D’entrée de jeu, sachez que je ne sais pas.  Je n’ai aucune idée d’où vient cette souche A (H1N1) de la grippe ni si le vaccin peut avoir des effets négatifs ; je n’ai tout simplement pas eu le temps de faire ma propre recherche pour le moment.  Par contre, en réponse à la chronique récente de M. Pierre Foglia, que j’aime bien dans La Presse, j’aimerais partager une réflexion sur le fait de choisir, de manière réfléchie, sa position quant à cette grippe et à son vaccin.

M. Foglia écrit...

J'ai dit l'autre jour, un peu légèrement, que je ne me ferai pas vacciner contre la grippe A (H1N1).  Cela n'avait rien à voir avec les raisons que donnent les illuminés du soi-disant grand complot ourdi par les méchantes multinationales pharmaceutiques. Rien à voir non plus avec la granole rhétorique antivaccin. […] J'ai changé d'idée.  Je me ferai vacciner. … Si cela peut éviter aussi que je la donne à d'autres; on ne montre jamais trop de civisme.  Mais aussi par snobisme.  Je préférerais mourir d'un vaccin qui tournerait mal que de la honte d'être dans le même camp que les illuminés et les granoles.
- Pierre Foglia, Bestiole, chronique dans La Presse, 17 oct. 2009
http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/pierre-foglia/200910/16/...

Suivisme, peur et mépris

J’ai apprécié les nombreuses réflexions de M. Foglia dans cette édition, mais ici c’est malheureusement une position conformiste, car il s’agit de faire quelque chose par peur d’être associé à une minorité jugée étrange ou folle.  Craindre d’être perçu comme « conspirationniste » ou illuminé n’est pas un argument ou une motivation digne si on recherche la vérité.  Si on désire avoir la capacité de réfléchir par soi-même, il faut se libérer de ce genre de peur conformiste ou le suivisme.

Surtout, je ne comprends pourquoi il faudrait mépriser autant d’honnêtes gens dans ce monde qui, avec des intentions sincères, expriment des craintes et des hypothèses apeurées face aux, disons-le, puissantes entreprises pharmaceutiques.  Je ne dis pas, du tout, qu’elles ont raison actuellement, mais elles ne sont pas pour autant des personnes méritant d’être dénigrées.  Il vaut mieux écouter et répondre avec des arguments réfléchis.

Je préfère la réponse pondérée d’Amir Khadir :

« Il y a eu un traitement médiatique sans doute un peu trop sensationnaliste parce qu'il y avait du marketing du milieu médical, qui voulait avoir des budgets de recherche, et des compagnies pharmaceutiques, et on a fini par avoir le syndrome du berger qui criait au loup », dit-il.

« Les gens ne sont pas fous, ils se rendent compte de l'influence indue des grandes multinationales sur plusieurs des décisions politiques.  Alors c'est sûr qu'ils sont animés d'une saine méfiance vis-à-vis l'industrie pharmaceutique qui va s'en mettre plein les poches, c'est sûr », ajoute-t-il.

Ainsi, malgré les fausses alertes des dernières années, où certains ont profité de la panique, M. Khadir demande aux gens de se faire vacciner au cas où cette grippe muterait de manière plus meurtrière.

Sur la paranoïa inspirée du réel

Même les hypothèses les plus paranoïaques, selon lesquelles l’armée va nous vacciner de force pour des motifs de contrôle tyrannique, parlent de peurs en réaction à quelque chose de réel dans la vie moderne.  Je m’explique.  Il n’est pas fou que certaines personnes soient, disons, traumatisées vu des événements historiques inimaginables, impensables, mais néanmoins réels : des Occidentaux ont déporté vers la torture très récemment, torturé et abusé massivement de gens en Irak, et le dernier siècle est rempli de dictatures occidentales dont le nazisme, le fascisme en Espagne ou Pinochet en Argentine.  Ces événements horribles sont totalement incompatibles avec l’image que nous avons de nous-mêmes, les Occidentaux, et pourtant ils se sont produits. Existe-t-il toujours des fascistes parmi nous aujourd’hui ?  Je dirais oui, mais je ne vois aucune raison de croire que cela a un lien quelconque avec la Grippe A (H1N1). Je propose seulement de réfléchir au fait que ces théories paranoïaques émanent d’une peur du potentiel de violence tyrannique, potentiel avéré aussi de puissants Occidentaux.

Ma propre position actuelle ?

Est-ce que je crois que cette grippe causera plus de décès que la grippe ordinaire ?  Non. Je n’ai aucune source scientifique (quoique le nombre de décès actuels n’est pas digne d’une pandémie) : c’est purement une intuition.  Évidemment, vrai ou faux, ce n’est pas une raison pour ne pas se faire vacciner.

Vais-je me faire vacciner ?

Ma réaction est de penser à ce qui suit.
« Il est tragique que la diarrhée, qui ne constitue qu'un désagrément mineur dans le monde développé, tue environ 1,5 million d'enfants chaque année », a déclaré la Directrice générale de l'UNICEF Ann M. Veneman (site officiel, oct. 2009).  Parmi les enfants de moins de cinq ans dans le monde, environ 9 millions meurent par année, le plus souvent de maladies faciles à soigner, c’est-à-dire environ 25,000 par jour.  Dans les pays plus pauvres, de 10 à 20 % des enfants ne reçoivent pas les vaccins nécessaires (chiffres arrondis à partir d’un résumé de l’UNICEF en 2009).  Et je ne parle des millions d’adultes qui meurent aussi de maladies faciles à soigner.

Moi, Québécois, je vaux plus de 16 $ (le Québec a commandé 11,5 millions de dose, à 8 $ par dose) et c’est sans compter les coûts médicaux, publicitaires, etc.  Une maladie qui peut tuer des adultes occidentaux, ça vaut très cher.  Or, combien valent les enfants des « autres » qui meurent de maladies mineures, qui meurent à grand coup de plusieurs milliers par jour ?

Vous savez, la révolte est parfois justifiée par la compassion ou l’empathie, donc j’ai tendance à ne pas vouloir le vaccin actuellement. Mais ce n’est pas rationnel : j’ai déjà reçu plusieurs vaccins avant de visiter l’Irak et les Territoires palestiniens occupés.  Si je contracte cette grippe et que je survis, je deviens naturellement vacciné : un vaccin injecté, c’est le même principe, mais plus sécuritaire.

En conclusion

Qu’il s’agisse de la peur d’être marginalisé si on hésite, se révolte ou prend le temps d’être à l’écoute des gens méfiants du vaccin et des médias, ou qu’il s’agisse de l’idée que les services médicaux sont manipulés par des fascistes qui veulent nous contrôler, les deux ne sont pas des arguments valables pour se faire vacciner ou pour refuser. Il y a un débat de société dans lequel les médias peuvent enquêter pour nous donner des informations crédibles ou encore nourrir la peur.

L’Agence canadienne de développement international (ACDI) investit environ 1.5 milliard $ au total en aide dans certains pays ciblés, et environ 1 milliard $ supplémentaire par d’autres moyens, loin en dessous des engagements internationaux du Canada. J’espère seulement que nous ne dépenserons pas plus contre cette grippe que les sommes canadiennes pour combattre les maladies tuant des millions d’êtres humains.

- Michaël Lessard
Ville de Québec
www.siriel.info