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Mouvement étudiant et répression policière au Québeccollectif oppos..., Dimanche, Février 21, 2010 - 20:51 (Analyses | Repression)
cobp
Le Collectif Opposé à la Brutalité Policière réagit à l’article de David Riendeau « La Leçon d’anarchie », qui est paru dans le journal étudiant Montréal Campus, vol. 30 no. 11, 10 février 2010. Mouvement étudiant et répression policière au Québec (1990-2010) Le journal indépendant Montréal Campus a publié en février 2010 un article qui traite des quelques centaines de dollars accordés par des associations étudiantes de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et du cégep du Vieux-Montréal à des groupes «altermondialistes». Le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP) y est nommé, et il est fait mention de manifestations organisées par ce groupe qui se sont terminées par des arrestations de masse (pratique pour laquelle le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a nommément critiqué en 2005 le Service de police de la Ville de Montréal — SPVM). La sympathie entre le COBP et les associations étudiantes n’est pas nouvelle, ni cachée. Elle s’exprime, par exemple, par la reprise dans l’agenda annuel qu’offre gratuitement l’Association facultaire des étudiantes et des étudiants en sciences humaines (AFESH-UQAM) d’extraits de la brochure «Surprise! On a des droits», du COBP, qui explique quelles sont les meilleures attitudes à adopter face aux policiers, en particulier au cours des manifestations. Cette solidarité entre le COBP et le mouvement étudiant s’explique du fait que de tous les mouvements sociaux institutionnels au Québec (mouvements syndical, féministe, agricole, environnementaliste), le mouvement étudiant est le plus durement touché par la répression policière (en termes d’arrestations). Il ne s’agit pas ici de remonter dans le passé jusqu’aux turbulences des années 1968. Rappelons toutefois que dans l’édition du 20 octobre 1964 du Quartier Latin, journal étudiant de l’Université de Montréal, l’éditorialiste Serge Ménard (qui sera ministre de la Sécurité publique du Québec à l’époque du Sommet des Amériques) écrivait, au sujet du «samedi de la matraque», que les policiers «n’étaient pas là pour protéger la reine. […] Cette manifestation ne devait pas avoir lieu. À cinq contre un, la police vînt rapidement à bout de ceux qui n’exprimaient pas l’opinion des hommes au pouvoir. […] Et il y en aura d’autres “samedi de la matraque”! Des beaux bâtons comme ça puis des beaux casques comme ça, c’est fait pour durer!». Il s’agit plutôt ici de documenter le cycle de mobilisations étudiantes et de répression policière qui a débuté en 1990, alors que le gouvernement du Québec dégèle pour la première fois les frais de scolarité, fixes depuis les années 1960. La Guerre froide gagnée par le «monde libre», il est temps de faire payer la génération montante. Depuis 1990, c’est plus de 1 000 étudiantes et étudiants qui ont été arrêtés, au Québec, uniquement dans le cadre de mobilisations relatives à l’éducation (hausse des frais de scolarité, grève du corps enseignant, suppression d’activités parascolaires, etc.). Ce total n’inclut donc pas les étudiantes et les étudiants qu’on retrouve parmi les 3 000 arrestations (environ) qui ont eu lieu depuis 1999 au Québec dans le cadre de manifestations anticapitalistes et contre la brutalité policière, car il ne s’agissait pas d’événements organisés par des associations étudiantes. Cela dit, au Sommet des Amériques à Québec, en avril 2001, le Groupe opposé à la mondialisation des marchés (GOMM) comptait dans ses rangs des associations étudiantes, et sa manifestation a été brutalement ciblée par les policiers (tirs de balles de caoutchouc, gaz lacrymogène). C’est aussi sans compter plusieurs dizaines (au moins 145 depuis 2005) de contraventions remises sans arrestation dans le cadre de manifestations étudiantes pour avoir «troublé la paix», ni les poursuites individuelles contre des activistes étudiants, les injonctions leur interdisant l’entrée de leur établissement d’enseignement pendant plusieurs jours, voire des semaines ou des mois, le contrôle disciplinaire parfois brutal des agents de sécurité privés assurant l’ordre dans les établissements d’enseignement, ou encore les diverses manœuvres d’intimidation. Ainsi, un vice-recteur exécutif de l’Université de Montréal a demandé en janvier 2008 aux policiers d’être présents à une assemblée parce qu’il craignait que des étudiants ne viennent perturber la séance, pourtant ouverte au public. Des activités qui ne sont pas directement liées aux enjeux éducatifs peuvent aussi être l’objet de répression sur les campus, comme le révèlent les nombreuses interventions policières à l’Université Laval, contre le Collectif de minuit, qui distribuait de la nourriture gratuitement (!) pour dénoncer le monopole exercé par Sodexho dans les services alimentaires. Voici une liste — non exhaustive — des arrestations et de quelques cas de violence policière ciblant le mouvement étudiant dans le cadre de revendications liées directement à l’éducation, depuis 1990 : Mars 1990 : plus de 180 personnes sont arrêtées lors d’une occupation du parquet de la bourse de Montréal organisée par la FAECUM; Cette répression qui cible les étudiantes et les étudiants a plusieurs causes. La tendance étudiante qui porte le discours le plus radical — gratuité scolaire, par exemple — est la plus ciblée par la répression, ce qui participe d’un processus plus vaste de criminalisation de la contestation qui touche en particulier le mouvement altermondialiste depuis une dizaine d’années. Cela dit, en certaines occasions, la répression s’est aussi abattue sur des associations étudiantes moins radicales (FAECUM en 1990, FEUQ en 2005). La répression policière pourrait aussi s’expliquer en raison des moyens d’action des activistes étudiants; leur turbulence provoquerait leur répression. Pourtant, les policiers sont beaucoup plus tolérants lorsque la turbulence est provoquée par des activistes d’autres mouvements sociaux. Il ne faut donc pas sous-estimer le fait que les policiers ont tendance à percevoir les étudiantes et les étudiants avec mépris, ce qui les pousse à les traiter avec moins de ménagement. Aux yeux des policiers, les «jeunes» feraient mieux d’étudier pour se trouver rapidement un emploi salarié, plutôt que de perdre leur temps à manifester et défier leur autorité. Cette perception méprisante des policiers à l’égard des «jeunes» explique en grande partie pourquoi les interventions policières sont plus brutales contre le mouvement étudiant que contre les autres mouvements sociaux institutionnels, même lorsque ces derniers agissent de façon turbulente. Dans certains cas, les directions des établissements d’enseignement sont en partie responsables de la répression. Ainsi, ce sont les administrateurs qui demandent une intervention dans les cas d’occupation; mais ici encore, il faut constater l’arbitraire de ces décisions. Pour certaines administrations, ont laissera courir une occupation pendant des jours, voire des semaines; d’autres appelleront les policiers à intervenir dans les murs de l’institution à peine quelques heures après le début de l’action. Ce n’est donc pas l’action elle-même qui provoque la répression, mais la volonté des autorités administratives et policières d’en découdre avec la contestation étudiante, et de répondre aux revendications — surtout les plus opposées aux objectifs des élites politiques — à coups de matraque. À titre comparatif, il est révélateur de constater que les policiers du SPVM se sont comportés de manière très courtoise à l’égard des membres du Syndicat des professeures et des professeurs de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ – CSN), en grève pendant 7 semaines lors de l’hiver 2009. Les grévistes ont pourtant bloqué les portes à plusieurs reprises, organisé des charivaris (trompettes et sifflets) à l’extérieur et à l’intérieur de l’établissement, perturbant par exemple des classes assignées à des chargés de cours. Les policiers prenaient même le parti des grévistes et cherchaient à calmer les étudiants en gestion ou en droit qui menaçaient verbalement les grévistes et chargeaient physiquement les piquets de grève. Les membres du SPUQ ont aussi manifesté tous les jours pendant quelques semaines sur les trottoirs et dans les rues de Montréal, souvent sans permis. À plusieurs reprises, la manifestation s’est déployée autour du bâtiment logeant les bureaux montréalais du Premier ministre, les gardiens y verrouillaient les portes, ce qui empêchait les gens d’entrer ou de sortir. Parfois, un policier venait s’enquérir poliment quant au temps que durerait la manifestation, et il aidait à réguler la circulation; le plus souvent, aucun policier n’apparaissait sur le trajet ou sur les lieux de la manifestation. De même, les salariés du Journal de Montréal, en lock-out depuis plus d’un an, ont effectué certaines actions de perturbation, dont une occupation par plus de 200 d’entre eux du siège social de la Caisse de dépôt (17 février 2010). Le 15 décembre 2009, une centaine d’employés ont manifesté devant l’imprimerie du journal et perturbé pendant plusieurs heures la circulation des camions responsables de la distribution. Lors de ces événements, aucune brutalité policière n’a été déplorée, et les policiers n’ont procédé à aucune arrestation (tant mieux !). Évidemment, des conflits de travail peuvent aussi être marqués par des interventions brutales de la police; mais depuis 1990, il semble que le mouvement étudiant soit victime de violence policière plus que les autres mouvements sociaux institutionnels. Or ce n’est pas nécessairement le type d’action militante qui appelle la répression policière, mais bien souvent l’identité sociale (le statut) des contestataires; les policiers ne répriment pas toujours en fonction de ce qui est fait, mais de qui le fait. Aux yeux des policiers, des étudiantes et des étudiants qui contestent les règles du jeu et réclament plus de justice sociale ne sont pas respectables, et méritent donc la répression qu’ils leur infligent régulièrement. Le COBP se déclare solidaire des étudiantes et des étudiants victimes de cette répression, ainsi que de celles et ceux qui cherchent à la dénoncer et la contester. _______ |
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