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Un premier regard sur la situation libyenne: Guerre de clans ou lutte des classes?mihelich, Mardi, Mars 8, 2011 - 16:20 (Analyses | Globalisation | Imperialism | Politiques & classes sociales | Repression | Solidarite internationale)
Tendance communiste internationaliste
Il est trop tôt pour prendre une position définitive sur les événements libyens, car la situation est encore fluide et nous ne sommes pas encore en mesure de porter des jugements définitifs. Les jours du Colonel semblent comptés, mais il mène une résistance acharnée malgré le fait que la communauté capitaliste internationale engage tout son arsenal juridique (la Cour pénale internationale) et économique incluant un embargo, des sanctions et le gel de ses avoirs à l’étranger. Cela nous oblige pour l’instant à nous en tenir à deux observations. La première est que la révolte à Benghazi et dans plusieurs autres villes en Cyrénaïque, de même que dans certaines petites villes au sud de Tripoli, a fracassé la relation tendue entre Kadhafi et sa tribu d’origine avec les autres tribus, qui avaient dû se soumettre à la dictature économique et politique du Colonel depuis plus de 40 ans. À la base de ces événements, il y a les revendications des bourgeoisies tribales de la Cyrénaïque et du Fezzan qui n’ont jamais été satisfaites. Ces clans ont saisi l’occasion pour contrôler à leur profit le revenu pétrolier qui, il y a encore quelques semaines, était la prérogative du dictateur «vert». Il n’est pas fortuit que les premières révoltes ont eu lieux dans l’Est du pays, où un gouvernement provisoire est déjà apparu, avec pour tâche de contrôler les champs pétrolifères et de garantir leur usage et leur exploitation par leurs clients internationaux. La stabilité précédente était fondée sur la force. Kadhafi et ses fils ont le contrôle absolu de l’armée, de la police et des forces aériennes. Ils possèdent, ou contrôlent aussi le pétrole par leur pouvoir sur les entreprises nationales de gaz naturel et de pétrole. Ils accordent aux chefs de tribus soumis ou alliés quelques miettes des revenus selon leur valeur politique ou selon le danger potentiel qu’ils représenteraient dans tout alignement qui confronterait le pouvoir du «raïs» - le chef. Ce modus vivendi est maintenant rompu. Les tribus plus nombreuses, comme la Warfala qui contrôle un vaste territoire au sud de Tripoli, se sont mobilisées pour y mettre fin. En 1993, elles avaient déjà tenté un coup d’État au milieu de l’embargo international contre le gouvernement de Tripoli, suite à l’attentat de Lockerbie. Kadhafi l’avait brutalement réprimé avec des dizaines d’exécutions publiques et plus de 200 arrestations. Les Zuwayya, qui vivent dans la zone centrale entre Tripoli et Benghazi, ainsi que les Misurata et les Abu Llail qui contrôlent la région des oléoducs à l’est de la Cyrénaïque ont pris l’initiative de soutenir le mouvement de révolte populaire dans le but d’en finir avec une farce qui dure depuis quatre décennies. Toutes les tribus importantes disposent de petites armées et des réserves d’armes légères. Durant la première étape de la révolte, ils ont pris d’assaut des arsenaux et des réserves de munitions. Dans la situation actuelle, la crise libyenne paraît être une guerre civile entre tribus, ou plutôt entre factions bourgeoises, pour le contrôle économique et politique du pays, qui est le deuxième plus important exportateur de pétrole de tout le continent africain, après le Nigeria, et le douzième plus important au monde. La deuxième observation concerne la possibilité d’une rupture de l’actuel rapport de force sur le front de l’énergie au Maghreb et au Moyen-Orient, avec toutes les conséquences qui s’en suivraient. Ce n’est pas pour rien que trois porte-avions américains se dirigent vers le golfe de Syrte et que le Premier ministre britannique Cameron prend des dispositions similaires. Les préoccupations impérialistes des Anglo-Saxons ne concernent pas uniquement le destin futur du pétrole et du gaz libyen. Ce qu’ils craignent surtout c’est l’extension potentielle de la crise à la péninsule arabique. Le vent de révolte balaie aussi le Yémen, le Sultanat d’Oman et Bahreïn, qui entourent le sud-ouest et le sud-est de l’Arabie Saoudite, le plus important producteur de pétrole mondial et le premier fournisseur des États-Unis. Si Riyad est aussi affecté par la tempête, cela pourrait mener à un changement de position et le développement de manœuvres militaires qui ne sont plus imposées par des considérations psychologiques ou des pressions politiques. On ne joue pas lorsqu’il s’agit de s’assurer l’alimentation en pétrole du Moyen-Orient. L’impérialisme américain a déjà généré deux guerres encore inachevées et se bat sans relâche pour le contrôle de l’acheminement et le commerce de l’or noir de l’Asie centrale jusqu’aux côtes de la Méditerranée. Confronté à une situation critique semblable dans les ports arabiques, il a déjà commencé à montrer sa puissance militaire. Mais pour le moment, les États-Unis ont décidé d’attendre… Même la Chine, qui est déjà présente au Niger, au Nigeria, au Soudan et au Tchad, agira si nécessaire. À travers tout cela, il y a les centaines de milliers de réfugiés – les victimes des querelles internes de la bourgeoisie et les manœuvres internationales des impérialistes – pour lesquels il y a les habituelles litanies de «compassion», mais rien de concret pour l’instant en termes d’aide humanitaire réelle. Pour les masses laborieuses libyennes, il n’y a pas de possibilité d’émancipation si elles continuent d’être absorbées par le tribalisme et si elles soutiennent les revendications de liberté et de démocratie mises en avant par l’opposition bourgeoise à la tyrannie. Au mieux, cette liberté et cette démocratie constitueront une base idéologique nouvelle et plus performante pour perpétuer le processus d’asservissement et d’exploitation comme auparavant. Les règlements de compte des querelles tribales – ou les affrontements bourgeois qui s’en suivent – ainsi que l’agitation frénétique d’un impérialisme de plus en plus avide, sont la conséquence de quelque chose de plus profond. La cause réelle de cette crise est le système économique que nous appelons le capitalisme. La Tendance communiste internationaliste, mars 2011. -- - publié ici par Mihelich
Site français du Groupe internationaliste ouvrier/TCI
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