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Rapatriement de l’assurance-chômage: un peu de rigueur SVP.Anonyme, Jeudi, Juin 14, 2012 - 08:30 (Analyses)
Hans Marotte
Des non-dits, des contresens, des aberrations administratives et légales, de la pensée magique, de l’ignorance (voulue et entretenue) et de la – très – petite politique, voilà à ce que nous avons droit de la part de ceux qui réclament le rapatriement de l’assurance-chômage au Québec. Voyons ce qu’il en est si on analyse de façon rigoureuse cette proposition. Nous avons vu dans les dernières semaines que le gouvernement conservateur de M. Harper voulait serrer encore davantage la vis aux chômeurs canadiens. Les modifications proposées, notamment en ce qui concerne la notion d’emploi convenable, auront de fâcheuses conséquences pour des dizaines de milliers de travailleurs à travers le pays. La lutte aux chômeurs plutôt que la lutte contre le chômage n’est cependant pas une création de M. Harper. Celui-ci ne fait que marcher dans les mêmes sentiers que ses prédécesseurs ont tracés depuis plus de vingt ans. Sans dresser un rigoureux tableau historique des attaques envers les chômeurs, rappelons simplement les principales « réalisations » des premiers ministres ayant pavé la voie à M. Harper et qui ont notamment eu comme conséquence de réduire le taux de couverture du régime de plus de 80% à moins de 50%. En effet, faut-il encore rappeler que moins d’un chômeur sur deux réussit à se qualifier pour des prestations. Pour en arriver à un tel résultat, voici comment nos gouvernements conservateur et libéral s’y sont pris. En 1990, Brian Mulroney a fait en sorte que le gouvernement canadien ne mette plus un sou dans la caisse d’assurance-chômage, celle-ci devant dorénavant se financer uniquement par les cotisations des employeurs et des travailleurs. Il a également instauré les exclusions totales pour départ volontaire ou congédiement pour inconduite. Jean Chrétien a continué le travail en augmentant de façon significative les seuils d’admissibilité aux prestations demandant jusqu’à trois fois plus de temps de travail pour obtenir le droit aux prestations. Il a également réduit le nombre de semaines de prestations auxquelles les chômeurs pouvaient avoir droit. Le montant des prestations a également été diminué. La devise de l’ère Chrétien pourrait se résumer à ceci: travailler beaucoup plus, pour recevoir beaucoup moins, pendant beaucoup moins longtemps. Paul Martin, quant à lui, a été le champion du détournement des fonds de la caisse d’assurance-chômage. Plus de 50 milliards de dollars prélevés auprès des employeurs et des travailleurs ont ainsi servi à d’autres fins que celle d’indemniser les chômeurs. Il n’y a donc rien de nouveau avec ce que le gouvernement Harper nous propose. Il continue ni plus, ni moins, le travail que les gouvernements canadiens, avec la bénédiction du patronat, font depuis plus de vingt ans. Nous sommes donc particulièrement surpris que depuis quelques temps, des voix s’élèvent pour revendiquer le rapatriement du régime d’assurance-chômage au Québec. Les tenants du rapatriement, le parti québécois en tête, prétendent qu’un régime québécois «[…] serait une véritable assurance pour les salariés. Il apporterait une solution à la pénurie de main-d’œuvre spécialisée et viserait une réduction à long terme des taux de cotisation des employeurs et des employés et les employeurs en sortiraient gagnants.» . Nous sommes extrêmement déçus qu’un parti politique « sérieux » fasse preuve d’aussi peu de rigueur dans son argumentaire pour convaincre la population du bien-fondé de sa démarche. Il est impossible que la pénurie de main-d’œuvre spécialisée soit réglée par le rapatriement du régime pour la simple et bonne raison que tout le volet développement de la main-d’œuvre de la caisse d’assurance-emploi a déjà été transféré au Québec depuis 1997. Ainsi, Québec est pleinement responsable de tout ce qui touche le développement de la main-d’œuvre depuis plus de quinze ans et reçoit toutes les sommes nécessaires à ce développement directement de la caisse d’assurance-emploi. Si le développement de la main-d’œuvre pose problème aujourd’hui, les seuls à blâmer sont les gouvernements des partis libéral et québécois qui se sont succédé pendant cette période. De prétendre que le rapatriement de la caisse règlerait les problèmes de pénurie de main-d’œuvre relève donc de l’ignorance de l’existence de cette entente ou de la mauvaise foi. On tente également de nous faire croire qu’un régime québécois « […] offrira un traitement décent, humain et efficace qui répondra aux besoins propres des chômeurs et des entreprises du Québec. » Cette tentative de faire croire que le Québec fera inévitablement mieux que ce qui se fait présentement à Ottawa n’est fondé sur aucune proposition concrète. Jamais dans ce qui est mis de l’avant, on reconnait que le véritable problème est que le gouvernement ne cotise plus au régime. Le malheur que vivent les chômeurs depuis plus de vingt ans tire sa source de la déresponsabilisation de l’État face à la problématique du chômage. Il est impossible d’avoir un régime décent sans contribution du gouvernement. Curieusement, le parti québécois fait complètement abstraction de cet aspect du problème. Finalement, la proposition du parti québécois occulte complètement l’aspect solidarité de la question. Les fondements du régime d’assurance-chômage sont ceux de la solidarité et de la redistribution de la richesse. Le régime a pour but de soutenir le travailleur qui est temporairement sans emploi. Celui qui cotise paye pour celui qui ne peut plus cotiser parce qu’il a perdu son gagne-pain. Les travailleurs des provinces où l’économie va mieux cotisent plus qu’ils ne reçoivent. Ceux des provinces en difficulté reçoivent davantage. Ainsi, pendant de nombreuses années, une province comme Terre-Neuve a profité largement du régime d’assurance-chômage parce que son économie ne pouvait soutenir une création d’emploi suffisante. Depuis quelques années, les travailleurs de cette province cotisent davantage au régime que ce qu’ils reçoivent en prestations, puisque la création d’emploi y est maintenant plus importante et c’est très bien ainsi. Qu’en est-il du Québec? Selon les dernières données disponibles (2006 à 2009), le Québec a été un bénéficiaire net relativement au régime d’assurance-emploi. Bon an, mal an, les travailleurs du Québec reçoivent entre 400 et 800 millions de plus que ce qu’ils payent en cotisations. Si on nous promet un régime plus généreux en le rapatriant au Québec, si le gouvernement québécois ne cotise pas au régime, si on promet des baisses de cotisations des employeurs et des employés, mais où diable va-t-on prendre l’argent? Un peu de rigueur, de grâce! Si le parti québécois veut véritablement rapatrier le régime d’assurance-chômage, qu’il engage un véritable débat rigoureux sur la question. S’il veut plutôt demander à Ottawa quelque chose qu’il sait très bien qu’il n’obtiendra jamais, pour se faire du capital politique dans sa perspective de « gouvernance souverainiste », qu’il ne prenne pas en otage les chômeurs. Ceux-ci ont une dure lutte à mener. Ne détournons pas leur énergie et leur attention. ______________ Communiqué de presse du Parti Québécois, LE PARTI QUÉBÉCOIS RÉITÈRE SON DÉSIR DE RAPATRIER LE RÉGIME D’ASSURANCE-EMPLOI, 28 mai 2012
site du MAC de Mtl. groupe de défense et d'information
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