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Désinformation à Radio-Canada sur l’affaire Villanuevalacrap, Samedi, Mai 7, 2011 - 21:44 Depuis plusieurs années, le site web de Radio-Canada propage des informations fausses et inexactes sur les circonstances entourant le décès de Fredy Villanueva. L’Ombudsman de Radio-Canada a d’ailleurs récemment donné raison à un militant de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) qui s’était plaint de cette déformation insoutenable des faits. En attendant le rapport du coroner André Perreaut, la recherche de la vérité se poursuit en parallèle avec le combat contre la désinformation afin de rendre justice à la mémoire du jeune Fredy Villanueva. L’an dernier, un militant de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) a communiqué avec les responsables de l’information web de Radio-Canada pour exiger que des rectifications soient apportées dans les plus brefs délais à des articles de nouvelles portant sur l’affaire Villanueva mis en ligne sur le site internet de la société d’État. Le militant avait identifié plusieurs faussetés et inexactitudes dans un énoncé qui se voulait un « rappel des faits » de l’intervention policière qui a couté la vie à Fredy Villanueva à Montréal-Nord, le 9 août 2008. Le texte de cet énoncé a été repris dans une douzaine d’articles mis en ligne sur le site web de Radio-Canada, entre le 2 décembre 2008 et le 13 septembre 2010. Afin de démontrer le caractère erroné des informations diffusées sur internet par Radio-Canada, le plaignant s’est donné la peine de transmettre aux responsables de l’information web les rapports des agents Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte, les deux patrouilleurs impliqués dans l’intervention fatale. Notons que ces documents sont accessibles aux représentants des médias ainsi qu’aux membres du public depuis qu’ils ont été déposés en preuve à l’enquête du coroner, le 8 décembre 2009. La première étape du mécanisme de plainte de Radio-Canada prévoit que le responsable du service de l’information concerné (radio, télé ou web) doit d’abord prendre connaissance des griefs exprimés par le plaignant. Si celui-ci est insatisfait de la réponse obtenue de la part du responsable, il peut alors s’adresser à l’Ombudsman de Radio-Canada pour porter une plainte formelle. D’après la page web de l’Ombudsman, les responsables de l’information doivent répondre dans un délai de 20 jours ouvrables (1). Or, dans ce cas-ci, les responsables de l’information web de Radio-Canada ont carrément ignoré la demande de rectification. Ainsi, les semaines et les mois passèrent sans qu’un responsable de l’information ne daigne donner signe de vie au plaignant. Cette inaction était d’autant plus intolérable quand on sait qu’à chaque nouvelle journée qui passait de nouveaux internautes pouvaient être à leur tour exposés aux informations fausses et inexactes propagés sur le site web de Radio-Canada relativement aux circonstances du décès de Fredy Villanueva. La nonchalance inexcusable des responsables de l’information web de Radio-Canada à l’égard de la recherche de la vérité relativement au décès d’un jeune homme âgé de seulement 18 ans apparaît encore plus inacceptable quant on tient compte de l’effort collectif d’envergure qui a été consacré à la longue enquête du coroner présidée par le juge André Perreault sur le décès de Fredy Villanueva. À quoi sert-il en effet de dépenser des millions de dollars en fonds publics afin de faire toute la lumière sur les causes et circonstances de cette tragédie si les responsables de l’information web du service public national de nouvelles et d’information des Canadiens se complaisent dans la désinformation et l’inexactitude en contaminant impunément l’opinion publique par la propagation de fabulations dont l’absence de fondement est facilement vérifiable ? Si les responsables du site web de Radio-Canada méprisent aussi ouvertement leurs propres Normes et pratiques journalistiques, comme alors s’étonner que l’ignorance à l’égard des faits entourant l’affaire Villanueva soit si répandue dans les commentaires d’internautes publiés à la suite des articles mises en ligne sur le site web de la SRC, et ailleurs ? N’ayant reçu aucune réponse, ni même accusé de réception, de la part des responsables de l’information web, le militant de la CRAP Alexandre Popovic a donc communiqué avec l’Ombudsman des services français de Radio-Canada, Julie Miville-Dechêne, pour porter plainte. Dans sa décision, l’Ombudsman a critiquée le traitement de la plainte de la part des responsables de l’information web. « J’ai déclenché la révision, cinq mois et demi après la plainte initiale de M. Popovic. La plainte qui tenait sur une page au départ est devenue un réquisitoire de 10 pages, à propos de 25 articles sur deux sites web. M. Popovic a été, à juste titre, frustré par l’absence de réponse de la direction de Radio-Canada.ca, qui, selon la procédure normale, répond au plaignant avant que l’ombudsman s’en mêle. Cette plainte a échappé à la vigilance de la direction qui a l’habitude de traiter les plaintes rapidement. Si une telle situation se reproduisait, l’ombudsman devrait en être informée plus vite, car, au-delà de la procédure, ce qui compte vraiment c’est de vérifier si la plainte est justifiée ou non », écrit-elle. (2) Dans l’ensemble, l’Ombudsman a donné raison au plaignant, en concluant que l’énoncé intitulé « Rappel des faits » contenait pas moins de quatre « erreurs » factuelles. Cet énoncé, qui tient en quelques phrases, se lit ainsi :
Dans sa plainte, le militant de la CRAP a déploré que les responsables de l’information web de Radio-Canada aient choisi de ne pas tenir compte de la version des témoins civils dans son soi-disant « Rappel des faits ». De toute évidence, la version du Service de police de la Ville de Montréal semblait tenir lieu de « faits », et non d’allégations, aux yeux des responsables de l’information web. En agissant ainsi, ceux-ci ont manifestement omis de respecter les Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada sur les affaires judiciaires, qui stipulent que la société d’État doit faire « équitablement état de la preuve et des allégations de toutes les parties ». « Le plaignant a raison d’écrire que le titre Rappel des faits chapeautant ce paragraphe est erroné, car ce résumé de l’affaire contient des faits ainsi que la version des policiers. La version policière ne constitue pas un fait, écrit l’Ombudsman. Si Radio-Canada.ca tenait à rapporter la version policière, il aurait fallu intituler ce paragraphe "rappel" ou "résumé" et non "rappel des faits" et y inclure la version des jeunes. » La plainte souligne de surcroit que le « Rappel des faits » ne correspond même pas à la version policière de l’incident. Le rapport de l’agent Jean-Loup Lapointe contredit en effet les informations suivantes qui sont présentés, à tort, comme des « faits » dans les articles de nouvelles diffusés sur le site web de Radio-Canada :
Le manque flagrant de rigueur de la part des responsables de l’information web de Radio-Canada relativement aux circonstances entourant le décès de Fredy Villanueva est non seulement tout à fait aberrant, mais il est aussi en contravention avec les Normes et pratiques journalistiques sur les affaires judiciaires, qui énoncent que « l'examen rigoureux du travail des forces policières » fait parti intégrante de la mission de la société d’État de servir l’intérêt public. La négligence des responsables de l’information web de Radio-Canada est d’autant plus inexcusable quand on sait que les principaux éléments de la version des faits de l’agent Lapointe sont connus du public depuis le 1er décembre 2008, jour où un procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales a procédé à la lecture de larges extraits du rapport du policier lors d’une conférence de presse tenue dans l’allé des huissiers du Palais de justice de Montréal. En effet, on connait depuis ce jour-là les motifs de l’agent Lapointe d’avoir procédé à l’arrestation de Dany Villanueva, le grand frère de Fredy, de même que les raisons invoqués par le policier pour avoir ouvert le feu sur trois jeunes hommes qui, rappelons-le, n’avaient aucune arme dans les mains au moment où ils ont été atteint par les projectiles d’arme à feu. « Dans les articles, il est écrit que les agents voulaient "arrêter un individu recherché qu’ils venaient de repérer". Cette phrase contient une erreur », convient l’Ombudsman. « Dans son rapport et dans son témoignage, l’agent Lapointe dit qu’il est intervenu parce qu’il a vu des jeunes jouer aux dés, ce qui constitue une infraction. C’est en s’approchant des jeunes qu’il a reconnu Dany Villanueva, sans pouvoir se souvenir de son nom à ce moment-là. Pour être exact, il aurait fallu écrire que l’individu repéré par le policier avait des antécédents judiciaires, et non qu’il était recherché », poursuit l’Ombudsman. « Le plaignant a raison de dire qu’on ne peut pas avancer qu’il y avait là une vingtaine de jeunes. Ils étaient cinq ou six », lit-on également dans la décision de l’Ombudsman. En effet, à aucun endroit les rapports des agents Lapointe et Pilotte ne mentionnent la présence d’une vingtaine de jeunes. Non seulement l’allégation voulant qu’une vingtaine de jeunes auraient été impliqués dans l’altercation n’est-elle pas soutenue par aucun des témoins immédiats, civils et policiers confondus, mais en plus elle a été clairement et rapidement contredite par au moins un témoin oculaire. Comble de l’ironie : ce témoignage a même été diffusé à l’antenne de Radio-Canada, lors du Téléjournal du 10 août 2008 ! « Ils étaient six personnes, puis on ne sait pas exactement ce que le jeune homme a pu faire, ou ce qu'il a pu dire ou peu importe, mais ils n'étaient pas 20, puis ils n'ont pas agrippé le policier », a en effet déclaré Samuel Medeiros au journaliste Jean-Philippe Cipriani. « Il a été question d’une vingtaine de jeunes qui auraient "encerclé, jeté au sol et étranglé" les agents Lapointe et Pilotte dans des informations préliminaires, fournies par le Service de police de la Ville de Montréal à la Sureté du Québec juste après le drame, informations qui n’ont jamais été corroborées », ajoute l’Ombudsman. L’enquête policière menée par la Sûreté du Québec sur le drame du 9 août 2008 ne permet en effet pas de soutenir que les agents Lapointe et Pilotte auraient été encerclés. C’est ce qu’à indiqué le responsable de l’enquête de la SQ, le sergent-détective Bruno Duchesne, durant son témoignage à l’enquête du coroner. « J’ai pas de témoins qui me disent "encercler", mais très près des policiers », a déclaré le s-d Duchesne lors de son témoignage du 26 octobre 2009. « On a pas été capables de démontrer que les policiers s’étaient fait entourés », a-t-il ajouté le lendemain alors qu’il poursuivait son témoignage devant le coroner. « On peut lire dans le rappel des faits : "(…) un policier a fait feu sur trois individus qui s’étaient rués sur son collègue." Cette portion de phrase est inexacte. D’après les témoignages des deux policiers, Dany Villanueva aurait frappé l’agente Stéphanie Pilotte, mais les autres jeunes se seraient dirigés vers le policier Lapointe et non vers sa collègue », remarque également l’Ombudsman. Les Normes et pratiques journalistiques en vigueur à Radio-Canada prévoient que la direction de l’information peut prendre certaines mesures lorsqu’un article de nouvelles mis en ligne sur le site web de la société d’État se révèle être « gravement erroné ». Parmi les mesures possibles, on mentionne la révision de l’original, l’ajout d’un rectificatif ou la rédaction d’un nouvel article. Suite à la décision de l’Ombudsman relativement à la plainte pour désinformation sur l’affaire Villanueva, la direction de l’information a mis en ligne un rectificatif, qui se lit ainsi :
Malheureusement, ce rectificatif a été publié sur seulement trois articles visé par la plainte, soit l’article intitulé « Mort de Fredy Villanueva - L'enquête reprend », mise à jour le lundi 13 septembre 2010 à 18h00 (3), l’article intitulé « Mort de Fredy Villanueva - Marcher pour se souvenir », mise à jour le dimanche 8 août 2010 à 22h57 (4) et l’article intitulé « Mort de Fredy Villanueva - Pour une journée commémorative », mise à jour le jeudi 5 août 2010 à 20h46 (5). Dans sa décision, l’Ombudsman a choisie de ne pas se prononcer sur les articles qui ont été mis en ligne après le 8 décembre 2009, date à laquelle les rapports des agents Lapointe et Pilotte ont été déposés en preuve à l’enquête du coroner. « Je ne peux pas évaluer la véracité d’articles écrits avant le 8 décembre 2009 avec des informations publiées après cette date. Toutefois, il était déjà clair, dès le 1er décembre 2008, que 6 et non 20 individus gravitaient autour des policiers », écrit-elle. En fait, l’énoncé à l’effet que les policiers auraient « repéré un individu recherché » s’est également avéré dénué de tout fondement lorsque les grandes lignes de la version de l’agent Lapointe ont été rendues publiques le 1er décembre 2008. Même l’article publié dans le quotidien Le Devoir le 2 décembre 2008 cité en référence par l’Ombudsman dans sa décision en fait foi ! (7) Qu’à cela ne tienne, bien que l’Ombudsman a fait baisser de 20 à 6 le nombre d’individus qui auraient « gravité autour des policiers », il reste que les articles mis en ligne sur le site web de Radio-Canada après le 1er décembre 2008 demeurent inchangés, continuant ainsi à induire le public en erreur en indiquant que les policiers auraient « été encerclés par une vingtaine de jeunes ». Ainsi, même si l’Ombudsman a convenu que les informations contenues dans le « Rappel des faits » sont erronées à plusieurs égards, la direction de l’information de Radio-Canada n’a pris aucune mesure concernant la majorité des articles de nouvelles qui ont fait l’objet de la plainte (8). En d’autres mots, malgré la décision sans équivoque rendue par l’Ombudsman, Radio-Canada continue encore aujourd’hui à propager des informations fausses et inexactes sur l’intervention policière qui s’est soldée par la mort de Fredy Villanueva. Enfin, la plainte soulignait également que les articles de nouvelles truffés d’erreurs tirés du site web de Radio-Canada sont également accessibles sur la banque de données d’archives de journaux Eureka.cc (anciennement BiblioBranchée). Spécialement conçue pour les bibliothèques publiques et le domaine de l’éducation, Eureka.cc permet d'accéder à plus de 3 000 sources d’information, réputées « fiables », couvrant l’actualité internationale, nationale, régionale et locale. L’Ombudsman n’a cependant pas donné suite à la suggestion du plaignant à l’effet de s’assurer que Eureka.cc ne reprenne pas des articles ayant déjà fait l’objet d’une révision de l’ombudsman en raison du fait qu’ils contenaient des informations fausses et inexactes. « Cette dernière requête dépasse ma compétence. Il est vrai que des articles erronés émanant de Radio-Canada sont repris dans d’autres sites. Je ne sais pas dans quelle mesure il est possible, ou réaliste, de faire des corrections dans d’autres sites. Je laisse donc le soin à Radio-Canada d’évaluer la faisabilité de la requête du plaignant », conclut l’Ombudsman. Malgré les limites évidentes du recours à l’Ombudsman de Radio-Canada, il demeure pertinent, voire nécessaire, d’utiliser les mécanismes de plainte qui sont à notre disposition pour faire la lutte à la désinformation. Sources : (1) http://blogues.radio-canada.ca/ombudsman/nous-joindre |
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