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Virus A(H1N1): une crise pour en cacher une autreEric Smith, Lundi, Octobre 5, 2009 - 21:54
Le Drapeau rouge-express
Qui n’a pas entendu parler du virus A(H1N1)? Depuis le mois d’avril, la presse bourgeoise en parle sans cesse; nous devons avaler leur dose médiatique prescrite quotidiennement et même deux ou trois fois par jour, sinon plus. Nous sommes victimes de ce virus venu du Mexique, nous dit-on, et il faut nous protéger à tout prix. Ce phénomène est scruté à la loupe. On nous «informe» en détail du premier cas qui apparaît dans tel ou tel pays, et de comment il est apparu. Les autorités et les médias en profitent pour répéter que nous n’avons rien à craindre et que notre système de santé est dans les mains de gens qui prennent à cœur notre sécurité et notre bien-être avant tout. Mais qu’en est-il exactement? Nous savons bien que lorsque les capitalistes nous chantent leurs quatre vérités, nous, prolétaires, devons nous en méfier comme la peste, car s’il y a une maladie à éradiquer de nos vies, c’est bien le capitalisme lui-même. Les déclarations du Dr Horacio Arruda, directeur de la santé publique au ministère de la Santé et des Services sociaux, laissent entendre que depuis 1990, le Québec se prépare en prévision d’une possible pandémie de grippe et qu’il y aurait quelque 13 millions de doses d’antiviraux en réserve (Tamiflu et Relenza), que l’on dit efficaces pour traiter les complications de la grippe, dont celles de la grippe porcine qui sévit actuellement. Alors si nous savons qu’il y a mutation virale et que les gouvernements sont «prêts» à combattre une pandémie grippale, pourquoi cette psychose collective médiatisée? Voyons de plus près le déroulement de cette crise de cochons. La situation au Mexique Depuis 2007, les habitantEs de la vallée de Perote au Mexique n’ont cessé de manifester leur mécontentement face à la contamination de l’environnement causée par l’entreprise Granjas Carroll México S.A., une filiale à 50% de Smithfield Foods Inc., qui a son siège dans l’État de la Virginie et qui ne peut plus réaliser ses opérations d’élevage de porcs aux États-Unis, car elle y a perdu son permis pour cause de contamination de l’environnement. En mars 2009, les habitantEs de cette région située dans l’État de Veracruz ont demandé l’aide des autorités, car 60% de la population souffrait de malaises respiratoires ainsi que de troubles gastro-intestinaux. Dans la localité de La Gloria, qui compte un peu plus de 2 000 habitantEs, on a recensé plus de 400 cas de malaises respiratoires, rien qu’entre le 23 et le 27 mars. Les gens de la région dénoncent depuis longtemps le fait qu’aucune mesure n’ait été prise pour protéger l’environnement; ainsi, la disposition des déchets se fait près des cours d’eau. Il y a utilisation de l’eau à outrance pour répondre aux besoins des mégaporcheries; en outre, il n’y a aucun traitement des eaux usées. L’air est contaminé par l’ammoniac qui se dégage des lagunes mal traitées, il y a érosion extrême du sol ainsi que multiplication des nuages de mouches, qui contribuent fortement à la propagation des agents pathogènes. Sur les 450 cas de malaises respiratoires aigus identifiés à La Gloria, seulement 35 furent retenus pour être testés aux fins de dépister le virus A(H1N1), suite à quoi un seul cas fut certifié positif. Le ministre mexicain de la Santé, José Ángel Córdova, a fini par confirmer l’existence d’au moins «2 498 cas graves de pneumonie atypique liés à des conditions de grippe... [qui] pourraient être liés au virus A(H1N1)». Parmi ces cas, on a enregistré quelque 159 décès, de la grippe ou de ses effets; mais selon les autorités mexicaines, seulement sept d’entre eux étaient liés à la souche de la grippe porcine. Malgré les demandes répétées des autorités régionales qui souhaitaient l’envoi de doses antivirales, les hôpitaux et cliniques sont restés les mains vides. De multiples cas ont été rapportés faisant état de l’absence totale de quelque médicament ou équipement que ce soit pour mener les tests de dépistage, y compris dans les plus grands hôpitaux – cela, en dépit des assurances inverses données par les autorités. Il faut souligner que les échantillons prélevés au Mexique sont d’abord centralisés au Instituto de Diagnóstico y Referencia Epidemiológicos, avant d’être envoyés aux laboratoires des gouvernements des États-Unis et du Canada. De fait, le seul laboratoire capable de déterminer l’existence de la souche virale de type A(H1N1) aux États-Unis est le Center for Disease Control and Prevention, situé à Atlanta, en Géorgie. En fin de compte, le gouvernement mexicain a décrété l’état d’urgence le 23 avril, et les Mexicaines et Mexicains n’ont pu reprendre leurs activités quotidiennes normales que dans la deuxième semaine de mai. Pour le président Calderón et les crapules capitalistes de son espèce, la négligence de la mégaporcherie s’est transformée en or. La psychose d’une nouvelle maladie fut propagée par tous les véhicules inimaginables. C’est comme si la bourgeoisie mondiale avait vu l’opportunité de détourner l’attention des gens de la crise économique qui se prolonge. Le gouvernement mexicain a d’ailleurs pris prétexte du virus pour interdire toute manifestation à l’occasion du Premier Mai. En ces temps de crise du capitalisme – et celle-là est bien réelle —, ce couvre-feu déguisé en quarantaine a permis de «fermer» des zones entières du Mexique. Les pauvres de ce pays subissent les affres de l’une des administrations les plus corrompues qu’ils n’aient jamais subies. Une industrie aux profits… pandémiques! Ce laquais de l’impérialisme yankee qu’est Felipe Calderón n’en resta pas là et il a annoncé l’achat d’un million de doses antigènes A(H1N1). Les cotes boursières des multinationales pharmaceutiques en mesure de les produire prennent ainsi de la valeur, au fur et à mesure que le niveau d’alerte monte d’un cran. Avant la médiatisation de la grippe porcine, une boîte de l’antiviral Tamiflu se vendait près de 12$; quelques jours plus tard, la même boîte se vendait déjà plus de 31$. Et là, depuis le passage à la phase d’alerte 4 décrétée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 27 avril, le prix de la boîte de Tamiflu oscille autour de 233$. En 2005, lorsqu’une possible pandémie de grippe aviaire était dans l’air, la compagnie Gilead Sciences Inc., que l’infâme Donald Rumsfeld présidait avant d’être nommé au poste de secrétaire à la Défense sous l’administration Bush, a engrangé des profits faramineux, après que le Congrès eut approuvé un budget extraordinaire de plus de sept milliards de dollars pour l’achat et la distribution de Tamiflu (alors qu’aucune preuve n’avait encore été apportée de l’efficacité du Tamiflu comme antigène à la grippe aviaire). Aujourd’hui, et malgré que l’OMS refuse catégoriquement de recommander une vaccination universelle, entre 60 et 90 millions de doses sont produites par semaine, sans même que leur utilité soit évidente, sachant que selon de nombreux experts, même dans les cas plus sérieux, la simple mise sous oxygène permettrait d’obtenir la guérison des personnes atteintes. Au moment d’écrire cet article, l’OMS annonçait qu’elle relevait son niveau d’alerte de deux points, tout en confirmant que ce virus «inédit» a maintenant contaminé 28 774 personnes très exactement, dans quelque 74 pays. L’organisation affirme toutefois que sa virulence demeure «modérée», car on décompte seulement 144 décès. Elle demande néanmoins aux divers laboratoires de s’atteler rapidement à la tâche, car elle prévoit que le virus «va circuler dans le monde entier pendant un à deux ans». Dans ses observations, la directrice générale de l’OMS, la Dre Margaret Chan, a déclaré qu’«au vu des éléments actuels, la très grande majorité des patients ont des symptômes bénins et récupèrent pleinement et rapidement, souvent sans traitement médical», tout en ajoutant «qu’au niveau mondial, le nombre de décès est limité et on ne prévoit pas d’augmentation soudaine et dramatique du nombre d’infections graves ou mortelles». L’OMS n’en recommande pas moins aux divers gouvernements de placer leur pays sous un statut approprié «tel que l’état d’urgence», au besoin, ajoutant que les États sont libres d’appliquer ses recommandations comme ils l’entendent, «à l’échelle qui leur semble la plus justifiée». Aussi l’OMS recommande d’encourager la réduction des déplacements dans les régions «affectées», de même que celle des rassemblements liés aux transports publics. Pour autant, l’OMS ne recommande pas de restrictions officielles de voyage vers les États touchés. Enfin, elle insiste sur le fait que «les pays, particulièrement dans le monde en voie de développement, où les populations sont plus vulnérables, doivent se préparer à voir davantage de cas graves que ceux actuellement observés». Quant au Canada, l’OMS recommande de porter une attention particulière aux communautés autochtones, car «l’apparition du virus peut frapper les communautés qui vivent dans la pauvreté»… Entre-temps, la course des multinationales pharmaceutiques est ouverte, et pas moins de 30 compagnies seraient à l’affût de cette nouvelle mine d’or. Au Québec, Medicago possède déjà une usine dans la vieille capitale, et elle se réjouit que les gouvernements et les consommateurs de la planète dépensent près de 4 milliards $ US pour lutter contre ce virus. Elle évalue que sur une période de trois ans, le marché de la grippe pourrait lui rapporter plus de 100 millions de dollars. Dans son plan d’affaires, la compagnie indique que 30 millions de doses pourraient être fabriquées rapidement. Aussi, elle signale que de nouvelles recherches sont en cours, qu’un nouveau vaccin contre la grippe aviaire a déjà fait ses preuves sur les animaux, mais qu’il doit être testé sur des spécimens humains avant d’être homologué par Santé Canada. C’est donc ainsi que l’impérialisme envisage l’avenir pour le prolétariat – un avenir rempli de mensonges et de maladies. Les capitalistes ne sauront jamais guère se demander si nous allons bien. Ils ne veulent qu’admirer la laideur de leurs billets pourris qui s’accumulent dans la puanteur de leurs coffres-forts. Les capitalistes veulent s’enrichir, coûte que coûte, et cela, même si nos enfants, nos mères et nos familles doivent y payer avec leur santé. Mais il y a une chose aussi qu’ils ne sauront jamais guère comprendre, c’est que là où il y a oppression, il y a la résistance et que malgré toute leur répression, ils ne sauront jamais taire le cri de la révolution. La «crise de la grippe porcine» et le contexte de crise plus général dans laquelle elle s’inscrit, font ressortir une fois de plus les profondes inégalités engendrées par le capitalisme: inégalités entre une poignée de pays riches et une majorité de pays pauvres, et inégalités tout aussi criantes entre riches et pauvres à l’intérieur même des pays que l’on dit «avancés». Ce système hypocrite a toujours fait plus de cas du portefeuille des riches que de la santé et du bien-être de la majorité. Et ce n’est pas parti pour changer, à moins que l’on s’organise enfin pour le renverser! -- Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 221, le 6 octobre 2009.
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