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La récupération de contenants consignés: un gagne-pain menacé au Québec?

Bert Luyts, Dimanche, Septembre 27, 2009 - 20:48

Bert Luyts, Montréal

Le système de consigne des cannettes et bouteilles de bière semble avoir fait son temps: il est le mal aimé des commerçantEs, le taux de récupération est en déclin, la collecte sélective pourrait être aussi efficace. Mais des milliers de personnes au revenu très bas sillonnent les rues et les parcs pour ramasser les contenants consignés et d'augmenter ainsi leur maigre revenu. Est-ce que le Québec va les priver de ce petit gagne-pain sans leur offrir des ressources alternatives?

Jeudi 19 mars 2009, 11h30 - Je suis posté à quelques pas d’un dépanneur Couche-Tard au centre ville de Montréal avec une pétition. Je vois un homme sortir du dépanneur, trainant derrière lui une grosse valise noire sur roulettes. Il fait quelques pas, jette sa valise par terre, et hurle en faisant de grands gestes vers les passantEs et vers les voitures qui passent. Ses paroles se perdent dans le vent, les gens pressent le pas, ils ont peur.

Il retourne sa valise et l’ouvre; je vois qu’elle est très usée et qu’elle est remplie de cannettes et de bouteilles vides. Tout en criant il referme la valise et continue sa route. Quand il passe devant moi, je lui demande : « Qu’est-ce qui ne va pas, monsieur? » Il me répond : « Ils n’ont pas voulu prendre mes cannettes, estie . Le Couche-Tard a quand même assez d’argent pour les reprendre! ». Il n’attend pas ma réaction et s’éloigne.

J’entre dans le Couche-Tard et je questionne poliment l’employé derrière le comptoir sur ce qui de se passer à l'intérieur.
L’employé, un jeune homme dans la vingtaine, me répond : « J’étais prêt à prendre en partie les cannettes qu’il présentait, mais pas toutes, parce que j’ai instruction de mon patron de ne reprendre que les cannettes des marques que nous vendons nous-mêmes. Quand j’ai dit au monsieur que je ne pouvais pas tout prendre, il s’est fâché tellement que je lui ai demandé de sortir. »

Je lui dis que des personnes comme ce monsieur marchent pendant des heures, allant de poubelle en poubelle, et qu’ils ont besoin de cette petite somme d’argent pour survivre.

L’employé : « Je le regrette aussi, que je doive agir ainsi. Je travaille moi-même au salaire minimum ($8,50 l’heure en mars 2009) ici. Je sais que c’est dur de vivre avec peu. Couche-Tard est assez riche pour prendre toutes les consignes, mais ce n’est pas moi qui décide. Ce qui complique aussi les choses c’est que l’épicerie Provigo, un peu plus loin, a enlevé la machine de reprise de consignes. Cela fait qu’il y a plus de gens qui viennent ici avec leurs cannettes vides. »

Cet événement dont j’étais témoin me questionne. Ces deux personnes, l’une très pauvre, probablement prestataire de l’aide sociale, mais faisant des efforts pour gagner un petit supplément par son activité de ramassage et une personne, l’autre employée au salaire minimum, devraient être naturellement solidaires, face à une société qui ne les respecte pas ni l’un ni l’autre. Pourtant elles sont prises dans une logique, qui leur est imposée, et qui les met en situation de conflit.

Cet événement fait réfléchir aussi sur la répartition des revenus : d’une part il y a des personnes qui n’ont pas vraiment besoin des 5 ou 10 sous par cannette ou bouteille vide et qui ne font pas l’effort de les rapporter au magasin. Elles les jettent simplement à la poubelle ou dans le bac vert. RECYC-QUEBEC a rapporté fin février que le taux de récupération des contenants consignés a atteint un creux historique de 68% au Québec. D’autre part il y a des personnes qui sont tellement en manque de revenu qu’elles sont prêtes à faire le ramassage des cannettes dans les poubelles. Probablement cela ne leur donne pas plus que 1 ou 2$ pour une heure de fouille, ce qui est bien en dessous du salaire minimum. Même pour cette activité désagréable et peu payante la concurrence est rude : Dans un parc à Montréal, un matin à 7h30, j’ai aperçu deux personnes qui faisaient le tour des poubelles en même temps. Cette activité est en quelque sorte un indicateur de la grande inégalité de revenu.

Cet événement montre aussi que les efforts pour une économie durable, respectueux de l’environnement, sont parfois mal répartis. De grandes entreprises cherchent à faire le minimum, dans ce cas précis Provigo et Couche-Tard. Évidemment, elles ont raison dans une certaine mesure, parce qu’elles font face à la concurrence et veulent réduire leurs coûts. Mais le gouvernement ne pourrait-il pas réguler et contrôler afin d’obliger tous les acteurs à des efforts équitables? Dans tous les cas, l’homme qui a ramassé une valise pleine de cannettes a fait plus que sa part.

Combien de temps cet homme pourra continuer encore à gagner quelques sous de cette manière? L’abolition du système des contenants consignés ne va pas tarder au Québec : La commission des transports et de l'environnement de l'Assemblée nationale a recommandé l’abandon de la consigne sur les cannettes et les bouteilles de plastique à usage unique. La commission privilégie la collecte sélective de ces contenants.
Ce choix sans doute bien argumenté, est-il acceptable s’il conduit à une perte de revenu pour les personnes qui ramassent des cannettes? Peut-être le ministre de l’environnement aura l’intelligence de se servir de l’article 20 de la loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale : « Chaque ministre, s’il estime que des propositions de nature législative ou réglementaire pourraient avoir des impacts directs et significatifs sur le revenu des personnes et des familles qui (…) sont en situation de pauvreté, fait état des impacts qu’il prévoit lors de la présentation de ces propositions au gouvernement » .

Bert Luyts, Montréal.

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Documentation :
- www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/environnement/200902/26/01-83153...
- www.ql.umontreal.ca/volume11/numero7/societev11n7b.html
- www.radio-canada.ca/radio/maisonneuve/11062008/102629.shtml#commentaires
- www.assnat.qc.ca/fra/38legislature1/commissions/cte/Rapport-matiere-resi...


[ EDIT (Mic à titre de validation au CMAQ)
Tout d'abord, merci sincèrement d'avoir bien sélectionné les rubriques.
* Nous l'avons placé en manchettes. ]



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