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Culture de sagesse… (réplique à «La culture du refus» d'Alain Dubuc, La Presse)

CMAQ via Mic, Mercredi, Novembre 24, 2010 - 18:11

M. Dubuc,

Dans votre billet paru dans La Presse du 22 novembre intitulé « La culture du refus » [d'Alain Dubuc] traitant de la question des gaz de schiste, vous usez de votre habileté à manier la plume pour inciter les gens à faire fi de la prudence dont ils font preuve actuellement à ce sujet afin de les amener à se laisser tenter par votre vision strictement économique de la situation. Vous allez jusqu’à affirmer que nous faisons preuve d’« une certaine dose d'immaturité collective ».

J’estime que vous faites fausse route en affirmant de telles choses. Et si faire preuve « d'immaturité collective », c’était plutôt de ne voir que l’aspect économique de cette industrie, plutôt que de prendre le temps de se doter d’un portrait global de la situation afin d’en juger correctement, en ayant en main tous les paramètres et toutes les données, entre autres sur les multiples risques, coûts et impacts associés à cette industrie.

Faire preuve d’immaturité ne serait-ce pas de foncer tête baissée dans un développement risqué, alors que le partage équitable des revenus de la ressource n’a pas encore été discuté socialement et relève d’une loi archaïque et injuste ?

Faire preuve d’immaturité ne serait-ce pas aussi de développer rapidement une industrie que l’on sait polluante, alors que nous serions avisés de chiffrer honnêtement les coûts sociaux d’une telle entreprise, en y incluant toutes les subventions, les déductions fiscales dont bénéficient les entreprises, les nombreux coûts pour la population et les municipalités - routes défoncées à refaire - usines de traitement des eaux à construire ou à mettre à niveau - besoins en sécurité accrus - augmentation du prix des assurances de maisons - détérioration du paysage et j’en passe ?

Ne serait-il pas sage de regarder attentivement, après avoir chiffré honnêtement l’ensemble des coûts de l’industrie des gaz de schiste, ce que l’on pourrait réaliser et obtenir du coté des énergies alternatives avec un investissement équivalent ?

Ne serait-il pas sage de regarder aussi les impacts de cette industrie sur les autres habitants de la planète qui souffriront bien plus que nous d’un réchauffement climatique que les gaz de schiste contribueront à accentuer ?

Il est important de ne pas se laisser berner par le mirage proposé par le gouvernement et l’industrie qui affirment que les gaz de schiste doivent être vus comme une énergie de transition vers les énergies plus vertes. Les vraies énergies de transition, nous les connaissons déjà et, coup de chance, elles sont ici, tout près de nous. L’énergie éolienne ne demande qu’à être développée et comporte tout un lot d’emplois pour les travailleurs d’ici. L’immense potentiel des économies d’énergie, de son coté, peut être avantageusement exploité dès maintenant et bénéficiera aux gens et aux travailleurs d’ici, alors que sous sommes, malheureusement, parmi les plus grands consommateurs d’énergie de la planète.

L’état de New York a décrété un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste suite aux nombreux accidents survenus dans différents états, et l’Agence de protection de l’environnement américaine, l’EPA, a jugé que les dangers de contamination accidentels de l’eau souterraine sont suffisamment sérieux pour lancer une vaste étude sur les impacts de cette industrie, dont les résultats sont attendus en 2012. Serait-ce faire part d’immaturité que de démarrer nos propres études, ou à tout le moins, d’attendre les résultats des études américaines, avant de faire des forages partout sur notre territoire ?

Vous avez surement lu quelques uns des très nombreux mémoires déposés au BAPE depuis la semaine passée. Ils ne sont pas tous le fruit de groupes écologistes organisés. Une grande partie d’entre eux proviennent de simples citoyens. Des gens, qui ont bien d’autres choses à faire dans la vie, se sont donné la peine de chercher, de fouiller dans une documentation parfois complexe et difficile à trouver, pour d’abord s’informer correctement, réfléchir, structurer leur pensée, écrire et présenter les résultats de leurs recherches devant les commissaires. Vous voyez vraiment là des signes d’immaturité ?

Pour être rentable et pour s’approcher de l’indépendance énergétique qui vous est chère, il faudra faire des milliers de forages. Tenant compte de la consommation de gaz du Québec, 500 puits en activité en permanence seront nécessaires et 250 nouveaux puits devront être forés à chaque année simplement pour compenser l’épuisement des puits vieillissants. En quelques années, la vallée du St-Laurent sera peuplée de ces tours hideuses que personne ne veut voir dans le paysage, à part peut-être les gens de cette industrie.

Avez-vous réfléchi au fait que si jamais cette industrie en venait à aller massivement de l’avant avec ces forages, il faudrait bien les mettre en quelque part tous ces puits. La vallée du St-Laurent est habitée. Villages, campagnes et petites aires boisées, tout le territoire est occupé. On ne parle pas ici d’une région inhabitée près du Yukon. C’est St-Marc-sur Richelieu, Lotbinière, St-Hyacinthe, Bécancour... Ces tours de forage hautes de huit étages, ces torchères qui brûlent 24 heures par jour comme dans l’est de Montréal, ces bruits de moteurs incessants, ce va et vient des milliers de camions-citernes qui circulent jours et nuits et ces centaines de bassins de décantations remplis de produits chimiques hautement toxiques, il faudra bien qu’ils soient situés quelque part. Ce sera toujours dans la cour de quelqu’un et au voisinage de quelqu’un d’autre. Est-ce faire preuve d’immaturité de la part de ces gens que de ne pas vouloir d’un tel envahissement dans leur village où même dans leur région ? Que diriez-vous si c’était chez vous, dans votre propre cour ou chez votre voisin que l’industrie installait ses pénates ?

Le gaz est une énergie très dommageable pour le climat et l’industrie qui l’exploite est extrêmement dérangeante et comporte des risques importants. Ayant compris cela, de plus en plus de gens voient maintenant dans cette ressource une énergie du passé. Ils regardent vers des solutions porteuses d’un avenir meilleur et surtout vers des solutions plus respectueuses de l’équilibre de la vie sur la planète. Par bonheur, ces solutions écologiques peuvent aussi être très rentables économiquement. Elles valent donc la peine d’être analysées en profondeur.

Je vous remercie,

François Cantin



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