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Affaire Villanueva - Des mécanismes d'enquête pour éviter l'impunitéAnonyme, Mardi, Novembre 10, 2009 - 16:19 Lettre ouverte de : La semaine dernière, l'enquête du coroner André Perreault a repris ses travaux sur la mort du jeune Fredy Villanueva. De nombreuses irrégularités dans l'enquête menée par la Sûreté du Québec ont été mises en lumière démontrant crûment, une fois de plus, la nécessité de revoir complètement le mécanisme d'enquête prévu à la suite de décès ou de blessures graves survenant lors d'interventions policières. « Qui police la police ? » avait conclu en 1999 la commission Poitras : à l'évidence, la question est on ne peut plus d'actualité dix ans plus tard. Irrégularité ou parti pris ? Le témoignage du responsable de l'enquête à la Sûreté du Québec, M. Bruno Duchesne, en a choqué plus d'un lors de la reprise des audiences. Contrairement aux civils, les deux policiers impliqués dans les événements n'ont jamais été isolés, alors que l'isolement des témoins s'impose afin d'éviter que ceux-ci n'hamonisent leurs témoignages. Or, non seulement les policiers Lapointe et Pilotte n'ont jamais été isolés, qui plus est, ils sont demeurés ensemble, et ont été accompagnés dès le départ par leur délégué syndical. « Nous, les policiers, on est honnêtes », a tenté en vain de faire valoir l'enquêteur Duchesne, accusant un parti pris évident en faveur de ses confrères, renforçant l'idée que les policiers forment au sein de notre société une classe à part. Pourtant, cette « honnêteté » des policiers du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) ne les a pas empêchés de lancer l'enquête de la SQ sur une piste erronée, faisant circuler l'information selon laquelle les policiers avaient été « encerclés, projetés au sol et étranglés ». Cette première piste s'est révélée fausse et a contribué à biaiser l'enquête dès le départ. Enfin, rappelons que l'enquêteur de la SQ n'a pas jugé pertinent d'interroger la policière impliquée, même lorsqu'elle n'était plus considérée susceptible d'accusations devenant de ce fait simple témoin, contrairement aux autres témoins civils qui ont été très rapidement interrogés après les événements. De nombreuses lacunes Le Centre international pour la prévention de la criminalité (CIPC) soulignait en 2008 les problèmes que présentent les processus d'enquête actuels auxquels on a recours à la suite d'actions policières ayant été perçues comme des « bavures » par le public. Une des incongruités recensées par le CIPC consiste en la longueur des enquêtes, d'autant plus surprenante que les auteurs de l'homicide sont déjà identifiés. En effet, dans de tels cas, l'enquête n'a pas pour objet d'identifier les auteurs des actes commis mais bien de déterminer s'ils ont agi de façon coupable ou justifiée, en tirant sur un citoyen. Le CIPC signalait également les différences de traitement à l'égard des policiers faisant l'objet d'une enquête, qui apparaissent difficilement justifiables aux yeux de la population. Ces différences de traitements ont aussi été mises en relief par l'ombudsman de l'Ontario, André Marin, dans son rapport de septembre 2008 portant sur le fonctionnement de l'Unité des enquêtes spéciales, mise sur pied en Ontario pour investiguer les cas de décès ou de blessures graves survenus lors d'interventions policières. L'ombudsman insiste sur deux éléments importants: la solidarité naturelle entre policiers qui a pour effet que l'on ne peut sans risque confier ce type d'enquête à des policiers ou ex-policiers ; l'importance de recueillir très rapidement, idéalement dans l'heure qui suit l'incident et avant que les personnes aient pu échanger entre elles et se concerter, les témoignages des policiers et des principaux témoins. Dans le cas de Montréal-Nord, ce n'est que des semaines plus tard que les policiers impliqués ont livré leur rapport. Les graves lacunes inhérentes à la forme actuelle du mécanisme d'enquête et, notamment, le traitement privilégié dont bénéficient les policiers visés dans le cadre de l'application de ce mécanisme d'enquête ne peuvent que renforcer l'impression que les policiers peuvent avoir de leur propre impunité et la perception que la population peut avoir de cette impunité. D'autres éléments sont également à considérer. En effet, les corps policiers n'hésitent pas à utiliser leurs moyens financiers, fortement disproportionnés par rapport à ceux des citoyens ordinaires, pour faire obstruction à la justice. Ainsi, la Fraternité des policiers et policières de Montréal s'est adressée à la Cour Supérieure en 2008 pour empêcher la tenue d'une enquête publique du coroner dans le cas de l'affaire Mohamed Anas Bennis. La lumière sur les faits entourant la mort de ce jeune homme, en décembre 2005, n'a toujours pas été faite et la famille n'a jamais pu avoir accès au rapport d'enquête criminelle. Tous égaux devant la loi ? Mais tous ne sont-ils pas égaux devant la justice ? Dans les faits, les policiers jouissent de privilèges exceptionnels et d'une impunité apparente qui minent la crédibilité de l'administration de la justice et peuvent même avoir un impact sur le déroulement des opérations policières. En effet, les sentiments et perceptions d'impunité policière ne peuvent-ils pas avoir eu un effet sur les manières d'agir de part et d'autre lors des événements du 9 août 2008 ? Pourtant, les policiers ont une responsabilité particulière dans notre société. La société leur octroie le pouvoir d'utiliser la force. En contrepartie, nous sommes en droit d'avoir l'assurance qu'ils n'en abusent pas et que les abus ne restent pas impunis. Mécanisme d'enquête indépendant Nous demandons que soit mis sur pied un mécanisme d'enquête indépendant des corps policiers, chargé d'investiguer dans tous les cas où des interventions policières ont pour conséquence l'atteinte à l'intégrité physique des citoyens, qu'il s'agisse de voies de fait causant des lésions au sens du Code criminel ou du décès de ceux-ci. Concernant les fondements d'un tel mécanisme d'enquête, sans les définir tous ici, mentionnons que la transparence devra être la règle lorsque l'enquête sera conclue et la décision rendue, afin de permettre au public de comprendre ce qui a mené à la décision. Nous jugeons essentiel que la mise sur pied de ce mécanisme fasse l'objet d'une loi et non d'une simple directive ministérielle afin que sa création suscite un débat public et permette aux différentes composantes de la société civile de se faire entendre en commission parlementaire sur le sujet. Ce mécanisme d'enquête indépendant doit être mis sur pied dès maintenant. L'enquête publique sur la mort du jeune Villanueva démontre une fois de plus que le procédé d'enquête policière actuel ne répond pas aux impératifs de justice et de transparence nécessaires dans notre société et qu'il contribue plutôt à voiler la responsabilité des policiers et à les protéger des recours. Lettre ouverte publiée dans le journal Le Devoir
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