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La légitime révolte n’a rien à voir avec une «conspiration»Anonyme, Samedi, Juillet 17, 2010 - 12:29
Le Drapeau rouge-express
– Commentaire d’un militant
Dans la foulée des événements qui ont entouré le sommet du G20, une certaine fraction de ce qui est communément dénommé «l’extrême-gauche» en est venue à dénoncer les Black Blocs et autres militantEs masquéEs qui ont posé des gestes jugés illégaux. Certains ont même prétendu que les diverses actions ayant confronté la bourgeoisie et son État ont été le fait d’agents provocateurs, voire qu’elles ont été planifiées par la police elle-même. On a pu lire ce genre d’analyse sous la plume d’auteurs trotskistes. Le chef du «Parti communiste du Canada», Miguel Figueroa, a lui aussi fait sa montée de lait contre le Black Bloc et appelé à la dénonciation publique des «anarchistes». Il n’y a certes rien d’étonnant dans le fait que des trotskistes et des révisionnistes traitent les militantEs qui agissent d’agents provocateurs. C’est sûr que pour des gens qui appartiennent aux appareils syndicaux ou communautaires embourgeoisés ou qui aspirent à s’y joindre, la crainte est grande de voir les masses agir sans contrainte. Les trotskistes et les révisionnistes ont toujours eu peur de la révolution. Pour ces pissous, vaut mieux une sorte de «front uni» avec des gens qui collaborent ouvertement avec l’ennemi de classe qu’un véritable front de lutte avec les forces révolutionnaires et authentiquement démocratiques. La multiplication de membres qui se trouvent des jobs dans les syndicats ou les groupes communautaires, ce n’est pas mauvais pour le budget de ces coteries. Être trop révolutionnaire, ce n’est pas bon pour la sécurité d’emploi! Peu importe les motifs des révisionnistes et des trotskistes, l’important est de constater que leur évaluation politique des événements de Toronto est d’une nullité absolue. Voir si la police aurait provoqué des actions illégales pour justifier 1 100 arrestations! Aurait-elle mis en danger l’intégrité physique de certains de ses membres rien pour justifier la répression? Il se peut fort bien que le commandement de la police ait fait certaines erreurs tactiques et que les manifestantEs qui tenaient à aller vers la clôture en aient profité. Le but de la police était de protéger le périmètre autour du lieu où se tenait le sommet. Elle y est allé d’une stratégie dissuasive, qui a d’ailleurs eu un effet sur le comportement de certainEs manifestantEs. L’objectif avoué des manifestantEs était d’attaquer la clôture. Cette action tenait plus d’une attaque d’un symbole de pouvoir, d’oppression et d’exploitation. Si la police l’empêchait, il existait d’autres cibles, peut-être directement moins signifiantes, mais tout de même symboliques, et une fraction des manifestantEs les a prises d’assaut. La force dissuasive extrême exercée par la police n’a pas suffi pour empêcher cette expression légitime des manifestantEs qui ont attaqué ces autres cibles – essentiellement des véhicules de police, des camions des médias et des commerces appartenant à de grandes chaînes. Il n’y a pas eu de petits commerces attaqués, ni de citoyenNEs blesséEs, ni de pillage. Si ça se trouve, certaines émeutes de la coupe Stanley à Montréal ont vu plus de casse. En 2008, lors de la victoire du Canadien contre les Bruins de Boston, ce furent 11 véhicules de police qui ont passé au feu. Il est facile de dire qu’une attaque contre la seule clôture aurait été plus signifiante et aurait obtenu un meilleur appui du public. La signification politique pour les masses aurait pu paraître plus directement évidente. On ne peut pas spéculer. Ce qui est sûr, c’est que la police et les autorités publiques ont vu dans ces actes une attaque contre leur pouvoir. Elles ont compris que l’action était politique. Jamais une émeute de la coupe Stanley n’a provoqué 1 100 arrestations! La police a aussi compris qu’il s’agissait d’une fraction des masses qui se révoltait. Malgré toute l’intimidation, l’aile radicale des manifestantEs a commis des actes dits «illégaux». Après la fin de la manifestation, des Torontoises et Torontois n’appartenant pas à des réseaux militants ont afflué vers le centre-ville, un peu par curiosité et un peu pour participer au party. Là aussi, il s’agissait d’une fraction des masses. Si les autorités publiques et la police ont compris qu’une fraction des masses a agi politiquement, il est du devoir des révolutionnaires de défendre l’aspect politique de cette action. La répression sauvage s’explique parce qu’en après-midi, la bourgeoisie a subi une défaite politique. La bourgeoisie canadienne désirait montrer qu’elle permettait des manifestations «libres» (parce que formatées et non dérangeantes); elle voulait montrer qu’elle est démocratique. La planète a vu qu’une fraction de la population canadienne était suffisamment en colère pour défier le pouvoir bourgeois. La planète a vu aussi que la bourgeoisie canadienne pouvait être très dure avec ses opposantEs. Il est manifeste que la répression était disproportionnée; d’ailleurs, le flanc gauche de la bourgeoisie a voulu se dissocier des «excès» policiers. Nos trotskistes et nos révisionnistes, quant à eux, se sont dissociés des excès des masses, en les associant à des actes policiers (un complot). En fait, ces gens-là n’ont jamais cru à l’action révolutionnaire des masses. Ils adhèrent à la théorie du génie inné des classes dominantes, que les maoïstes chinois dénonçaient durant la révolution culturelle. Cette théorie suppose que les masses sont trop stupides pour penser par elles-mêmes et qu’elles seront toujours manipulées par une fraction ou une autre de la classe dominante. L’avant-garde ne proviendrait que de la classe dominante, qui inculquerait une culture révolutionnaire aux masses ignares. En réalité, pour les maoïstes, pour être une avant-garde, il faut principalement être en mesure de synthétiser les idées justes des masses. Il faut donc être lié avec l’expérience révolutionnaire directe des masses. En même temps, une juste synthèse doit se faire en lien avec l’expérience révolutionnaire indirecte des masses, celle qui se fait dans d’autres pays et celle qui a eu lieu dans le passé. Pour ce faire, il est clair que l’avant-garde doit avoir une culture révolutionnaire. Par contre, si elle ne se lie pas avec les masses et ne participe pas à leur action révolutionnaire, elle n’est en rien une avant-garde; sans lien avec les masses, elle n’est qu’une coterie de petits-bourgeois qui agit en élite éclairée méprisant le peuple. L’avant-garde est nécessairement agissante. UnE révolutionnaire se doit de l’être aussi dans les faits. Faire passer les masses révolutionnaires pour des agents provocateurs est une manœuvre sournoise pour masquer son propre refus de jouer un rôle d’avant-garde. En fait, on se positionne comme une élite qui aspire à remplacer celle existante. On nie aux masses leur rôle, leur parole politiques. On nie leur capacité de transformer la société. On leur nie la possibilité de faire des erreurs ou des bons coups, comme on refuse d’admettre que la bourgeoisie et ses autorités puissent faire des erreurs. L’élite serait omnisciente et omnipotente; la seule possibilité logique est d’y aspirer, les masses étant supposément stupides et manipulables. Voilà ce que sont les trotskistes et les révisionnistes: des aspirants bourgeois qui méprisent les masses. En réalité, on ne s’attend pas à mieux de cette engeance. Leur fonction dans l’histoire a toujours été de semer la confusion et détourner les masses de la révolution. Ce qui est plus triste, c’est de voir des militantEs honnêtes faire leur cette théorie du complot. Sur le site Web du journal Basics, on peut lire cet article, «LET IT BURN: Police complicity in Saturday destruction», qui laisse entendre que la police a provoqué sciemment la destruction de propriété. Dans un autre article, «BASICS Statement on G8/G20 and TCMN», la rédaction du journal réaffirme son désaccord avec les tactiques du Black Bloc, sans toutefois aller jusqu’à dire qu’il s’agit d’agents provocateurs. Néanmoins, ne pas reconnaître l’aspect politique de l’action des manifestantEs qui ont attaqué des cibles de la bourgeoisie contribue à entretenir le discours dominant, qui distingue entre «bons» et «mauvais» manifestants. Mao, dans son Rapport sur l’enquête menée dans le Hounan à propos du mouvement paysan, avait adopté une tout autre attitude. Il n’y était pas allé avec l’idée d’enseigner de manière pédante la révolution aux masses paysannes supposément arriérées. Au contraire, il a appris d’elles. Au lieu de partir d’un a priori sur ce qui était juste au niveau de l’action révolutionnaire des masses, il s’est inspiré de leurs actes, y compris dans ce qui pouvait apparaître comme excessif (voir plus bas). Quand on parle de ligne de masse, on parle d’accompagner les masses dans leurs actions révolutionnaires. Une action révolutionnaire interpelle nécessairement le pouvoir et remet en cause les rapports de classe dans un espace géographique précis. Certaines grèves syndicales et actions de groupes populaires peuvent prendre le tour d’une action révolutionnaire, si elles remettent en cause le pouvoir et permettent d’organiser le camp du peuple. Autrement, ça ne reste qu’une simple négociation entre acteurs du système. Quand le travail au sein des syndicats ou groupes communautaires ne dépasse pas ce stade économiste, on ne peut pas parler d’une ligne de masse révolutionnaire. Au Canada anglais, les trotskistes et les révisionnistes ont discrédité le sens révolutionnaire que comporte l’idéologie communiste. Il faut donc impérativement travailler à lier communisme et révolution. Actuellement, les prolétaires enclins à la révolution voient dans les communistes des gens qui se présentent aux élections pour recueillir très peu de votes ou des fatigants qui ne font que vendre des journaux qui ne servent à rien dans la construction de la révolution. Les débats sur les méchancetés de Staline, comme les querelles entre les diverses chapelles trotskistes, n’intéressent pas beaucoup le prolétariat. Dans leur travail au Canada anglais, les maoïstes doivent se démarquer significativement de ce style de travail plate et opportuniste. La simple distribution d’un journal de masse, même s’il comporte des points de vue, à l’occasion, corrects, est totalement insuffisante. La contamination du trotskisme et du révisionnisme y a rendu ce qu’on appelle l’extrême-gauche quelque chose de complètement domestiqué. Après plusieurs générations, des loups sauvages deviennent des petits chiens dociles, quand ils acceptent le dressage. Le potentiel de révolte existe parmi les masses populaires du Canada anglais. Parmi les milliers de travailleurs et de travailleuses qui ont perdu leur emploi en 2008 et 2009, plusieurs en veulent aux capitalistes et aux gouvernements qui travaillent pour eux. Des petits groupes de discussion qui ne débouchent pas sur de l’action, ça ne les intéresse pas! Ce manque d’intérêt n’a rien à voir avec une quelconque forme d’arriération politique. Au contraire, si celles et ceux qui se prétendent l’avant-garde ne le sont pas, c’est qu’ils et elles ne réussissent pas à établir une liaison réelle avec les masses qui aspirent à l’action révolutionnaire. À Toronto, celles-ci ont remporté une victoire, mais la majorité des forces qui se prétendent «communistes» ont craché dessus. Une telle attitude de perdants n’incite certainement pas les prolétaires à s’organiser pour la révolution. Pour convaincre les masses du Canada anglais que communisme et révolution vont ensemble, il va falloir mener une grande campagne de décontamination idéologique pour anéantir l’idéologie trotskiste et révisionniste. Les maoïstes du Canada anglais se devront d’embarquer dans cette opération. C’est sûr que le milieu idéologique ambiant est très contaminant, mais en approfondissant la lutte idéologique, il sera possible de se sortir de ces tendances opportunistes. La bataille de Toronto et les débats qui y font suite nous démontrent une fois de plus que l’opportunisme de droite reste le danger principal auquel le mouvement communiste est confronté. * * *
Sur ce qu’on appelle les «excès» Devenues l’autorité suprême, les unions paysannes ferment la bouche aux propriétaires fonciers; elles ont réduit en poussière leur prestige – cela revient à dire qu’on a jeté à terre le propriétaire foncier et qu’on lui a mis le pied dessus. […] La foule fait irruption dans les maisons des despotes locaux et des mauvais hobereaux qui sont contre les unions paysannes; on égorge les cochons, on rafle le grain. Il arrive que les paysans viennent chez les despotes locaux et les mauvais hobereaux et se prélassent un moment sur les lits incrustés d’ivoire de leurs filles et de leurs brus. Ils arrêtent des gens à la moindre occasion, les coiffent de grands bonnets de papier et les promènent à travers le village, en disant: «Tu sais à présent à qui tu as affaire, sale hobereau!» Les paysans font ce qu’ils veulent. C’est le monde renversé, et une espèce de terreur règne ainsi à la campagne. C’est ce que certains appellent commettre des «excès», «courber en sens inverse aux fins de redresser», «commettre des actes scandaleux». En apparence, de tels jugements semblent raisonnables; en réalité, ils sont tout aussi erronés. En premier lieu, si les paysans ont commis de tels actes, c’est qu’ils ont été poussés à bout par les despotes locaux, les mauvais hobereaux, les propriétaires fonciers coupables de forfaits. Ces gens ont de tout temps usé de leur pouvoir pour tyranniser et écraser les paysans; c’est pourquoi ceux-ci ont réagi avec tant de force. Les révoltes les plus violentes, les désordres les plus graves se sont invariablement produits là où les despotes locaux, les mauvais hobereaux, et les propriétaires fonciers coupables de forfaits se sont livrés aux pires outrages. L’œil du paysan voit juste. […] Deuxièmement, la révolution n’est ni un dîner de gala ni une œuvre littéraire, ni un dessin ni une broderie; elle ne peut s’accomplir avec autant d’élégance, de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d’âme. La révolution, c’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre. […] Pour redresser quelque chose, on est obligé de le courber en sens inverse; sinon, on ne peut le rendre droit. Bien que l’opinion de ceux qui critiquent les «excès» se distingue apparemment de celle du premier groupe, elle procède au fond du même point de vue: c’est la théorie même des propriétaires fonciers, au service des seuls intérêts des classes privilégiées. Aussi devons-nous combattre résolument cette théorie qui fait obstacle à l’essor du mouvement paysan et qui, en dernière analyse, sape la révolution. Mao Zedong (mars 1927)
-- Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 236, le 17 juillet 2010.
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