Multimedia
Audio
Video
Photo

Expulsion de Dany Villanueva : Quand la déportation équivaut à la peine de mort

lacrap, Mardi, Décembre 20, 2011 - 05:21

Depuis que Dany Villanueva a été convoqué devant la Commission de l’immigration des membres de sa famille vivant au Honduras sont menacés de mort.  Sa grand-mère a elle-même reçue la visite d’hommes armés chez elle à trois reprises.  Ces menaces ont récemment été mises à exécution lorsqu’un cousin de Dany a été tué au Honduras, une semaine après avoir été approché sur la rue par des inconnus qui l’avaient confondu avec lui.

Ce dernier texte d’une série de trois sur les procédures de déportation de Dany Villanueva vise à expliquer pourquoi celui-ci a de sérieuses raisons de craindre que sa vie est menacée au Honduras.

-

Le 21 avril 2010, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié prononça une mesure d’expulsion contre Dany Gilberto Villanueva Madrid pour « grande criminalité ». L’infraction de vol qualifié pour laquelle Dany fut reconnu coupable en avril 2006 rencontrait en effet les critères de la « grande criminalité » énoncés à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La mesure d’expulsion n’a pas encore été appliquée en raison de procédures encore en cours.

Compte tenu de l’importante médiatisation entourant toute cette affaire, nombreux sont les Québécois qui semblent avoir une opinion bien tranchée sur le renvoi de Dany Villanueva vers le Honduras.

Mais que sait-on au juste de ce petit pays d’Amérique centrale ? Que sait-on des circonstances qui menèrent au départ de Dany Villanueva du Honduras ? Que sait-on du niveau de violence qui règne dans ce pays ? Que sait-on des menaces de mort continuelles, des violentes invasions à domicile et autres agressions armées que subirent plusieurs membres de la famille de Dany Villanueva vivant au Honduras depuis que la Commission de l’immigration a mise en marche les procédures d’expulsion contre ce dernier ?

Le présent texte vise à apporter des réponses claires à chacune de ces questions.

* * *

Affirmer que le Honduras est un pays dangereux serait un euphémisme. Avec 82.1 meurtres par 100 000 habitants, le Honduras affichait le plus haut taux d’homicide au monde l’an dernier (en comparaison, celui des États-Unis était de 5 par 100 000 habitants). (1) En tout, 6236 personnes furent assassinées (2), ce qui est gigantesque pour un pays de 8 millions d’habitants, soit l’équivalant de la population du Québec. Imaginez si plus de 6200 meurtres survenaient en une année au Québec : on parlerait sûrement de guerre civile !

Et l’hécatombe semble loin d’être finie puisque la Commission nationale des droits humains prévoyait que le Honduras devrait terminer l’année 2011 avec un taux d’homicide à la hausse, avec 86 meurtres par 100 000 habitants. (3) Les autorités attribuèrent cette flambée de violence à l’implantation des cartels de drogue mexicains en Amérique centrale, ces mêmes cartels qui se font la guerre au Mexique, causant plus de 45 000 décès dans ce pays depuis 2006. À cela s’ajoutent les gangs de rue appelés maras, dont la réputation de férocité n’est plus à faire.

Mais la brutalité du crime organisé n’explique pas à elle seule pourquoi le Honduras est en proie à un tel déchaînement de violence. La présence de 800 000 armes à feu – un chiffre qui n’inclut pas celles qui sont aux mains de l’armée et de la police – y est sans doute pour quelque chose. (4) Mais aussi, voire surtout, il y a ces millions d’Honduriens condamnés à la misère. Pas moins de 68,9% de la population vit sous le seuil de la pauvreté, survivant avec moins de 2 dollars US par jour. (5) Voilà qui fait beaucoup de gens qui n’ont pas grand-chose à perdre.

C’est un système politique bien verrouillé qui maintient la majorité de la population dans une pauvreté aberrante. Ainsi, deux grands partis dominent la vie politique hondurienne depuis plus d’un siècle : le Parti libéral, fondé en 1891, qui bénéficie d’une bonne base en milieu urbain ; et le Parti national, créé en 1902 suite à une scission du Parti libéral et mieux enraciné dans les régions rurales. (6) À ces deux forces politiques s’ajoutent l’armée, une institution toujours influente qui imposa sa volonté à travers l’histoire hondurienne par des coups d’État à répétition.

Quant à elle l’économie, elle est encore basée en bonne partie sur l’exportation des matières premières (agriculture et bois)(7), la rendant ainsi vulnérable aux fluctuations des prix sur le marché mondial. Piégé par le cercle vicieux de l’endettement, les gouvernements honduriens ont souvent dû appliquer les plans « d’ajustement structurels » (privatisations, réduction des dépenses publiques, dévaluation de la monnaie nationale, etc.) imposés par le Fonds monétaire internationale (FMI) pour avoir droit à l’aide de la Banque mondiale.

Il y a bien eue une réforme agraire, lancée en 1962, puis étendue en 1974 jusque dans les années ’80, permettant l’attribution de parcelles à des milliers de familles de paysans sans terres. La réforme agraire demeura cependant inachevée en raison de la vive opposition qu’elle suscita tant chez les grands propriétaires terriens que les grandes entreprises de bananes américaines.

Pendant longtemps, ces multinationales firent et défirent les gouvernements honduriens, du coup d’État financé par la compagnie Cuyamel Fruit co., en 1910, jusqu’à la chute du président Oswaldo López Arellano suite à des allégations de versement de pots-de-vin de la part de la United Brands dans la foulée du scandale « Bananagate », en 1975. (8) L’expression « république de bananes » fut d’ailleurs inventée au Honduras par O. Henry (William Sydney Porter, 1862–1910), un écrivain américain en exil. (9)

Le Honduras hérita également d’un autre surnom peu flatteur : « la république du Pentagone ». C’est en effet à partir du territoire hondurien que la Central intelligence agency (CIA) organisa le coup d’État contre le président guatémaltèque Jacobo Arbenz Guzmán, en 1954. La CIA utilisa également le territoire hondurien pour orchestrer la désastreuse invasion de la baie des Cochons visant à renverser le régime cubain de Fidel Castro, en 1961. (10)

Durant les années ’80, le territoire hondurien fut encore une fois mis au service de la politique d’agression américaine, cette fois-ci contre le régime sandiniste au Nicaragua (29 000 morts) et lors de la guerre civile au Salvador (75 000 morts). (11) À la même époque, des escadrons de la mort honduriens formés par la CIA au Texas firent régner la terreur en persécutant les « subversifs », réels ou imaginaires, causant la disparition de 184 personnes. (12)

Lorsque, pour une rare fois de son histoire, un président hondurien décida de tenir tête aux États-Unis, il fut renversé par un coup d’État. En effet, en août 2008, le président Manuel Zelaya Rosales fit entrer le Honduras au sein de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA). (13) Fondée par le Venezuela et Cuba, l’ALBA regroupe la plupart des pays latino-américains dirigés par des gouvernements de gauche. Moins d’un an plus tard, soit le 28 juin 2009, Zelaya fut chassé du pouvoir par l’armée après avoir tenté de réformer la constitution. (14)

Quitter son pays pour sauver sa peau

Avant leur arrivée au Canada, Lilian Madrid et son mari Gilberto Villanueva vivaient au nord du Honduras, dans le département d’Atlántida, avec leurs cinq enfants. À ce moment-là, l’aînée, Patricia, avait 14 ans. Wendy, 13 ans. Dany, 9 ans. Lilian, 8 ans. Et Fredy, le « bébé » de la famille, n’avait que 5 ans.

Lilian et Gilberto cultivaient la terre à titre de membres d’une coopérative agricole. De grands propriétaires voulaient toutefois reprendre les terres de la coopérative. (15) « Les terres étaient données par le gouvernement et certaines personnes ont voulu les enlever », expliqua Gilberto durant son témoignage. « Ils menaçaient toujours de nous tuer, ajouta Lilian. On ne les croyait pas ». (16)

De telles situations se produisaient un peu partout à travers les régions rurales du Honduras suite à l’entrée en vigueur de la Loi de modernisation agraire, surnommé la « loi Norton », en référence au fait qu’elle fut rédigée par Roger Norton, un économiste de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). (17)

La « loi Norton » fut adoptée par le parlement du Honduras, en 1992, sous la pression des grands propriétaires terriens et du FMI. Cette législation remis en question les acquis de la réforme agraire en favorisant la concentration de la terre. Ainsi, la vente de parcelles obtenues en vertu de la réforme agraire fut légalisée, tandis que les limites aux dimensions des grandes propriétés furent abolies. (18)

De grandes familles de propriétaires purent donc se servir de cette loi pour accroître leurs possessions, en rachetant à bas prix les terres pourtant inaliénables des petits paysans et des coopératives. Des entreprises multinationales, comme la bananière Chiquita (autrefois appelée United Fruit, puis United Brands), en profitèrent aussi pour acquérir les meilleures terres cultivables.

Ainsi, cinq ans après l’adoption de la « loi Norton », Chiquita possédait plus de 3 millions d’hectares au Honduras. (19) Dans la seule vallée de l’Aguán, dans le département de Colón, 20 930 hectares des 28 365 qui avaient été octroyés aux paysans furent vendus. Dans plusieurs cas, ces ventes furent effectuées sous la pression d’hommes de main de grands propriétaires terriens qui n’hésitèrent pas à recourir à l’intimidation et aux représailles physiques pour faire céder les paysans récalcitrants. (20)

C’est précisément ce qui arriva à Gilberto Villanueva, en décembre 1995. « Un jour, je travaillais sur la terre. J’ai vu un groupe. J’ai eu peur je me suis cachée. Ils se sont approchés de mon mari », raconta Lilian durant son témoignage. Gilberto a été torturé. Il a eu la clavicule fracassée et deux bouts de doigt coupés. « Ils m’ont mutilé la main, à cause des problèmes pour la terre », déclara Gilberto.

Laissé pour mort par ses assaillants, Gilberto prit la décision de quitter le Honduras avec Lilian. « Je suis venu du Honduras pour sauver ma vie », témoigna le père de famille. « Je suis venue au Canada parce que mon mari a fait l’objet de deux tentatives de meurtre. Une fois, on a cru qu’il était mort. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de demander l’asile au Canada, parce que j’avais entendu dire que c’est un pays où on respecte beaucoup les droits de la personne. » (21)

En quittant leur pays, Gilberto et Lilian durent prendre la décision déchirante de laisser leurs cinq enfants derrière eux. « J’étais obligée de les laisser pour sauver notre peau », confia Lilian. « Ils sont restés avec la mère de mon épouse, après, avec la sœur de mon épouse », précisa Gilberto.

Ainsi, Lilian remis ses enfants à sa mère, Theodora Antunes, qui vit à Monte Negro dans le département d’Atlántida. Mme Antunes dû ensuite les remettre à la sœur de Lilian, Norma, qui elle vit à La Másica, une ville située à quelques kilomètres de Monte Negro.

« Ma sœur avait besoin de changer d’un endroit à l’autre, expliqua Lilian. Les gens qui voulaient tuer mon mari ont tenté de le retrouver. Ils ont mis feu à notre maison. C’est pour cette raison qu’il a fallu déplacer les enfants. » Dany conserve certains souvenirs de cette période pénible. « On se déplaçait partout pour notre sécurité », déclara-t-il durant son témoignage.

Lilian et Gilberto arrivèrent au Canada le 27 décembre 1995. Le couple s’installa dans un petit appartement dans le secteur nord-est de Montréal-Nord – le frère de Gilberto habitait déjà le quartier.

Le souci premier de Lilian fut d’obtenir l’asile pour ses enfants. « J’avais peur pour eux, car toute la famille était menacée », se rappela Lilian. Ainsi, durant les années suivantes, deux de ses frères perdirent la vie dans ces conflits de terres. Le plus âgé des deux fut tué alors qu’il tentait de protéger les enfants de Lilian et Gilberto. « Je pleurais tous les jours. Je craignais pour leur vie, je m’inquiétais pour eux. »

Lilian et Gilberto ne se laissèrent pas abattre et retroussèrent leurs manches en attendant d’être réuni avec leurs enfants. Au début, ils gagnèrent leur vie en faisant un travail avec lequel ils étaient déjà familiers : travailler aux champs, à cueillir des fruits et des légumes.

Le 25 mars 1997, Lilian et Gilberto se rapprochèrent de leur but en obtenant le statut de réfugié. D’ailleurs, ils ne furent pas les seuls à recevoir le statut de réfugié au Canada suite à des persécutions subies en raison de leur appartenance à une coopérative agricole au Honduras. (22)

L’année suivante, Lilian et Gilberto se virent octroyés la résidence permanente. Les cinq enfants arrivèrent au Canada le 5 décembre 1998. Dany était alors âgé de 12 ans. « Quand mes enfants sont arrivés ici, ma vie a changé, se remémora Lilian. Quand ils sont arrivés, ils m’ont suppliée de ne plus jamais les laisser seuls. Parce qu’ils avaient beaucoup souffert. »

« Je savais que leur vie ici était assurée. J’étais convaincue que, si j’avais mes enfants auprès de moi, je ne les perdrais jamais », croyait la mère de famille à l’époque.

Nouveau pays, nouvelle vie

À l’instar de nombreuses familles immigrantes, la famille Villanueva était très travaillante. Lilian Madrid et Gilberto Villanueva travaillèrent jusqu’à 16 heures par jour, notamment dans une manufacture de matelas, pour arriver à nourrir leur famille.

Par la suite, les enfants travaillèrent avec leur mère Lilian durant plusieurs étés dans les champs de Saint-Rémy, en Montérégie. « Je les emmenais travailler à la campagne pour ramasser des haricots », précisa Lilian.

Entre-temps, à l’instar de son frère et de ses sœurs, Dany se lança dans l’apprentissage du français, une langue qu’il ne connaissait pas au moment de son arrivée au Canada. Le bulletin scolaire de sa classe d’accueil faisait d’ailleurs état de commentaire élogieux de la part de son professeur de français.

« Élève charmant, qui possède un bon sens de l’humour, doit être rappelé à l’ordre à l’occasion, travaille bien, s’est beaucoup amélioré en français, bonne motivation, élève attachant, autonome et responsable, qui peut déranger à l’occasion, fourni un gros effort en français, manque un peu de concentration, fonctionne très bien, bravo, il a développé une belle assurance en classe, il est très apprécié des autres, travaille toujours bien même s’il se laisse distraire à l’occasion, bravo tu travailles bien, quel changement depuis le tout premier jour de son arrivée, ç’a été très agréable de l’avoir comme étudiant. » (23)

Comme bien d’autres jeunes, Dany se laissa tenter par la délinquance. Vers 2001 ou 2002, Dany, alors âgé d’à peine 15 ou 16 ans, se joignit à un gang de rue bien implanté dans le quartier où il vivait : la Blood Mafia Family (B.M.F.). Deux ou trois ans plus tard, il se fit faire tatouer l’acronyme B.M.F. sur son bras droit.

Le passage de Dany au sein de ce gang est d’ailleurs bien connu puisqu’il a été rapporté à maintes reprises dans les médias ces dernières années. Ce qui l’est moins est que Dany occupa aussi des emplois durant cette période.

Son premier emploi, obtenu en 2004, était dans une épicerie Métro. Il était emballeur et plaçait les articles dans les rangées. Il occupa cet emploi pendant plusieurs mois. L’année suivante, il travailla dans une compagnie de pièces d’avion. Son travail consistait à réparer et à nettoyer les pièces. Encore une fois, il occupa cet emploi pendant quelques mois. En août 2005, il suivi des cours pour obtenir une carte de compétence en construction.

C’est à cette même époque que Dany connut ses premiers démêlés avec la justice. En l’espace de six mois, il fut arrêté à cinq reprises, la plupart du temps pour des petits vols.

Comme on le sait, la procédure de renvoi mise en branle par l’Agence des services frontaliers du Canada repose sur une condamnation pour vol qualifié prononcée en avril 2006. Dany avait volé une chaine au cou à un jeune dans un parc de Montréal-Nord. Il n’était pas armé au moment du délit et la victime n’avait pas opposé de résistance. (24)

Comme Dany n’avait pas la citoyenneté canadienne, une telle condamnation l’exposait au risque de faire l’objet d’une mesure de renvoi vers le Honduras.

Durant son témoignage, Lilian expliqua pourquoi Dany n’a pu obtenir la citoyenneté canadienne. « Ils nous ont donné une mauvaise information, déclara-t-elle. Lorsque moi j’ai fait la demande pour avoir la citoyenneté canadienne, ils nous ont dit qu’on devait avoir la résidence permanente depuis cinq ans. »

Or, la loi prévoyait plutôt que la citoyenneté est attribuée à toute personne âgé de 18 ans et plus qui en fait la demande, en autant qu’elle ait résidé au Canada pendant au moins trois ans durant les quatre ans qui précédèrent la date de sa demande. (25)

Selon la loi, Dany aurait donc été en droit de recevoir la citoyenneté canadienne dès qu’il eut atteint l’âge adulte, en juillet 2004. Au lieu de cela, il fit sa demande l’année suivante, alors qu’il était en attente de procès pour le vol de la chaine au cou.

« J’ai fait la demande, j’ai fait l’examen, j’ai tout réussi, expliqua Dany durant son témoignage. J’ai eu des problèmes avec la justice, ça été comme gelé ».

« Ils ne lui ont pas donné la citoyenneté parce que Dany a dit à la personne à l’immigration qu’il avait une date de cour, indiqua Lilian. Ils lui ont dit qu’une fois qu’il aura passé en cour, il pourra avoir la citoyenneté ».

La demande de citoyenneté de Dany fut cependant annulée après qu’il plaida coupable à une accusation de vol qualifié, en avril 2006, qui lui valu une sentence de onze mois d’emprisonnement.

Après avoir purgé sa peine, Dany décida de quitter la B.M.F. Il avait d’autres projets en tête, comme celui de lancer une entreprise familiale avec son père Gilberto et son frère Fredy, en ouvrant un garage.

Chacun d’eux devait jouer un rôle précis dans l’entreprise. Gilberto devait s’occuper du débosselage. De son côté, Dany entrepris cours en mécanique automobile au Centre Daniel Johnson. Fredy quant à lui devait commencer un DEP en peinture automobile après avoir terminé ses études secondaires.

À ce moment-là, la famille avait déménagé de Montréal-Nord pour s’acheter une maison dans un quartier tranquille de Repentigny, dans l’est de l’île de Montréal.

L’avenir semblait donc prometteur pour cette famille hondurienne qui avait quitté son pays pour vivre en sécurité… jusqu’au jour où un drame inattendu vint tout bouleverser.

Le 9 août 2008, Fredy tomba sous les balles d’un agent du Service de police de la Ville de Montréal, à Montréal-Nord. Il était alors âgé de seulement 18 ans.

La mort tragique de Fredy Villanueva et l’émeute qui s’ensuivit à Montréal-Nord, eurent des échos jusqu’au Honduras. Certains membres de la famille Villanueva vivant au Canada furent même contactés par des journaux honduriens. Ainsi, le quotidien hondurien El Heraldo mena des entrevues au téléphone avec Patricia, Wendy et Lilian. (26)

Des brides d’informations furent également publiées au sujet des démêlés juridiques de Dany. Ainsi, le journal La Tribuna mentionna qu’un journal canadien avait rapporté que Dany était en liberté sous caution en attente d’un procès pour vol qualifié. (27)

La famille Villanueva ne croyait pas qu’un tel drame pouvait survenir, ici au Canada. « On croyait que ça serait mieux, affirma Wendy, une des sœurs de Fredy, on croyait qu’on trouverait la justice ici et que la police était là pour nous protéger ». (28)

« C’est sûr qu’on s’est dit que si on était resté là-bas, probablement qu’il serait encore avec nous autres, déclara Patricia à l’émission Enquête de la télé de Radio-Canada. C’est quelque chose qu’on ne peut pas savoir, mais c’est ça qu’on se dit aussi. » (29)

« Pour moi, mes enfants... sont toute ma vie, ajouta Lilian. Si je pouvais remonter dans le temps, revenir trois ans en arrière, j’aurais préféré rester au Honduras avec mes enfants et mon mari et que l’on nous tue tous ensemble. J’aurais préféré mourir avec eux », affirma Lilian à une journaliste de La Presse, en janvier 2011. (30)

« Il existe encore votre rêve nord-américain ? », demanda un journaliste de Radio-Canada. « Bien là, des rêves, il y en a bien qui sont partis avec Fredy », répondit Patricia. Parmi ces rêves détruits figurait le projet d’ouvrir un garage familial. Dany trouva tout de même le courage de terminer son DEP en mécanique automobile, quelques mois plus tard.

C’est également suite au décès de son frère Fredy que Dany fit disparaître son tatou B.M.F., en se faisant faire un autre tatou par-dessus. « J’ai fait une croix en sa mémoire », précisa Dany durant son témoignage à l’enquête du coroner.

Des gangs honduriens « Made in L.A. »

Entre-temps, le Honduras s’enfonçait dans une nouvelle spirale de violence, cette fois-ci liée à l’émergence du phénomène des maras, ces gangs de rue dont les membres, appelés mareros ou pandilleros, se distinguent par l’abondance de leurs tatouages.

Fait particulier, la Mara Salvatrucha et la Mara 18, les deux plus importants gangs du Honduras, prirent d’abord naissance à des milliers de kilomètres de ce pays, soit dans les rues de Los Angeles, dans le sud de la Californie.

Si le gang 18th Street, ou Mara 18, fut créé vers 1960, son membership monta en flèche durant les années ’80 avec l’afflux d’immigrants de l’Amérique centrale dans les quartiers de Pico-Union et Westlake de la « cité des anges ». Les « 18th Streeters » accueillirent à bras ouverts ces nouveaux venus, à la fois rejetés et agressés par des gangs Chicanos. (31)

Quant à la Mara Salvatrucha, aussi appelée MS-13, elle fit son apparition durant les années ’80, alors que la guerre civile faisait rage au Salvador, entrainant le déplacement de près d’un million de personnes, dont la moitié se réfugia aux États-Unis. La MS-13 entra rapidement en conflit avec le gang du 18th Street à L.A., une rivalité qui perdurerait encore aujourd’hui.

À la même époque, les bandes de jeunes demeuraient un phénomène avant tout urbain et plutôt marginal au Honduras. Ce n’est qu’à partir de 1984 que les autorités commencèrent à exprimer publiquement de l’inquiétude au sujet des bandes de jeunes, dont les activités se résumaient à la consommation de drogues et aux bagarres de rue. (32) En 1986, la capitale nationale du Honduras, Tegucigalpa, comptait 23 pandillas. (33)

Le phénomène de bandes attira de plus en plus l’attention durant les premières années des années ’90. (34) En 1993, les autorités dénombraient 45 bandes regroupant 1100 membres à Tegucigalpa. À San Pedro Sula, principale ville industrielle du pays, on recensait 900 membres de bandes, dispersés à travers 40 pandillas. (35) C’est aussi en 1993 qu’un nouveau gang fit son apparition au Honduras : la Mara 18. (36)

La visibilité accrue des gangs au Honduras coïncidèrent avec l’intensification des opérations de l’escouade antigang du service d’immigration des États-Unis (Immigration and naturalization service, ou INS).

En effet, suite aux émeutes dans l’affaire Rodney King qui secouèrent Los Angeles en 1992, les immigrants latinos judiciarisés, incluant des membres de la MS-13 et de la 18th Street, furent de plus en plus nombreux à être déportés au Honduras et ses pays voisins. (37) Ainsi, de 1992 à 1996, pas moins de 9497 personnes originaires du Honduras furent expulsés vers leur pays natal. (38)

Mais ce n’était là qu’un avant-goût. En 1996, le Congrès américain adopta une loi ouvrant la porte aux déportations massives. Intitulée Illegal Immigration Reform and Immigrant Responsability Act, cette loi draconienne prévoit de bannir à vie des États-Unis toute personne n’ayant pas la nationalité américaine et ayant été condamnée à une peine d’au moins une année de prison, y compris avec sursis.

De plus, l’interdiction de territoire est rétroactive et ne prévoit pratiquement aucune possibilité de faire appel. Et ce, peu importe si le candidat à l’expulsion vivait aux États-Unis depuis son bas-âge, comme c’est souvent le cas, et ne parle pas, ou si peu, la langue de son pays natal.

C’est ainsi que le pays de l’oncle Sam se mit à exporter massivement des gangsters « Made in USA » aux quatre coins de la planète. Tant et si bien qu’en 2002, plus de « délinquants étrangers » furent expulsés des États-Unis en cette seule année qu’entre 1905 et 1986. En 2003, une expulsion avait même lieu en moyenne à toutes les sept minutes. (39)

De tous les pays de l’Amérique centrale, le Honduras fut celui qui reçut le plus grand nombre d’immigrants expulsés, soit 106 826 personnes entre 1998 et 2004, contre 87 031 au Salvador et 64 312 au Guatemala, un pays pourtant plus peuplé. (40) D’autres chiffres indiquent que la condamnation à peine de prison aux États-Unis constituait le motif de déportation dans 28,75% des cas d’expulsion vers l’Amérique centrale durant cette même période. (41)

À en croire le consul du Honduras à Los Angeles, Julio Raudales López, les repris de justice y seraient largement majoritaires parmi les expulsés honduriens. « Dans ce pays, presque toutes les déportations de Honduriens eurent lieu, non pas parce qu’ils étaient des illégaux, mais parce qu’ils avaient commis un crime. » (42)

Pour le père Morataya, qui dirige un centre de réinsertion à San Salvador, l’arrivée de ces « durs » en quantité industrielle fut déterminante dans l’explosion du phénomène mara. « Ils sont venus avec une autre langue, des tatouages, des vêtements à la mode et la réputation d’un pays qui ici fait rêver jusque dans les campagnes. Pour les jeunes Salvadoriens, victimes de la pauvreté, sans éducation, sans perspectives d’avenir ni travail, ils sont apparus comme des dieux. C’était un terrain idéal pour la reproduction de leurs maras prédatrices », expliqua-t-il. (43)

Ces remarques valent évidemment aussi pour le Honduras, où 16% des enfants et adolescents de cinq à dix-huit ans déclarait vers la même époque ne rien faire, ni travailler ni aller à l’école. (44)

Comble de malheur, alors que les États-Unis déversaient son flot de d’expatriés judiciarisés dans sa cour, le Honduras fut frappé par l’une des pires catastrophes de son histoire.

En effet, en novembre 1998, l’ouragan Mitch causa la mort de 14 000 personnes et deux millions de sinistrés, détruisit 90 ponts et rendit impraticable environ 70% du réseau routier, balaya 70% des cultures de bananes et de café, principales sources d’exportation, ainsi que les trois quarts des récoltes des paysans. Autre conséquence : la population de jeunes de la rue du Honduras doubla. (45) Laissés à eux-mêmes, une partie de ces jeunes démunis se greffèrent aux maras.

« Nous renvoyons des criminels sophistiqués dans des sociétés non-sophistiquées, non-industrialisées », déplora Al Valdez, assistant au district attorney du comté d’Orange, en Californie. « Les autorités locales sont dépassées », ajouta-t-il, citant en guise d’exemple le cas d’un détective de San Pedro Sula qui devait enquêter à lui seul 139 dossiers d’homicides reliées aux maras. (46)

Aussi, les effets à la fois désastreux et prévisibles de la politique américaine de déportation massive ne se firent pas attendre au Honduras. Le taux d’homicides par 100 000 habitants ne cessa de grimper, passant de 24.52 en 1992 (47), à 35.44 en 1996, puis à 46.31 en 2000. (48)

L’univers des bandes de jeunes fut modifié de fonds en comble, voire « s’américanisa », tant et si bien que certains chercheurs, comme Wim Savenije, se mirent désormais à parler de « gangs de rue transnationales » (49), ce qui ne fait toutefois pas l’unanimité. (50)

Face à des gangsters aguerris qui firent leurs premières armes à Los Angeles, réputée être la « capitale américaine des gangs de rue », les bandes locales du Honduras durent choisir entre l’intégration ou la désintégration.

Selon la police préventive du Honduras, en 1998, il ne restait que deux gangs au Honduras, la Mara Salvatrucha et la Mara 18. (51) D’une part, plusieurs bandes furent dissoutes tandis que leurs membres adhérèrent à l’une ou l’autre de ces gangs de rue. (52) D’autre part, des bandes locales bien établies s’adaptèrent à la nouvelle donne en prêtant allégeance, soit aux « 13 », soit au « 18 ». (53)

C’est ainsi que le phénomène mara se développa à une vitesse foudroyante au Honduras, prenant même des proportions épidémiques au début du troisième millénaire.

Les chiffres publiés en août 2001 dans les pages du quotidien El Tiempo, basé à San Pedro Sula, donnent d’ailleurs le vertige : les maras du Honduras compteraient 90 000 jeunes et 300 000 supporters ! (54) Des chiffres qu’il faut tout de même prendre avec un grain de sel car, un mois plus tôt, le même journal écrivait que le pays comptait 40 000 mareros, soutenus par 120 000 sympathisants… (55)

Bien que les chiffres sur les maras varient souvent d’une source à l’autre, un fait demeure : le Honduras est le pays où le nombre de mareros est le plus élevé. Selon le ministère de la Sécurité publique, le Honduras comptait 65% des mareros de toute l’Amérique centrale. (56)

On se rappellera par ailleurs que le Honduras est aussi le pays d’Amérique centrale qui dû accueillir le plus grand nombre d’immigrants expulsés des États-Unis durant cette même période où le phénomène mara prit racine. La corrélation entre la politique d’expulsion américaine et l’émergence du phénomène mara hondurien ne fait donc aucun doute.

Cette explication s’impose d’autant plus que le Honduras n’a pas connu de guerre civile durant les années ’80, comme ce fut le cas au Salvador et au Guatemala, de sorte que, contrairement à ces deux pays, on ne peut attribuer l’essor du phénomène mara à la démobilisation de soldats et de guérilleros qui se retrouvèrent souvent sans travail après la signature d’accords de paix au début des années ’90.

Aux yeux de certains dirigeants, le phénomène mara su d’ailleurs remplacer le « spectre du communisme » qui avait servit de prétexte aux conflits armés qui ensanglantèrent les voisins immédiats du Honduras à l’époque de la guerre froide.

« Les maras sont une menace de déstabilisation plus immédiate que n’importe quelle guerre ou guérilla conventionnelle », déclarèrent en effet les chefs d’État de l’Amérique centrale lors d’un sommet à Tegucigalpa, en septembre 2003. (57)

Quand il est question des maras, il est parfois difficile de différencier le vrai du faux entre les discours sensationnalistes des médias, les déclarations alarmistes des politiciens et les informations contradictoires des corps policiers.

Chose certaine, l’émergence du phénomène mara s’accompagna d’une vague de violence extrême, laquelle n’épargna pas les membres des familles Villanueva et Madrid vivant au Honduras.

Herlinda Antunes, une cousine-sœur de la mère de Lilian Madrid, perdit son fils Carlos Arturo après que celui-ci se soit fait tuer par des mareros à La Ceiba, capitale du département d’Atlántida, en 2003.

En 2005, des mareros de La Másica passèrent à tabac Jose Luis, un neveu de Lilian, à La Másica, parce que celui-ci ne voulait pas se joindre au gang. Apprenant que Jose avait survécu au tabassage, les mareros se lancèrent à sa recherche. Ils se rendirent chez sa sœur. « On va laisser un message à Jose », lui dirent-ils. Puis, ils la violèrent, alors qu’elle était seule chez elle, avec les petits enfants.

Par la suite, les mareros demandèrent à Marco Tulio Madrid, un neveu de Lilian, de les aider à retrouver Jose. Au lieu de se plier à leur demande, Marco quitta La Másica pour aller vivre chez sa mère, à Tegucigalpa.

Quelques semaines plus tard, une personne vint voir Marco chez sa mère, lui disant : « Vient avec moi, c’est urgent, il faut que tu m’accompagnes ». Fatigué par sa journée de travail, Marco se montra peu enclin à le suivre. Mais devant l’insistance de l’individu, Marco accepta. Il alla voir sa mère et lui dit : « Je vais aller faire un tour ». Ce fut la dernière fois qu’elle vit son fils en vie.

Le lendemain, la mère trouva le corps de Marco à la morgue. Âgé de 18 ans, Marco fut abattu d’une balle dans le dos. Son frère Juan Carlos Madrid lança alors sa propre enquête dans le but de savoir qui étaient les auteurs du meurtre de Marco. Mais il fut à son tour assassiné peu après.

Un tel acharnement pourra peut-être surprendre les lecteurs qui sont peu familiers avec le phénomène mara. Au Honduras, les mareros ont cependant la réputation de finir ce qu’ils commencent. « Il existe une forte culture axée sur les "représailles" ou la vengeance au sein des gangs », écrivit Luis Carillos, gestionnaire des programmes pour les jeunes du Hispanic Development Council, à Toronto. (58)

« Une "insulte" à l’endroit d’un membre du gang est vue comme une "insulte" visant le gang tout entier et, à ce titre, les autres membres peuvent cibler la personne qui semble avoir fait du tort à un "frère", continua Castillos. Dans ce cas, la chasse au "délinquant" est ouverte, ce qui veut dire que ce dernier peut être abattu dès qu’il est identifié. Ici, l’ouverture de la "chasse" est un arrêt de mort prononcé contre une personne, qui peut être tuée à n’importe quel endroit où se trouve une "clicka" – un chapitre – du MS-13 au Honduras. »

L’histoire d’Alvarez Castaneda est à ce titre révélateur. Incapable de verser une somme d’argent réclamée par le MS-13, Castaneda fut battu à l’aide de différents outils. Puis, les mareros firent feu sur lui à au moins quatre reprises et le laissèrent pour mort. Après avoir passé un an dans le coma, Castaneda quitta le Honduras. « S’il retourne au Honduras, les membres de la bande ne se contenteront pas de le harceler pour lui prendre son argent; ils chercheront à le tuer parce qu’il représente l’incapacité de la bande à tuer les personnes qu’elle cible. De fait, il est la preuve vivante de leur incompétence », écrivit la Cour fédérale. (59)

Tolérance zéro « Made in New York »

Naturellement, les maras firent rapidement l’objet de la vindicte populaire, mais aussi tout ce qui leur fut associé, à tort ou à raison. Ainsi, les honduriens revenant au pays après avoir été déportés des États-Unis suscitèrent souvent la méfiance tandis que les tatouages, devenus synonymes de maras dans l’esprit de plusieurs, inspirèrent immédiatement les soupçons.

La discrimination contre les tatouages se généralisa, prenant toutes sortes de formes. Les tatous de gangs devinrent un obstacle à l’obtention d’un emploi ou à l’éducation scolaire (60), poussant ainsi davantage les membres de maras vers la criminalité et la marginalisation.

Pire encore, les personnes tatouées devinrent l’une des cibles de prédilection des policiers. Prétextant du fait que la majorité des mareros sont couverts des tatous, les policiers se mirent à se servir de l’article 332 du Code pénal du Honduras, sorte de « loi antigang », pour détenir de jeunes gens tatoués, en particulier dans les régions pauvres du pays. (61) Ainsi, le simple fait de porter un tatou au Honduras pouvait désormais entrainer un séjour en prison. (Notons qu’une loi semblable fut déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême du Salvador en 2004). (62)

Sur la scène politique, le discours sécuritaire devint payant, pour ne pas dire incontournable, électoralement. Ainsi, en novembre 2001, le candidat du Parti national Ricardo Maduro Joest, un ancien président de la Banque centrale du Honduras et dirigeant d’un gigantesque empire industriel familial, fut élu à la présidence de la république après avoir fait campagne sur le thème de la lutte à la délinquance.

Le président Maduro en fit d’ailleurs une affaire personnelle, son fils aîné, Ricardo Ernesto, 25 ans, ayant perdu la vie des suites d’une blessure par balle subie lors d’un enlèvement à San Pedro Sula, en 1997. (63) D’ailleurs, une fois au pouvoir, il dirigea même personnellement une vaste opération policière contre des maras. (64)

Pour Maduro, la criminalité serait le principal obstacle au développement de l’Amérique latine. Tirant son inspiration de l’approche « tolérance zéro » du maire newyorkais Rudolph Giuliani (65), le président Maduro lança sa propre politique en la matière, appelée « Mano Dura » - littéralement, la « main ferme ». « J’ai vu comment ça fonctionnait à New York, et j’ai aimé ça », déclara Maduro à un journaliste américain. (66)

La « guerre à la criminalité » fut donc déclarée dès le début de son mandat. Des milliers de policiers, mais aussi de soldats, furent déployés dans les rues, à patrouiller les « quartiers chauds » et les artères commerciales achalandées. Les jeunes au look « suspect » furent systématiquement interpellés et fouillés. Pendant un temps, les mareros adoptèrent le profil bas.

Le fait que l’armée fut elle-même appelée à la rescousse fut révélateur en soi : avec 6500 policiers à l’échelle nationale, les forces constabulaires ne faisaient vraiment pas le poids face aux vastes contingents de mareros. (67) « On est trop nombreux pour qu’ils puissent tous nous enlever de la rue », prédit un membre de la Mara 18. (68)

Le gouvernement Maduro adopta aussi une série de lois répressives, comme la « loi de police et de coexistence urbaine » qui rends les parents responsables et solidaires de tout dommage causé par leurs enfants et donnant le pouvoir à la police de détenir tout jeune circulant dans un secteur qualifié de « zone à hauts risques », et même de confisquer tout l’argent qu’il porte sur lui puisque, aux termes de la loi, il pourrait être utilisé pour acheter des armes ou de la drogue ! (69)

La plus connue de toutes ces lois est sans contredit la « loi contre les bandes d’enfants », qui est en fait une réforme du fameux article 332 du Code pénal. Maduro résuma ainsi la philosophie derrière cette réforme : « Au lieu de prendre le long chemin de l’accumulation des preuves pour le type de crimes commis, on a décidés de rendre illégale l’appartenance aux gangs ». (70)

Adoptée à l’unanimité par le parlement en août 2003, la réforme augmenta drastiquement les sentences minimales et maximales pour « association illicite ». Ainsi, « les chefs de pandillas » risquèrent désormais une peine allant de 9 à 12 ans d’emprisonnement (hausses respectives de 300% et de 200%), tandis que les « autres membres du groupe » firent face à des sentences allant de 6 à 8 années de réclusion (hausses respectives de 600% et de 266%). (71) À cela, s’ajouta des amendes pouvant atteindre jusqu’à 200 000 Lempiras, soit l’équivalent de 12 000 dollars US.

Seize mois après l’adoption de cette réforme, pas moins de 3319 personnes furent détenues (dont 24% de mineurs) en vertu de l’article 332. La capacité de détention des centres d’internement pour adolescents délinquants fut même augmentée de plus de 300% suite à la réforme. (72)

Quand l’ex-sénateur américain Tom Hayden visita un centre de détention juvénile hondurien, il rencontra 30 adolescents partageant une cellule de 30' par 20', mais dépourvue de toilette. « On doit attendre jusqu’au matin », expliqua l’un des détenus, lesquels devaient aussi affronter une épidémie de varicelle. (73)

Dans les médias, la chasse aux mareros fut aussi déclarée ouverte. Le ton employé dans certains journaux inquiéta particulièrement la Rapporteuse spéciale de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, Asma Jahangir.

« Il est alarmant de constater qu’un secteur de la presse hondurienne ait coutume de sataniser les enfants de la rue et attribue le haut degré de violence qui règne dans le pays aux bandes de mineurs. Ces journalistes alimentent toujours plus le discours de haine de quelques politiciens et dirigeants d’entreprises, qui, de façon délibérée, prédisposent l’opinion publique contre les enfants de la rue et cela va jusqu’à l’incitation à les tuer », écrivit Jahangir dans un rapport déposé en juin 2002. (74)

À l’arsenal législatif et la mobilisation militaro-policière s’ajouta des méthodes extrajudiciaires qui s’apparentèrent à une véritable stratégie d’extermination. Des ONG locales dénoncèrent en effet la réapparition des escadrons de la mort, comme au temps de la « guerre contre le communisme ».

Parmi leurs cibles figuraient les jeunes déportés, en particulier ceux qui sont tatoués, lesquels étaient parfois liquidés seulement quelques jours après leur retour au Honduras. « Ils approchent de jeunes gens, leur font ouvrir leur chemise et s’ils ont ces tatouages, ils ne posent pas de question. Ils les abattent », expliqua l’évêque Romulo Emiliani, de San Pedro Sula. (75) Des cadavres de jeunes au torse nu furent aussi retrouvés à Tegucigalpa. (76)

Les ONG recensèrent 2125 assassinats de jeunes, dont la moitié n’avait pas l’âge adulte, entre 1998 et 2004. (77) Selon un rapport du Commissaire aux droits de l’homme, les deux tiers de tous les enfants et adolescents qui décèdent de mort violente ne sont pas des mareros et n’ont pas de passé criminel. Le rapport suggère que les victimes furent « cataloguées ainsi » en raison de leur apparence, qui rappelle celle des membres des maras, et que c’est pour cette seule raison qu’ils furent assassinés. (78) Or, la presse présenta systématiquement ces décès comme résultant de conflits entre maras, un discours repris par les autorités gouvernementales. (79)

L’organisme Casa Alianza affirma qu’il a pu « détecter, dans de nombreuses exécutions, un mode opératoire laissant penser que forces de l’ordre et agents de sécurité sont impliqués. » (80) « Certains cadavres sont accompagnés de messages écrits, du type "le nettoyage de la ville a commencé". Nous avons la certitude que ces exécutions sont le fait de groupes entraînés où se retrouvent policiers, militaires et vigiles liés à des entreprises », déclara José Manuel Capellin, directeur de Casa Alianza. (81)

En effet, des armes d’un calibre utilisé entre autres par la police et les militaires furent mises en cause. (82) Leo Valladares, commissaire aux droits humains, releva aussi des coïncidences entre les équipements utilisés par les escadrons de la mort qui se font appelés « Los Olanchano » et les « Comités de sécurité publique », sorte de police parallèle mise sur pied dans certaines municipalités. (83) Par ailleurs, des témoins évoquèrent également des « voitures de la mort » aux vitres teintées et sans plaque d’immatriculation sillonnant les quartiers pauvres à la recherche de jeunes « fauteurs de troubles » à liquider. (84)

« Ils tuent les plus jeunes pour ne pas qu’ils deviennent des chefs de gang », allégua Jose Daniel Villed, rédacteur en chef du journal La Tribuna. Selon lui, des policiers et des agents de sécurité sont engagés par des commerçants voulant se débarrasser de jeunes qui nuiraient à leurs affaires en flânant sur leurs vérandas, par exemple. (85)

Loin d’être frivoles, les allégations selon lesquelles la police se livre à des quantités d’exécutions extrajudiciaires furent même corroborées par des membres des forces de l’ordre. Ana Bessy Ramírez, une jeune policière, accusa ses collègues d’être derrière ce « ménage ». « Ils tuent les mareros. Ils sortent la nuit pour les assassiner. Ils les balancent dans les champs de canne à sucre, parfois ils les pendent ou les tuent avec des armes à feu. Peut-être qu’ils m’élimineront, comme ils font avec eux », écrivit-elle dans une de ses dernières lettres, avant d’être elle-même abattue par des inconnus en 2003. (86)

María Luisa Borjas, haut gradée de la police et directrice des affaires internes du ministère de la Sécurité publique, révéla quant à elle le témoignage d’un jeune homme pris au piège par la police et qui dû donner les noms d’anciens complices impliqués dans un trafic d’automobiles. Ceux-ci furent ensuite tous exécutés, les uns après les autres. Terrifié, le témoin quitta le pays, non sans avoir déposé plainte. (87)

« Nous avons un témoin protégé qui nous a confié qu’un des chefs des escadrons lui avait dit qu’il y avait 20 équipes de cinq membres chacune, dont une est baptisée "Les Magnifiques" parce qu’ils faisaient un bon travail qui ne laisse pas de trace », affirma Borjas, selon qui certains des dirigeants de ces escadrons furent formés aux États-Unis. (88)

Asma Jahangir ne mâcha pas ses mots à l’égard de l’État hondurien. « L’action menée par le gouvernement du Honduras n’a pas constitué un message clair pour la police, à savoir que les policiers seraient conduits devant la justice pour tout abus quelconque d’autorité ou toute violation des droits humains. Les groupes de pouvoir suspectés d’être compromis dans ce genre de crimes n’ont pas compris qu’ils ne pouvaient pas tuer des enfants, et les autorités n’ont pas non plus donné de signal pour montrer que ces assassinats n’étaient pas justifiables, même sous prétexte de créer un climat favorable à la stimulation économique », s’insurgea-t-elle. (89)

Interviewée par la radio hondurienne, Jahangir n’hésita pas à pointer du doigt le président Maduro, lui reprochant d’être parfaitement au courant des exécutions extrajudiciaires de jeunes de la rue. « En tant que chef de gouvernement, il le sait et, mieux, il est celui qui est à la tête de cette politique d’extermination », lança-t-elle. (90)

De son côté, Maduro accepta de reconnaître l’implication des policiers dans la mort de 23 enfants sur une période de cinq ans. (91) « En Europe, dix de ces cas suffiraient à faire sauter un gouvernement ! s’indigna Capellín. Nous avons réussi à ce que tout le monde admette l’existence de ces crimes, mais l’impunité reste presque totale. » (92)

Les apologistes du président Maduro invoquèrent sa décision de créer une unité spéciale d’enquête, en septembre 2002. Or, trois ans plus tard, cette unité faiblement équipée et débordée par la tâche n’avait obtenue que de biens maigres résultats : sur les 600 enquêtes en cours, seules 126 firent l’objet d’une procédure judiciaire et moins de 10 aboutirent à des condamnations. (93)

L’appareil judiciaire s’avéra incapable de mettre fin à l’impunité. Dans de nombreux cas, les témoins furent victimes de harcèlement et d’intimidation, pour les forcer à ne pas témoigner. (94) Dans une affaire, des mandats d’arrêt contre quatre policiers furent annulés sous prétexte que « les témoins étaient des criminels ». (95) Dans une autre affaire, le dossier d’accusation désignant six policiers comme auteurs d’exécutions arbitraires fut « égaré ». Mentionnons aussi cette affaire où de hauts gradés de police suspectés de meurtres furent accusés d’avoir maquillé des fusils AK 47 qui auraient pu les incriminer... Conservées sous scellés au siège de la police, les armes compromettantes « disparurent » avant d’être détruites. (96)

Même dans les rares cas où des condamnations furent prononcées, l’affaire tourna quand même en queue de poisson. Ainsi, des policiers déclarés coupables furent rapidement acquittés après un changement opportun de juge. « Cette complicité de la justice montre bien qu’il ne s’agit pas d’actes isolés, mais d’une véritable politique d’État », conclua Borjas. (97)

Borjas dû elle-même payer le prix de ses dénonciations publiques. Elle se mit en effet à recevoir des menaces de mort par téléphone, le personnel affecté à son bureau fut réduit et son courrier fut intercepté. (98) Puis, en novembre 2002, Borjas fut suspendue de son poste après avoir accusé le ministre de la Sécurité publique, Oscar Álvarez, d’être le responsable de la campagne de « nettoyage social ». (99) Notons que l’oncle de ce dernier, le général Gustavo Álvarez Martinez (100), dirigea personnellement le tristement célèbre escadron de la mort Bataillon 3-16 durant les années ’80. (101)

Quand les mareros, réels ou imaginaires, n’étaient pas liquidés par les escadrons de la mort, il pouvait leur arriver de périr lors de massacres perpétrés dans les prisons sordides et surpeuplées du Honduras.

L’une des plus importantes tueries survint le 5 avril 2003, jour où 68 personnes, dont 61 membres de la Mara 18, perdirent la vie à la prison El Porvenir, dans le département d’Atlántida. Dans un premier temps, les autorités prétendirent que les mareros avaient ouverts le feu sur d’autres prisonniers avant de déclencher un incendie suicidaire dans leur propre quartier de détention, causant ainsi leur perte. (102)

Or, la version officielle fut contredite dans un rapport indépendant produit à la demande du président Maduro, qui révéla que la majorité des défunts avaient été abattus, poignardés, battus à mort ou brûlés vifs par des policiers, des soldats, des gardiens de prison et des prisonniers agissant de mèche avec les gardiens. Selon le rapport, 24 corps étaient calcinés tandis que 18 autres présentaient des blessures par balle et 17 autres des plaies causées par des armes blanches. (103) (Vingt policiers et militaires furent plus tard condamnés à des peines allant de 3 à 30 ans de prison pour ce carnage. (104))

Le centre pénitentiaire de San Pedro Sula fut le théâtre d’une hécatombe encore plus meurtrière, le 17 mai 2004. Cette nuit-là, un incendie éclata dans un bloc cellulaire mesurant 10 mètres par 14 mètres, qui avait été conçu pour l’incarcération de 100 personnes mais dans lequel s’entassait 182 prisonniers. « On s’est réveillés avec nos vêtements et nos lits en flammes », raconta un prisonnier. (105) Au total, 105 prisonniers, tous membres de la MS-13, périrent asphyxiées ou brûlés vifs. Le lendemain, une foule de 200 personnes manifesta devant la prison sous les cris de « Meurtriers ! Meurtriers ! » (106)

Il fut convenu de part et d’autres qu’un court circuit était à l’origine du sinistre. Les pompiers découvrirent d’ailleurs la présence de 75 appareils électriques - climatiseurs, ventilateurs et réfrigérateurs - dans ce seul bloc cellulaire. (107) Plusieurs témoignages de survivants mirent toutefois en cause les gardiens. « Nous avons crié aux gardiens de nous ouvrir la porte, que nous étions en train de nous asphyxier, que nous étions en train de brûler, mais ils ne nous ont pas aidés », affirma l’un d’eux. Selon un autre prisonnier, les gardiens leur lança : « Mourez, fils de pute, vous n’avez pas le droit de vivre! ». (108)

Parmi les défunts, on retrouva un certain nombre d’expatriés qui avaient été expulsés des États-Unis, ce qui fit dire à l’ex-sénateur américain Tom Hayden que la déportation d’individus associés aux gangs peut représenter l’équivalent de la peine de mort au Honduras. « La politique actuelle revient à balayer les déchets hors de la porte arrière des États-Unis et à laisser la police hondurienne les carboniser », écrivit-il. (109)

Certains gangs répliquèrent à la « Mano Dura » en lançant leur propre campagne de terreur. Pour cela, ils eurent recours à ce qui était devenu l’une de leur « marque de commerce » : les décapitations. Des têtes humaines, accompagnées de messages hostiles au président Maduro, se mirent à apparaître à différents endroits au pays. Près de dix têtes humaines furent ainsi découvertes au Honduras entre le moment de l’adoption de la réforme de l’article 332, en août 2003, et avril 2004. (110)

La campagne de terreur monta brutalement d’un cran deux jours avant la fête de noël de 2004. Des mareros ouvrirent le feu sur un autobus transportant une cinquantaine de passagers, la plupart revenant de leurs achats de noël, à Chamelecon, en banlieue de San Pedro Sula. Le carnage fit 28 morts, dont six enfants, et 14 blessés. Un message, intitulé « Où est votre sécurité? » et critiquant le gouvernement Maduro, fut ensuite accroché sur le pare-brise de l’autobus. (111)

La réponse du gouvernement Maduro ne se fit pas attendre : une semaine après la tuerie, le parlement augmenta à nouveau les peines prévues à l’article 332 du Code pénal, passant d’un minimum de 20 ans à un maximum de 30 ans de prison pour les chefs de maras, et d’un minimum de 6 ans et trois mois à un maximum 10 ans pour ceux qui en sont membres. (112) Entre-temps, la police procéda à l’arrestation d’une douzaine de personnes, tous membres présumés de la Mara Salvatrucha. (113)

Les autorités honduriennes furent fort embarrassées lorsque le présumé cerveau du bain de sang, Ever Anibal Rivera Paz, dit “El Culiche”, s’évada de prison, le 23 janvier 2005. (114) Deux semaines plus tard, il fut ré-arrêté dans l’État américain du Texas, non loin de la frontière mexicaine. Le président Maduro convoqua alors une conférence de presse pour annoncer sa capture, qu’il qualifia de coup dur pour la MS-13 et de modèle de coopération internationale.

En fait, le cas de Rivera Paz illustra plutôt à merveille l’échec patent de la politique américaine de déportation de masse. Connu sous 38 identités différentes, “El Culiche” fut renvoyé des États-Unis vers le Honduras à cinq reprises, entre 1996 et 2005. Le 17 novembre 2005, il fut extradé au Honduras pour répondre de sa participation au massacre de Chamelecon. Mais comme personne ne l’attendait pour le cueillir à son arrivée à l’aéroport de Tegucigalpa, Rivera Paz en profita pour disparaître dans la nature. Les autorités ont depuis perdu sa trace. (115)

Persévérer dans l’échec

La lutte contre les maras domina la campagne présidentielle de novembre 2005. Les candidats des deux principaux partis politiques, Porfirio Lobo Sosa du Parti national et Manuel Zelaya du Parti libéral, se livrèrent alors à une surenchère de mesures répressives. Partisan de la « Mano Dura », Lobo promis de rétablir la peine de mort « pour les crimes abominables », tandis que Zelaya, plus modéré, prôna plutôt la prison à perpétuité pour les crimes graves et le doublement des effectifs policiers. (116)

Zelaya, qui succéda à Maduro à la présidence du Honduras, se présenta aussi comme un adepte du « dialogue » avec les jeunes délinquants. Mais, à l’instar de son prédécesseur, il laissa le soin à l’Église et aux ONG de s’occuper des programmes de prévention et de réhabilitation. Ainsi, le Programme national de prévention des gangs, lancé en 2006, ne pu mettre en place ses propres programmes de prévention et de réhabilitation faute de soutien financier de l’État hondurien. (117)

Pour l’anthropologue britannique Dennis Rodgers, les gouvernements qui investissent exclusivement dans la répression condamnent la lutte anti-mara à l’échec. « Aucune répression ne saurait régler les problèmes sous-jacents qui sont à l’origine de ces phénomènes sociaux. Les gouvernements centraméricains s’en prennent aux pandillas et aux maras pour ne pas avoir à adopter d’autres mesures susceptibles de résoudre l’exclusion sociale, l’absence de débouchés et les abîmes d’inégalité sur lesquels ils assoient leur pouvoir et leurs privilèges », affirma-t-il. (118)

Loin d’être dissuasive, la politique répressive anti-mara était en train de créer un effet contraire à celui recherché. « L’État hondurien est en train de créer des colonies de mareros dans les prisons, qui deviennent de véritables écoles du crime », déplora Ernesto Bardales, directeur d’un organisme pour jeunes. (119)

En effet, des prisonniers incarcérés à l’origine pour des petits délits finirent par adhérer aux maras. « J’étais en prison pour un vol. Un détenu surnommé "le poupon" m’a approché. Des membres de la Mara Salvatrucha ont voulu me poignarder et il m’a sauvé. À partir de ce moment-là, les membres de la Mara-18 ont commencé à me protéger », expliqua « Skooby », emprisonné dans un pénitencier proche de Tegucigalpa. (120)

L’affiliation à un gang peut ainsi faire la différence entre la vie et la mort en raison du haut niveau de violence qui règne dans l’univers carcéral hondurien, comme en témoigne le fait que quelque 450 prisonniers furent assassinés par des codétenus entre 1998 et 2005. (121) Si des armes artisanales furent souvent en cause, il arrive aussi que des machettes (122), et même des armes à feu (123), soient utilisées lors d’affrontements entre bandes rivales. Un tel accès aux armes en dit long sur le niveau de contrôle exercé par les mareros à l’intérieur des murs.

Comme de fait, le phénomène mara était loin de s’essouffler au Honduras. Ainsi, en 2007, la police estima à environ 70 000 le nombre de personnes associées aux maras (membres, sympathisants, collaborateurs), parmi lesquels on dénombrait 800 chefs de bandes. (124) Par ailleurs, les mareros du Honduras et des pays voisins surent s’adapter à la « Mano Dura » en modifiant leur apparence. Ils cachèrent ou enlevèrent leurs tatouages, changèrent leur façon de s’habiller et évitèrent de faire les signes de gang avec les mains. (125)

Les maras étendirent même leurs activités, en pratiquant l’extorsion envers les chauffeurs d’autobus et de taxis qui traversent les territoires qu’elles contrôlent. Elles rançonnèrent également des commerçants locaux, exigeant de l’argent en guise « d’impôt de protection ». Par ailleurs, certains anciens mareros graduèrent au rang de chefs de petits cartels de drogue locaux. (126) Enfin, le taux d’homicide continua à prendre de l’ampleur, pour atteindre 58 par 100 000 habitants en 2008. (127)

La pression exercée par les maras devint si intolérable pour certains citoyens qu’on assista à un nouveau phénomène : des Honduriens terrorisés vinrent demander l’asile au Canada pour fuir la violence des maras. Depuis la deuxième moitié des années 2000, la Section de protection des réfugiés de la Commission de l’immigration rendit plusieurs décisions concernant des demandeurs d’asile honduriens victimes d’extorsion, de vols à main armée, de harcèlement, de tentative de recrutement forcé et de viols collectifs.

Les décisions consultées pour les fins du présent texte indiquent toutefois que la Commission de l’immigration refusa systématiquement d’accorder le statut de réfugié aux demandeurs honduriens. Voici un exemple du raisonnement typique appliqué par le tribunal : « La situation à laquelle le demandeur a fait face est une qu’on peut associer à un risque généralisé, qui est encouru par l’ensemble des citoyens du Honduras. "Violence et crime font partie intégrante de la vie au Honduras. Les activités des gangs en particulier les gangs rivales MS-13 et Mara 18 est présente partout à travers le Honduras." » (128)

La preuve déposée dans certaines causes révélait pourtant l’incapacité de l’État hondurien à protéger ses propres citoyens. Prenons le cas d’une famille religieuse qui devint victime d’extorsion, de menaces et de vandalisme de la part d’un gang après avoir tenté de convertir des mareros à l’évangélisme. Cette famille expliqua avoir demandé l’aide et la protection de l’État à au moins cinq reprises et à quatre organismes différents, y compris la police. Ils se firent répondre qu’ils ne seraient en sécurité que s’ils quittaient le pays. (129)

L’apparente impotence de l’État pourrait parfois cacher des pratiques de corruption. Certaines sources indiquent en effet que des policiers bonifient leurs maigres salaires avec des pots-de-vin versés par les maras, offrant ainsi un indice de la montée en puissance de certains de ces gangs. (130)

Toutefois, ces deux dernières années, la Cour fédérale du Canada commença à renverser des décisions de la Commission de l’immigration refusant le statut de réfugié à des demandeurs honduriens. Dans une décision récente, la Cour fédérale estima que la décision de la Commission était déraisonnable en raison du fait que l’État hondurien n’offrait pas une protection adéquate aux victimes d’agressions sexuelles commises par les maras. (131)

Dans une autre cause, la Commission avait basé son refus en concluant que le demandeur disposait d’une possibilité de refuge interne au Honduras. Or, la Cour fédérale releva que la Commission avait elle-même « reconnu que le MS-13 exerce ses activités dans tout le Honduras [ce qui] signifierait que le demandeur serait exposé à une menace, indépendamment de l’endroit où il se cache. (132)

Pendant ce temps, les autorités américaines persévérèrent dans leur politique de déportations massives, bien que celle-ci était pourtant la grande responsable de l’émergence du phénomène maras au Honduras. Pour la seule année 2007, les États-Unis expulsèrent 62 359 immigrants latinos, dont plusieurs membres de gangs, vers l’Amérique centrale et le Mexique. En Floride et à New York, les immigrants emprisonnés pour des actes criminels se virent même offrir, au milieu de leur sentence, d’être expulsés immédiatement au lieu de finir de purger leur peine aux États-Unis. (133)

Cet entêtement à aller de l’avant avec cette politique controversée apparaît d’autant plus questionnable quand on sait qu’une responsable du Département d’État américain, Anne Aguilera, avait estimé que jusqu’à 65% des mareros déportés reviennent illégalement aux États-Unis (134), et ce, malgré les resserrements des contrôles frontaliers américains imposés dans l’ambiance post-11 septembre 2001. Bref, le cas de Rivera Paz était loin d’être exceptionnel.

Au Honduras, les déportations continuèrent à exercer une incidence déterminante sur le milieu criminel. Selon Magdalenys Centeno, policière à San Pedro Sula, presque tous les leaders des gangs locaux – Control Machete, The Junk, Poison, Crezi Kids, MS-13 et Mara 18 – avaient auparavant été déportés par les autorités américaines. (135)

Cependant, les déportés ne firent pas nécessairement l’unanimité parmi les maras honduriennes. Selon un ancien membre, la Mara 18 se diviserait aujourd’hui entre deux courants : ceux qui respectent toujours les anciennes façons de faire des mareros déportés et ceux qui estiment qu’ils ne doivent aucune obéissance à ceux qui se font « cracher » par des avions les ramenant des États-Unis. (136)

« Si la police américaine, avec toutes ses ressources, ne peut contrôler les gangs dans leurs villes, qu’est-ce que nous pouvons faire ? Nous n’avons rien », se plaignit Pastor Ortiz, directeur régional des enquêtes criminelles à San Pedro Sula. (137)

Malgré les promesses de Zelaya de bonifier les effectifs policiers, la lutte entre maras et forces de l’ordre apparaissait perdu d’avance tant les forces en présence demeuraient inégales. Ainsi, San Pedro Sula compterait à elle seule 35 000 mareros contre une seule policière assignée à temps plein aux gangs. « Tout ce que je peux faire, c’est d’observer ceux qui assistent aux funérailles des gangs et de les prendre en photo », expliqua Centeno. (138)

L’arrivée au pouvoir de Zelaya ne mit pas non plus un terme aux escadrons de la mort. L’un d’eux envoya même un message sans ambiguïté au président Zelaya au tout début de son mandat. « Le gouvernement veut dialoguer avec les mareros, pas nous... Nous continuons d’appliquer la politique de la main de fer », pouvait-on lire sur une note accompagnant le corps d’un jeune tatoué, tué de trois balles dans la tête, le 20 février 2006. (139)

En 2009, l’ONG Casa Allianza établissait désormais à 4776 le nombre d’exécutions extrajudiciaires de jeunes depuis 1998. (140) « N’importe quel jeune tatoué est une proie idéale », confia Hugo Maldonado, membre de la Commission des droits humains. Le sociologue Ernesto Bordales abonda dans le même sens. « Le sentiment général est que la seule façon de faire face aux gangs, c’est de tous les tuer ». (141)

Les déportés honduriens tatoués continuèrent à être particulièrement ciblés.

En mai 2009, Selvin Antonio Gutiérrez, 26 ans, qui se trouvait au Honduras depuis un mois après avoir été déporté des États-Unis, fut abattu en pleine rue par deux hommes en motocyclette qui lui avaient demandé auparavant de lever son chandail pour voir s’il avait des tatous, dans la ville de Barrio, dans le département de Lempira. « Malheureusement, il aurait été tué par erreur, peut-être parce qu’ils pensaient qu’il était dans un gang », déclara un proche du défunt au journal La Prensa. (142)

En août 2009, Aarón Dagoberto Rodríguez, 22 ans, était revenu des États-Unis depuis un an lorsqu’il fut assassiné par des inconnus alors qu’il était allé chercher du bois, à Tela, dans le département d’Atlantida. Son corps arborait des tatouages, soit le chiffre cinq sur le torse et une toile d’araignée sur l’abdomen. (143)

En janvier 2010, le corps sans vie d’un homme âgé d’environ 30 ans fut jeté en dehors d’un taxi, à El Progreso, dans le département de Yoro. D’origine « étrangère », le défunt portait plusieurs tatouages et avait les mains attachées dans le dos. (144)

En juin 2011, Cristhian Javier Cruz fut abattu par au moins cinq hommes cagoulés pendant qu’il était en train de réparer un taxi, à Villanueva, dans le département de Cortés. Cruz avait été déporté des États-Unis six mois plus tôt et portaient des tatouages. (145)

Danger de mort au Honduras

De retour à Montréal, Dany Villanueva fut convoqué devant la Commission de l’immigration par l’Agence des services frontaliers du Canada le 27 janvier 2010. Les autorités canadiennes d’immigration entendaient le faire expulser du Canada en lui reprochant sa condamnation pour vol qualifié prononcée le… 12 avril 2006.

À ce moment-là, le nom de Dany Villanueva était bien connut auprès du public québécois depuis la mort de son petit frère Fredy et l’émeute qui s’ensuivit à Montréal-Nord, en août 2008. La convocation aux bureaux de l’immigration coïncida avec un autre événement fort médiatisé, soit l’enquête du coroner sur le décès de Fredy Villanueva, qui devait reprendre la semaine suivante. D’ailleurs, Dany devait témoigner sous peu à ce moment-là.

Non seulement les médias québécois furent-ils nombreux à couvrir la première comparution de Dany devant la Commission de l’immigration, mais en plus la nouvelle fut évoquée par la presse hondurienne.

Ainsi, le quotidien La Tribuna écrivit que Dany faisait face à l’expulsion parce qu’il était un « étranger » reconnu coupable d’un crime passible d’au moins dix ans de prison. L’article fit état des antécédents judiciaires de Dany, en mentionnant qu’il fut condamné à 11 mois de prison pour avoir « agressé » un adolescent afin de lui voler sa chaine au cou. Mais surtout, le journal indiqua que Dany fut aussi arrêté sous des accusations en lien avec le gang de rue les Bloods. (146)

Il va sans dire que les procédures de déportation de Dany n’auraient jamais fait l’objet d’un tel battage médiatique au Canada, et encore moins au Honduras, si un policier n’avait pas tué son frère Fredy. Cette médiatisation à outrance sera d’ailleurs lourde de conséquence pour la famille de Dany vivant au Honduras.

Les premières menaces contre la famille de Dany, côté maternel, commencèrent en effet quelques semaines plus tard.

Ainsi, en mars 2010, la grand-mère de Dany, Theodora Antunes, reçu des menaces par téléphone de la part d’inconnus qui l’appelèrent pour lui dire que Dany allait mourir. Des menaces de mort furent également proférées envers cette dame âgée de 77 ans et à toute la famille. Au cours des semaines suivantes, Mme Antunes reçu des messages-textes de menaces sur son téléphone cellulaire. (147)

Mme Antunes habite à Monte Negro, dans le département d’Atlántida. Sa maison est située au pied d’une petite colline. Elle vit avec quatre enfants d’un oncle de Dany, Héctor Ramón, qui lui réside au Canada. Il s’agit de Victor, 11 ans, Monica, 13 ou 14 ans, Walter, 17 ans et Guadeloupe, 19 ans.

Vers le mois de mai 2010, un groupe d’hommes armés se rendit chez Mme Antunes. L’un des hommes se présenta d’abord chez elle en tenant une boite dans la main. Mme Antunes croyait alors avoir affaire à un vendeur ambulant. L’homme lui lança : « On va vous montrer qu’est-ce qu’on vend par ici ». Puis, il sorti une arme à feu de la boite et la pointa sur Mme Antunes, en disant : « Où est Dany ? Où est Dany ? »

Les autres hommes qui l’accompagnaient encerclèrent ensuite la maison de Mme Antunes. Ils prirent alors les enfants et deux employés qui cultivent le cacao sur la propriété. Les hommes armés savaient que Mme Antunes gardait une arme à feu dans la maison. Elle leur indiqua que l’arme se trouvait sous le matelas de son lit. Mme Antunes fut amenée dans sa chambre, par deux des hommes armés.

Ils lui demandèrent où se trouvait Dany tout en pointaient leurs armes sur la tête de Mme Antunes, dont les mains et pieds furent attachés. Les hommes armés attachèrent également les quatre enfants et les deux employés aux mains et aux pieds, puis ils les jetèrent sur le plancher de la cuisine. Ils bâillonnèrent aussi tout le monde avec du ruban adhésif, sauf Mme Antunes parce qu’ils voulaient l’interroger.

Ils appuyèrent leur arme sur la tête de Mme Antunes et la mitraillèrent de questions : « Où est où Dany ? Pourquoi tu caches Dany ? Si tu ne nous dis pas où il est, on va tuer tout le monde ! » Mme Antunes s’enferma d’abord dans le mutisme. Puis, elle commença à prier à voix haute. Les hommes armés lui dirent alors de se taire et de répondre à leurs questions. Puis, ils lancèrent Mme Antunes sur son lit et pointèrent à nouveau leurs armes en sa direction.

Les hommes armés lui posèrent à nouveau la même question : « Où est Dany ? » Ensuite, ils prirent Victor, le plus jeune des quatre enfants, et l’un des hommes appuya le canon de son arme contre sa tête en disant : « Si tu nous ne dis pas où est Dany, on va le tuer ! » Mme Antunes leur répondit alors : « Dany n’est pas ici, il est au Canada. Pourquoi vous le recherchez ? Pourquoi vous me demander pour lui ? » L’homme jeta ensuite Victor sur le plancher.

Puis, les hommes volèrent tous les objets de valeur qu’ils aperçurent dans la maison. Ils prirent l’arme à feu de Mme Antunes, la télévision, des DVD et volèrent tout l’argent qu’ils trouvèrent. Avant de partir, les hommes armés affirmèrent qu’ils allaient revenir et que s’ils trouvaient Dany ici, ils tueraient toute la famille. Puis, ils s’en allèrent sans détacher les occupants de la maison.

Quelques semaines plus tard, vers le début du mois de juin, la grand-mère de Dany vit un camion de type « pick-up » rouler en haut de la colline. Le camion transportait six hommes qui tenaient des armes à feu de type mitraillette. Les hommes armés débarquèrent sur la propriété de Mme Antunes et lui dirent : « On vient chercher Dany ».

La première chose qu’ils firent fut d’abattre un des chiens de Mme Antunes devant elle et les enfants. Les hommes armés entendaient ainsi montrer à la famille qu’est-ce qui leur arrivera s’ils ne leur disaient pas où se trouvait Dany. Ils affirmèrent aussi qu’ils allaient tous mourir si jamais les hommes armés trouvaient Dany sans que les membres de la famille ne les aient aidés à y arriver.

Ensuite, les hommes armés mirent le feu à une maisonnette appartenant à Mme Antunes qui se trouve à côté de sa maison. Cette maisonnette contenait une seule pièce, dans laquelle se trouvait un four de terre. Consommée par les flammes, la maisonnette est aujourd’hui une perte totale.

Après ces deux invasions à domicile, Mme Antunes continua à recevoir des appels de menaces. Ses interlocuteurs lui disaient : « Donne-nous Dany ! Ne cache pas Dany ! Tu vas mourir avec lui si tu ne nous donne pas Dany ! » Lors de l’un de ces appels, Mme Antunes leur demanda pourquoi ils faisaient cela. Ils lui répondirent qu’ils avaient reçu des ordres et ajoutèrent qu’ils ne la laisseront pas tranquille jusqu’à temps qu’ils mettent la main sur Dany.

En novembre 2010, la violence des hommes armés monta d’un cran lorsqu’ils tentèrent d’assassiner un cousin de Dany, Gustavo Madrid, âgé de 23-24 ans, près de la maison de Mme Antunes.

Gustavo venait de retourner au Honduras après un séjour de plusieurs années aux États-Unis. Il avait décidé de revenir dans son pays natal pour y travailler la terre. Peu après son retour au Honduras, Gustavo et son oncle Cristobal Soto rendirent visite à Mme Antunes. Gustavo conduisait alors un camion de type « pick-up » tandis que Cristobal se trouvait dans la partie arrière du véhicule, communément appelée « la boîte ».

En approchant de la maison de la grand-mère de Dany, Gustavo aperçu six hommes armés se trouvant dans un camion de type « pick-up ». Parmi les six hommes, il en a reconnu un qui l’avait déjà approché pour lui demander s’il s’appelait Dany. Gustavo avait en effet la même couleur de peau que Dany, mais il était âgé d’un an ou deux de plus que lui.

Les hommes armés ouvrirent le feu sur le véhicule de Gustavo. Celui-ci perdit alors le contrôle du camion, qui se renversa et tomba sur un égout. L’un des hommes armés cria : « C’est toi Dany ! » Cet homme commença ensuite à tirer sur Gustavo, suivi par les autres qui l’imitèrent en faisant feu eux aussi. Touché par plusieurs balles, Gustavo parvint à se cacher dans l’égout.

Quand les hommes virent la casquette de Gustavo, qui était tombé par terre à un autre endroit, ils crurent que celui-ci était mort et s’en allèrent peu après. Ils ne prirent pas le temps de vérifier si Gustavo était vraiment mort car des gens commençaient à approcher des lieux après que les bruits de tirs eurent attirés leur attention.

Quand la police municipale de La Másica arriva sur place, il ne restait plus personne sur les lieux. La police expliqua à un autre membre de la famille que l’endroit où prit place l’incident - situé entre les villes de Monte Negro et La Colinas - constituait un territoire sur lequel elle n’avait pas juridiction.

Atteint de 24 projectiles, Cristobal rendit l’âme peu après. De son côté, Gustavo survécu aux tirs, mais fut sérieusement blessé car il avait reçu cinq balles. Depuis cet incident, Gustavo vit caché quelque part au Honduras, craignant que des hommes armés ne le tuent s’il est à nouveau confondu avec Dany.

Vers la fin du mois de mars 2011, un ami de la famille eut vent qu’un groupe de criminels allait rendre une visite à la maison de Mme Antunes. La famille fut prévenue et 3 ou 4 personnes armées furent envoyées pour voir si des hommes armés allaient de nouveau se présenter à la maison. La surveillance prit fin le 5 avril 2011, après que les personnes armées eurent attendu pendant une semaine une visite inopportune qui ne se matérialisa pas.

Ce même jour, des hommes armés voyageant dans un camion de type « pick up » se rendirent à la maison de Mme Antunes, qui n’était pas chez elle à ce moment-là. Les trois enfants plus jeunes se trouvaient cependant à l’intérieur de la maison.

Walter était dans sa chambre, sur son lit, en train de faire du « chat » sur son ordinateur portable et n’avait pas remarqué la présence des intrus dans la maison. Il fut donc prit par surprise lorsqu’il vit des hommes armés entrer dans sa chambre. L’un d’eux prit Walter par la chemise et le souleva brusquement de son lit.

L’homme le suspendit dans les airs et lui demanda : « C’est toi Dany? » Walter, qui a environ la même grandeur et la même couleur de peau que Dany, répondit : « Non, je m’appelle Walter, pas Dany ». L’homme jeta alors Walter sur le plancher.

Encore une fois, les hommes armés vidèrent la maison de tous ses objets de valeur, incluant l’ordinateur de Walter. Ils pénétrèrent dans chaque chambre et retournèrent tous les matelas pour voir s’il y avait quelque chose à voler. Ils s’emparèrent de toutes les nouvelles choses que Mme Antunes avait achetées depuis la précédente invasion à domicile.

À son retour, Mme Antunes téléphona à la police municipale de La Másica, mais la police ne daigna pas se manifester. Une des tantes de Dany, qui vit ici au Canada, appela alors elle-même la police au Honduras pour leur demander pourquoi ils n’aidaient pas Mme Antunes.

Suite à cette intervention, la police rendit visite à Mme Antunes. Les policiers lui affirmèrent alors qu’ils ne voulaient pas entendre parler du cas de Dany et que la seule chose qui les intéressait était de savoir quels étaient les objets qui avaient été volés. Quand Walter voulu raconter aux policiers ce qui s’était passé dans sa chambre, un policier l’interrompit en lui disant : « Ça ne nous intéresse pas ». Et le policier de conclure : « S’il y a un mort, appelez-nous, sinon ne nous appelez pas ».

Pendant ce temps à Montréal, la Section d’appel de l’immigration procéda à l’audition de l’appel de Dany contre sa mesure d’expulsion durant ce même mois d’avril. La commissaire Marie-Claude Paquette fut alors informée des divers incidents de menaces et d’invasions à domicile dont fut victime la grand-mère de Dany au Honduras.

« Au Honduras, on dit que Dany est un grand criminel », expliqua Lilian Madrid durant son témoignage devant la commissaire Paquette. « Si on l’expulse au Honduras, il va perdre la vie », déclara Gilberto Villanueva, dont le père vivant au Honduras reçu lui aussi la visite d’hommes armés. « C’est pour ça qu’il ne vit plus où il vivait avant », ajouta-t-il, en précisant qu’il dû déménager dans une autre ville.

En contact direct avec Mme Antunes, Lilian fut couramment informée de l’évolution des actes de harcèlement que subissait sa mère au Honduras. « La première chose que j’ai dit à ma mère, c’est d’aller porter plainte, expliqua-t-elle. Même s’ils ne l’écoutent pas, je lui ai dit d’aller à un autre endroit. » Mme Antunes dut effectivement s’adresser à un poste de police situé dans la capitale du département d’Atlántida. « Ils sont allés à La Ceiba pour aller faire la dénonciation parce qu’ils ne voulaient pas s’occuper d’eux. »

« Je suis sûr que si je vais au Honduras ma vie va être en danger », déclara Dany durant son témoignage. Là-bas, tout le monde sait que je suis à l’immigration pour un ordre d’expulsion. » Dany fut même la cible d’intimidation sur sa page Facebook. « J’ai reçu des messages disant comme quoi : "si tu t’en viens ici, t’auras pas le choix d’être avec nous, sinon c’est fini pour toi." »

Walter contacta lui-même Dany via internet pour lui raconter ce que les hommes armés lui avaient dit dans sa chambre. « Ils ont dit : "on sait que ton cousin il s’en vient. S’il arrive ici, on va le tuer, on va tuer toute ta famille", indiqua Dany lors de son témoignage. Il m’a dit : "t’es mieux de pas venir ici parce qu’ici ils vont te tuer." »

Dany fut également interrogé relativement à ses tatouages qui, comme on l’a vu, peuvent être une source de problèmes, voire entrainer la mort, au Honduras. Le fait que la plupart des tatous qu’il porte aujourd’hui soient à caractère religieux n’enlève rien à la crainte qu’il éprouve à l’égard des autorités honduriennes. « Ils t’affilient automatiquement, expliqua-t-il. Ils te mettent dans le même bateau. »

Dany se rendit chez un dermatologue avec sa mère Lilian pour voir s’il pouvait se faire enlever ses tatous au laser. L’opération est plutôt dispendieuse : entre 100$ et 125$ pour chaque brûlure. Le dermatologue affirma que 10 à 15 brûlures étaient nécessaires pour effacer chaque tatouage.

En fin de compte, Dany renonça à l’idée. « Ce qui m’a pas plu, c’est qu’il m’a dit que tout n’allait pas disparaître », affirma Lilian. En effet, le laser enlève l’encre sur la peau, mais non les lettres. D’ailleurs, des reflets apparaissent lorsque la peau se met à bronzer. Un article d’un magazine américain cité sur le site web de la Commission de l’immigration (148) confirma d’ailleurs que l’opération de détatouage laissent des traces. « S’il aurait pas resté de marques, on aurait réuni l’argent, moi et ma famille, pour que Dany le fasse », déclara Lilian.

À la fin de son témoignage, Gilberto implora la commissaire Paquette de ne pas donner le feu vert à l’expulsion de Dany. « Dans notre famille, nous étions sept. Maintenant, nous sommes six, souligna-t-il, en faisant allusion au décès de Fredy. Nous ne serons plus que cinq si jamais Dany doit quitter. C’est pour ça je vous demande de ne pas me séparer de mon fils. »

La décision de la commissaire Paquette fut rendue publique le 3 août 2011. Le tribunal d’immigration rejeta tous les arguments plaidés par Me Stéphane Handfield, l’avocat de Dany Villanueva, y compris sur la question des risques de retour au Honduras.

« Bien que le Honduras soit un pays où il y a beaucoup de violence, il est possible de constater de la preuve documentaire que le gouvernement hondurien s’attaque à ce problème », écrit-elle, en évitant toutefois se prononcer le taux de succès – ou d’insuccès – obtenus par les autorités à enrayer cette violence. (149)

« Il est aussi possible de constater que, bien qu’elle existe en région, la criminalité reliée aux gangs de rue est plus répandue dans les grandes villes, notamment à Tegucigalpa et San Pedro Sula », ajouta la commissaire Paquette. Sous-entendu : si Dany appréhende les gangs, il n’a qu’à se planquer en milieu rural… comme si les maras étaient incapables de se déplacer de la ville à la campagne !

« Bien qu’il existe des gangs au Honduras, la preuve documentaire déposée en preuve établit notamment que le gouvernement hondurien combat ce problème et a mis sur pied des programmes d’aides aux jeunes, tels un programme pour faire enlever les tatouages, peut-on lire aussi. Si l’appelant craint réellement que ses tatous le mettent en danger au Honduras, il est toujours possible pour lui de les faire enlever. »

La preuve entendue à la Section d’appel révéla pourtant que le détatouage était plus facile à dire qu’à faire. Or, même dans l’éventualité plus qu’incertaine où Dany parvenait à faire enlever tous ses tatous sans laisser la moindre trace, cela ne règlerait qu’une partie du problème. En effet, sa notoriété outre-frontière fait désormais en sorte que Dany est marqué au fer rouge comme un « gars de gang » dans son pays natal.

« Le tribunal est conscient que le renvoi de l’appelant vers le Honduras demandera une période d’adaptation pour lui. Toutefois, il a passé la moitié de sa vie dans ce pays et il a des membres de sa famille proche qui y vivent. » Ce que la commissaire Paquette ne mentionna pas, c’est que Dany était âgé de zéro à douze ans lorsqu’il passa la première « moitié de sa vie » au Honduras… comme si l’on pouvait comparer tout bonnement une expérience de vie en aussi bas âge dans un pays lointain avec celle vécue à l’adolescence et à l’âge adulte dans une société d’accueil !

Et que penser de l’allusion à la « famille proche » de Dany au Honduras quand on sait toutes les menaces dont fit l’objet des membres de sa parenté depuis les deux dernières années ? La commissaire croit-elle vraiment que sa « famille proche » sera heureuse de l’accueillir à bras ouverts en sachant qu’ils mettront tous leur vie en péril en l’hébergeant ?

Entre-temps, la grand-mère de Dany continua à subir des actes de harcèlement de la part de ceux qui semblaient bien déterminés à faire un mauvais parti à Dany.

En juillet 2011, un inconnu lança une roche enveloppée d’une feuille de papier à partir du haut de la colline en direction de la maison de Mme Antunes. La roche brisa la vitre d’une des fenêtres de la maison. Sur la feuille de papier, on pouvait lire un message de menace de mort à l’encontre de Dany, rédigé avec des lettres découpées dans les journaux.

Le mois suivant, un inconnu brisa encore une fois une vitre de la maison de Mme Antunes en lançant une nouvelle roche enveloppée dans une feuille de papier contenant un autre message de menace. Fait à souligner, ce nouvel incident survint deux jours après qu’un animateur du Canal 9 CVA, une station de télé du centre d’Atlántida, fit un compte-rendu d’une dénonciation de Mme Antunes concernant la déportation de Dany.

Par ailleurs, Lilian apprit durant l’été qu’une rumeur avait commencé à circuler au Honduras à l’effet que le gouvernement du Canada avait versé de l’argent à sa famille en raison de la mort de son fils Fredy Villanueva. En septembre, sa sœur l’informa même que des gens avaient demandé à sa fille combien de millions est-ce que la famille Villanueva avait reçue en guise de compensation. Bien entendu, rien de tout cela n’était vrai.

Cependant, pour la famille de Dany vivant au Honduras, la simple existence d’une telle rumeur constituait un nouveau développement inquiétant dans un pays où un grand nombre de personnes font face à un risque généralisé dès qu’elles donnent l’impression de posséder un peu d’argent, comme le nota la Cour fédérale du Canada dans une cause de demande d’asile. (150)

Puis, en octobre dernier, le quotidien La Presse révéla que Me Stéphane Handfield avait reçu une lettre de menaces rédigée en anglais. « Dany est un des nôtres, pouvait-on lire. S’il n’est pas expulsé, son corps décapité sera trouvé non loin d’où vous êtes. Sa tête sera envoyée à sa mère pour qu’elle ait aussi la preuve qu’il est mort. Et on s’occupera de vous aussi. Ceci n’est pas une blague. S’il vous plaît, agissez en conséquence. » (151)

Notons que les décapitations sont une marque de commerce des maras, comme on l’a vu ci-haut lors de la campagne de terreur lancées au Honduras contre la politique de « Mano Dura ».

Pendant ce temps, le sort continuait à s’acharner sur la famille de Dany au Honduras.

À la fin de septembre 2011, Daniel Jose Madrid, un cousin de Dany, appela Mme Antunes pour lui faire part de ses inquiétudes. Âgé de 20 ans, Daniel était un travailleur agricole sans problème. Il n’avait jamais mit les pieds à Monte Negro et avait toujours habité dans la ville de Santa Rosa de Copán, la capitale du département de Copán.

Daniel raconta à Mme Antunes qu’un inconnu l’avait approché sur la rue pour lui demander s’il s’appelait « Dany Madrid ». Daniel répondit : « Non, je m’appelle Daniel Madrid ». Mais l’inconnu se montra sceptique, et fit preuve d’insistance en lui demandant si « Daniel, c’est la même chose que Dany. » Daniel confia à Mme Antunes qu’il avait peur que des gens qui le confonde avec Dany s’en prennent à lui. La grand-mère se fit rassurante, en lui disant que Dany était recherché à Monte Negro, et non pas à Santa Rosa de Copán.

Le 3 octobre 2011, Daniel fut retrouvé mort, sur une route située près de la ville de Dulce Nombre, à environ 10 kilomètres de Santa Rosa de Copán. Les corps de Óscar Rolando Reyes, 22 ans, Orlando Alvarado Cruvar, 36 ans, gisaient à quelques mètres de celui de Daniel. « Les corps des victimes présentaient plusieurs coups de feu à la tête et dans d’autres parties du corps », pouvait-on lire dans un article du journal hondurien El Heraldo. (152)

Il s’agissait-là du second décès, après celui de Cristobal Soto, survenant dans la foulée des procédures de déportation de Dany. L’assassinat de Daniel apporta une preuve supplémentaire que Dany ne peut être en sécurité nulle part au Honduras, mais aussi que tous les jeunes hommes de sa famille vivant dans ce pays courraient le risque d’être assassinés.

***

De toute évidence, le Honduras que Dany quitta à l’âge de 12 ans n’était plus le même que le Honduras d’aujourd’hui. Le département Atlántida où il a grandit est ainsi maintenant le plus meurtrier de tout le Honduras (131 meurtres par 100 000 habitants, l’an dernier (153)), lequel est lui-même devenu le pays le plus meurtrier au monde.

Le pire, c’est que la famille de Dany vivant au Honduras n’auraient sûrement pas fait l’objet de telles menaces si les autorités canadiennes d’immigration n’avaient pas attendues que son nom se retrouve dans les pages des grands journaux avant de mettre en branle la machine à déportation ; en ce sens, les autorités canadiennes portent une part de responsabilité dans le cauchemar qui accable sa famille au Honduras.

La conduite des autorités canadiennes d’immigration est d’autant plus déplorable qu’on est en droit de soupçonner que leur soudain changement d’attitude à l’égard du dossier de Dany cache des motifs difficilement avouables.

Il ne fait plus de doute qu’une mort certaine attend Dany au Honduras si jamais les autorités canadiennes d’immigration ont le culot de mener à terme le processus de déportation en l’expulsant vers un pays où des escadrons de la mort font la chasse aux déportés tatoués et judiciarisés en toute impunité, et où sévit des gangs qui ont fait de la violence extrême une seconde nature.

Car déporter Dany dans un pays où des hommes armés rapide sur la gâchette terrorisent sa famille et le traquent sans relâche, quitte à abattre n’importe lequel de ses cousins qui lui ressemble de près ou de loin, équivaut ni plus ni moins qu’à une peine de mort.

Notes et sources:

(1) Associated Press, “UN Study - Homicides Soar in Central America”, Adriana Gomez Licon, October 6 2011.
(2) McClatchy, “Honduran police ignore rise in attacks on journalists, gays”, Tim Johnson, April 11 2011.
(3) CNN, “As distrust increases, Honduran police under scrutiny”, Mariano Castillo, November 4 2011.
(4) Freedom House. 2011. « Honduras ». Freedom in the World 2011.
(5) Marianne, « Dans les coulisses du dernier putsch latino », Anne Vigna, 2 janvier 2010, p. 44.
(6) Economic Intelligence Unit, “Two parties dominate politics”, May 27 2005.
(7) http://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Honduras/124192
(8) The Gazette, “U.S. puts its stamp on Honduras”, Lloyd Grove, October 25 1986, p. B1.
(9) http://www.saturdayeveningpost.com/2011/12/01/art-literature/famous-cont...
(10) Le Devoir, « Coup d'État au Honduras - Les raisons d'un échec », Claude Morin, 7 juillet 2009, p. A7.
(11) Le Monde diplomatique, « Le "proconsul" », novembre 2001.
(12) New York Times, “Testifying to torture: A survivor and her Honduran ‘interrogator’ tell of her imprisonment as an enemy of the state”, James LeMoyne, June 5 1988.
(13) Le Monde, « Le Honduras rejoint l'ALBA », 27 août 2008, p. 6.
(14) 24 Heures, « Coup d'Etat au Honduras », Olivier Ubertalli, 29 juin 2009, p. 6.
(15) Pour en savoir plus sur les coopératives de production au Honduras, lire : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecoru_0013-0559_1...
(16) Les allusions aux témoignages font référence aux témoignages entendus par la commissaire Marie-Claude Paquette à la Section d’appel de l’immigration, en avril 2011.
(17) KERSSEN Tanya, “The Military-Aid Complex, Agrofuels and Land Struggles in Aguan, Honduras”, October 6 2011.
(18) http://www.hispanioo.com/billets/guerre-pour-la-terre-au-honduras
(19) Z Magazine, “Battling the Banana Baron”, Anders Corr, January 1997.
(20) Op. cit., Kerssen.
(21) La Presse, « Une mère et son deuil », Rima Elkouri, 11 janvier 2011, p. A2.
(22) À titre d’exemple, voir la décision : X. c. Canada (Commission de l'immigration et du statut de réfugié), CISR, 18 janvier 2001, MA0-06253.
(23) Lu par l’avocat de Dany Villanueva durant l’audience devant la Section d’appel de l’immigration.
(24) Pour connaître les circonstances entourant cette affaire, lire le premier texte de cette série de trois : http://www.lacrap.org/comment-les-procedures-d%E2%80%99expulsion-de-dany...
(25) Article 5(1) de la Loi sur la citoyenneté.
(26) El Heraldo, “A Pipo lo mataron como a un perro”, Actualizado: 12.08.08 10:34am.
(27) La Tribuna, “Vuelve la calma después de disturbios”, 12 de agusto de 2008.
(28) Op. cit. El Heraldo.
(29) Enquête, Radio-Canada, 30 octobre 2008.
(30) Op. cit., La Presse, 11 janvier 2011.
(31) The Los Angeles Times, “Southern California's Largest Gang Aims for Dominance”, Rich Connell and Robert J. Lopez, November 17 1996.
(32) OSORIO René Arnoldo Canales, « Impacto de las pandillas en la seguridad de centro américa », 30 de octubre de 2007, p. 53.
(33) SALOMÓN Leticia, « La Violencia En Honduras 1980-1993 », Centro de Documentación de Honduras (CEDOH), [1993], p. 73.
(34) Idem, p. 99.
(35) Op cit., Osorio, p. 53.
(36) Canada (Citoyenneté et de l'Immigration) c. X, CISR, 3 mai 2007, A7-00299.
(37) SAVENIJE Wim, « Las pandillas trasnacionales o "maras" », p. 642.
(38) BALMACEDA, Gema Santamaría, « Maras y pandillas: límites de su transnacionalidad », Revista Mexicana de Política Exterior, No. 81, October 2007, Mexico: Secretaría de Relaciones Exteriores, p. 123.
(39) The Associated Press, “500,000 criminal deportees from America wreak havoc in many nations”, Randall Richard, October 25 2003.
(40) Op. cit., Balmaceda, p. 123.
(41) Courrier International, « Au pays des “maras” et des “pandillas” », Dennis Rodgers, 5 juin 2008.
(42) Op. cit., Osorio, p. 54.
(43) La Presse, « Les jeunes et les maras », Frédéric Faux, 4 octobre 2003, p. A17.
(44) GODARD, Philippe, « Marabuntas : la violence des gangs au Honduras », Éditions Syros et Amnesty International [2006], p. 54.
(45) The Ottawa Citizen, “Reaching out to Mitch's young victims”, Mary and Mauro Tartaglia, February 21 1999, p. A18.
(46) Op. cit., Associated Press, October 25 2003.
(47) Op. cit., Salomón, p. 81.
(48) LEYVA Héctor, « Delincuencia y criminalidad en las estadísticas de Honduras, 1996-2000 », 4 de abril de 2001.
(49) Op cit., Wim Savenije, « Las pandillas trasnacionales o "maras" ».
(50) Lire à ce sujet le point de vue Dennis Rodgers, anthropologue à l’université de Manchester dans Op. cit., Courrier International, 5 juin 2008.
(51) Op. cit., Canada c. X, 2007.
(52) Op. cit., Savenije, p. 643.
(53) « Diagnóstico regional sobre las condiciones de detención de las personas adolescentes en las cárceles », Defensa de Niñas Y Niños – Internacional, Sección Costa Rica [2004], p. 95.
(54) El Tiempo, « Maras y derechos humanos », 13 de agosto de 2001, p. 12.
(55) El Tiempo, « 120 000 Jóvenes son simpatizantes de las maras », 7 de marzo de 2001, p. 6.
(56) Freedom House. 2005. « Honduras ». Freedom in the World 2005.
(57) Op. cit. Courrier International, 5 juin 2008.
(58) Cruz Pineda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), Cour fédérale, 24 janvier 2011, IMM-1709-10.
(59) Alvarez Castaneda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), Cour fédérale, 6 juin 2011, IMM-6873-10.
(60) The Canadian Press, “American priest's mission in Honduras - Help street children shed tattoos”, Freddy Cuevas (Associate Press), October 29 2001.
(61) Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Réponses aux demandes d’informations (RDI), 17 March 2003.
(62) Courrier International, « Le gouvernement est invité à abroger ses lois antigang », Juan José Dalton, 24 juin 2004.
(63) http://www.cidob.org/es/documentacion/biografias_lideres_politicos/ameri...
(64) AFP, “Honduran president leads operation to round up gang members”, August 18 2003.
(65) The New York Times, “On Mean Streets, a U.S. Import: Zero Tolerance”, David Gonzalez, March 5 2002.
(66) The Canadian Press, “Honduran political novice looks to N.Y. examples in race for presidency”, Mark Stevenson (Associate Press), November 24 2001.
(67) Freedom House. 2002. « Honduras ». Freedom in the World 2002.
(68) Op. cit., The New York Times, March 5 2002.
(69) Op. cit., Godard, p. 66-67.
(70) The San Francisco Chronicle, “Honduran president takes tough stance on fighting gangs”, Catherine Elton, September 28 2003.
(71) L’article 332 réformé se lit ainsi : « Seront sanctionnés d’une peine de neuf à douze ans de réclusion et d’une amende de 10 000 à 200 000 lempiras les chefs de pandillas qui s’associent de façon permanente, dans le but d’exécuter des actions visant à agresser des personnes, à endommager des biens, à menacer ou à extorquer des personnes, ou à commettre n’importe quel type de délit. Les autres membres du groupe seront sanctionnés de la même façon par de la réclusion, dont la durée sera inférieure d’un tiers. »
(72) Rapport du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, 3 janvier 2006.
(73) The Los Angeles Times, “When Deportation Is a Death Sentence”, Tom Hayden, June 28 2004.
(74) Op. cit., Godard, p. 69.
(75) Op. cit., Associated Press, October 25 2003.
(76) La Presse, « Les escadrons de la mort reviennent hanter le Honduras », Frédéric Faux, 14 avril 2005, p. A21.
(77) Le Monde Diplomatique, « En toute impunité, le Honduras liquide ses parias », Raphaëlle Bail,
octobre 2004, p. 20.
(78) Amnesty International, « Tolérance zéro... Pour l’impunité - Exécutions extrajudiciaires d’enfants et de jeunes depuis 1998 », décembre 2002, p. 7.
(79) Idem, p. 10.
(80) Op cit., Le Monde Diplomatique, octobre 2004.
(81) Op. cit., La Presse, 14 avril 2005.
(82) Op cit., Le Monde Diplomatique, octobre 2004.
(83) Op. cit., Amnesty International, décembre 2002, p. 13-14.
(84) Idem, p. 11.
(85) National Post, “The young bloods - Thousands of children in Honduras continue to die at the hands of 'terminators'”, Peter Brieger, August 19 2006, p. A15.
(87) Idem.
(88) AFP, « "Les Magnifiques", escadron de la mort chargé du "nettoyage social" au Honduras », Noé Leiva, 6 mars 2005.
(89) http://www.alterinfos.org/spip.php?article1398
(90) Op. cit., Godard, p. 70.
(91) The Los Angeles Times, “Dying Young in Honduras”, T. Christian Miller, November 25 2002.
(92) Op cit., Le Monde Diplomatique, octobre 2004.
(93) Op cit., La Presse, 14 avril 2005.
(94) Op. cit., Amnesty International, décembre 2002, p. 17.
(95) Idem, p. 24.
(96) Op cit., Le Monde Diplomatique, octobre 2004.
(97) Op cit., La Presse, 14 avril 2005.
(98) Op. cit., Amnesty International, décembre 2002, p. 15.
(99) McClatchy - Tribune Business News, “President softens his stance on gangs”, Joe Mozingo, April 13 2006, p. 1.
(100) PINE Adrienne, “Working hard, drinking hard: on violence and survival in Honduras”, University of California Press, [2008], p. 68.
(101) The Baltimore Sun, “When a wave of torture and murder staggered a small U.S. ally, truth was a casualty”, Gary Cohn and Ginger Thompson, June 11 1995.
(102) The Canadian Press, “Honduras calls off search for fugitives after deadly prison riot”, Freddy Cuevas (Associate Press), April 6 2003.
(103) The New York Times, “Outside Experts Find Cover-Up of Killings in Honduras Prison”, Tim Weiner, May 20 2003, p. A1.
(104) AFP, « Honduras: 20 policiers et militaires condamnés pour avoir tué 68 détenus », 4 juin 2008.
(105) The Canadian Press, “More than 100 inmates die in Honduran prison fire, caused by short-circuit”, Kent Gilbert (Associate Press), May 17 2004.
(106) The Globe and Mail, “Fire in Honduras prison kills 103 inmates”, Reuters, 18 May 2004, p. A16.
(107) The Canadian Press, “Gang members say prison fire that killed 103 in Honduras intentionally set”, Mark Stevenson (Associated Press), May 18 2004.
(108) AFP, « Polémique après l'incendie qui a fait 103 morts dans une prison surpeuplée », 18 mai 2004.
(109) Op cit., The Los Angeles Times, June 28 2004.
(110) AFP, « Découverte d'une nouvelle tête humaine avec un message hostile au président », 26 avril 2004.
(111) AFP, “Twenty-eight dead in Honduran bus massacre”, Noe Leiva, December 24 2004.
(112) La Gaceta, Diaro oficial de la Republica de Honduras, Sabado 12 de Marzo de 2005, Num 30,645.
(113) The Canadian Press, “Honduran police say two dozen gang members linked to bus massacre”, Associated Press, December 31 2004.
(114) The Associated Press, “Honduras massacre suspect arrested”, February 25 2005.
(115) The Houston Chronicle, “Fugitive Honduran street gang leader may be in the U.S.”, Susan Carroll, February 12 2007.
(116) Le Monde, « La lutte contre les gangs a dominé la campagne électorale hondurienne », Jean-Michel Caroit, 28 novembre 2005, p. 4.
(117) SEELKE Clare Ribando, « Anti-Gang Efforts in Central America: Moving Beyond Mano Dura? », Center for Hemispheric Policy, University of Miami, April 10 2007.
(118) Op. cit. Courrier International, 5 juin 2008.
(119) Courrier international, « Cent trois morts dans une prison, tous du même gang », 27 mai 2004, p. 31.
(120) AFP, « Gamins paumés, ils ont trouvé le réconfort dans la Mara-18 puis la prison », Noé Leiva, 31 mars 2005.
(121) La Presse Canadienne, « Rixe dans une prison du Honduras: neuf morts », Associated Press, 26 avril 2008.
(122) La Presse Canadienne, « Une fusillade fait 13 morts dans une prison au Honduras », Associated Press, 5 janvier 2006.
(123) Agence de presse Xinhua, « Honduras : au moins 18 prisonniers tués dans une émeute de prison », 4 mai 2008.
(124) Violence in Central America : Briefing and Hearing before the Subcommittee on the Western Hemisphere of the Committee on Foreign Affairs, June 26 2007, p. 11.
(125) Op. cit., Seelke, p. 4.
(126) Op. cit. Courrier International, 5 juin 2008.
(127) Freedom House. 2009. « Honduras ». Freedom in the World 2009.
(128) X (Re), CISR, 17 décembre 2008, MA8-07467.
(129) X (Re), CISR, 3 août 2006, TA5-14729.
(130) Demoscopía. “Maras y pandillas, comunidad y policía en Centroamérica. Hallazgos de un estudio integral”, Octubre 2007, p. XXV.
(131) Meza Varela v. Canada (Citizenship and Immigration), Cour fédérale, 25 novembre 2011, IMM-1998-11.
(132) Op. cit., Cruz Pineda c. Canada (Citoyenneté et Immigration).
(133) Time Magazine, “Gangs: the Mara Salvatrucha”, Tim McGirk, July 27 2008.
(134) La Prensa Gráfica, “El más grande problema de CA son la maras”, David Marroquín, 8 de Abril de 2005.
(135) Op. cit., Time Magazine, July 27 2008.
(136) El Faro, « La muerte de los pesetas », Daniel Valencia Caravantes, 20 de Noviembre de 2009.
(137) Op. cit., Time Magazine, July 27 2008.
(138) Idem.
(139) La Presse, « Que faire avec les gangs de tatoués: négocier ou les assassiner ? », Frédéric Faux, 4 mars 2006, p. A22.
(140) Op. cit., El Faro, 20 de Noviembre de 2009.
(141) Op. cit., Time Magazine, July 27 2008.
(142) La Prensa, « Matan a joven deportado de Estados Unidos », 30 de mayo de 2009.
(143) El Heraldo, « Brutal ejecución de tres hombres en Honduras », 10 de agosto de 2009.
(144) La Prensa, « Asesinan a joven en El Progreso », 2 de enero de 2010.
(145) El Heraldo, « Matan a dos hombres en Villanueva, Cortés », 29 de junio de 2011.
(146) La Tribuna, « Dany Villanueva enfrenta audiencia de deportación », 27 de enero de 2010.
(147) Ces informations et celles qui suivent sont tirées des témoignages oraux et écrits de membres de la famille Villanueva vivant au Canada.
(148) http://www.irb-cisr.gc.ca:8080/RIR_RDI/RIR_RDI.aspx?id=453309&l=f
(149) Dany Villanueva c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), SAI, 22 juillet 2011, MB0-02298.
(150) Op. cit., Alvarez Castaneda c. Canada.
(151) La Presse, « Le SPVM offre sa protection à Dany Villanueva », Vincent Larouche, 7 octobre 2011, p. A14.
(152) El Heraldo, « Asesinan a tres hombres », 3 de octubre de 2011.
(153) Sala Negra, « Se hunde Atlántida », Daniel Valencia Caravantes, 29 de Agosto de 2011.



Dossier G20
  Nous vous offrons plusieurs reportages indépendants et témoignages...

Très beau dessin: des oiseaux s'unissent pour couper une cloture de métal, sur fonds bleauté de la ville de Toronto.
Liste des activités lors de ce
« contre-sommet » à Toronto

Vous pouvez aussi visiter ces médias alternatifs anglophones...

Centre des médias Alternatifs Toronto
2010.mediacoop.net


Media Co-op Toronto
http://toronto.mediacoop.ca


Toronto Community Mobilization
www.attacktheroots.net
(en Anglais)

CMAQ: Vie associative


Collectif à Québec: n'existe plus.

Impliquez-vous !

 

Ceci est un média alternatif de publication ouverte. Le collectif CMAQ, qui gère la validation des contributions sur le Indymedia-Québec, n'endosse aucunement les propos et ne juge pas de la véracité des informations. Ce sont les commentaires des Internautes, comme vous, qui servent à évaluer la qualité de l'information. Nous avons néanmoins une Politique éditoriale , qui essentiellement demande que les contributions portent sur une question d'émancipation et ne proviennent pas de médias commerciaux.

This is an alternative media using open publishing. The CMAQ collective, who validates the posts submitted on the Indymedia-Quebec, does not endorse in any way the opinions and statements and does not judge if the information is correct or true. The quality of the information is evaluated by the comments from Internet surfers, like yourself. We nonetheless have an Editorial Policy , which essentially requires that posts be related to questions of emancipation and does not come from a commercial media.