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L'affaire Jean-Loup Lapointe (partie 2)

Belette_Curieuse, Lundi, Août 10, 2009 - 16:38

Comment ça s'est passé Pendant que le policier maintient le jeune de 22 ans au sol, il tue celui âgé de 18 ans. Le constable Jean-Loup Lapointe tire quatre balles au total et blesse sérieusement deux autres personnes présentes.
L'affaire Jean-Loup Lapointe (partie 2)
Profilage racial et concept de 'gang de rue'

Partie 1 sans les sources

Comment ça s'est passé
DWB
Profilage
Passeurs de drogue
Un préjugé : minorité = criminalité
Enquête criminelle
Crime de lèse-policier
Exagération planifiée
Profilage racial: invention ou ajustement
À Toronto
Une profonde lésion



Comment ça s'est passé
Pendant que le policier maintient le jeune de 22 ans au sol, il tue celui âgé de 18 ans. Le constable Jean-Loup Lapointe tire quatre balles au total et blesse sérieusement deux autres personnes présentes.



Le concept de 'gang de rue' permet aux policiers de menacer, de harceler et d'intimider des êtres humains faisant partie des minorités visibles. Aux États-Unis, l'expression 'profilage racial' est apparue le 8 octobre 1987. Ça fait plus de 22 ans.

Un mois avant le meurtre d'Anthony Griffin, un jeune noir de 18 ans.

Plus précisément, au pays de l'oncle Sam, toujours le 8 octobre 1987, le journal San Diego Union Tribune1 rapporte une saisie de drogue par la police de l'état de l'Utah et utilise l'expression 'profilage racial'.

En date du 11 novembre 1987, à Montréal, un policier blanc Alan Gosset du poste 15 dit que son arme s'est déclenchée toute seule. Il tue le jeune noir Anthony Griffin qui n'avait pas payé une course de taxi de 26$.

Ce policier est acquitté dans deux procès criminels. Il est renvoyé puis réintégré dans la police par un arbitre.

Pourtant, aux USA, tous les corps policiers disent que le profilage racial est un mythe inventé par les médias2. Qui les croit sur parole ?


DWB
Dans un article du magazine New-Yorker en 1995, on a utilisé pour la première fois3 les initiales DWB (Driving While Black - Conduite en état de couleur en français). Depuis plus de 18 ans que l'on a pu nommer cette infraction inexistante.

Celle-ci et d'autres permettent à des policiers blanc ou noirs, hommes ou femmes de menacer, d'intimider et de harceler des minorités visibles en Occident. Aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Amérique Latine en France et en Grande-Bretagne, bref à travers le monde.


Profilage
La définition du profilage c'est l'utilisation de traits (physiques, de comportement, ou psychologiques) que l'on peut observer chez certains criminels permettant de mieux identifier et d'arrêter des prévenus potentiels4. Il s'agit d'une forme degénéralisation qui se doit d'être prudente. Par exemple, le travail de la psychologue dans le film 'Le silence des agneaux'. Le profilage n'est pas interdit par les chartes en tant que tel.

D'abord en 1968, le président Nixon des USA fait un lien entre l'augmentation de la consommation de drogues illégales et l'augmentation du taux de criminalité. La 'guerre à la drogue' est sur le point de naître5.


Passeurs de drogue
Puis en 1974, des profils permettent de cibler des passeurs de drogue6. On les développe aux États-Unis en vue de leur utilisation par les constables dans les aéroports. Un homme d'affaire blanc ne sera pas inquiété, qu'il s'appelle Madoff, Jones ou Lacroix. Toutefois un professeur d'université noir ou un président de la même couleur pourraient l'être.

En 1984, le corps de la police routière de la Californie rédige7 'The Common Characteristics of Drug Courriers' (Les traits particuliers des passeurs de drogue, en français).

En outre, une synthèse réalisée en 2001 toujours aux États-Unis à partir de manuels policiers, d'entrevues avec des agents ainsi qu'à partir de témoignages en cour dresse une liste de traits caractéristiques liés aux différents profils des passeurs de drogue8.

Sur une douzaine de critères, quatre font explicitement référence à des minorités. Aucun des douze ne fait mention de la race blanche comme un critère pour identifier un passeur de drogue.


Un préjugé : minorité = criminalité
Finalement, au milieu des années 1980, la DEA (Drug Enforcement Agency - Agence anti-drogue Américaine en français), s'est concentrée sur certains pays. Ainsi, il est avancé que des citoyens issus de ces pays sont davantage susceptibles d'être des passeurs. Est-ce que les Arabes passent les frontières sans problèmes ?

Notamment, dans un vidéo9 d'entraînement fourni à la police d'État au New Jersey on amène les policiers 'à croire que des gangs Jamaïcains violents sont principalement responsables de l'importation de la drogue... Ces gangs violents peuvent aisément se faire passer pour des hommes d'affaires avec des vestons sport et des cheveux courts'.

En juillet 1988 à Montréal, le directeur du poste 15, où se trouvait l'agent Allan Gosset, a dit aux médias 10 : « les noirs constituent 10% de la population, mais sont suspects dans 40 % des crimes rapportés ». Il s'insurgeait contre le congédiement de l'agent disant que la direction avait fait le jeu politique des communautés ethniques.

Depuis le milieu des années 1990 et jusqu'en 2006, pas moins de 400 études sur le profilage racial11 ont été réaliséesaux États-Unis.

C'est dans la foulée du rapport de la Commission de Police sur l'affaire Gosset, lequel concluait à l'absence de racisme dans l'incident, que la politique sur les enquêtes menées par un autre corps de police en cas de décès a été modifiée. La commission venait ainsi approuver les commentaires du chef Bourget faits le jour de l'incident 12 'je mets ma réputation en jeu qu'il ne s'agit pas d'un incident à connotation raciste'.

M. Gosset rédige un rapport avec sa collègue. Le directeur du service de police n'a sûrement pas le temps de connaître et fréquenter assidument les 3800 agents du service. Le chef de police dit aux médias qu'il statue sur l'absence de racisme mais que l'enquête n'est pas terminée pour conclure sur le caractère délibéré du geste. On veut savoir s'il a fait exprès pour tirer.


Enquête criminelle
On apprend plus tard qu'il n'y a que l'agent Gosset et sa coéquipière qui ont assisté à la scène. Le chef de police conclut mais dit qu'il est trop tôt pour conclure. L'enquête du Service de Police de la Communauté Urbaine de Montréal a pour but de rechercher la vérité.

Pour ce faire, on doit :
  • s'assurer qu'un délit a été commis
    (la course de taxi impayée de 26$ d'Anthony Griffin ou le coup de feu de l'agent Gosset);


  • Identifier et rechercher l'auteur du délit
    (l'un est décédé et l'autre n'est pas arrêté et peut rédiger son rapport avec sa coéquipière afin de s'entendre sur la bonne version);


  • Prouver hors de tout doute que le présumé auteur a bien commis le délit en question
    (l'arme de l'agent Gosset a été testée à plus de 11 000 reprises et n'est jamais partie toute seule mais le corps de police a par la suite remplacé toutes les armes de service de ses agents pour étayer son improbable soupçon que c'est l'arme de service qui a fait défaut.

    C'est la technique de propagande13 vérité incroyable : des mensonges agréables - Gosset n'a pas fait exprès, c'était un accident - sont préférables à la vérité brutale - il a tiré alors qu'il voulait montrer à sa jeune coéquipière comment on traite efficacement une personne issue des minorités);


  • Traduire devant les tribunaux l'auteur du délit
    (suite à des manifestations et des pressions tenaces de la communauté noire, le gouvernement a dû conduire deux poursuites pénales pour négligence criminelle à l'encontre de l'agent Gosset, un rapport sur les relations entre les minorités ethniques et la police, un code de déontologie et une directive ministérielle sur la conduite des enquêtes criminelles en cas de décès)14.
Alors que les policiers Américains nient l'existence du profilage racial, des tribunaux et des chercheurs universitaires analysent le phénomène.

Crime de lèse-policier
Revenons à l'affaire Jean-Loup Lapointe à Montréal en 2008. Le jeune ciblé par le policier, un jeune de couleur en provenance du Honduras, refuse de se laisser fouiller. Le policier n'avait pas de motif. En 1991, à Los Angeles aux États-Unis, Rodney King, un homme noir qui avait commis un excès de vitesse, refuse de se coucher au sol après une poursuite policière15. La poursuite policière résultait de l'excès de vitesse.

La police de Los Angeles faisait valoir en 1991 que M. King est l'agresseur. Les sources anonymes d'abord (bien sûr) du LAPD avancent que M. King s'est lancé sur l'agent Powell . La pluie de coups de bâton qui a suivi a été capturée sur une vidéo amateur toujours célèbre et d'actualité. À voir sur Internet. Policiers acquittés. Émeutes. Un milliard de dommages. Il y a là une séquence.

À Montréal, c'est tout le groupe de minorités qui s'est lancé sur le constable Jean-Loup Lapointe selon (l'enquête par?) le SPVM. Cette version partielle, biaisée et propagandiste est diffusée par le Service de Police de la Ville de Montréal, tard dans la soirée du 9 août 2008. Fin des programmes. Le reste, ce sont des détails et le diable se cache dedans.

C'est la bonne vieille technique du plausible mais hautement improbable.


Exagération planifiée
En 1991, des sources du corps policier de Los Angeles (LAPD) relatent que17 "M. King a mis sa main gauche dans la poche de son pantalon quand il est sorti de sa voiture - geste qui a aggravé l'inquiétude des policiers à l'effet qu'il puisse être armé".

En 2008, une source non identifiée relate 18 que Fredy Villanueva 'a promptement retiré les mains de ses poches, un geste laissant croire qu'il possédait une arme'. Il s'agit d'un motif raisonnable et probable, sans blague. Seulement la recette est usée.

Pousser le raisonnement à sa conclusion implique que les policiers devraient tirer ou tabasser tout le monde qui critique ou ne se soumet pas tout de suite à leur autorité royale.


Profilage racial: invention ou ajustement
Appliquer la loi c'est d'abord trouver un crime et ensuite trouver un prévenu qui l'aurait peut-être commis. Faire du profilage racial, c'est trouver un membre d'une minorité visible d'abord et puis il s'agit d'inventer ou d'ajuster le crime qui lui conviendrait bien selon les préjugés admis 19 .

En ce qui a trait à l'affaire Jean-Loup Lapointe, le policier n'a pas pu trouver de motif raisonnable et probable de procéder à une arrestation ou une fouille, c'est pourquoi on a mis l'accent sur toutes sortes d'informations non pertinentes . L'une d'entre elles est que l'incident est survenu à Montréal-Nord et qu'il y a des gang de rue à Montréal-Nord.


À Toronto
Une enquête menée par le Toronto Star20 en 2002 dans une base de données de 480 000 incidents au cours desquels des individus ont été arrêtés ou ont reçu un constat d'infraction, pas moins de 800 000 chefs d'accusation ont été portés.

Les conclusions de cette enquête montrent une proportion plus élevée d'automobilistes noirs qui reçoivent des constats pour une infraction différente notée suite à une interpellation en vertu du code de la sécurité routière21 (qui ne requiert pas de mandat ou de motifs raisonnables de la part du policier).

De plus, les personnes noires qui sont accusées de possession simple de drogue sont emmenées plus souvent au poste que les blancs qui font face à la même accusation. Une fois rendu au poste, on les garde pour la nuit deux fois plus souvent dans l'attente de l'enquête caution pour libérer.

Nous disons donc que le concept de gang de rue permet aux policiers de menacer, de harceler et d'intimider des humains faisant partie des minorités visibles.


Une profonde lésion
En 1988, une commissaire de la Commission d'Appel des Lésions Professionnelles rendait un jugement22 dans une affaire particulière. Le premier policier noir du SPCUM (Service de Police de la Communauté Urbaine de Montréal) s'est vu accorder une compensation.

Elle écrit : "il ressort de la preuve relative aux agissements du supérieur immédiat du policier que ce dernier a été victime de harcèlement". En effet, M. Anglade 'a été victime de discrimination et de harcèlement'.

Tu es immigrant. Tu as la peau foncée. Je te connais. Je t'interpelle. Tu vas te laisser fouiller. Tu résistes. Je tue ton frère. Comme société, nous tolérons cela. Notre système judiciaire et les médias de masse l'approuvent. Ils se révèlent être des acteurs de premier plan dans une logique de racisme systémique.

1 Withrow, Brian L. Racial Profiling, from rhetoric to reason, Pearson Education, 2006, p. 2.
2 Id. p. 3.
3 Id. p. 2.
4 Id. p. 14.
5 Id. p. 15.
6 Id. p. 17.
7 Harris, D. A., Profiles in injustice: Why Racial Profiling Cannot Work. New York : New Press, 2002 cité par Withrow p. 17.
8 Covington J., Round up the usual suspects: Racial profiling and the War on Drugs. In Petit Apartheid in the United Sattes Criminal Justice System : The Dark Figure of Racism, ed. D. Milovanivic and K. K. Russel, 27-42. Durham, NC: Carolina Academic Press, 2001. cité par Withrow p. 18.
9 Covington, p. 37.
10
Pelchat, Martin, Après des déclarations jugées intempestives; Le patron de Gosset est exilé dans le 'Far-West', Le Devoir, mercredi 13 juillet 1988, p. 3.
11 Withrow p. 41.
12 St-Jean, Gilles, Policier Suspendu, un homme qui n'aurait pas dû mourir a été tué, La Presse, 12 novembre 1987, A1 & A2.
13 Augé, Etienne F., Petit traité de propagande, Editions de Boek Université, 2007, p. 101.
14 Groupe de travail chargé d'examiner les pratiques en matière d'enquêtes criminelles au sein des corps de police du Québec,
Les pratiques en matière d'enquête criminelles au sein des corps de police du Québec, Gouvernement du Québec, (Rapport Bellemare) 1996, p. 20.
Le rapport Bellemare cite de l'ouvrage
Geller, William A., ed. Local Government and Police Management. Washington (D.C.): International City Management association Training Institute, 1991, p. 133 :'l'enquête criminelle est l'étape initiale de l'action judiciaire. Cette recherche de la vérité poursuit les objectifs suivants:

  • s'assurer qu'un délit a été commis;
  • identifier et rechercher l'auteur du délit;
  • prouver hors de tout doute que le présumé auteur a bien commis le délit en question;
  • traduire devant les tribunaux l'auteur du délit.

"Lorsqu'on enquête un délit, le but final est la condamnation de son auteur. Pour en arriver à ce résultat, il est nécessaire de prouver devant les tribunaux qu'un délit a été commis et que la personne accusée est bien l'auteur du délit. Tous les efforts doivent être orientés vers cette fin" '. Cet exemple illustre bien l'influence américaine sur les pratiques de nos corps policiers québécois.

15 Lawrence Regina, The politics of force : media and the construction of police brutality, University of California Press, 2000, 'King refused to lay prone on the pavement', p. 71.
16 Id, 'King can be seen lunging at the direction of Officer Powell... 56 blows in total captured on film'; 'Police sources portrayed King as the agressor' p. 72.
17 "King placed his left hand in his pants pocket when he stepped out of the car - a movement that...heightened the officers' concern that he had a weapon", Tobar, Hector and Conolly, Michael, Tape of LA police beating suspect stirs furor, Los Angeles Times, March 6, 1991, A1 cité in Lawrence, p. 72.
18 Nahas, Jean-Michel, Fureur et tristesse, Journal de Montréal, Lundi 11 août 2008, p. 3. 'Rapidement, Freddy (sic) aurait tenté de s'interposer en criant "lâchez mon frère!". S'approchant de la scène, il aurait promptement retiré les mains de ses poches, un geste laissant croire qu'il possédait une arme'. Une question. Lesquels des amis ou membres de la famille peuvent soupçonner Fredy de posséder une arme? Ou bien lesquels des témoins présents peuvent avoir de tels soupçons ? La réponse est la source qui n'est pas identifiée ici. Le service de police, le journaliste et le journal cachent la source, ce qui est essentiel à la réussite de la propagande.
19 Tator, Carol and Frances, Henry, Racial profiling in Canada, Challenging the myth of 'a few bad apples', University of Toronto Press, 2006, p. 3 citant Martinot S. The Rule of Racialization, Classs Identity, Governance, Philadelphia, Temple University Press, 2003.
20 Tator and Frances, p. 5.
21 Id.
22 Anglade et Montréal (Communauté urbaine de) Ginette Godin, Commissaire 17 juin 1988; CALP 88T-730 CSST 9113-625.
Partie 1 sans les sources
Veuiller noter le fichier pdf plus facile a imprimer en bas a gauche. L'ensemble realise par Belette Curieuse, 8 août 2009

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Sujet: 
Le profilage des motocyclistes...
Auteur-e: 
Y-retrait
Date: 
Jeu, 2009-08-13 22:37

Pour être juste et complète, votre analyse devrait aussi insister sur le fait que les motocyclistes sont souvent aussi l’objet d’un profilage intensif de la part de la police, tout particulièrement ceux qui s’identifient à la symbolique des anges… de l’Enfer !


[ ]

Sujet: 
Bon travail
Auteur-e: 
alexandre popovic
Date: 
Dim, 2009-08-16 17:36

Mon opinion n’a sans doute pas le poids de celle d’un sociologue mais je tiens néanmoins à vous féliciter pour votre recherche rigoureusement bien documentée sur ce sujet ne reçoit pas l’attention qu’il mérite de la part des gros bonnets de l’industrie de l’information.


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