveur, font
aujourd’hui l’objet d’une reconquête par le capital. Il s’agit d’abord
de l’Etat, à la fois attaqué dans ses fonctions économiques et sociales
et réorienté au service des intérêts capitalistes et ensuite des
organisations internationales et de l’ONU, de plus en plus gouvernées
par les organismes financiers et commerciaux (Banque mondiale, FMI, OMC)
et véritablement colonisées par les entreprises multinationales.

Tout cela se situe dans la logique du processus d’accumulation et il
n’est pas nécessaire de recourir à une quelconque théorie du complot
pour l’expliquer. Le néolibéralisme n’est rien d’autre que la nouvelle
startégie du capital pour récupérer sa capacité d’accumulation, suite à
la diminution relative de productivité ayant conduit à l’épuisement du
modèle keynésien, suite aux nouvelles possibilités dont il dispose pour
recoloniser les économies de périféries et qu’il a pu augmenter aussi en
poursuivant les pressions contre toute tentative d’organiser l’économie
sur d’autres bases que les siennes. L’accélération du processus
d’accumulation a donc signifié une double offensive, contre le travail
d’une part et contre l’Etat de l’autre. A cet effet, tous les moyens
sont utilisés, économiques, culturels, politiques et militaires.

1) La multiplication, l’élargissement et la fragmentation des
résistances et des luttes

Leur multiplication s’explique par l’accroissement du nombre des
victimes collectives qui ne sont pas seulement celles intègrèes
directement dans un rapport capital/travail. Les rapports indirects dont
nous avons parlés, concernent des centaines de millions de personnes,
bien loin d’être toujours consciente du lien qui les unit au systéme
èconomique mondial, n’en ressentent pas moins les effets désastreux sur
leur existence. En effet, les liens de cause à effet sont bien peu
visibles et requiérent une analyse et l’application de l’abstraction aux
rèalitès concrétes, pour faire le lien, par exemple, entre le
monétarisme et la perte du pouvoir d’achat des masses populaires, entre
les paradis fiscaux et le sous-emploi.

L’élargissement des résistances résulte de celui des conséquences de la
mondialisation de l’èconomie capitaliste. La féministaion de la pauvreté
débouche sur la radicalisation des mouvements féministes, la destruction
et la privatisation des richesses ècologiques encourage la création de
groupes de défense de l’environnement, les destructions culturelles
suscitent des réactions défensives souvent rétrogrades, quand elles ne
sont pas accompagnées d’une analyse adéquate.

La fragmentation est le fruit des séparations géographiques et
sectorielles. Alors que le capital, surtout financier, qui a dominé la
phase néolibérale de l’accumumation capitaliste contemporaine, possède
de plus en plus les bases matérielles de sa reproduction sur un plan
mondial, les résistances sont encore principalement locales. Les
derniers événements ont révélé cependant une tendance aux regroupements,
mais il sont difficiles à cause du manque de moyens, même si l’internet
donne aujourd’hui de nouvelles possibilités de communications.

Quant à la fragmentation par secteurs, elle fait aussi partie des
conséquences de la logique du capitalisme. En effet, un grand point de
rupture se produit entre ceux situés socialement dans le rapport direct
capital/travail et ceux qui ne le sont que de manière indirecte. Les
intérêts particuliers des uns et des autres semblent très distincts, si
pas opposés, alors qu’ils se trouvent structurellement du même côté de
la barrière. Il y a d’ailleurs tout intérêt pour le capital de faire
apparaître comme antagoniques l’action des secteurs organisés du travail
(syndicats) et ceux qui proviennent du domaine informel ou de l’économie
souterraine. Il est en effet facile de parler des privilèges des
premiers face à la situation des seconds (la fameuse aristocratie
ouvrière). Les autres secteurs, les femmes, les peuples autochtones,
les petits paysans ou commerçants, les mouvements écologistes, les
associations culturelles, etc. paraissent bien étrangers à des luttes
qui se situent au niveau des rapports sociaux de production. Leur
hermétisme mutuel est très utile à l’hégémonie du marché et à ses
expressions politiques, car il est plus facile de développer une
stratégie de réponses/répression pour chacun d’entre eux que d’affronter
un ensemble cohérent.

Toutes ces résistances sont l’expression, dit-on, de la société civile,
mais il faut y ajouter de la société civile d’en bas. En effet, le
concept lui-même, si bien remis en valeur par Antonio Gramsci, a été
soigneusement récupéré, soit pour identifier les acteurs du champ
économique par opposition à l’Etat, soit limitant la société civile à
tout ce qui est bon et louable, c’est à dire les ONG, les associations
volontaires, les organisations religieuses, etc, alors qu’elle est le
lieu des luttes sociales. Pour une utilisation utile du concept, il faut
le rétablir dans son sens analytique.

Il est vrai que l’on assiste aujourd’hui, au sein de société d’en bas,
à un début de mise en commun intersectoriel. Cela s’est manifesté par
diverses réunions, comme nous l’avons déjà signalé. Parmi les
initiatives destinées à promouvoir cette idée et à l’approfondir
théoriquement, on peut signaler la réunion intitulée L’Autre Davos, qui
réunit en 1999, cinq mouvements sociaux importants des cinq continents
et de secteurs tout à fait différents : les Sans terre du Brésil, les
syndicats ouvriers de Corée du Sud, les coopératives agricoles du
Burkina Faso, le Mouvement des Femmes du Québec et celui des Chômeurs de
France. Organisée à l’initiative du Forum mondial des Alternatives,
d’ATTAC, du Comité contre l’AMI, avec le support du Monde Diplomatique,
elle réunit aussi un certain nombre d’analystes, tels que Samir Amin,
Francois Chenais, Riccardo Petrella, Suzan George, Bernard Cassen et
déboucha sur un ouvrage traduit en plusieurs langues .

2. Les stratégies de convergence

C’est intentionnellement que nous parlons de convergences au pluriel,
car c’est le processus qui semble le mieux correspondre aux besoins
actuels de résistances et de luttes à l’échelle mondiale. Nous
aborderons d’abord les types de convergences, pour parler ensuite de la
nécessité d’une stratégie.

2) Les types de convergence

C’est la multiplicité même des secteurs affectés par la mondialisation
contemporaine de l’économie, capitaliste correspondant à une nouvelle
phase de son processus d’accumulation, qui exige une articulation entre
les diverses forces de résistance. Il en résulte la nécessité d’une
convergence stratégique, afin de faire poids sur les décisions
collectives, principalement dans les lieux où ces dernières se prennent
institutionnellement. C’est ce qui s’est passé de facon embryonnaire
lors des réunions de l’OMC à Seatle, de la Banque mondiale à Washington,
du Sommet social des Nations unies à Genève, etc. Il reste encore un
long chemin à parcourir avant d’arriver à une convergence véritablement
stratégique et à cet effet, il sera nécesaire de construire les
instruments indispensables à une telle action, tels, par exemple, un
inventaire permanent des mouvements et de leurs réseaux, permettant,
grâce à l’internet, une connaissance mutuelle systématique et
l’organisation des contacts nécessaires.

Un deuxième type de convergence est celui exigé par la diversité des
points de vue et qui se manifeste par la création d’alliances sur des
points précis. Il s’agit ici de convergences tactiques, destinées à
poursuivre des objectifs concrets, au départ de point de vue différents.

Elles sont donc temporaires et peuvent réunir des organisations dont le
niveau de conscience est très divers. Pensons à la question de la dette
du Tiers monde, qui mobilisa aussi bien des regroupements politiques de
gauche que des Eglises parfois très conservatrices.

Ces constatations amènent à penser que l’idée d’un seul parti d’avant
garde qui serait le détenteur de toute la vérité, n’est plus de
circonstance. Mais ceci ne signifie pas un relativisme complet, qui
mettrait tout le monde sur le même pied et donnerait raison aux courants
postmodernes pour lesquels seule compte l’histoire immédiate des
individus et la particularité des situations. Voilà pourquoi une
stratégie doit être construite et constamment mise au point en fonction
de la définition d’objectifs précis.

3) Une stratégie en fonction d’objectifs clairs

On court aujourd’hui le danger d’une folklorisation de ce qu’on appelle
“l’anti-mondialisdation



Dossier G20
  Nous vous offrons plusieurs reportages indépendants et témoignages...

Très beau dessin: des oiseaux s'unissent pour couper une cloture de métal, sur fonds bleauté de la ville de Toronto.
Liste des activités lors de ce
« contre-sommet » à Toronto

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