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Lutter contre la pauvreté et la violence. Protéger les mineures employées de maison en haÏtiAnonyme, Mercredi, Novembre 18, 2009 - 08:07 (Communiqués | Droits / Rights / Derecho | Femmes / Women / Mujeres | Poverty | Solidarite internationale | Syndicats/Unions - Travail/Labor)
Amnesty International
On estime à plus de 100 000 le nombre de filles âgées de six à dix-sept ans qui travaillent comme domestiques en Haïti. Loin de leurs proches et de leurs amis et tributaires de leur employeur ou de leur famille d'accueil, ces enfants sont particulièrement exposés aux violences physiques et sexuelles. La violence sexuelle contre les femmes et les filles est omniprésente en Haïti.Elle vise tout particulièrement les mineures. Dans plus de la moitié des viols signalés, les victimes sont âgées de 18 ans ou moins. Même si les éléments fiables permettant de déterminer la véritable ampleur des violences sexuelles infligées aux filles en Haïti restent rares, les données recueillies par des ONG donnent une idée de l'étendue du problème. L'association Solidarité des femmes haïtiennes ou Solidarité Fanm Ayisyèn (SOFA) a par exemple recueilli des informations sur 238 viols commis entre janvier 2007 et juin 2008, dont 140 contre des filles âgées de dix-neuf mois à dix-huit ans. Selon les estimations de l'UNICEF, en 2007 plus de 100 000 filles âgées de six à dix-sept ans étaient employées comme domestiques en Haïti. Ces mineures courent tout particulièrement le risque de subir des sévices physiques et sexuels. Les enfants employés de maison sont souvent issus de milieux très défavorisés. Ils sont méprisés par le reste de la société, stigmatisés, exploités et maltraités. Personne pour ainsi dire ne se soucie de leur sort. Ils sont seuls, isolés et vulnérables et en butte à la violence. Le travail domestique des enfants « Il y avait un gros bonhomme, frère du premier mari de la dame.Il dormait dans une pièce dans la cour, à côté de la cuisine où moi-même je dormais avec le charbon, les fatras et les rats.Un soir il a frappé à la porte de la cuisine et m'a demandé de lui chauffer de la nourriture.J'ai dû me lever et allumer le feu.C'est à ce moment qu'il m'a demandé de lui sucer le pénis, en me disant qu'il me donnerait une belle poupée.Mon cœur a battu fort car j'avais très envie de cette poupée que je voyais parfois en allant au marché.Je l'ai fait mais la poupée n'est jamais venue.J'avais tellement envie de cette poupée que je l'ai fait avec d'autres [...], mais la poupée n'est jamais venue. » Témoignage de Loransya cité dans le rapport de l'Organisation internationale du travail intitulé Étude exploratoire sur l'exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales(2003).Loransya vivait avec ses parents dans le village de Kenscoff. Sa famille étant pauvre, elle a été obligée à huit ans d'aller travailler en tant que domestique à Carrefour, un quartier de Port-au-Prince. En Haïti, les mineurs employés de maison sont généralement appelés restaveks(terme qui vient du français « rester avec »). Ce terme a une connotation péjorative et sous-entend qu'ils ont été rejetés par leur famille. Ces enfants vivent avec leur employeur ou leur famille d'accueil – parfois des membres de leur famille éloignée – et effectuent des tâches domestiques contre l'hébergement et le repas. La pauvreté endémique dont souffre Haïti est la principale cause du travail domestique des enfants. La plupart d'entre eux sont issus de familles défavorisées qui vivent dans des régions rurales et qui n'ont pas les moyens de nourrir, d'éduquer et de soigner leurs enfants. Les parents espèrent que les conditions de vie de leurs enfants s'amélioreront s'ils les envoient en ville, où ils auront plus facilement accès à l'éducation et aux soins de santé. Toutefois, la grande majorité des mineurs employés de maison sont privés de leurs droits, notamment leurs droits à l'éducation, à des soins de santé adaptés et à une alimentation suffisante. Effectuant de longues journées de travail, ils accomplissent essentiellement des tâches ménagères ; ils font notamment le ménage et la cuisine, vont chercher de l'eau pour toute la famille, et s'occupent des autres enfants de la maison. Certains travaillent également au marché. En contrepartie de leur travail, ils sont logés, nourris et habillés. Seule une minorité bénéficie de quelques rudiments d'éducation. Amnesty International reçoit de plus en plus d'informations faisant état d'intermédiaires ou de recruteurs à la recherche d'enfants, qui repèrent les familles nombreuses vivant dans la pauvreté et les persuadent de leur confier leurs enfants en leur promettant un avenir meilleur pour leur progéniture – des promesses mensongères. Ces enfants sont victimes d'une traite à l'intérieur du pays et exposés à toutes les formes d'exploitation, y compris la violence sexuelle. À la suite de sa visite en Haïti en juin 2009, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les formes contemporaines d'esclavage a qualifié les conditions dans lesquelles vivent les mineurs employés de maison en Haïti de « forme moderne d'esclavage ». « Cette pratique est une violation grave des droits de l'enfant les plus fondamentaux alors que les enfants sont les piliers de la société ; elle renforce le cercle vicieux de la violence et doit être arrêtée immédiatement [...] La question doit être mise de façon prioritaire à l'ordre du jour du gouvernement et de la communauté internationale. » Gulnara Shahinian, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris ses causes et ses conséquences, juin 2009. La violence sexuelle Régina, une jeune fille de quinze ans qui vit dans un centre accueillant des victimes de violence sexuelle, a raconté à Amnesty International comment elle a commencé à travailler comme employée de maison à l'âge de dix ans. Elle a fini par s'enfuir, ne pouvant plus supporter les coups qu'on lui infligeait. Elle a passé quatre ans au Foyer Maurice Sixto, un centre d'accueil pour enfants employés comme domestiques où elle a pu aller à l'école. À quatorze ans, elle est retournée auprès de sa mère biologique qui vivait alors avec un nouveau compagnon et le fils de dix-sept ans de celui-ci. Il est vite devenu évident qu'elle continuerait à être traitée comme une domestique et n'aurait plus la possibilité d'aller à l'école. En juin 2006, elle a été violée par le fils du compagnon de sa mère et est tombée enceinte. Elle a quitté le domicile et est retournée au Foyer Maurice Sixto pendant une courte période. En février 2007, à quatorze ans, elle a donné naissance à une petite fille. Les filles employées comme domestiques risquent davantage de subir des violences sexuelles. Enfermées dans une situation de dépendance totale, nombre d'entre elles sont forcées d'endurer des sévices. Certaines fuient leur employeur ou leur famille d'accueil et se retrouvent à la rue où elles n'ont d'autres solutions que de se prostituer afin de survivre. L'UNICEF estime que le nombre d'enfants vivant dans la rue à Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, s'élève à 2 500. La plupart étaient auparavant employés de maison. Signaler des violences sexuelles peut être difficile pour un grand nombre de victimes.Pour les mineures employées comme domestiques, les obstacles sont d'autant plus insurmontables qu'elles ne disposent ni d'endroit sûr où se réfugier ni du soutien de proches. Des organisations telles que le Foyer Maurice Sixto et Limyè Lavi proposent une prise en charge, et notamment une éducation, des enfants qui ont travaillé comme domestiques. Toutefois, les ressources dont elles disposent sont dérisoires au regard de l'ampleur du problème. L'article 32 de la Convention relative aux droits de l'enfant reconnaît à l'enfant « le droit […]d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ». La rÉponse de l'État La législation haïtienne n'offre aucun cadre juridique clair visant à protéger les enfants. En 2003, la loirelative à l'interdiction et à l'élimination de toutes formes d'abus, de violences, de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants est entrée en vigueur. Aux termes de cette loi, les enfants ne peuvent être confiés à une famille d'accueil que « dans le cadre d'une relation d'aide et de solidarité ». Elle supprime par ailleurs le chapitre IX du Code du travail haïtien qui offrait un cadre juridique de base pour la protection des enfants employés de maison. Ce chapitre interdisait notamment l'emploi comme domestiques des enfants de moins de douze ans et exigeait des familles d'accueil, parmi d'autres conditions, qu'elles obtiennent un permis délivré par l'Institut du bien-être social et de recherches (IBESR) avant de prendre un enfant à leur service. La loi de 2003 s'est révélée largement inefficace pour protéger les enfants et la suppression du chapitre IX du Code du travail signifie que l'emploi des enfants à des travaux domestiques, qui est toujours une réalité, n'est plus encadré par la loi. Haïti a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant en 1997. Les autorités haïtiennes ont proposé la création d'un code de l'enfance afin de mettre en œuvre les dispositions de la Convention. Au moment de la rédaction du présent rapport, aucun code de ce type n'avait été adopté. L'Institut du bien-être social et de recherches (IBESR) est responsable de la protection des enfants vulnérables, et la Brigade de protection des mineurs (BPM), unité spécialisée de la police nationale d'Haïti, des enquêtes sur les crimes commis contre les enfants. Toutefois, la BPM ne disposant pas de ressources suffisantes et le système judiciaire haïtien présentant des carences, les actes de violence infligés aux mineurs sont rarement punis. En 2007, le ministère haïtien des Affaires sociales a présenté un Plan national pour la protection des enfants vulnérables. Cependant, en raison des faiblesses dont souffrent les institutions responsables de l'application de ce Plan, son efficacité n'a été que très limitée et il n'a pas permis de protéger les mineurs employés de maison, en particulier les filles, contre les violences physiques et les atteintes sexuelles. En 2007, Haïti a ratifié la Convention n°182 de l'Organisation internationale du travail. Ce texte historique souligne la nécessité de lutter contre les pires formes de travail des enfants. L'interdiction des pires formes de travail des enfants vise notamment le travail domestique dans des conditions telles qu'il expose les filles à des violences physiques, au harcèlement sexuel et à d'autres formes d'exploitation. L'esclavage, d'autres formes de travail forcé et la traite sont en toutes circonstances prohibés par le droit international. Le gouvernement haïtien, avec le soutien de la communauté internationale, doit de toute urgence renforcer les mesures de protection des mineures travaillant comme domestiques et aller bien plus loin afin d'abolir cette pratique. PASSEZ A L'ACTION ! Veuillez écrire au président et à la première ministre pour les engager à accorder aux mineures une protection adaptée contre les violences physiques et sexuelles, en particulier à celles travaillant comme domestiques et celles vivant dans la rue, en prenant les mesures suivantes : - identifier les mineures en danger et leur fournir des informations sur les mesures de protection et les moyens de signaler les violences physiques et sexuelles ; - prendre toutes les mesures nécessaires pour que les institutions responsables de la mise en œuvre du Plan national pour la protection des enfants vulnérables puissent accomplir efficacement leur tâche ; - créer des lieux sûrs où les mineures seront prises en charge et auront accès à des soins de santé élémentaires ; - former la Brigade de protection des mineurs et mettre à sa disposition des ressources suffisantes afin qu'elle puisse mener des enquêtes sur les actes de violences physiques et sexuelles infligés aux filles quelle que soit leur situation, et notamment à celles employées comme domestiques ; - former les autorités judiciaires et mettre à leur disposition des ressources suffisantes pour qu'elles puissent engager des poursuites dans tous les cas de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles ; - soutenir, avec la coopération des donateurs, les programmes et activités de la société civile visant à éradiquer le travail domestique des enfants. Adressez vos appels à : M. René García Préval Premier ministre Veuillez écrire aux présidents de l'Assemblée nationale et de la Chambre des députés pour les engager à : - modifier la législation nationale afin que les mineures travaillant comme domestiques ne soient plus victimes de violences et à la mettre en conformité avec les obligations internationales qui incombent à Haïti, notamment aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail sur les pires formes de travail des enfants ; - adopter sans tarder une loi spécifique protégeant les femmes et les filles contre toutes les formes de violences liées au genre et allouer, dans les prochains budgets nationaux, des ressources suffisantes à l'application de cette loi ; - adopter sans tarder un code de l'enfance afin d'inscrire les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant dans la législation haïtienne. Adressez vos appels au : Président de l'Assemblée nationale Président de la Chambre des députés
Gerardo Ducos
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