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Le meurtre de Fredy Villanueva en dessin animélacrap, Mardi, Octobre 19, 2010 - 01:28 Ne tombez pas dans le panneau ! La pseudo reconstitution virtuelle du meurtre de Fredy Villanueva n’est rien d’autre qu’un dessin animé de mauvais goût qui déshumanise les victimes de l’agent Jean-Loup Lapointe au point de les rendre méconnaissable. La rigueur scientifique de ce semblant de reconstitution est d’ailleurs pour le moins questionnable compte tenu que ses concepteurs ont donné libre cours à leur créativité. N’oublions surtout pas que ce dessin animé sordide a été commandité par l’employeur de l’agent Jean-Loup Lapointe et déposé en preuve par le même procureur qui a blanchi l’assassin de Fredy. Décidément, les semaines se suivent et ne se ressemblent pas à l'enquête publique sur les causes et circonstances du décès de Fredy Villanueva. Durant la dernière semaine du mois de septembre, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) fut horriblement embarrassé par une décision du coroner André Perreault, qui préside l’enquête publique. Faisant fi des objections obstinées de l’avocat de la Ville de Montréal, le coroner Perreault a ordonné le dépôt en preuve de deux rapports profondément incriminants en ce qui a trait aux pratiques du SPVM en matière de profilage racial à Montréal-Nord, notamment. Puis, la semaine suivante, ce fut au tour des avocats qui défendent les intérêts policiers à l’enquête publique de faire un coup d’éclat médiatique, en rendant publique une vidéo 3D se voulant une version dessin animé du meurtre de Fredy Villanueva par l’agent Jean-Loup Lapointe, à Montréal-Nord, le 9 août 2008. Il va sans dire que l’animation 3D de l’assassinat de Fredy a joui d’un auditoire plus large que les deux rapports critiquant les pratiques de profilage racial mise en œuvre par le SPVM. Après tout, regarder un dessin animé de 7 secondes est moins laborieux pour les méninges que la lecture de deux documents d’environ 10 pages chacun. Les images ça pénètre facilement l’esprit ; elles deviennent alors une représentation de la réalité. Or, le moins que l’on puisse dire c’est que l’animation informatisée tridimensionnelle s’apparente davantage à un jeu vidéo d’arcade plutôt qu’une reconstitution rigoureuse du drame. Vous savez, le genre de jeu vidéo ultraviolent spécialement conçu pour le défoulement virtuel, où le but consiste à tirer sur à peu près tout ce qui bouge, dans la mesure où l’accumulation de points va de pair avec le nombre de personnages abattus. Bref, une vidéo 3D taillée sur mesure pour la « génération Nintendo ». Les nombreux téléspectateurs qui ont vu ce dessin animé sur le petit écran peuvent facilement oublier que l’agent Jean-Loup Lapointe a tiré sur des êtres vivants, faits de chair et de sang. Plusieurs d’entre eux n’ont probablement pas réalisé que Fredy Villanueva a été atteint de deux projectiles au thorax, alors que Denis Meas fut touché à l’épaule droite et Jeffrey Sagor-Métellus au bas du dos. Les consommateurs d’images sont encore moins en mesure de prendre en compte l’étendue des dégâts irréparables que les tirs meurtriers de l’agent Lapointe ont causés à Fredy Villanueva. Ainsi, en plus des plaies au thorax, les balles tirées par l’agent Lapointe ont traversé l’avant-bras gauche de Fredy avant de lui perforer le diaphragme, l’estomac, le pancréas et le foie, et de lui fracturer deux côtes. En fait, ce dessin animé sordide a tout simplement déshumanisé les trois jeunes victimes de Lapointe tant elles sont réduites à l’état de vulgaires cibles anonymes aux allures d’androïde. En effet, on n’entend pas leurs cris de douleur ; aucune expression de souffrance ne transparaît sur leur visage ; on ne voit pas une seule goutte sang. Ce vidéo d’un goût douteux est une production de la Ville de Montréal, l’employeur de Jean-Loup Lapointe. Fait à souligner, c’est le représentant du Directeur des poursuites criminelles et pénales, François Brière, qui a prit l’initiative de le déposer en preuve à l’enquête publique. Notons que Brière n’en est pas à son premier vidéo qu’il fait déposer en preuve à l’enquête. On se rappellera en effet que c’est à lui que l’on doit le dépôt en preuve de deux vidéo-clips de Mobsterz, une formation hip-hop de Montréal-Nord. Si la Ville de Montréal et le Directeur des poursuites criminelles et pénales ont travaillés en tandem sur ce coup-là, c’est parce que le dessin animé sert leurs intérêts respectifs. Ainsi, en faisant passer les victimes pour des agresseurs, le vidéo 3D donne raison à l’agent Lapointe d’avoir tiré ; du même coup, il donne raison au Directeur des poursuites criminelles et pénales de ne pas avoir porté d’accusation contre l’assassin de Fredy. Question de donner une petite couche de vernis scientifique à ce dessin animé, Brière a fait témoigner Denis Rancourt, professeur au département de génie mécanique, division bio-ingénierie, de l’Université de Sherbrooke. Le coroner Perreault a d’ailleurs reconnu monsieur Rancourt en tant qu’expert en modélisation dynamique et en contrôle du moteur humain et de l’anatomie. Monsieur Rancourt a travaillé entre 150 et 200 heures sur cette animation informatisée conçue à l’aide de logiciels commerciaux. Le spécialiste en biomécanique a entrepris ce travail de « reconstitution » vers la fin du mois d’août dernier, après que ses services eurent été sollicités par Bruno Poulin, instructeur à l’École nationale de police du Québec. Monsieur Poulin a lui-même été reconnu par le coroner Perreault comme expert en emploi de la force et en « utilisation judicieuse de l’arme à feu ». N’ayant jamais été lui-même policier, M. Poulin est régulièrement appelé à témoigner pour la défense de policiers qui doivent répondre d’accusations de force excessive devant le Comité de déontologie policière ou la Cour du Québec. Notons que ce n’était pas la première fois que M. Rancourt a mit ses connaissances scientifiques au service d’intérêts policiers. En effet, il a déjà témoigné devant le Comité de déontologie policière dans une cause impliquant deux policiers de Laval. (1) Dans cette affaire, le plaignant avait subi une fracture au fémur droit lors de son arrestation. Le témoignage de M. Rancourt a contribué à l’acquittement des deux agents cités en déontologie policière. Soulignons que M. Rancourt a témoigné à la demande de l’avocat des deux policiers, Me Gino Castiglio. Cet avocat se trouve à être l’associé de Me André Fiset, qui a représenté tous les enquêteurs de la Sûreté du Québec qui ont témoigné à l’enquête publique sur le décès de Fredy Villanueva. Comme on dit, le monde est petit… Pour mener à bien son mandat, M. Rancourt a consulté divers documents qui ont été déposées en preuve à l’enquête publique. Il a prit connaissance du rapport du Dr. Anny Sauvageau - la pathologiste judiciaire qui a fait l’autopsie de Fredy Villanueva – ainsi que les dossiers médicaux de Jeffrey Sagor-Métellus et de Denis Meas, le rapport balistique rédigé par Érik Hudon et les photos de la scène prise par la Sûreté du Québec. L’expert en biomécanique a également lu les différentes versions des témoins immédiats du drame : celles des policiers Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte, mais aussi celles des proches de Fredy Villanueva qui étaient présents sur les lieux du drame, soit Anthony Clavasquin, Dany Villanueva, Martha Villanueva, Lilibeth Padilla Guerra, sans oublier Jeffrey Sagor-Métellus et Denis Meas. À cela s’ajoutent les déclarations de témoins civils qui se trouvaient à une plus grande distance de la scène de l’intervention policière, comme Mme Cruz, Mme Rivera et M. Escobar. Le témoignage de M. Rancourt à l’enquête publique a permis de mettre en lumière les nombreuses faiblesses, imprécisions et inexactitudes dont souffre cette soi-disant reconstitution informatisée tridimensionnelle. Ainsi, les concepteurs du dessin animé se sont permis de tourner les coins ronds à plusieurs égards, à commencer par la représentation de la constitution physique des trois victimes de l’agent Lapointe. Quiconque a déjà vu en personne Fredy Villanueva, Denis Meas et Jeffrey Sagor-Métellus peut certainement attester du fait que la corpulence des « personnages » qui les personnifient dans le dessin animé est loin d'être représentative de leur constitution physique respective dans la réalité. Car les concepteurs de l’animation 3D ont en effet donné des corps athlétiques aux personnages personnifiant les trois jeunes victimes. Monsieur Rancourt a expliqué durant son témoignage qu’ils ont sacrifié « l’esthétique » des personnages par manque de temps, se contentant plutôt d’utiliser un « modèle standard générique ». Les informations relatives à la corpulence des trois jeunes hommes étaient pourtant accessibles à M. Rancourt puisqu’elles font partie de la preuve déposée à l’enquête du coroner. Ainsi, Denis Meas, qui est personnifié par le « personnage » positionné à l’extrême gauche dans le dessin animé, mesurait 1 mètre 80 centimètres et pesait 72 kg au moment des faits. Fredy Villanueva, le « personnage » au centre, mesurait 1m 72cm et pesait 72 kg le jour de son décès. De son côté, Jeffrey Sagor-Métellus, le « personnage » situé immédiatement à droite de Fredy, mesurait 1m 78cm et pesait 150 livres. Monsieur Rancourt a divisé l’altercation en 7 phases, et a calculé la durée de chacune d’elle en millisecondes (notez qu’on compte mille millisecondes dans une seconde). Voici ce que ça donne. Phase I : maîtrise de Dany Villanueva (3125 millisecondes) ; Phase II : avance des trois individus (1125 millisecondes) ; Phase III : main à l’étui, sortie de l’arme et tir #1 (667 millisecondes) ; Phase IV : Tir #2 (375 millisecondes) ; Phase V : Tir #3 (500 millisecondes); Phase VI : Tir #4 (500 millisecondes) ; Phase VII : Retrait des trois individus (375 millisecondes). La durée de l’animation informatisée tridimensionnelle totalise donc 7 secondes. Cependant, comme l’a révélée la preuve entendue à l’enquête publique, l’intervention policière qui a coutée la vie à Fredy Villanueva dure près d’une minute, ce qui représente la période de temps qui s’est écoulée entre le moment où l’agent Lapointe sort de son véhicule de patrouille et les coups de feu. Cette prétendue reconstitution est donc nettement incomplète. Ainsi, lorsque les images de l’animation informatisée commencent à défiler à l’écran, Dany Villanueva et Jean-Loup Lapointe se trouvent déjà au sol, le premier en-dessous du second. La séquence d’événements qui font en sorte que le patrouilleur de Montréal-Nord et le jeune homme originaire du Honduras se sont retrouvés au sol est donc totalement absente du vidéo. Il aurait pourtant été à propos d’illustrer que c’est l’agent Lapointe qui a été le premier à initier le contact physique avec Dany durant l’intervention policière, une version qui ne fait d’ailleurs l’objet d’aucune contestation de part et d’autres. Il aurait été tout autant opportun de montrer comment l’agent Lapointe a brutalement plaqué Dany sur le capot de son véhicule de patrouille, suscitant stupéfaction et mécontentement chez les témoins immédiats de la scène. Enfin, une bonne compréhension de l’événement n’est pas possible sans savoir que c’est l’agent Lapointe qui a prit la décision de faire chuter Dany au sol. Le fait que la majeure partie du déroulement de l’intervention policière soit occultée ne peut faire autrement que de fausser la compréhension du grand public des circonstances entourant le décès de Fredy Villanueva. Par exemple, comment comprendre la réaction des témoins immédiats face aux gestes de brutalité posés par l’agent Lapointe si ces gestes eux-mêmes ne sont pas représentés dans l’animation ? Non seulement ce semblant de « reconstitution » est-il incomplet, mais en plus certains éléments ne sont carrément pas conformes à la preuve qui a été entendue par le coroner Perreault. Monsieur Rancourt, qui a d’ailleurs admis qu’il avait « dû inventer beaucoup de choses », a lui-même indiqué durant son témoignage que le dessin animé ne représentait pas une reconstitution en bonne et due forme de l’intervention policière qui s’est soldée par le décès de Fredy Villanueva. Selon le témoin-expert, l’animation informatisée « donne une idée de ce qui s’est passé », sans plus. Dans les faits, M. Rancourt ne sait pas exactement ce qui s’est passé. Il ne le sait tellement pas que deux versions du dessin animé ont dû être produites. Dans la première version, c’est le personnage personnifiant Fredy qui est atteint en premier par les tirs du policier Lapointe. Dans la seconde version, c’est plutôt le personnage personnifiant Denis qui est atteint en premier. Autre élément d’incertitude : dans le vidéo, on peut voir une femme invisible à droite du personnage personnifiant Jeffrey et restant figée comme une statue de cire tout au long de l’animation. Monsieur Rancourt a expliqué durant son témoignage qu’il ne savait pas si ce quatrième personnage était un homme ou une femme. Les versions des témoins immédiats sont effectivement contradictoires sur ce point. La « femme invisible » pourrait fort bien s’avérer être Martha Villanueva, la cousine de Fredy. Durant son témoignage à l’enquête publique, Martha a déclaré qu’elle s’est approchée de l’altercation au sol opposant l’agent Lapointe et Dany, allant même jusqu’à dire qu’elle se trouvait en avant de Denis et de Jeffrey. Or, Anthony Clavasquin affirme plutôt que Martha est arrivée sur la scène de l’altercation seulement après les coups de feu. De son côté, l’agent Lapointe parle de la présence de quatre jeunes hommes devant lui. Si M. Rancourt a consulté les versions des faits des témoins immédiats, il reste qu’il a retenu celle des policiers pour les fins de confectionner le dessin animé. « Nous avons considéré pour avérés les témoignages et déclarations des policiers dans la reconstitution », écrivent sans détour MM. Rancourt et Poulin dans l’« étude biomécanique » qui a été déposée en preuve à l’enquête du coroner. Par ailleurs, les versions des agents Lapointe et Pilotte sont « compatibles, des points de vues physique et physiologique, avec l'étude biomécanique effectuée », ajoutent-ils (cette commode compatibilité s’expliquerait-elle par le fait que les deux témoins policiers n’ont pas été séparés après le drame, leur donnant ainsi l’occasion de se contaminer mutuellement ?). Ainsi, les données qui ont été utilisées pour « reconstituer » la Phase I, soit la scène de l’altercation au sol opposant Dany Villanueva à l’agent Lapointe, viennent des versions données par les deux patrouilleurs. Dans le dessin animé, on peut voir le personnage personnifiant Dany frappant de son poing droit le personnage personnifiant l’agent Lapointe sur le côté gauche de la mâchoire ainsi qu’à l’arrière de la tête. Il faut cependant souligner une chose : de tous les témoins entendus à l’enquête publique, l’agent Lapointe est le seul qui prétend que Dany lui donnait des coups de poing lorsqu’il se trouvait au sol. Cela n’a pourtant pas empêché M. Rancourt d’adopter la version de l’agent Lapointe comme « prémisse » à l’animation informatisée. « J’ai travaillé avec ça », a déclaré l’expert en biomécanique durant son témoignage. Et, selon lui, la « prémisse » de Jean-Loup Lapointe aurait été continuellement validée par les autres éléments d’information dont il a prit connaissance en travaillant sur la conception du dessin animé. Monsieur Rancourt a défendu sa façon de procéder en affirmant que la version de l’agent Lapointe était plus complète. On peut difficilement lui donner tort lorsqu’il remarque que la version de l’agent Lapointe est « très riche » en détails, surtout quand on l’a compare avec celle des témoins civils. Il faut cependant garder à l’esprit que l’assassin de Fredy a bénéficié d’un avantage que n’ont pas eu les autres témoins immédiats. L’agent Lapointe a prit un mois pour écrire son rapport, et n’a donc pas eu à donner sa version des faits dans les heures qui ont suivi le drame, contrairement aux témoins civils qui se sont fait soutiré leur déclaration par des enquêteurs de la Sûreté du Québec alors qu’ils étaient encore ébranlés par cet événement traumatisant qu’ils avaient vu de très près. Sans parler des deux survivants, Jeffrey et Denis, qui ont donné une déclaration aux policiers de la SQ alors qu’ils se trouvaient sur leur lit d’hôpital, sous l’effet de puissants sédatifs. Les concepteurs du dessin animé se sont donné beaucoup de liberté lorsqu’ils ont essayés de reconstituer l’altercation au sol entre Dany et l’agent Lapointe. Durant son témoignage à l’enquête publique, M. Rancourt a lui-même reconnu que l’animation informatisée ne constitue pas un « film » de ce qui s’est passé à ce moment précis, mais doit plutôt être considéré une « démonstration biomécanique » qu’il était possible pour Dany de donner des coups de poing à l’agent Lapointe et des coups de pieds à la policière Stéphanie Pilotte lorsqu’il se trouvait au sol. Seulement, il y a un hic. Le but recherché par l’agent Lapointe à ce moment-là était de « maîtriser » Dany, en l’immobilisant au sol. Pour se faire, le policier a utilisé son bras gauche pour faire une prise du cou à Dany, tout en appuyant de tout son poids sur le thorax de ce dernier. C’est ce que l’agent Lapointe a expliqué en long et en large durant son témoignage à l’enquête publique. Or, dans le dessin animé, on voit clairement que le bras gauche du personnage personnifiant Lapointe n’enlace pas le cou du personnage personnifiant Dany. Il ne s’agit pas là d’un détail anodin. Lors de son témoignage, Dany a expliqué qu’il avait de la difficulté à respirer à cause de la prise du cou que lui faisait l’agent Lapointe. Cette version a d’ailleurs été corroborée par des témoins immédiats. Jeffrey Sagor-Métellus a en effet déclaré à l’enquête publique que l’agent Lapointe étranglait Dany. « Je voyais sa veine sortir de son front et il est devenu tout rouge », a-t-il expliqué en décrivant l’état dans lequel se trouvait Dany pendant que l’agent Lapointe étant en train de le « maîtriser », pour employer ce terme si cher au jargon policier. Anthony Clavasquin a lui aussi constaté que Dany avait de la misère à respirer. La difficulté à respirer qu’éprouvait Dany est un élément crucial pour bien comprendre les circonstances entourant l’altercation au sol. En effet, durant son témoignage, Dany a expliqué les mouvements de bras et de jambes qu’il faisait à ce moment-là en disant qu’il cherchait à se « déprendre » afin de retrouver une respiration normale. On omettant un élément d’une telle importance, le dessin animé n’a pas donc pas fait la démonstration qu’il était « bio-mécaniquement possible » pour Dany de frapper l’agent Lapointe sur le côté gauche de la mâchoire pendant que celui-ci lui faisait une prise du cou tout en appuyant de tout son poids sur son thorax. Monsieur Rancourt s’est également servi de son imagination pour représenter la position des jambes du personnage personnifiant Lapointe durant l’altercation au sol. Le témoin-expert a en effet admis que cet élément ne vient pas de la preuve déposée à l’enquête publique. Le spécialiste en biomécanique a simplement déduit que l’agent Lapointe a dû se positionner ainsi pour se maintenir en équilibre lorsqu’il se trouvait par-dessus Dany. Il a également admis qu’il n’y avait pas de preuve que la tête de l’agent Lapointe était positionnée de la façon qu’elle est représentée par le personnage personnifiant ce dernier dans l’animation informatisée. Les concepteurs du dessin animé se sont également montrés créatifs sur le plan des distances séparant les différents personnages. Durant son témoignage, M. Rancourt a reconnu qu’il ne connaît pas la distance exacte entre le véhicule de police et les personnages impliqués dans l’altercation au sol, soit Dany et les deux policiers. « Je vois pas l’intérêt », a même lancé le biomécanicien. Par ailleurs, en ce qui concerne la Phase II de l’altercation, M. Rancourt a également admis qu’il n’y avait pas de preuve que les 4 personnages qui forment une ligne devant l’altercation au sol étaient positionnés à une distance d’environ 6 pieds et demi, telle que représentée dans l’animation, au moment où le personnage personnifiant l’agente Pilotte s’est mis à genoux pour tenter de maîtriser les jambes de Dany. Monsieur Rancourt a aussi concédé qu’il n’était pas en mesure de confirmer si la vitesse moyenne 6,4 km/h à laquelle les trois personnages se ruent vers le personnage personnifiant l’agent Lapointe correspond à la vitesse réelle à laquelle Denis, Fredy et Jeffrey se sont approchés de l’altercation au sol opposant le policier à Dany. Le flou règne également en ce qui concerne les distances séparant les victimes de l’agent Lapointe au moment où le policier a ouvert le feu. « L’angle de tir ne fournit apparemment aucune information précise sur le positionnement de M. Meas par rapport au policier », lit-on dans l’étude biomécanique. Monsieur Rancourt a admis durant son témoignage qu’il avait très peu d’informations à sa disposition quant à la position occupée par Denis au moment des tirs. Tant et si bien que les concepteurs du dessin animé pouvaient le positionner à différents endroits sur le lieu de l’intervention policière. Monsieur Rancourt a donc reconnu qu’il n’y avait pas de preuve que Denis se trouvait à l’endroit où le personnage personnifiant ce dernier a été positionné dans l’animation informatisée. Les créateurs du dessin animé ont décidé de placer le personnage personnifiant Denis à cet endroit-là pour la seule et unique raison qu’il y avait assez d’espace pour le mettre là, a simplement expliqué le témoin-expert. « Il y a une certaine latitude » quant aux positions occupées par Denis et Jeffrey au moment des tirs, a déclaré M. Rancourt du bout des lèvres. En fait, le biomécanicien n’a pas écarté la possibilité que Denis et Jeffrey se trouvaient loin de l’agent Lapointe au moment des coups de feu. Il est même allé jusqu’à dire qu’il est possible que Jeffrey ne se soit pas approché à plus de deux mètres de l’altercation au sol. Le témoin-expert n’entretient toutefois pas ce genre de doute en ce qui concerne le positionnement de Fredy. Monsieur Rancourt a en effet tranché la question en s’appuyant sur les conclusions du rapport balistique de M. Hudon, qui fait état d’une distance de 38 cm (ou 15 pouces) entre Fredy et le canon du pistolet de l’agent Lapointe. « En se basant sur les évidences anatomiques, il est possible de reconstruire les lignes de tir dans un modèle tridimensionnel anatomique du corps humain, peut-on lire dans l’étude biomécanique. Ces reconstructions sont toutefois approximatives, de l’ordre de +/- 5 degrés et de +/- 2 cm en translation, car tel que mentionné par la Docteur Sauvageau, les organes internes peuvent changer de position et de forme selon la posture de l’individu et selon sa phase de respiration. Malgré ces limitations, il est instructif d’analyser ces lignes de tir tout en conservant en mémoire leur niveau d’imprécision. » Le spécialiste en biomécanique avance que les différentes lacérations observées chez Jeffrey permettraient d’identifier la trajectoire de la balle que ce dernier a reçue alors qu’il avait déjà tourné le dos à l’agent Lapointe. L’auteur de l’étude ajoute cependant un bémol : encore faut-il supposer « que cette trajectoire ait suivi approximativement une ligne droite malgré l’impact de la balle avec les apophyses des vertèbres ». Ainsi, si le dossier médical de Jeffrey a été mis à contribution dans l’effort de reconstruction des lignes de tir, le biomécanicien reconnaît que « l’orientation de ces lignes est approximative car elle ne tient pas compte de la posture lors de l’impact des projectiles qui influence la position et la déformation des organes par les efforts internes, dont le diaphragme qui contribue à la respiration ». Autrement dit, monsieur Rancourt n’a pu pas su reconstruire avec exactitude la trajectoire des tirs. Il ne s’est même pas demandé si la balle qui a traversé l’avant-bras bras gauche de Fredy s’est logée dans le thorax de ce dernier ou si elle s’est plutôt rendue dans l’épaule droite de Denis. Durant son témoignage, le témoin-expert n’a d’ailleurs pas caché qu’il a précisément « zéro » expertise en matière d’arme à feu, et aucune qualification relativement aux trajectoires des balles. Monsieur Rancourt a calculé que l’agent Lapointe a tiré quatre balles en moins de deux secondes - 1375 millisecondes exactement. « Sachant qu’une personne peut tirer au moins quatre balles en une seconde avec un pistolet semi-automatique, cette période est physiquement et physiologiquement possible, lit-on dans l’étude biomécanique. Cette durée démontre le caractère très rapide de la situation et explique pourquoi l’agent Lapointe pourrait ne pas avoir été en mesure d’arrêter les tirs, même dans le cas où une potentielle menace se serait éliminée durant cette courte période ». En d’autres mots, l’agent Lapointe pourrait avoir ouvert le feu malgré l’absence de menace directe pour sa vie. Le spécialiste en biomécanique n’écarte donc pas la possibilité que les coups de feu aient eu peu de chose à voir avec le scénario de la légitime défense mis de l’avant par les apologistes de l’assassin de Fredy. Selon le témoin-expert, il est très peu probable que l’agent Lapointe ait eu le temps de bien analyser la situation au moment d’employer la force mortelle, avec les conséquences tragiques que l’on connaît. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’expression tirer à l’aveuglette prends ici tout son sens. Comme la concentration du policier était probablement sur Fredy, il y a des chances qu’il n’était pas en position d’interpréter correctement la distance à laquelle Denis et Jeffrey se trouvaient de lui, croit également M. Rancourt. « Est-ce qu’on s’attend vraiment à ce que l’agent Lapointe voit tout ce qui se passe devant lui ? », a lancé le biomécanicien durant son témoignage. « C’est normal d’en échapper beaucoup », a convenu le coroner Perreault. « À cette vitesse, ses yeux n’avaient pas le temps d’évaluer ce qui se passait autour de lui, comme un mouvement de recul des jeunes qui lui aurait permis de décider d’arrêter de tirer si le danger s’était écarté », a également expliqué M. Rancourt. « C’est possible que l’agent Lapointe ait pris la décision de faire feu au moment où les jeunes ont arrêté d’avancer vers lui. L’un a la perception qu’il doit tirer parce qu’il sent sa vie menacée. Les autres ont la perception qu’ils ont obéi aux ordres du policier en cessant d’avancer vers lui. En bout de ligne, il est trop tard ». Voilà qui soulève une douloureuse question : et si Fredy était mort tout simplement parce qu’il s’est approché trop près d’un flic un peu trop prompt à appuyer sur la gâchette ? (1) http://www.canlii.org/fr/qc/qccdp/doc/2008/2008canlii3446/2008canlii3446... |
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