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Omar Khadr: l’impérialisme US juge et partie, le Canada complice

Eric Smith, Dimanche, Janvier 2, 2011 - 15:00

Mathieu Linhart

Après avoir plaidé son innocence depuis 2002, date de sa capture en Afghanistan par les forces armées américaines, Omar Khadr a finalement accepté de plaider coupable le 25 octobre 2010. Il l’a fait en échange d’une peine réduite de sept ans de prison, plus une année supplémentaire de détention à Guantanamo, les huit années qu’il y a déjà passé ne comptant pas.

Omar Khadr faisait face à cinq chefs d’accusation: 1) crimes de guerre, 2) meurtre du soldat américain Christopher Speer, 3) complot, 4) soutien matériel au terrorisme et 5) espionnage. S’il n’avait pas plaidé pas coupable, Khadr aurait risqué la prison à vie pour chacun de ces chefs d’accusation. Il devait comparaître devant un tribunal militaire, dont tous les membres et jurés étaient ou avaient été dans l’armée américaine. Le 31 octobre 2010, le jury composé de 15 militaires l’a d’ailleurs condamné à 40 ans de prison (les membres du jury ont délibéré sans avoir été informés de l’entente intervenue entre les avocats de l’accusé et ceux des États-Unis; il était prévu que l’entente prévaudrait sur la décision du jury, qui n’aura aucun effet).

Omar Khadr n’avait que 15 ans lorsqu’il a été capturé. Ses prétendus aveux ont été obtenus sous la torture. S’agissant de l’accusation du meurtre de Christopher Speer, ce dernier «est mort en août 2002, après avoir été blessé dans l’explosion d’une grenade le 27 juillet 2002, au cours d’un combat dans lequel Omar Khadr a été capturé. Mais aucun témoin n’a vu le Canadien lancer la grenade et il a été prouvé qu’il y avait deux survivants au moment où elle a été lancée, après d’intenses bombardements aériens de l’armée américaine sur le repaire ennemi. Grièvement blessé lors de ces bombardements, Omar Khadr nie avoir lancé la grenade.» (La Presse, 23/10/2010) Étant donné l’étendue des blessures qu’il avait aux yeux, comment Khadr aurait-il pu être en mesure de lancer une grenade?, s’est demandé un expert américain lors de l’émission Enquête de la SRC diffusée le 11 octobre 2008.

La défense s’est appuyée sur le fait que Khadr n’avait que 15 ans lors de sa capture. Selon les critères de l’ONU, Omar Khadr entre en effet dans la catégorie des «enfants soldats». Or, les conventions internationales accordent une protection particulière aux enfants engagés dans des conflits armés. Le Canada a d’ailleurs ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant en juillet 2000. Compte tenu de cela, on aurait pu s’attendre à ce que le gouvernement canadien rapatrie le jeune Khadr, puisque celui-ci était citoyen canadien, d’autant plus qu’en 2009, un tribunal fédéral avait enjoint au premier ministre Harper de le faire. Le Canada est le seul pays à ne pas avoir rapatrié ses ressortissants enfermés à Guantanamo, légitimant ainsi la «justice» militaire américaine.

Même s’il avait été adulte, les conditions dans lesquelles se sont tenus son procès sont inacceptables; en outre, la décision de lui faire subir un procès était en soi illégitime. L’Afghanistan, en 2002, est gouvernée par un régime taliban. Les États-Unis, sous prétexte que ce régime aurait collaboré avec le groupe Al-Qaida, responsable présumé des attentats du 11 septembre 2001, envahissent l’Afghanistan. Une résistance face à cette invasion étrangère voit le jour. Comme des milliers d’Afghanes et d’Afghans, Omar Khadr y participe. De ce fait, quand il est capturé, c’est plutôt à titre de prisonnier de guerre que de criminel de droit commun.

Mais voilà, dans les guerres dites «irrégulières», les combattantEs ne portent pas tous l’uniforme. Dans une guerre de résistance où l’on ne peut pas mener une guerre de position, se déplacer en uniforme reviendrait à dévoiler son jeu. Par contre, une force de résistance, si elle respecte le droit de la guerre, ne doit pas utiliser le fait d’être habillée en civil pour mettre en danger des populations civiles. De leur côté, les envahisseurs ne font jamais l’effort de distinguer les combattantEs des civilEs, même quand c’est évident. De plus, le régime taliban était vu comme un régime illégitime par les États-Unis. Pour ces raisons et d’autres encore, le statut de prisonnier de guerre n’a jamais été reconnu par l’occupant. Normalement, une fois une guerre terminée, à moins de prouver qu’un prisonnier de guerre a été responsable de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, celui-ci est censé être remis à son pays.

Dans le cas de l’Afghanistan, les impérialistes se sont improvisé comme gendarmes du monde. Il appartenait au peuple afghan de juger de la légitimité du régime taliban. L’URSS révisionniste s’était improvisé force policière au début des années 1980, et les Américains s’en étaient mêlés en finançant et armant les milices islamistes. En ne laissant pas le peuple afghan déterminer son propre avenir, ce sont les chefs de clans féodaux qui ont tiré avantage de la situation. Cette intrusion des puissances impérialistes n’a jamais servi les masses de ce pays, ni dans les années 1980, ni dans les années 2000.

Khadr était certes un citoyen canadien en territoire afghan. Par contre, il ne se battait pas pour imposer une domination étrangère et il n’était pas un mercenaire. Il prenait parti pour des forces locales qui se trouvaient à ce moment-là au pouvoir. Le simple fait d’appartenir, peu importe l’origine nationale de la personne, à des forces locales, qu’elles soient rebelles ou au pouvoir, aurait dû emporter l’obtention du statut de prisonnier de guerre.

Les impérialistes américains imposent une «justice de vainqueur» avec laquelle beaucoup de puissances impérialistes entretiennent de la gêne. En n’ayant pas rapatrié Omar Khadr, le Canada est un des rares pays à la légitimer à fond. Le jeune prévenu a été forcé de plaider coupable à des accusations bidon, à la suite de plusieurs années d’isolement et de tortures physiques, alors qu’on aurait dû lui reconnaître un statut de prisonnier de guerre. Mais voilà, les impérialistes US décident d’autorité qui est un criminel et qui ne l’est pas, sur des bases douteuses. Les seuls à pouvoir juger un prétendu crime commis en Afghanistan devraient être les Afghans eux-mêmes.

Mathieu Linhart

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Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 250, le 2 janvier 2011.
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