La première chose à laquelle j’ai pensée lorsque la grève étudiante s’est déclenchée était d’y trouver l’implication des noirEs et des différents groupes ethniques de Montréal. En raison du fait que, pour moi, il était facile de voir le besoin de ne pas augmenter, mais bien éradiquer les frais de scolarité afin d’offrir à toutes et tous une chance égale à l’éducation supérieure.
Je sais que la hausse des frais de scolarité aura un impact direct sur les inscriptions des étudiantEs noirEs puisque nous sommes en moyenne un tiers plus pauvre que la moyenne de la population. En plus, de plus en plus de noirEs (plus spécifiquement les hommes) quitte l’école avant de graduer. Même si les noirEs obtiennent plus de diplômes universitaires, en moyenne, que le reste de la population québecoise, une étude de 2008 de l’Université McGill démontre qu’une personne noire qui gradue de l’université aura moins de chance de se trouver un emploi au Québec qu’une personne blanche n’ayant pas de diplôme d’études secondaires. Pire encore, les noirEs qui graduent des cycles supérieures universitaires (maitrise ou doctorat) gagneront 20 000$ de moins qu’une personne blanche diplôme équivalent. Je devrais également mentionner que les femmes gagneront bien moins que leur contrepartie, quoique je ne détienne pas les chiffres exacts.
En connaissant ces faits, il est impératif que les associations étudiantes doivent lutter plus ardemment contre ces inégalités auxquelles font face noirEs et groupes minoritaires.
La CLASSE (le groupe étudiant « qualifié » d’extrême-gauche) a adopté un mandat antiraciste, ce qui est une bonne étape. Par contre, une de mes collègues noire qui fait partie du syndicat d’un cégep membre de la CLASSE a récemment participé à une assemblée où elle s’est fait traiter comme une étrangère au moment de franchir la porte. Elle s’est fait demander si elle était perdue par l’un des hôtes – une question n’étant, évidemment, jamais adressée aux blancs et blanches présentEs. Je comprends qu’il s’agit-là d’un exemple isolé, mais il démontre bien, pour moi, la mentalité des membres qui sentent qu’il est anormal pour une personne noire de faire partie d’une organisation comme « La CLASSE ». J’imagine qu’il n’est pas nécessaire d’ajouter qu’aucune minorité visible ne prenait part à l’assemblée. Également, à travers ma participation dans divers groupes étudiants à Montréal, je ne vois que rarement des minorités visibles; plus souvent qu’autrement, il n’y en a aucune. Bien que les raisons derrière cette absence de minorités visibles impliquées dans le mouvement soient très complexes, le fait de n’avoir actuellement aucun porte-parole, pas même un seul dans ces différents groupes, qui provienne d’une minorité visible ou même de la communauté anglophone n’aide pas ces individus à prendre part à cette cause pour laquelle elles et ils devraient composer le fort.
Un autre facteur, plus particulier aux noirEs (et plus spécifiquement aux HaïtienNEs), est que nos parents nous ont toujours appris à étudier et à travailler fort, de façon à réussir dans la vie. Ceci est similaire à bien des communautés, mais la différence réside dans le fait que les parents de nos parents étaient très pauvres et ont dû travailler très fort pour envoyer leurs enfants à des écoles dispendieuses d’Haïti ou d’ailleurs. Ainsi, pour les Haïtiens et d’autres minorités, il est considéré normal d’augmenter les frais de scolarité de 82% pour préserver l’accès à une éducation de qualité. Sur le niveau politique, un autre facteur est que la plupart des immigrantEs des minorités visibles sont arrivéEs sous le gouvernement libéral du Canada et nombres d’entre elles et eux resteront loyales et loyaux jusqu’à la fin, peu importe l’agissement des libéraux. Il est aussi malheureux que plusieurs d’entre eux et elles resteront à la surface et verront que le PLQ (Parti Libéral du Québec) a quelques personnalités iconiques des minorités et en seront satisfaitEs. De plus, les différents partis ne viennent pas habituellement susciter l’intérêt des minorités visibles et, ainsi, sur le plan politique, beaucoup de noirEs restent déconnectéEs de ce qui se passe.
L’un des principaux problèmes, je crois, est qu’au moment de la défaite du référendum de 1995, le chef du Parti Québécois (PQ) Jacques Parizeau a dit : « Si nous perdons, c’est à cause de l’argent et du vote ethnique. » Ces mots, à ce jour, sème la peur dans la plupart des groupes ethniques du Québec. Parce que la signification qu’a pour eux et elles cette phrase est « Non seulement pensons nous que les groupes ethniques ne seront jamais Québécois, mais dans l’avenue où le Québec devient indépendant, vous ne serez pas les bienvenuEs. » Depuis, le PQ a durement essayé d’effacer cette mémoire des groupes ethniques, mais sans succès. La raison pour laquelle je mentionne ceci est qu’une bonne part des groupes ethniques associe le mouvement étudiant avec les Québécois francophones séparatistes; je crois qu’il en est vrai pour plusieurs d’entre eux, malgré que la plupart soit gauchiste avant tout. Mais les groupes ethniques se rappellent la citation mentionnée ci-haut.
Alors voilà quelques éléments entendus initialement dans ma communauté; depuis la loi 78, par contre, le débat a évolué. Je me rappelle que, durant la première grande manifestation du 22 mars, j’ai vu quelques minorités visibles, mais pas autant que durant la plus récente manifestation du 22 mai.
Un incident du 22 mars révèle l’ignorance ou insouciance de plusieurs étudiantEs. L’un des attraits principaux, que je n’ai pas vu personnellement puisqu’il s’agissait d’une manifestation massive, était un grand visage de Jean Charest porté par des étudiants ayant peint leurs visages en noir (i.e. : blackface) (http://quebec.huffingtonpost.ca/anthony-morgan/greve-etudiante-minorites...). Je n’arrivais pas à croire que les étudiantEs avaient réellement peint leurs visages en noir, spécifiquement après l’incident blackface d’il y a quelques mois à l’Université de Montréal (http://www.torontosun.com/2011/09/20/montreal-school-apologizes-for-blac...). Je n’arrivais pas non plus à croire qu’elles et ils aient marché tout le long de la manifestation sans que qui que ce soit ne leur dise que leur agissement était raciste.
Un autre incident est la populaire vidéo « Speak Red » fait par des étudiantEs supportant la grève. (http://www.youtube.com/watch?v=zkbBeQ21d1c ) C’est une excellente idée empruntée du texte « Speak White » de Michel Lalonde, qui dénonçait la mauvaise situation des francophones au Québec et a pris la forme d’une plainte collective contre les Québécois anglophones. Mais dans cette vidéo (Speak Red), il apparait plus de 25 personnes mais pas une seule minorité visible. Cette vidéo n’est pas très différente de toutes les autres que l’on voit encore et encore, avec, en avant-plan, seulement des blanches et blancs francophones. Ça laisse à plusieurs l’impression que le conflit est mené par un seul groupe homogène.
Devinez quoi! Vendredi dernier, lorsque j’ai vu que la Fédération Canadienne des Étudiants et Étudiantes supportait le mouvement québécois, c’était la première fois que je voyais une personne noire comme porte-parole pour un groupe étudiant – et c’était d’une communauté anglophone, d’Ontario – ouch.
La situation au Québec est très particulière, comme nous avons une minorité francophone vivant dans une mer d’anglophones. Bien qu’elles et ils veuillent légitimement préserver leur culture francophone, elles et ils ont souvent opprimé les autres minorités de par leur lutte. Pour ma part, je travaille fort à ma participation (4 à 6 manifestations par semaine) et organisation de multiples manifestations, spécifiquement à Montréal-Nord (une communauté très diverse ethniquement qui semble complètement déconnectée du mouvement étudiant). J’aimerais ajouter que depuis la loi 78, beaucoup plus de minorités se sont jointes aux manifestations puisque la loi viole plusieurs des droits contenus dans la Charte des Droits et Libertés. Par contre, ceux et celles en avant-plan demeurent malheureusement les mêmes. Je ne peux pas croire que personne de la communauté francophone n’aie remarqué cette absence de minorités visibles, mais personne ne lutte pour faire changer les choses. Je continuerai à combattre, de l’intérieur, contre les inégalités et la discrimination.
Je supporte le mouvement étudiant et son combat contre la loi 78 fortement, mais je souhaiterais que ce soit mon seul combat. Néanmoins, il semble que bien des étudiantEs, organisatrices et organisateurs, journalistes et autres aient également besoin d’éducation supérieure.
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