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Quatorze ans après le « Snack de minuit » : le nettoyage social en procès

Anonyme, Mercredi, Février 9, 2011 - 22:34

Un procès au civil contre la ville de Montréal a commencé aujourd'hui à la salle 14.09 du palais de justice de Montréal. Cette cause représente l’aboutissement d’un recours collectif intenté contre la ville de Montréal suite à l'arrestation de masse de 77 personnes au carré Berri, le 29 juillet 1996. Cette intervention policière s’inscrivait dans le cadre d’une vaste offensive de nettoyage social destinée à chasser les jeunes de la rue au look « marginal » pour rendre le centre-ville de Montréal plus attrayant aux touristes et aux yuppies. Le procès se poursuit durant le reste de la semaine et devrait prendre fin le 24 ou 25 février. Au total, 13 journées d'audition sont prévues.

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L’histoire commence en mars 1996, alors qu’un policier du nom de Denis Brabant se met à faire circuler une pétition auprès des commerçants de la Place Dupuis afin de nettoyer le carré Berri de tous ses « éléments indésirables ». « Ils inspirent une peur viscérale », avait déclaré le commandant du poste 33 Beaudin en faisant allusion aux jeunes de la rue. « Par leur comportement et leur allure, ils dérangent tout le monde ».

Le 16 avril 1996, le conseil municipal a adopté une résolution visant à modifier le statut du carré Berri, alors une place publique, pour en faire un parc. Cette décision avait pour effet d’assujettir le carré Berri à l’Ordonnance no. 3, ce qui impliquait l’instauration d’une panoplie d’interdits, dont un couvre-feu entre minuit et 6 heures AM.

Les policiers se sont mis à faire pleuvoir les constats d’infraction sur les jeunes de la rue fréquentant le carré Berri, dont le nom officiel est devenu le parc Émilie-Gamelin. Les punks s’adonnant au squeegee pour ramasser de la petite monnaie auprès des automobilistes furent particulièrement ciblés.

C’est dans ce contexte que le collectif La Bouffe Pas Les Bombes a lancé un appel à participer à une sorte de « pyjama party » nocturne au carré Berri, à compter de minuit le 29 juillet 1996. Baptisé « Snack du minuit », l’événement visait à protester contre l’imposition d’un couvre-feu de minuit à 6 heures du matin au carré Berri.

Le « Snack de minuit » s’est déroulé dans une ambiance de fête jusqu’à 3 heures du matin, moment où des dizaines de policiers anti-émeute sont intervenus en force pour vider le carré Berri de ses occupants. Les policiers en tenu de combat ont ensuite talonnés les expulsés dans les rues désertes de Montréal.

Les expulsés ont éventuellement réussi à semer les forces policières. Sur leur chemin, ils se sont arrêtés quelques minutes devant le poste 33 pour tenir une petite manifestation improvisée. Ne sachant plus où aller, ils sont retournés au carré Berri alors que le soleil commençait à se lever.

Vers 5h30 du matin, les policiers sont débarqués à nouveau, encerclant cette fois-ci toutes les personnes présentes, incluant des gens qui n’avaient pas participé au « Snack de minuit » et qui attendaient simplement la réouverture du métro Berri-UQAM. Bilan de l’opération : 77 arrestations pour « présence illégale dans un parc », ce qui constitue une infraction passible d’une amende de 116$.

Chacune des personnes arrêtées ont été menottées avec des étreintes de plastique, plus communément appelées des « tie-wrap », avant d’être contraintes de prendre place dans un panier à salade. Les personnes arrêtées furent ensuite conduites dans les cellules du quartier général de la police, où elles furent détenues pendant plusieurs heures de temps avant d’être relâchées avec un constat d’infraction.

Le 9 septembre 1998, le juge Gérard Duguay de la Cour municipale de Montréal a acquitté un groupe de 8 personnes qui avaient contesté leur constat d’infraction ensemble. Le juge Duguay est arrivé à la conclusion que le carré Berri n’était pas assujetti aux heures de fermeture prévues à l’Ordonnance no 3 parce que le Règlement d'urbanisme de la Ville de Montréal n’a jamais été modifié pour faire de la place Émilie-Gamelin un parc. Notons que ce jugement n’a pas été porté en appel.

Le 28 juillet 1999, David Kavanaght, un des 8 accusés acquittés par le juge Duguay, a déposé une requête demandant à la Cour supérieure du Québec de l’autoriser à exercer un recours collectif contre la ville de Montréal pour le compte de toute personne ayant reçu un constat d’infraction en vertu de l’Ordonnance no 3, incluant les 77 personnes qui ont été arrêtées aux petites heures du matin du 29 juillet 1996.

Le 6 novembre 2002, le juge Jacques Dufresne a autorisé le recours collectif. Pour lire la décision :

http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2002/2002canlii629/2002canlii629.ht...

Si vous avez reçu un constat d’infraction au carré Berri le 29 juillet 1996, vous devriez entrer en contact le plus tôt possible avec le le bureau d’avocat Grey Casgrain, qui représente les membres du recours collectif (courriel : rece...@greycasgrain.ca téléphone : 514-288-6180).

La poursuite au civil intentée par David Kavanaght demande à la Cour supérieure de condamner la Ville de Montréal à verser différentes sommes d’argents aux membres du recours collectif, soit :

- la somme de 2 500 $ à titre de dommages et intérêts et la somme de 2 500 $ à titre de dommages exemplaires à toutes les personnes qui ont été arrêtées en vertu de l’Ordonnance no 3 ;

- la somme de 2 500 $ à titre de dommages et intérêts et la somme de 2 500 $ à titre de dommages exemplaires à toutes les personnes qui ont été détenues pour avoir reçu un constat en vertu de l’Ordonnance no 3 ;

- la somme de 250 $ à titre de dommages et intérêts et la somme de 250 $ à titre de dommages exemplaires à toutes les personnes qui ont été citées en justice pour avoir reçu un constat en vertu de l’Ordonnance no 3 ;

- la somme de 250 $ à titre de dommages et intérêts et la somme de 250 $ à titre de dommages exemplaires à toutes les personnes qui ont été trouvées coupables après avoir reçu un constat en vertu de l’ordonnance no 3 ;

- la somme de 500 $ à titre de dommages et intérêts et la somme de 500 $ à titre de dommages exemplaires à toutes les personnes qui ont reçues une sentence après avoir reçu un constat en vertu de l’Ordonnance no 3 ;

- la somme de 1000 $ à titre de dommages et intérêts et la somme de 1000 $ à titre de dommages exemplaires à toutes les personnes qui ont accusées d’autres infractions pour le motif d’avoir reçu un constat en vertu de l’Ordonnance no 3 ;

- la somme de 500 $ à titre de dommages et intérêts et la somme de 500 $ à titre de dommages exemplaires à toutes les personnes qui ont déboursées une somme d'argent, à titre d'amende et/ou frais, pour le motif d’avoir reçu un constat en vertu de l’Ordonnance no 3.



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