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Réponse à l'appel aux féministes, libertaires, communistesAnonyme, Lundi, Novembre 21, 2011 - 21:01 Ce texte est une réponse au texte de Force étudiante critique: par les communistes internationalistes Klasbatalo D’entrée de jeu nous voulons clarifier dans quelle direction votre Appel est lancé. Il y est dit entre autres : « Cet appel pose une question centrale: quel est le rôle des féministes, des libertaires et des communistes dans cette lutte? Si on en aperçoit quelques-un-es dans les assemblées générales étudiantes peu peuplées, on les entend très peu se prononcer sur les stratégies de luttes à adopter pour l’année à venir. Quels liens sont faits chez les groupes révolutionnaires entre la lutte étudiante et la nature de leur contribution à celle-ci? (…) Pourtant, c’est la confrontation des tendances radicales qui permet la construction d’un rapport de force de la base en mouvement par l’information et l’action. La lutte à la hausse des frais de scolarité ne pourra pas se passer de ce travail délibératif qui favorisera l’élargissement du mouvement et sa combativité. » 1 Qui sont les communistes que vous voulez interpeler avec votre Appel? Est-ce que ce sont les maoïstes et autres staliniens que l’idéologie bourgeoise a réussi à faire entrer dans la tête de chaque prolétaire, à force de martellement médiatique, que le communisme, c’est le stalinisme? Ou est-ce que ce ne serait pas plutôt les trotskystes qui, depuis longtemps, ne sont plus visibles à l’œil nu puisqu’ils ont tous intégré la social-démocratie (en l’occurrence, QS pour le Québec), c’est-à-dire la gauche bourgeoise? Il va sans dire que si votre Appel est lancé dans la direction des ces groupes qui passent leur temps à jouer avec les mots du marxisme pour intégrer les prolétaire au capital, alors vous vous tirer dans le pied puisque ces groupes sont contre-révolutionnaires. Concernant les anarchistes, la plupart des groupes sont pratiquement la fraction extra-parlemantaire de Québec Solidaire, le parti de la gauche capitaliste, c’est-à-dire qu’ils ont à peu près la même pratique militante, les mêmes revendications politique immédiates, mais sont seulement « plus combatifs » et « moins électoralistes », alors que d’autres sont ouvertement réactionnaires (hippies, lifestylisme, autogestion, etc.). Peu importe, ils sont tous aussi contre-révolutionnaires les uns que les autres et sont aussi un dernier recourt que le pouvoir bourgeois utilisera sans doute pour mater la révolution prolétarienne.2 Ces clarifications faites, si vous voulez replâtrer le capital en crise mondial et lui donner un visage humain, votre Appel doit se diriger vers ces groupes de la gauche radicale bourgeoise. Si vous voulez participer au surgissement de la révolution prolétarienne, vous devez rompre avec cette gauche radicale bourgeoise, perspective qui ne semble pas se dessiner clairement dans vos quelques textes théoriques publiés sur votre blog. De plus, de façon générale, la revendication du blocage de la hausse des frais de scolarité dans une perspective de gratuité scolaire avancée par les fractions plus « radicales » du mouvement étudiant participe à ce replâtrage du capital. Non, la gratuité scolaire n’est pas un pas dans la bonne direction (une société « progressiste » ou meilleure) comme l’ensemble de la gauche bourgeoise fait front pour nous y faire croire, mais c’est bien plutôt une belle voie de garage pour détourner le mécontentement légitime de beaucoup d’étudiants de la lutte révolutionnaire. Vous semblez vous-mêmes tomber dans ce genre de raisonnement quand vous affirmer : « l’éducation gratuite n’est qu’un moment de la lutte totale contre la société capitaliste ».3 Peut-être considérez-vous que le Rapport Parent était un moment de la lutte totale contre le capitalisme? Or, rien n’est plus faux. L’éducation gratuite n’est pas en soi une revendication « anti-capitaliste », mais bien plutôt une revendication inter-classiste et corporatiste visant à permettre la mobilité sociale, c’est-à-dire l’élévation dans la hiérarchie sociale, pour tous, de façon universelle. Le capital tremble de frayeur! Les établissements scolaires en général, qu’ils soient gratuits ou non, restent un lieu de reproduction du capital, entre autres avec la recherche, et un lieu de reproduction des classes sociales. De prime abord, on forme les futurs gestionnaires de la société capitaliste (administration, gestion, marketing, etc.). Ensuite, on forme aussi des experts de toutes sortes dans le but d’améliorer la technique, c’est-à-dire la productivité du travail et son exploitation (les sciences naturelles en général). Et finalement, on crée une vaste couche d’intellectuels (les sciences humaines en général), de gauche comme de droite, de Léo-Paul Lauzon à Denise Bombardier, dont leur fonction est de donner une légitimité idéologique à l’ordre existant. Vous semblez être en accord avec un des postulats de base du marxisme, en l’occurrence l’idée que l’histoire sociale est l’histoire de la lutte de classe. La méthode marxiste nous fait comprendre que les deux classes fondamentales (pas les deux seules existantes évidemment) et antagoniques du mode de production capitalisme sont la bourgeoisie et le prolétariat. Mais alors, où se trouvent les étudiant dans la hiérarchisation sociale du capital? Les étudiants forment-ils une classe sociale ayant ses propres intérêts matériels et historiques? Pour répondre à ces questions, voilà ce qu’en pensait Amadeo Bordiga 4 : « Les mouvements étudiants ne peuvent présenter une histoire ou une tradition historique. À l’époque des révolutions bourgeoises libérales, qu’elles soient républicaines ou seulement constitutionnelles, les agitations ou les organismes étudiants n’eurent pas d’actions ou d’objectifs autonomes (...) Selon Marx, le prolétariat est une classe non seulement parce que sans son travail il n’est pas possible de produire ces marchandises dont le total forme la gigantesque richesse de la société capitaliste, qu’il s’agisse de biens de consommation ou de biens d’équipement ; mais parce que le prolétariat en plus de produire tout, se reproduit aussi lui-même, c’est à dire réalise la production des producteurs. C’est dans ce sens que Marx a voulu introduire dans sa doctrine moderne le terme classique utilisé vingt siècles auparavant par les romains de l’antiquité pour désigner les membres de la plèbe laborieuse de leur époque : prolétaires. En poursuivant la comparaison entre le prolétariat fécond qui devrait aujourd’hui démissionner de l’histoire face aux étudiants qui s’agitent pour prendre sa place, il serait ici facile de faire de l’humour à la lecture des informations sur les étudiants des campus français ou des collèges américains pour qui la principale revendication révolutionnaire semble être la liberté sexuelle. (...) Aujourd’hui dans cette société humaine toujours plus dissolue, et surtout dans la conscience impuissante qu’elle a d’elle-même, on voit non seulement des théorisations qui font des étudiants une classe sociale, mais on entend même parler de lutte de générations, comme si la société était divisée en deux camps : les adultes et les jeunes... » . 5 En effet, on ne peut considérer les étudiants en général comme une classe sociale. Le statut d’étudiant est un statut temporaire, une transition vers la vie adulte et professionnelle. C’est une situation floue où la reproduction des classes sociales bât son plein. Évidemment, les gens d’origine bourgeoise ont leurs entrées dans les écoles privées et prestigieuses. Les gens d’origine ouvrière, eux, ce dirige souvent vers les métiers professionnels ou techniques quand ils n’ont pas déjà lâché l’école dès le secondaire, devenant ainsi des travailleurs sans qualifications et ultra-précaires. Certains réussissent à l‘école et sont capables de grimper dans la hiérarchie sociale, passant à la petite-bourgeoise, aux nouvelles classes moyennes ou tout simplement à la bourgeoisie. C’est là le point nodal de la revendication sur la gratuité scolaire. Ce sont ces gens-là, ceux qui aspirent à la mobilité sociale via l’éducation mais qui viennent souvent de milieux plutôt modestes (ouvrier, petite-bourgeoisie), qui ont des intérêts à la gratuité scolaire. C’est le même principe que quand le gouvernement, durant la révolution tranquille, ouvra les Université du Québec pour offrir une éducation accessible : la bourgeoisie québécoise avait un besoin pressant de gestionnaires et d’administrateurs pour gérer son capitalisme d’État moderne d’après-guerre. Cependant, aujourd’hui, c’est la situation inverse qui se produit : l’État coupe en éducation, ce que désapprouve les étudiants qui veulent devenir des gestionnaires du capital, mais n’en ont pas nécessairement les moyens. Nous ne sommes pas en train de dire, telles les différentes sortes de dinosaures staliniens, que l’étudiant est nécessairement, voire « naturellement » petit-bourgeois. Nous disons seulement que, politiquement, la revendication de la gratuité scolaire est une revendication purement d’arrivistes et de carriéristes, de droite comme de gauche, bref une revendication pour une sorte de « droit à la mobilité sociale ». Or ce qui importe, ce n’est pas qu’il soit possible ou plus facile de passer d’une classe à l’autre et ainsi s’élever vers la bourgeoisie, mais il s’agit d’en finir une fois pour toute avec cette société de classes! L’idée, que d’ailleurs vous semblez partager, selon laquelle une université universellement accessible et financer publiquement serait un oasis d’autonomie intellectuel contestant l’ordre établi est réactionnaire. Que l’université soit financée par l’État ou par le capital, elle en demeurera néanmoins une université capitaliste. L‘autonomie intellectuelle dans l’université bourgeoisie est l’illusion de l’intellectuel universitaire et académique pseudo-radical. Un aspect est largement oublié par le mouvement étudiant et ses organismes officiels : les étudiants, peu importe leur classe sociale d’origine, ont subi ces dernières années un violent processus de prolétarisation qui est évidemment lié à une désagrégation de l’accessibilité aux études. Une grande partie de la population étudiante n’a plus d’autres choix que de se trouver un petit boulot de survie et ainsi travaillé une quinzaine d’heures par semaine pendant ses études. Cela a son importance dans le fait que ces petits boulots occupés par les étudiants sont souvent des boulots de merde : précarité, salaires inférieurs à ceux des travailleurs permanents, horaires atypiques, etc. Évidemment, cette main d’œuvre est une aubaine pour les patrons. Mais, le plus important, c’est que ces étudiants prolétarisés sont l’avenir d’une possible union étudiants-ouvriers, puisqu’eux-mêmes ouvriers à temps partiel. Ainsi, la fougue de la jeunesse viendrait prêter main forte au mouvement communiste renaissant. Celui-ci aura grandement besoin, lors de la révolution, de l’appui ou au moins de la neutralité de couches sociales non-prolétariennes mais non-exploiteuses comme les classes moyennes, les soldats et… les étudiants! Notre héritage politique se trouve dans la Gauche Communiste, c’est-à-dire l’héritage des différentes fractions de gauches au niveau international dans l’Internationale Communiste luttant premièrement contre l’opportunisme et ensuite contre la contre-révolution stalinienne. Ces fractions ont su dégager les leçons historiques de la période de révolution mondiale de 17-23 et de la période de contre-révolution subséquente. Elles ont aussi fait un bilan théorique des positions politiques révolutionnaires du mouvement ouvrier. En effet, concernant la question du syndicalisme, elles en sont arrivées à le rejeter comme forme de lutte pouvant contribuer au surgissement de la révolution. Cet héritage, nous le faisons nôtre. En effet, le syndicalisme comme forme de lutte a eu ses heures de gloires. Il fut réellement cette « école du socialisme » dont Marx parlait. Il faut préciser que c’était l’époque de l’essor du capitalisme, époque où le prolétariat n’avait la possibilité de lutter que pour des réformes démocratique : reconnaisse du droit de vote, de coalition, de grèves, etc. et où la bourgeoisie ne s’était pas encore établie ni géographiquement partout ni de manière complète au niveau politique comme classe dirigeante. Les syndicats avaient leur place en tant que négociateurs de la force de travail visant des réformes et l’élargissement de l’organisation de la classe ouvrière. Avec le début du 20e siècle, le capital a colonisé toute la planète. Il est seul maître à bord et les dernières reliques de la féodalité sont complètement détruites. C’est aussi l’époque où l’on entre dans cycle sans fin : crise-guerre-reconstruction. En effet, il eut deux guerres mondiales et une sévère crise économique mondiale. L’ère historiquement progressive du capital était terminée, la révolution prolétarienne devait entrer en scène. 6 Avec ce changement d’époque, le syndicalisme perd son caractère de classe pour s’intégrer graduellement aux rouages du capital et surtout à l’État bourgeois. Il fut complètement éclipsé par la forme d’organisation révolutionnaire des conseils ouvriers. Cela, seule la Gauche Communiste l’a reconnu. En sommes, la forme de lutte syndicale pour des réformes à l’intérieur du capitalisme avait perdu tout son sens quand il était rendu temps de détruire le capital. Les syndicalistes devenaient de plus en plus ces « lieutenants capitalistes au sein du mouvement ouvrier » comme le disait Lénine. Après ces considérations, ne soyez pas surpris que nous rejetions autant la FECQ-FEUQ que l’ASSÉ. Ces deux organisations syndicales ont les mêmes fonctions : assurer de manière corporatiste à leurs membres des « réformes »7 illusoires face au gouvernement et surtout éviter tout débordement révolutionnaire de ses membres. Il faut toujours rester crédible si l’on veut négocier directement avec le gouvernent! Vous faites une délimitation artificielle entre, d’un côté la FECQ-FEUQ concertationniste, et de l’autre l’ASSÉ combattive. Or, la concertation et la combattivité ne sont que les deux revers d’une même médaille, le syndicalisme réactionnaire. Il faut dès maintenant créer des comités autonomes avec des délégués révocables en tout temps face et contre les syndicats et associations étudiantes et donner à ces comités une orientation révolutionnaire contre l’université bourgeoise dans une perspective de renversement du capitalisme. Dans les syndicats étudiants, la seule perspective possible est la négociation avec le gouvernement. Vous êtes en mesure de faire des critiques de gauche des positions de l’ASSÉ, surtout de son tournant récent vers la gauche caviar. Mais, le radicalisme verbal, c’est-à-dire l’ASSÉ à ses débuts, et la gauche caviar ont toujours fait bon ménage. Voilà pourquoi, nous ne sommes pas surpris du tournant de l’ASSÉ. Au contraire, nous pensons qu’elle affirme maintenant franchement ce qu’elle a toujours été. Néanmoins, il reste que ce « tournant » de l’ASSÉ vous dérange et vous y êtes opposés. Mais, au lieu de voir l’ASSÉ telle qu’elle est, c’est-à-dire un organisme de négociation gouvernementale à vocation pseudo-radicale, vous vous enfermez vous-mêmes dans une critique platement formaliste. Pour vous si l’ASSÉ a pris un « tournant libéral », c’est à cause d’un manque de démocratie et, c’est son corollaire, l’adoption en pratique du centralisme démocratique. Or, il semble en effet bizarre que l’ASSÉ ait un problème de démocratie interne alors que dans ses statuts, elle prône la démocratie directe. Les arbres vous empêchent de voir la forêt. On ne peut constater les faiblesses d’un mouvement ou d’une organisation sur des questions de formes. Il faut aller à la racine des choses, c’est-à-dire au contenu, aux positions politiques. Si telle avait été votre méthode, vous vous seriez rendu compte que l’ASSÉ n’est que fidèle à elle-même, qu’elle soit démocratique ou non. En cela, vous faites une critique très superficielle des positions que défend l’ASSÉ. Ce faisant, disons-le franchement, vous vous placez comme tendance de gauche d’une organisation réactionnaire que l’on aura à détruire le temps venu. Si révolution il y a prochainement, vous pouvez être sûrs que la FECQ-FEUQ et l’ASSÉ feront front pour tenter d’éloigner leurs membres de la tourmente sociale et se feront fort probablement ami avec le gouvernement, ce qui est déjà fait pour certains, dans l‘optique de rétablir l’ordre moyennement une place dans les sphères d’influences du pouvoir. La perspective d’un mouvement étudiant autonome luttant pour une société plus « progressiste », par exemple pour la gratuité scolaire, est un leurre puisque les étudiants ne sont pas une classe sociale porteuse d’un projet historique dépassant le capitalisme. Et de plus, le capitalisme pourrissant ne peut rationnellement accéder à de telles revendications. La seule solution est la révolution communiste et c’est vers cela qu’il faut orienter les étudiants de plus en plus précarisés et prolétarisés par ce capitalisme en crise. Il faut rompre avec cette gauche bourgeoise (Coalition contre la tarification, ASSÉ, QS) qui ne propose en fait que la perpétuation du capitalisme tout en nous faisant croire que son capitalisme de gauche sera « à visage humain », donc plus « progressiste » et respectueux des « droits humains ». Le capitalisme n’a plus rien de bon à amener à l’humanité, il est plus que temps de le détruire! Il faut dépasser l’esprit revendicatif et syndical et poser directement la question de l’avenir social au niveau politique. En d’autres mots, au lieu de tenter d’arracher des réformes illusoires au gouvernement, soit part concertation ou soit par combattivité, il faut mener une lutte politique contre l’État dans le but de le détruire et détruire le capital. C’est justement cet esprit qui animait les minorités révolutionnaires autant étudiantes qu’ouvrières durant les événements de mai 68. On ne se demandait pas comment réformer l’université ou comment augmenter les salaires, mais plutôt comment abolir l’université bourgeoise et abolir le travail salarié.
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