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Comment les procédures d’expulsion de Dany Villanueva ont servi les intérêts de Jean-Loup Lapointelacrap, Vendredi, Mai 27, 2011 - 01:41 Il y a cinq ans, Dany Villanueva a prit une décision lourde de conséquences dans des circonstances plutôt questionnables : il a plaidé coupable à une infraction pouvant entrainer son expulsion du Canada. Les autorités d’immigration se sont toutefois abstenues de lancer une procédure d’expulsion contre Dany à ce moment-là. L’enquête du coroner sur le décès du petit frère de Dany, Fredy Villanueva, allait cependant tout changer. Dans ce premier article d’une série de trois sur l’expulsion de Dany Villanueva, nous allons examiner comment le timing suspect de ces procédures de déportation a pu servir les intérêts du policier Jean-Loup Lapointe lors de l’enquête du coroner sur les causes et circonstances du décès de Fredy Villanueva. Le 21 avril 2010, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a prononcée une mesure d’expulsion à l’égard de Dany Villanueva pour motif de « grande criminalité ». Les conséquences d’une telle mesure sont sérieuses. Elles impliquent une interdiction de se trouver en territoire canadien, où vit Dany, avec toute sa famille, depuis l’âge de 12 ans. « Si la mesure est exécutée, ça tient à vie, vous ne serez pas en mesure de revenir au Canada à moins d'une permission spéciale », a précisé le commissaire Louis Dubé au moment de rendre sa décision. (1) La mesure d’expulsion est toutefois demeurée sans effet en raison de l’appel logé par l’avocat de Dany, Me Stéphane Handfield, à la Section d’appel de l’immigration (SAI). La SAI peut soit accepter ou rejeter l’appel, ou encore ordonner un sursis sur l’exécution de la mesure d’expulsion, en l’assortissant de conditions à respecter durant une période pouvant généralement aller de trois à cinq ans. Du 12 au 20 avril dernier, la commissaire Marie-Claude Paquette de la SAI a procédé à l’audition de l’appel de Dany. En attendant la décision de la commissaire Paquette, nous vous proposons de revenir sur les différents enjeux entourant les procédures d’expulsion à l’encontre de Dany. Avant d’aller plus loin, il convient de s’attarder à la définition de « grande criminalité » énoncée dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Selon l’article 36(1)a) de cette loi, un résident permanent peut se voir interdire de territoire pour « grande criminalité » de deux façons : soi en ayant été déclaré coupable d’une infraction à une loi fédérale passible d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou soi en ayant été condamné à une peine d’emprisonnement de plus de six mois pour une infraction à une loi fédérale. Notons que la loi sur l’immigration prévoit également que le résident permanent perd son droit d’appel lorsque la peine imposée s’élève à deux ans d’emprisonnement et plus. Soulignons que la notion de « grande criminalité » a fait l’objet de plusieurs critiques de la part des milieux juridiques lorsque la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés a été soumise à l’étude par des comités parlementaires et sénatoriaux alors qu’elle était encore à l’étape de projet de loi, en 2001. À l’époque, un représentant de l’Association du Barreau canadien (ABC), Benjamin Trister, n’hésita pas à qualifier « d’arbitraire » la définition de « grande criminalité » énoncée dans la loi. « Cette définition ne tient nullement compte du passé de la personne en cause, du fait qu'elle ait ou non des habitudes criminelles de longue date, des circonstances de la perpétration de son infraction, ou de ses chances de réadaptation », indiqua son collègue de l’ABC, Gordon Maynard. (2) « Il est difficile de définir précisément ce qu'on entend par grand criminel, ajouta Michael Greene, un autre représentant de l’ABC. Dans ma province, l’Alberta, les tribunaux aiment bien emprisonner les gens. Les statistiques indiquent que nos juges imposent davantage de peines d’emprisonnement et des peines de plus longue durée qu’ailleurs. » Paul Copeland, de l’organisme Law Union of Ontario, abonda dans le même sens. « Tout critère qui ne tient compte que de la peine est trop arbitraire », déclara Copeland. « J’ai déjà représenté des clients qui ont écopé de dix ans en prison pour avoir fait la contrebande ou l’importation de cannabis. Ils ne recevraient pas la même peine aujourd'hui. La peine est grave, mais l’infraction ne l’est pas vraiment aux yeux de la plupart des Canadiens. » (3) « Un des agents d'immigration a dit : nous ne renvoyons pas quelqu’un parce qu'il a conduit en état d’ébriété. La conduite en état d’ébriété qui cause la mort ou des blessures corporelles entraîne généralement la détention dans un pénitencier. Je ne conteste pas le bien-fondé du châtiment. Il pourrait toutefois s’agir d’une erreur grave que la personne ne va pas répéter. Pourtant, aux termes de la mesure proposée elle serait renvoyée », d’ajouter Copeland. Voulant se faire rassurante, Joan Atkinson, sous-ministre adjointe au ministère de Citoyenneté et Immigration Canada, fit valoir que le recours à une pareille mesure d’expulsion était exceptionnel. « À l’évidence, dans la plupart des cas, nous n’expulsons pas les résidents permanents de longue date. Mais pour la protection des Canadiens et leur sécurité, nous devons conserver le droit d’expulser, dans les cas les plus graves, ceux qui commettent des délits criminels de haute gravité, déclara Atkinson. (4) Ce n’est que dans un très petit nombre de cas que nous décidons de prendre des mesures strictes de renvoi contre un résident permanent de longue date. » (5) « Le mécanisme en vigueur permet de faire preuve de jugement quand un résident permanent fait l’objet d’une enquête à l’issue de laquelle il est interdit de territoire pour grande criminalité. En fait, nos statistiques indiquent que nous renvoyons moins de 5 p. 100 des résidents permanents dans ces circonstances », insista Nicole Girard de la Direction générale de l'exécution de la loi du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. (6) S’il ne manque pas de gens pour juger et condamner Dany Villanueva, il reste qu’il y a peu de personnes qui connaissent les circonstances entourant l’infraction pour laquelle la CISR a prononcé une mesure d’expulsion à son égard, l’an dernier. Nous vous proposons donc d’examiner de plus près les circonstances dans lesquelles Dany a commis le délit qui lui a valu de se faire interdire de territoire pour « grande criminalité ». Les faits remontent au mois de septembre 2005. À l’époque, Dany était âgé de 19 ans. Selon le rapport de police, Dany vola une chaine Versace à deux reprises à un jeune adolescent en l’espace de deux semaines. Le premier vol survint dans une ruelle située près du boulevard Rolland, à Montréal-Nord. Dany aurait poussé la tête de l’adolescent avant de lui donner un coup de poing à la poitrine. L’adolescent a toutefois pu récupérer la chaine suite à l’intervention d’un tiers qui s’interposa. L’affaire en resta là, l’adolescent s’étant abstenu de porter plainte. Puis, Dany revit ce même adolescent et la copine de celui-ci marchant ensemble au parc Henri-Bourassa durant la soirée du 15 septembre. Accompagné de quelques-uns de ses amis, Dany alla alors à la rencontre du jeune homme pour lui détacher sa chaine au cou. Ce faisant, il ne rencontra aucune résistance de la part de l’adolescent, celui-ci disant craindre « la gang » de Dany. À l’occasion de son témoignage à la SAI, Dany a raconté sa version des faits pour la première fois en public relativement à cet incident. Dany n’a pas hésité à qualifier son geste « d’erreur ». Si Dany a reconnu les faits reprochés, il a toutefois apporté d’importantes nuances. « Moi j’ai pris sa chaine parce que lui, il me devait de l’argent », a-t-il expliqué. « J’avais prêté de l’argent parce qu’il voulait s’acheter de quoi, c’était un ami à mon frère ». La somme prêtée tournait autour d’une trentaine ou d’une cinquantaine de dollars. Dany a aussi précisé à quelle fin devait servir d’argent. « Il voulait s’acheter un jeu. » Dany a souligné qu’il n’avait aucun intérêt envers la chaine de l’ami à son frère. « Moi, je voulais rien savoir de sa chaine. C’était une chaine en argent. Je ne voulais pas sa chaine. Je voulais juste qu’il me donne mon argent que moi je lui avais prêté. Pis c’est tout genre. Ce n’était pas mon intention de le voler. » Autrement dit, la chaine représentait en quelque sorte un bien en garanti aux yeux de Dany. « J’ai dit : quand t’aura mon argent, ta chaine va être là chez moi ». Par ailleurs, Dany a également reconnu avoir usé de force à l’égard de l’adolescent, en niant toutefois lui avoir asséné un coup. « Je l’ai pas frappé, je l’ai poussé, comme ». À la lecture du rapport de police, on voit bien que l’adolescent interpréta différemment les intentions de Dany. Préférant plutôt parler de « taxage », il affirma que Dany se serait servi d’un « problème » qu’il aurait eu avec la cousine de celui-ci comme prétexte pour lui prendre sa chaine. Quoiqu’il en soit, l’adolescent se rendit au poste de police de Montréal-Nord la nuit même du 15 septembre afin de porter plainte contre Dany Villanueva pour vol. Il a informa alors la police qu’il connaissait bien Dany. L’adolescent indiqua aux policiers l’adresse du bloc à appartements où résidait Dany, en ignorant toutefois le numéro d’appartement. Il communiqua également aux policiers le numéro de plaque d’immatriculation du véhicule utilisé par Dany. Normalement, les policiers avaient suffisamment d’informations à leur disposition pour procéder à l’arrestation de Dany dans les heures suivantes. Au lieu de faire preuve de diligence, les policiers se trainèrent plutôt les pieds. En effet, il faudra attendre jusqu’au 26 septembre avant que les policiers permettent au plaignant d’identifier Dany formellement via une « parade photo ». Puis, une autre semaine passa avant que les policiers ne donnent suite à la plainte. Le 3 octobre 2005, les policiers se rendirent chez Dany pour l’arrêter sous le motif de vol qualifié relativement à l’incident du 15 septembre. Près de trois semaines se sont donc écoulées entre le moment du délit et l’arrestation de Dany. De toute évidence, la police n’a pas traité la plainte de l’adolescent comme si elle avait affaire à un « délit criminel de haute gravité », pour reprendre l’expression utilisée par la sous-ministre Atkinson citée ci-haut. Notons que les présumés « complices » de Dany n’ont jamais été inquiétés par les policiers, bien que le plaignant avait apparemment été en mesure d’identifier l’un d’eux lors de la « parade photo ». Le lendemain de son arrestation, Dany fut remis en liberté sous diverses conditions, dont un couvre-feu de 22h à 6h et le dépôt d’une somme de 500$. S’il ne fait aucun doute que Dany Villanueva a bien commis un vol en prenant la chaine au cou de l’adolescent, le choix de l’accusation portée contre lui demeure cependant plutôt questionnable. En effet, selon la définition que l’on retrouve au Code criminel canadien, une personne commet un vol qualifié lorsqu’elle « emploie la violence ou des menaces de violence contre une personne ou des biens … pour extorquer la chose volée ou empêcher ou maîtriser toute résistance au vol », « blesse, bat ou frappe cette personne ou se porte à des actes de violence … au moment où il vole, ou immédiatement avant ou après », « se livre à des voies de fait sur une personne avec l’intention de la voler » ou encore « vole une personne alors qu’il est muni d’une arme offensive ou d’une imitation d’une telle arme ». (7) Il ressort donc clairement que l’usage de la force, ou à tout le moins les menaces de violence, constituent un élément essentiel de l’infraction de vol qualifié. Or, il n’y a absolument rien dans le rapport de police sur l’événement du 15 septembre qui donne des motifs de croire que Dany a véritablement usé de violence, ou menacé de le faire, lors du vol pour lequel l’adolescent a porté plainte. En effet, l’adolescent n’a jamais allégué avoir été frappé, menacé ou blessé par Dany, pas plus qu’il n’a invoqué l’usage d’une arme offensive ou d’une imitation lors du vol survenu le 15 septembre. Notons que la différence entre un vol simple et un vol qualifié est d’une importance cruciale lorsque l’accusé ne jouit pas de la citoyenneté canadienne, comme c’est le cas de Dany, lequel est résident permanent. Ainsi, lorsque la valeur de la chose volée ne dépasse pas 5000$, la sentence prévue au Code criminel pour un vol sans violence est une peine maximale d’emprisonnement de six mois et/ou une amende maximale de 5000$. Dans le cas d’un vol qualifié, la sentence maximale prévue est d’une sévérité incomparable puisqu’on parle de l’emprisonnement à perpétuité. Un vol qualifié est donc une infraction qui rencontre le critère de « grande criminalité », ce qui n’est pas le cas d’un vol simple. On ne saura jamais si le tribunal en serait arrivé à la conclusion que Dany Villanueva a commis un vol simple plutôt qu’un vol qualifié. Dany n’a en effet jamais subi de procès relativement à cette affaire. Il a plutôt coupé court au processus judiciaire en plaidant coupable à l’accusation de vol qualifié devant le juge Louis Legault de la Cour du Québec, le 12 avril 2006. Fait particulier, les avocats de la poursuite et de la défense ont adressé une suggestion commune au tribunal à l’effet d’imposer une peine de onze mois d’emprisonnement à Dany pour l’infraction de vol qualifié. Notons qu’un juge doit avoir de sacrées bonnes raisons pour briser l’unanimité entre deux parties adverses. C’est pour cette raison qu’il est plutôt rare qu’un juge va refuser de retenir une suggestion commune en matière de sentence. C’est ainsi que le juge Legault condamna Dany à purger une peine de onze mois de prison pour vol qualifié. La peine d’emprisonnement a de plus été assortie d’une probation de 2 ans, débutant après la période d’incarcération, interdisant ainsi à Dany de communiquer avec des individus qui, à sa connaissance, ont un casier judiciaire ou sont membres de gangs de rue. En plaidant coupable, Dany évita au plaignant d’avoir è venir témoigner à la cour, ce qui constitua un facteur atténuant qui joua en sa faveur. D’ailleurs, si le procès avait eu lieu, le sort de la cause aurait reposé principalement sur le témoignage de l’adolescent puisque ni sa copine qui était présente lors du vol, ni le tiers intervenu lors du premier incident, ne semblaient disposés à collaborer avec la police, selon les dires du rapport de police. Cependant, Dany était loin de se douter que son plaidoyer de culpabilité pouvait lui valoir de se faire bannir à vie du Canada. Il ne savait pas non plus qu’en se voyant imposer une peine de onze mois de prison pour vol qualifié, il se trouvait à rencontrer, non pas un, mais bien les deux critères énoncés à l’article 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et le statut de réfugié en matière de « grande criminalité ». D’une part, sa peine dépassait le seuil de six mois d’emprisonnement prévu à cet article de loi ; d’autre part, comme on l’a vu ci-haut, l’infraction pour laquelle il a été condamné prévoit une peine maximale allant jusqu’à l’emprisonnement perpétuité, donc bien au-delà du seuil de dix années d’emprisonnement mentionné à l’article 36(1)a). Malheureusement, la question des conséquences potentielles que pourraient avoir sur Dany tant la peine imposée que de la déclaration de culpabilité, a brillée par son absence lors des plaidoiries sur sentence qui se sont tenues devant le juge Legault. À aucun moment durant l’audience, l’avocat de Dany, Me Rodrigue Beauchesne, n’a informé le tribunal que son client est un résident permanent et qu’une telle condamnation pour une telle infraction risquait d’être lourde de conséquences sur le statut de son client. Au contraire, à l’instar de la couronne, Me Beauchesne a suggéré au tribunal d’imposer une sentence susceptible d’exposer son client à une double peine. Pourtant, lors des plaidoiries sur sentence, on voit couramment des avocats représentant des accusés ne jouissant pas de la citoyenneté canadienne dans des causes criminelles demander au tribunal de prendre en considération l’impact d’une condamnation sur le dossier d’immigration. Généralement, l’avocat de la défense va plaider en faveur d’une absolution conditionnelle ou inconditionnelle, car la loi prévoit que l’accusé est réputé ne pas avoir été condamné à l’égard de l’infraction dans un tel cas. (8) Si Dany avait su, il aurait sûrement pensé à deux fois avant de plaider coupable… On ne saura jamais si le juge Legault aurait imposé la même peine s’il avait su qu’elle pouvait avoir pour conséquence d’entrainer l’expulsion de Dany Villanueva vers son pays natal, le Honduras. On sait toutefois que le juge Legault a eu des bons mots pour Dany lorsqu’il s’est adressé à lui pendant plusieurs minutes avant d’imposer la sentence. Constatez-le par vous-même en prenant connaissance des quelques extraits reproduits ci-dessous de la longue allocution que le juge Legault a prononcé à l’attention de Dany :
Pour parler ainsi, le juge devait nécessairement croire en ce jeune accusé qu’il avait devant lui, et surtout en sa capacité de réhabilitation. À l’inverse, expulser quelqu’un, c’est lui dire qu’on refuse de lui donner une seconde chance parce qu’on croit qu’il n’arrivera jamais à rien faire de positif avec sa vie au Canada. Exactement à l’opposé de l’esprit du propos tenu par le juge Legault. Durant sa période d’incarcération, Dany Villanueva a reçu la visite d’un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), ou si vous préférez, la police de l’immigration. Lors des témoignages qu’il a rendus à la SAI et à l’enquête du coroner, Dany a parlé de cette rencontre, en rapportant les paroles tenues par l’agent de l’ASFC. Dany a retenu de cet épisode qu’il s’agissait-là d’une « visite de routine » destinée à aborder son statut en raison du fait qu’il avait écopé d’une peine de plus de six mois de prison. Il se rappelle aussi que l’agent de l’ASFC avait voulu se faire rassurant à son égard. « Inquiète-toi pas, c’est une visite qu’on fait avec le monde qui sont pas citoyens », a dit en substance l’agent de l’ASFC à Dany. « Ça veut pas dire que tu vas prendre l’avion demain ». Comme de fait, Dany était bien loin de « prendre l’avion ». Et ce, même si un agent de l’ASFC a produit un rapport d’interdiction de territoire à l’égard de Dany relativement à sa condamnation pour vol qualifié, le 1er octobre 2007. (10) Notons que le rapport d’interdiction de territoire ne constitue que la première étape dans une procédure d’expulsion pour « grande criminalité ». Pour qu’une mesure d’expulsion soit prononcée, le rapport d’interdiction de territoire doit être déféré à la CISR par le ministre fédéral de la Sécurité publique. Or, rien de tel n’est arrivé. L’ASFC s’est plutôt contenté d’envoyer une lettre à Dany, le 8 juillet 2008. « Ça disait que je devais rester tranquille, que je devais pas avoir, je pense une sentence de plus que deux ans, si je me souviens bien, puis je vais pas avoir un dossier où est-ce qu’on me trouve coupable, parce que ça, ça pourrait, comme te mettre plus une marge pour continuer à évoluer mon dossier en immigration », a expliqué Dany durant son témoignage à l’enquête du coroner. « On savait que c’était comme une affaire… une vérification de routine parce que j’étais pas citoyen. » (11) Chose certaine, quand on connait les faits entourant l’incident du 15 septembre 2005, il n’est pas difficile d’imaginer qu’un haut-fonctionnaire ait pu en arriver à la conclusion qu’on était bien loin d’un « délit criminel de haute gravité ». Après tout, quand un fonctionnaire de l’immigration prend la peine d’écrire « première offense » et « priorité zéro » sur un document officiel, ça veut tout dire. Ainsi, malgré le fait que la condamnation pour vol qualifié de Dany rencontrait les deux critères énoncés à l’article 36(1)a) de la loi sur l’immigration en matière de « grande criminalité », le ministre fédéral a jugé que le dossier de Dany ne méritait pas de mettre en branle la lourde machine à expulsion. Cette inaction est d’autant plus significative quand on prend en considération quelle est le fruit d’une décision prise par un ministre conservateur, en l’occurrence Stockwell Day, dont le parti avait fait campagne sur des thèmes comme la sécurité, la loi et l’ordre. De toute évidence, le ministre et les hauts-fonctionnaires ont estimé que le dossier de Dany ne comptait pas parmi le « très petit nombre de cas », pour reprendre les mots de la sous-ministre Atkinson, qui font l’objet d’une mesure d’expulsion pour « grande criminalité ». Bref, aux yeux de l’État, Dany n’était probablement qu’un jeune de plus qui a fait une bêtise, comme tant d’autres. Qui plus est, une bêtise pour laquelle Dany a déjà été puni par un séjour en prison de plusieurs mois. Un événement tragique va cependant venir tout changer. Le 9 août 2008, un agent du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) ayant pour nom Jean-Loup Lapointe tira sur trois jeunes qui n’avaient aucune arme dans les mains lors d’une tentative d’interpellation visant Dany Villanueva, alors soupçonné d’avoir joué aux dés à l’argent dans un parc, une infraction à un règlement municipal passible d’une amende de 50$. Fredy Villanueva, le petit frère de Dany, fut atteint de deux projectiles à la poitrine, l’un d’eux traversant son avant-bras gauche, tandis que Denis Meas fut touché à l’épaule droite et Jeffrey Sagor-Metellus reçu une balle dans le dos. Lorsqu’il ouvrit le feu, l’agent Lapointe se trouvait physiquement par-dessus Dany, lequel avait déjà été immobilisé au sol par une prise autour du cou. Dany vit ensuite son frère Fredy couché au sol, en train de se vider de son sang, alors qu’il était lui-même réduit à l’impuissance, assis et menotté dans une voiture de police. Fredy Villanueva, 18 ans, succomba à ses blessures dans les heures qui suivirent. Dany venait de perdre son seul et unique frère. Le lendemain, une émeute fit rage pendant plusieurs heures dans le quartier de Montréal-Nord où le drame survint. Les images de voitures en flammes firent rapidement le tour de la planète… le genre de « publicité » dont le gouvernement du Canada se serait sûrement bien passé. À partir de ce moment-là, Dany cessa d’être un jeune parmi d’autres aux yeux de l’État. « C’est bien évident qu’on va parler beaucoup plus de monsieur Villanueva après 2008 qu’avant 2008 », a déclaré le sergent-détective Jean-Claude Gauthier du SPVM lors de son témoignage à la SAI. Le policier Gauthier a d’ailleurs reconnu qu’il n’existait pas de profil criminel sur Dany à la division du renseignement du SPVM avant août 2008. « Il y a aucune étude qui avait été fait quant à son nom ou son appartenance », a-t-il indiqué. Bien malgré lui, Dany a commencé à attirer l’attention des médias… tout en suscitant un regain d’intérêt du côté de la police de l’immigration. En effet, le 15 août 2008, Silvain Loiselle, superviseur à la Division de l’exécution de la loi de l’ASFC, a téléphoné au sergent-détective Bruno Duchesne, le responsable de l’enquête menée par la Sûreté du Québec sur l’intervention policière qui a couté la vie à Fredy Villanueva. « Suite aux événements du 9 août 2008 dans lesquels un individu est décédé (Fredy Villanueva), les médias rapportèrent l’implication d’un individu nommé Dany Villanueva, âgé de 22 ans, écrit le superviseur Loiselle dans une lettre déposée en preuve à l’enquête du coroner. Nous voulions confirmer en vous appelant qu’il s’agissait du même individu que celui visé par notre dossier par vérification de la date de naissance. Nous voulions également vérifier si des accusations seraient éventuellement portées contre lui suite aux événements, le tout afin de mettre à jour notre dossier. » « Il est à noter que Dany Villanueva n’est pas citoyen canadien mais plutôt résident permanent du Canada. M. Villanueva a déjà fait l’objet d’une condamnation au Canada. Ainsi, des vérifications périodiques sont nécessaires en ce qui concerne le dépôt potentiel d’accusations criminelles additionnelles qui pourraient entraîner l’ouverture d’une enquête au terme de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour la perte de ce statut », ajoute Loiselle. En d’autres mots, le superviseur de l’ASFC voulait savoir s’il existait une possibilité que le même événement qui coûta la vie au petit frère de Dany puisse également avoir pour conséquence de priver celui-ci de son statut de résident permanent, et ainsi, de son droit de demeurer en sol canadien. Il faut savoir qu’une fois que les coups de feu ont été tirés, les policiers dépêchés en renforts procédèrent effectivement à l’arrestation de Dany pour voies de fait sur un policier, entrave au travail d’un policier et méfait d’une valeur de moins de 5000$, les faits reprochés étant tous postérieurs à la tentative d’interpellation en vertu d’un règlement municipal. Cependant, Dany n’a jamais été formellement inculpé puisqu’il n’a jamais eu à comparaître devant un tribunal pour répondre à des accusations criminelles relativement à l’événement du 9 août 2008. Idem pour Jean-Loup Lapointe. Le 1er décembre 2008, le Directeur des poursuites criminelles et pénales annonça en effet qu’aucune accusation n’allait être portée contre l’agent Lapointe. Le même jour, le ministre de la Sécurité publique du Québec, Jacques Dupuis, annonça la tenue d’une enquête du coroner sur les causes et circonstances du décès du jeune Fredy Villanueva. L’enquête du coroner connut cependant des débuts difficiles. Le coroner reporta en effet à deux reprises le commencement de l’enquête publique – laquelle devait débuter initialement en févier 2009 puis au mois de mai suivant – après que la famille Villanueva eut signifié son intention de boycotter l’exercice. On se rappellera qu’à l’époque la famille Villanueva avait accusée publiquement le ministère de la Sécurité publique d’avoir brisé sa promesse d’assumer les honoraires des avocats mandatés pour représenter les deux jeunes blessés, Jeffrey Sagor-Metellus et Denis Meas, durant l’enquête du coroner. Avec six avocats chevronnés pour représenter les intérêts des policiers contre un seul pour la famille du défunt, l’exercice s’annonçait être une enquête-bidon que les proches de Fredy Villanueva n’avaient aucun désir de cautionner. Après deux faux départs, l’enquête du coroner était désormais prête à prendre son envol lorsque les avocats représentant les familles des victimes annoncèrent la conclusion d’une entente sur leurs honoraires avec le Bureau du coroner, le 16 juillet 2009. La famille Villanueva venait d’avoir gain de cause après avoir tenu tête pendant plusieurs mois à un ministre de la Sécurité publique terriblement borné. Le sentiment de victoire fut cependant de courte durée. Car trois semaines plus tard, la condamnation pour vol qualifié prononcé en avril 2006 revint subitement hanter Dany. Si les autorités d’immigration avaient voulu faire payer à la famille Villanueva sa ténacité, elles n’auraient guère pu s’y prendre autrement. Ainsi, le 4 août 2009, l’ASFC rédigea un deuxième rapport d’interdiction de territoire relativement à la même infraction pour laquelle Dany Villanueva avait déjà été puni, trois ans et demie plus tôt. Dany n’en croyait pas ses yeux. « Je comprenais rien quand j’ai reçu la deuxième lettre, en 2009, a-t-il raconté durant son témoignage à la SAI. Moi je pensais que tout était correct ». Cette fois-ci, le rapport d’interdiction de territoire ne sera pas « oublié » sur une tablette comme le précédent. Ce second rapport de l’ASFC a plutôt été déféré à la CISR, le 4 janvier 2010. Et ce, quelques semaines avant le début prévu du témoignage de Dany à l’enquête du coroner sur le décès de son frère. « On parle de faits vieux de plus de quatre ans. Pourquoi attendre jusqu’à maintenant, ou alors tant qu’à avoir attendu, pourquoi ne pas attendre la fin de l’enquête du coroner ? C’est surprenant », a indiqué l’avocat d’immigration de Dany, Me Stéphane Handfield, à un journaliste de Rue Frontenac. (12) « Après une condamnation, cela prend d'habitude entre huit et douze mois avant qu'un rapport de l'Agence soit déposé, de souligner Me Handfield, qui a déjà été lui-même commissaire à l’immigration pendant plusieurs années. Ici, ça a pris quatre ans. Est-ce que l'enquête du coroner a joué ? Ce n'est pas à moi de le dire, mais probablement. » (13) Ce développement inattendu a été particulièrement éprouvant pour Lilian Madrid Villanueva, la mère de la famille. « Mme Villanueva, la mère de Dany, est bouleversée. On lui a déjà enlevé un fils de façon tragique et elle a l’impression qu’on va lui en enlever un autre », a expliqué Me Handfield. Pour Dany, cette nouvelle tuile pouvait difficilement arriver à un plus mauvais moment. Malgré la tristesse causée par la perte soudaine de son jeune frère, Dany avait réussi à garder le cap durant les mois qui suivirent le drame du 9 août 2008. Refusant de céder au découragement, il avait alors complété un diplôme en études professionnelles en mécanique automobile, en décembre 2008. Puis, au début de l’année 2010, Dany avait entrepris des cours de dessin en bâtiment au centre de formation des Riverains. Il devenait cependant de plus en plus difficile pour lui de se concentrer sur ses études, les travaux du coroner André Perreault remuant beaucoup de souvenirs douloureux. « J’essayais de me concentrer à l’école, mais je ne pouvais pas. J’avais le souvenir de mon frère qui venait dans ma tête », a déclaré Dany durant son témoignage à l’enquête du coroner. (14) Par ailleurs, l’ordre des témoins à l’enquête du coroner ayant déjà été convenu à l’avance, Dany savait qu’il aurait à témoigner immédiatement après le policier Lapointe qui a abattu son frère Fredy à bout portant. En fait, Jean-Loup Lapointe débuta son témoignage devant le coroner le 2 février 2010, soit quelques jours après la première comparution de Dany devant la CISR, le 27 janvier. C’est ainsi que les procédures d’expulsion de Dany se mirent à chevaucher l’enquête du coroner sur la mort de Fredy. À tel point que le coroner Perreault a même dû émettre un subpoena pour s’assurer de la présence de Dany à l’audience du 11 mars en raison du fait que celui-ci avait été convoquée devant la CISR la même journée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Dany était en grande demande… La pression d’avoir à livrer un témoignage fort attendu à une enquête du coroner médiatisée, conjuguée au stress liée à une procédure d’expulsion, était-elle que Dany a dû renoncer à ses études. « Je savais que je devais déclarer, puis en même temps, je devais me présenter à l’immigration, a expliqué Dany. Ces deux choses-là, plus la pensée de mon frère, c’était… je trouvais qu’à l’école, c’était un petit peu trop avec l’école. » Récapitulons : en 2007, le ministre estima que la condamnation pour vol qualifié de Dany Villanueva ne méritait pas une interdiction de territoire. Puis, en 2010, le ministre changea complètement son fusil d’épaule et décida de lancer une procédure d’expulsion pour cette même condamnation, alors vielle de près de quatre ans. Désormais, les autorités d’immigration se montraient bien décidées à mettre le paquet dans ce dossier, comme en témoigne le fait que leur preuve écrite déposée à la SAI s’élevait à plus de 200 pages. « Pourquoi monsieur Villanueva n’a-t-il pas été déféré devant la Section de l’immigration s’il était un danger en 2007 ?, s’est interrogé à voix haute Me Handfield durant l’audience à la SAI. Pourquoi est-il devenu une priorité en 2009 ? Qu’est-ce qui s’est passé entre 2007 et 2009 ? » Pour obtenir la réponse à ces questions, Me Handfield voulu faire témoigner Sylvain Loiselle, ce superviseur de l’ASFC qui avait téléphoné au sergent-détective Bruno Duchesne de la Sûreté du Québec durant la semaine qui suivi le décès de Fredy Villanueva. L’avocate de l’ASCF, Me Chantal Boucher, s’est cependant objectée à cette demande. Au début de l’audience à la SAI, le 12 avril dernier, la commissaire Marie-Claude Paquette trancha en faveur de l’objection du ministère, jugeant que le témoignage de Loiselle était « non pertinent » à la cause de Dany. Le ministère a bien tenté d’offrir de justifier sa conduite quelque peu inhabituelle dans ce dossier, mais ses explications cousues de fil blanc étaient peu convaincantes. Dans un document déposé en preuve, le ministère prétendait que le deuxième rapport d’interdiction de territoire visait à apporter des « précisions » sur la condamnation pour vol qualifié de Dany « sans en changer les informations essentielles ». Or, il suffit de comparer le rapport de 2007 avec celui de 2009 pour constater qu’aucune précision n’a été apportée. C’est peut-être parce qu’elle appréhendait que cette excuse boiteuse se heurterait à un scepticisme justifié que l’avocate du ministère a avancé une toute autre explication au commencement de l’audience devant la SAI. Ainsi, Me Boucher a affirmé que le ministère a décidé de suspendre les procédures d’expulsion par « respect » pour la famille Villanueva en raison du drame du 9 août 2008. « On a laissé le temps pour que les choses se passent et on a repris les procédures où elles étaient », a-t-elle prétendue. Me Handfield a immédiatement tenu à corriger le tir. L’avocat de Dany a rappelé que les procédures n’avaient pas été poursuivies avec le rapport de 2007 puisque le ministre n’a pas déféré le dossier de Dany devant la CISR. « On a fait un nouveau rapport », a-t-il souligné. « Le respect pour la famille n’existe plus en 2009 », a laissé tomber l’avocat de Dany. Chose certaine, le traitement douteux du dossier de Dany par les autorités d’immigration offre une preuve éclatante du caractère arbitraire de la définition de « grande criminalité » qui avait tant été décriée par les représentants des milieux juridiques lors de l’étude du projet de loi sur l’immigration, dix ans plus tôt. Ainsi, Dany s’est retrouvé littéralement à la merci de la seule volonté de politiciens plus soucieux de suivre le vent de l’opinion publique que les principes d’équité procédurale, mais aussi d’une police de l’immigration qui travaille régulièrement main dans la main avec différents corps policiers… comme le SPVM. À titre d’exemples à cet effet, mentionnons que les enquêteurs de l’ASCF et du SPVM se retrouvent sur des escouades spécialisées, comme la Section des enquêtes fédérales aéroportuaires (SEFA) et les Équipes intégrées de la sécurité nationale (EISN), tout en œuvrant ensemble sur des enquêtes criminelles d’envergure, comme le Projet Colisée et le Project Soccer. Il va sans dire que le timing remarquablement suspect des procédures d’expulsion à l’encontre de Dany Villanueva a inspiré différentes théories. Certains y ont vu une manœuvre de diversion médiatique, au sens où cette procédure d’expulsion permettait de déplacer le focus d’attention sur le passé criminel de Dany au lieu de la brutalité du policier Jean-Loup Lapointe. D’autres ont soupçonné un stratagème visant à empêcher Dany de témoigner contre le policier Lapointe à l’enquête du coroner sur le décès de son frère Fredy. Comme on l’a vu ci-haut, la CISR avait convoqué Dany le 11 mars 2010. C’est donc dire que la CISR était prête à statuer sur le sort de Dany alors que celui-ci n’avait même pas encore commencé son témoignage à l’enquête du coroner, lequel débuta le 29 mars. L’audition de Dany à la CISR a finalement dû être repoussée le mois suivant à cause de l’émission d’un subpoena l’obligeant à se présenter à l’enquête du coroner. Quand la mesure d’expulsion a été prononcée par la CISR, le 21 avril 2010, Dany n’avait pas encore terminé de témoigner devant le coroner Perreault. La possibilité que Dany ne puisse achever son témoignage à cause des procédures d’expulsion était donc bien réelle. La déportation de Dany a toutefois pu être empêchée parce que Me Handfield a immédiat porté en appel la mesure d’expulsion. Il faut cependant savoir que Dany aurait été privé de son droit d’appel s’il avait été condamné à une peine de plus de deux ans d’emprisonnement, ou encore si le rapport d’interdiction de territoire avait invoqué la « criminalité organisée » – qui couvre notamment l’appartenance à un gang de rue – au lieu de la « grande criminalité ». Cela étant, Dany avait un droit d’appel et il l’a exercé, lui permettant ainsi de rester au Canada et de continuer son témoignage, lequel s’étira sur neuf longues journées avant de prendre fin le 14 mai. Mais si le but recherché par les autorités d’immigration avait été d’écarter un témoin et que ce stratagème avait réussi, alors cela n’aurait pas été la première fois qu’une mesure d’expulsion empêche un témoin de faire entendre sa version des faits relativement à un décès survenu aux mains de la police. Car c’est précisément ce qui est arrivé dans l’affaire Otto Vass. Père de famille de cinq enfants, Otto Vass est un agent immobilier qui perdit la vie suite à une intervention policière musclée survenue sur une rue de Toronto, le 9 août 2000. La cause officielle de la mort d’Otto Vass a été décrite comme étant une embolie, soit l’obstruction d’un vaisseau sanguin par un caillot de sang formé à la suite de blessures. Amir Hameed et Asim Abbasi, deux réfugiés fraichement arrivés du Pakistan, étaient les seuls témoins civils qui ont pu voir l’incident dans sa totalité. Partageant un appartement ensemble, Hameed et Abbasi assistèrent au dérapage de l’intervention policière à partir de leur balcon. Les deux hommes devinrent rapidement des célébrités, en accordant de nombreuses entrevues aux médias. La description de l’incident qu’ils offrirent aux journalistes était d’ailleurs particulièrement incriminante pour les policiers impliqués. « Il ne faisait que crier de douleur, expliqua Hameed en faisant allusion à Vass. Il n’a jamais frappé un des policiers – ils ne lui ont jamais laissé la chance et il n’a jamais essayé. Ils l’ont battu comme on ne le ferait même pas à un animal. » (15) Les deux témoins contredirent également la version policière à l’effet que Vass aurait mit la main sur l’arme à feu d’un des policiers durant l’incident. « Je ne l’ai pas vu saisir les armes », indiqua Abbasi. (16) Fait rare, des accusations d’homicide involontaire furent portées contre les quatre policiers impliqués, soit Philip Duncan, Robert Lemaitre, Nam-Nhat Le et Filippo Bevilacqua. Malheureusement, aucun des deux réfugiés pakistanais ne témoignèrent au procès des quatre policiers, qui se tint trois ans plus tard. Hameed fut déporté vers le Pakistan pour une affaire de violence conjugale avant que ne débute le procès des policiers, tandis que Abbasi a, pour ainsi dire, disparu « dans la nature ». (17) Le juge Patrick LeSage n’a pas d’ailleurs été tendre envers la poursuite, l’accusant de s’être montrée négligente à cet égard. « La poursuite n’a ni été prudente, ni diligente, pour entreprendre des démarches permettant à Hameed de rester au Canada et ainsi demeurer disponible afin d’être interrogé et contre-interrogé en personne devant le jury », lança le juge après que le jury se soit retiré pour délibéré. Après douze heures de délibérations, le jury acquitta les quatre policiers torontois, le 5 novembre 2003. Soulignons que la possibilité que l’agent Lapointe subisse un jour un procès devant un tribunal criminel pour les actes de violence qu’il a posé le 9 août 2008 ne peut être exclue. Et ce, malgré la décision rendue par le Directeur des poursuites criminelles et pénales, en décembre 2008, à l’effet de ne porter aucune accusation contre le policier qui a enlevé la vie au jeune Fredy Villanueva. En effet, le Directeur des poursuites criminelles et pénales ne jouie pas d’un monopole absolu au niveau du dépôt d’accusations criminelles. Tout citoyen peut porter une plainte privée en matière criminelle, laquelle doit ensuite être autorisée par un tribunal à l’issue d’une audience à huis-clos dans le cadre d’un processus connu sous le nom de pré-enquête. C’est là précisément le projet annoncé par les avocats représentant les intérêts des victimes à l’enquête du coroner : lors des plaidoiries qui se sont tenues en février dernier, ceux-ci ont fait part de leur intention de procéder au dépôt d’une plainte privée au criminel à l’endroit l’agent Lapointe. D’où la question suivante : si des accusations criminelles sont un jour portées contre Jean-Loup Lapointe, Dany sera-t-il encore au Canada pour pouvoir témoigner au procès du policier qui a tué son frère ? Force est de constater aujourd’hui que le véritable objectif recherché par la procédure d’expulsion n’était pas d’empêcher Dany Villanueva de témoigner à l’enquête du coroner sur la mort de son frère Fredy. L’intérêt que pouvait tirer l’agent Lapointe dans la procédure d’expulsion intentée contre Dany se trouvait plutôt ailleurs. On sait que les avocats représentant les intérêts des policiers à l’enquête du coroner ont voulu faire porter le blâme du drame du 9 août 2008 sur Dany, mais aussi sur son frère Fredy et ses amis Denis Meas et Jeffrey Sagor-Metellus. Ces avocats ont plus particulièrement cherchés à imputer la responsabilité du dérapage de l’intervention policière au soi-disant « comportement excessif » dont aurait fait preuve Dany au moment de son interpellation par l’agent Lapointe. Dans les faits, Dany ne faisait que protester verbalement de son innocence au moment où l’agent Lapointe prit l’initiative de recourir à la force. D’ailleurs, l’agent Lapointe n’a jamais contesté le fait qu’il a été le premier à employer la force physique, tout comme il a reconnu que Dany lui a immédiatement obéi lorsqu’il lui a donné l’ordre de venir vers lui, au tout début de l’intervention policière. En fait, quand on se donne la peine d’examiner attentivement les versions de Dany Villanueva et de Jean-Loup Lapointe, on constate que l’une des principales différences réside dans l’emploi de superlatifs par le policier. « Il criait, gesticulait, avait le visage crispé, montrait les dents et avait les yeux plissés », répéta inlassablement l’agent Lapointe du début à la fin de son témoignage. (18) Comme on l’a vu précédemment, les procédures d’expulsion avaient déjà été mises en branle au moment où Dany entama son témoignage à l’enquête du coroner. Comme nous le verrons ci-dessous, les avocats représentant les intérêts des policiers ont eu tout le loisir de se servir de ces procédures d’expulsion pour alimenter leur théorie à l’effet que l’intervention policière a dégénéré en raison d’un soi-disant « comportement excessif » de la part de Dany. « Si Dany Villanueva a eu un comportement excessif face aux policiers, ce n’était sûrement pas parce qu’il avait peur de récolter une amende de 72$ », plaida Me Pierre-Yves Boisvert, avocat de la Ville de Montréal et de son service de police. (19) Selon le clan policier, Dany se trouvait dans un sérieux pétrin. « Le 9 août 2008, il était en bris de probation pas une fois, mais à plusieurs égards », prétendit Me Boisvert à qui voulait l’entendre. Toujours selon l’avocat, Dany aurait même craint que cette intervention policière entraine ultimement sa déportation. « Le Honduras, c’est certainement un beau pays, mais peut-être que, lui, il n’a pas le goût d’y aller », a même lancé l’avocat du SPVM sur un ton provocateur lors du contre-interrogatoire de Dany. (20) En gros, la théorie épousée par les avocats des policiers se résumait ainsi : - si l’agent Lapointe enquêtait Dany, il pourrait peut-être découvrir que celui-ci se trouvait en compagnie d’un individu qui, selon le SPVM, est fiché comme membre de gang de rue, soit Jeffrey Sagor-Metellus ; - et si l’agent Lapointe apprenait que Dany se trouvait en présence d’un individu fiché comme membre de gang de rue, alors celui-ci pourrait être accusé de bris de probation, puisque l’ordonnance lui interdisant de communiquer avec des membres de gang de rue était encore en vigueur à ce moment-là ; - et enfin, si Dany était trouvé coupable de bris de probation, l’ASFC pourrait peut-être rédiger un autre rapport d’interdiction de territoire pour « grande criminalité », l’exposant ainsi à une possible procédure d’expulsion. Naturellement, ça commence à faire beaucoup de « si »… Mais telle était pourtant la théorie défendue par le clan policier à l’enquête du coroner. Ainsi, la situation de Dany avec l’immigration constituait ni plus ni moins que la pierre angulaire de la théorie du clan policier, comme en témoigne les remarques que l’on retrouve dans le mémoire conjoint que ce groupe d’avocats a soumis au coroner Perreault, en janvier dernier. « Quand on cherche à comprendre ce qui animait monsieur Villanueva, la logique à laquelle il obéissait, il faut se rappeler qu’au moment où interviennent les policiers, il a de nombreuses raisons de vouloir se soustraire à leur intervention et surtout aux vérifications qui les accompagnent généralement », lit-on dans le mémoire. (21) « L’Agence des services frontaliers du Canada faisait des vérifications périodiques concernant les activités de monsieur Dany Villanueva qui risqueraient d’entraîner le dépôt d’accusations criminelles. En effet, ce dernier n’est pas citoyen canadien et jouit du statut de résident permanent du Canada. Puisqu’il a déjà été condamné pour des actes criminels au Canada, le dépôt de nouvelles accusations criminelles pourrait "entraîner l’ouverture d’une enquête aux termes de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] pour la perte de ce statut" », écrivent les avocats du clan policier, en citant la lettre du superviseur de l’ASFC, Sylvain Loiselle. « Voilà, un des éléments déclencheurs du comportement excessif de monsieur Villanueva dans nos circonstances; il sait, parce qu’il en a été informé le 8 juillet, que toute nouvelle accusation criminelle contre lui peut, si les conditions de l’article 36(1)a) de la LIPR sont réunies, emporter pour lui une interdiction de territoire », continuent-ils. « C’est alors qu’il est dans cet état d’esprit que monsieur Villanueva est abordé par l’agent Lapointe à la fin de la journée du 9 août 2008; c’est à travers le prisme de ses propres complications juridiques qu’il va envisager l’intervention policière, ce qui à notre avis explique les dérèglements qu’on va par la suite observer dans son comportement. » Cela étant, un examen plus minutieux des faits ne peut nous amener qu’à constater que la théorie du clan policier est singulièrement boiteuse, et ce, à plusieurs égards. Premièrement, notons que l’infraction de bris de probation prévoit une peine maximale de deux années d’emprisonnement, ce qui est bien en-deca du seuil de dix ans de prison énoncé à l’article 36(1)a) de la loi sur l’immigration. Ainsi, pour qu’une condamnation pour bris de probation entraine une interdiction de territoire pour Dany Villanueva, il faudrait que celui-ci écope d’une peine de plus de six mois d’incarcération, ce qui aurait été plutôt exceptionnel pour ce type de d’infraction. Deuxièmement, Dany n’avait aucune raison de penser qu’il était en bris de probation du simple fait qu’il se trouvait en présence de Jeffrey Sagor-Metellus. Après tout, ce n’était pas la première fois que Dany était interpellé, voire même arrêté, en sa compagnie alors qu’il était toujours sous l’effet de la probation lui interdisant de communiquer avec des membres de gangs de rue. Ainsi, Jeffrey se trouvait en présence de Dany lorsqu’il a été interpellé au volant d’une voiture, à Montréal-Nord, le 9 novembre 2007. Après enquête, les policiers ont procédé à l’arrestation de Jeffrey pour bris de condition. Or, Dany, lui, n’a jamais été inquiété par les policiers. Puis, le 28 juin 2008, Dany et Jeffrey ont été arrêtés ensemble pour le vol à l’étalage d’articles d’une valeur de 55$ dans un magasin Canadian Tire. Encore une fois, Dany n’a jamais été accusé d’avoir contrevenu à la disposition de sa probation lui interdisant de communiquer avec des membres de gang de rue. Par ailleurs, comme on l’a vu précédemment, le bris de probation n’a jamais figuré parmi les motifs d’arrestation de Dany pour l’événement du 9 août 2008. Enfin, soulignons que Jeffrey Sagor-Metellus a toujours soutenu qu’il n’a jamais été membre de gang de rue lorsqu’il a témoigné à l’enquête du coroner. point nommée pour Lapointe Troisièmement, Dany Villanueva avait tout aussi peu de raisons de craindre une expulsion au moment de l’intervention policière du 9 août 2008. En effet, Dany n’avait pas de problèmes avec l’immigration à proprement parler au moment de son interpellation par l’agent Lapointe. Un agent d’immigration l’a bien visité en prison, en 2006, pour l’informer qu’une condamnation criminelle pouvait avoir un impact sur son dossier d’immigration. Or, la visite de l’agent d’immigration n’a pas été suivie par la mise en branle d’une procédure d’expulsion devant la CISR au cours des trois années suivantes. Par ailleurs, Dany a bien reçue une lettre de l’ASFC, le 8 juillet 2008. Or, la lettre ne faisait que reprendre le propos que l’agent de l’ASFC lui avait déjà tenu lors de la visite en prison. Bref, le risque d’expulsion demeurait très abstrait et hypothétique pour Dany durant l’été 2008. Dany n’avait donc aucune raison de vivre dans la hantise de la déportation au moment où il a croisé le chemin du policier Lapointe. Pour cette raison, l’idée qu’une interpellation pour une partie de dés pourrait éventuellement mener à son expulsion du Canada n’a jamais pu effleurer l’esprit de Dany lors de l’intervention policière du 9 août 2008. Or, au moment de commencer à témoigner à l’enquête du coroner, un an et demi plus tard, le risque d’expulsion était soudainement devenu beaucoup plus réel pour Dany. Et le fait que le risque d’expulsion soit devenu plus concret ne pouvait faire autrement que de donner davantage de poids à la théorie, plutôt fragile, du clan policier concernant sur le comportement de Dany. Conséquemment, on peut dire que le timing des procédures d’expulsion contre Dany a drôlement bien aidé les avocats du clan policier à l’enquête du coroner sur le décès de Fredy Villanueva. En d’autres mots, les autorités d’immigration ont rendu un fier service au policier qui a abattu le frère de Dany. Après avoir donné un coup de pouce à l’agent Lapointe, les autorités d’immigration ont voulu tirer profit du travail accompli par les avocats représentant les intérêts des policiers à l’enquête du coroner. Ainsi, les avocats de la police de l’immigration ont cherché à récupérer des éléments de preuve déposés à l’enquête du coroner par le clan policier dans le but de convaincre la SAI de donner le feu vert à la déportation de Dany Villanueva vers le Honduras. Des photos déjà déposées en preuve à l’enquête du coroner ont ainsi été déposées en preuve lors de l’audition de l’appel de Dany à la SAI. Ces photos, vieilles de plusieurs années, permettaient de voir Dany en compagnie de certains de ses amis, parfois en train de faire des signes manuels associés à la gestuelle des gangs de rue. Chaque geste et chaque vêtement de chacune des personnes apparaissant sur chacune des photos ont été analysés méticuleusement par le « témoin-expert » en gang de rue, le sergent-détective Jean-Claude Gauthier du SPVM, durant les audiences à la SAI. Les avocats de la police de l’immigration se sont aussi servis d’un rapport de l’agent Patrick Binet de la police de Repentigny déposé en preuve à l’enquête du coroner. Le rapport portait sur les circonstances entourant la prise de photos de Daniel Artiga au poste de police de Repentigny, après que celui-ci eut été arrêté le 15 avril 2010, en compagnie de Dany Villanueva et de Dennis Contreras, pour une affaire de conduite avec les facultés affaiblies. Sur la photo, on peut voir Artiga en train de faire le signe du gang des Bloods avec ses deux mains. Durant son témoignage à l’enquête du coroner, Dany avait déclaré avoir eut vent que c’était le policier de Repentigny qui avait demandé à Artiga de faire le signe de Bloods au moment de la prise des photos. Fait particulier, le rapport en question a été rédigé le 12 mai 2010, près d’un mois après la prise de ces fameuses photos, et ce, à la demande d’un enquêteur du SPVM, soit le lieutenant-détective L’Heureux. « Il est important de noter qu’en aucun moment, je n’ai demandé au suspect de faire des signes ou des bruits le reliant à des gangs de rue », a écrit l’agent Binet dans son rapport. Le seul et unique but du rapport sollicité par le SPVM consistait donc à contredire le témoignage de Dany relativement aux circonstances entourant la prise de photos d’Artiga par la police de Repentigny. Un an plus tard, ce même rapport se retrouvait maintenant devant la SAI, pour atteindre le même objectif pour lequel il avait été conçu au départ, soit d’attaquer la crédibilité de Dany, en essayant plus précisément de faire passer celui-ci pour quelqu’un qui n’a jamais coupé les ponts avec le milieu des gangs de rue. Notons que l’avocate de l’ASFC, Me Chantal Boucher, n’a toutefois pu utiliser le témoignage que Dany a rendu à l’enquête du coroner ; celui-ci, à l’instar de tous les autres témoins entendus à l’enquête du coroner, bénéficie en effet de la protection contre l’auto-incrimination prévue à la Charte canadienne des droits et libertés. Cela n’a cependant pas empêché Me Boucher de tenter de faire indirectement ce qu’elle ne pouvait faire directement. Ainsi, les avocats de la police de l’immigration ont déposé en preuve, devant la SAI, plusieurs articles qui ont été publiés dans les journaux à l’occasion du témoignage de Dany à l’enquête du coroner. Or, certains de ces articles contenaient des citations tirées du témoignage de Dany. Ironiquement, alors que les avocats du clan policier ont lourdement insisté sur les tribulations de Dany Villanueva avec l’immigration lors de l’enquête du coroner, les autorités d’immigration ont, à l’inverse, tout fait pour tenter de passer sous silence le drame du 9 août 2008 lors des audiences à la SAI. Ainsi, durant le témoignage de Dany à la SAI, Me Boucher a indiqué qu’elle n’allait poser aucune question sur cette intervention policière tragique qui a tant fait couler d’encre et donné lieu à une des enquêtes du coroner les plus coûteuses de toute l’histoire du Québec. L’avocate a affirmé qu’elle entendait plutôt aborder cet événement lors du témoignage de son propre témoin, le sergent-détective Jean-Claude Gauthier. Or, le policier Gauthier a cherché à se défiler à son tour lorsque le moment est venu parler de la tragédie du 9 août 2008. « Tout ce que je veux mettre en lumière, c’est les gens qui étaient présents parce que qu’est-ce qui est arrivé exactement, l’enquête publique est toujours en cours, je veux pas me prononcer là-dessus et d’ailleurs je n’ai pas tous les tenants et aboutissants de cette cause-là. Donc la seule chose que je peux vous dire c’est que monsieur Dany Villanueva était présent avec Fredy Villanueva, Jeffrey Metellus, Denis Meas, et, l’enquête est toujours en cours dans ce dossier-là », a simplement déclaré le policier. Aussi bien dire que le sergent-détective Gauthier n’a rien dit ! Le policier a certes tenté de justifier son silence en affirmant que l’enquête du coroner était « toujours en cours ». Sans être nécessairement inexacte, cette affirmation mérite cependant d’être nuancée. Il faut en effet savoir que l’audition de la preuve est terminée, de même que les plaidoiries de la douzaine d’avocats impliqués dans cette fastidieuse enquête, qui nécessita pas moins de 107 journées d’audience. En fait, l’enquête publique serait déjà finie si le SPVM et la Fraternité des policiers et des policières de Montréal n’avaient pas déposés une requête devant un tribunal supérieur pour empêcher le coroner Perreault d’examiner la question des mécanismes de sécurité de l’étui à pistolet de l’agent Lapointe. (22) Ainsi, quand le policier Gauthier a prétendu que l’enquête du coroner était « toujours en cours », il ne cherchait visiblement qu’à se dérober d’un sujet qu’il trouvait sans doute un peu trop délicat. En définitive, tant le « témoin-expert » du SPVM que l’avocate de l’ASFC semblaient obéir à une même consigne du silence : le moins qu’on parle de l’événement du 9 août 2008 à la SAI, le mieux que c’est. Il faut dire que Me Handfield s’était objecté à ce que la commissaire Paquette reconnaisse au sergent-détective Gauthier le statut « d’expert » en gang de rue, en invoquant les prises de position que le SPVM et la Fraternité ont exprimés à l’occasion de l’enquête du coroner. Comme on le sait, les avocats du clan policier ont voulus faire de Dany le bouc émissaire de l’intervention policière qui a couté la vie à son frère Fredy. Me Handfield a donc rappelé que la jurisprudence a établi qu’un témoin-expert doit donner son opinion sobrement, sans partisannerie. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’employeur et le syndicat du sergent-détective Gauthier ont un parti-pris clairement assumé à l’encontre de Dany. « Qu’on ne vienne pas me dire que le SPVM n’a aucun intérêt dans le dossier ! », s’est exclamé Me Handfield durant l’audience. La commissaire Paquette a cependant décidé de rejeter l’objection, en jugeant qu’il s’agissait-là d’une question de valeur probante qu’elle tranchera après avoir procédé à l’audition de l’ensemble de la preuve. Pour sa part, le policier Gauthier a voulu se défendre de toute partialité à l’égard de Dany. « Est-ce que c’est la faute de monsieur Dany Villanueva par rapport aux événements qui sont arrivés, la mort de Fredy ? J’en ai aucune idée. Et la preuve de ça, c’est que l’enquête du coroner, j’ai été nullement impliqué. J’ai même pas lu des décisions, j’ai même pas lu ses témoignages », a soutenu le sergent-détective. Chose certaine, le silence délibéré entourant l’événement du 9 août 2008 est manifestement trop suspect pour être désintéressé. En fait, ce mutisme pourrait avoir une explication toute simple : il visait vraisemblablement à faire oublier une vérité dérangeante, à savoir que Dany n’aurait sûrement jamais fait l’objet d’une mesure d’expulsion si un policier à la gâchette un peu trop facile n’avait pas tué son jeune frère. Notes et sources : (1) http://www.ruefrontenac.com/nouvelles-generales/justice/21309-dany-villa... |
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