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Sur le sommet du G8

Eric Smith, Jeudi, Juillet 9, 2009 - 14:10

Jose Maria Sison

Après avoir été dévastée par un tremblement de terre, la ville de L’Aquila s’apprête à subir une nouvelle catastrophe – une catastrophe humaine, celle-là – alors que les chefs des principaux États impérialistes s’y réuniront du 8 au 10 juillet à l’occasion de la tenue du trente-cinquième sommet des pays du G8.

Le sommet de cette année inaugurera une nouvelle formule, qui verra la participation d’une trentaine de chefs d’autres pays et de dirigeants d’organisations internationales, qui seront appelés à discuter d’un large éventail de sujets à caractère économique et politique, ainsi qu’en matière de sécurité. Cette nouvelle formule reflète l’affaiblissement relatif des principales puissances impérialistes; on peut y voir aussi une tentative de «diviser pour régner» de la part des pays du G8, afin de maintenir leur domination sur le «G192» (c.-à-d. le reste des pays du monde). Néanmoins, l’objectif global des dirigeants du G8 demeure: celui de protéger les intérêts du capital monopoliste et de stabiliser un système capitaliste mondial qui se voit ébranlé par la plus grave crise depuis la Grande Dépression des années 1930.

Tandis que cette crise ne cesse de s’approfondir, on peut s’attendre à ce que les chefs du G8 s’appuient sur des indicateurs biaisés pour laisser croire que la situation s’améliore, de sorte à renforcer la confiance des investisseurs et faire redémarrer la circulation du crédit. L’oligarchie financière représentée par les gouvernements des pays du G8 n’a eu de cesse de réduire l’actuelle crise du capitalisme à un simple problème de liquidités, qu’il suffirait de résoudre en renflouant les grandes banques et institutions financières aux prises avec des dettes et des actifs toxiques. Les rares fois où l’on accepte de discuter des «problèmes systémiques» que la crise met en lumière, on se limite à évoquer un certain manque au niveau de la réglementation, que l’on pourrait aisément régler en adoptant de nouveaux «standards internationaux», comme ce «code de conduite sur les affaires mondiales» proposé par l’hôte du sommet, Silvio Berlusconi.

Toutes ces palabres visent à nier le caractère fondamentalement vicié du système capitaliste et la nature profonde de la crise qu’il traverse. Les participants au sommet du G8 sont censés discuter des stratégies de «sortie de crise»; ils souhaitent notamment commencer à supprimer les mesures fiscales et monétaires dites «d’urgence» qu’ils ont été contraints de mettre en place au cours des derniers mois, et qui sont venues contredire d’une manière flagrante les mythes du néolibéralisme (à l’exception bien sûr des dépenses militaires, qu’ils souhaitent maintenir au plus haut niveau). Les membres du G8 veulent prévenir toute tentative d’instaurer ne serait-ce qu’un modeste virage dans les politiques économiques basées sur la libéralisation des marchés, qui ont favorisé l’accumulation du capital aux mains de l’élite capitaliste monopoliste. Ils préfèrent se fermer les yeux devant le fait que la crise empire et s’approfondit, en raison précisément de leur refus d’adopter des mesures fortes pour stimuler la consommation, comme la réduction du chômage et la relance de la production.

Comme dans un rituel religieux ou la répétition d’une mauvaise comédie, le sommet du G8 appellera une fois de plus à la conclusion rapide des négociations de Doha sur le commerce mondial et la libéralisation des investissements, comme porte de sortie de la récession. Dans les faits, les pratiques protectionnistes des puissances impérialistes se multiplient. L’appel à une plus grande libéralisation vise en fait à faire porter le plus lourd fardeau de la crise sur les épaules des travailleurs et des travailleuses, en particulier dans les pays sous-développés, qui supportent actuellement le plus fort de la crise. Pendant des décennies, sous le couvert de la «globalisation néo-libérale», les économies des pays sous-développés se sont vues déformées et se sont dégradées à l’extrême, en dépit des prétentions à la croissance – une croissance qui de fait a été gonflée par le financement de la dette et la consommation.

Plus d’une trentaine de pays font face à une crise imminente dans la balance de leurs paiements, parce que les nouvelles sources de crédit se sont taries pour les pays du tiers-monde, qui dépendent de manière chronique des apports de capitaux étrangers pour payer leurs dettes, maintenir leurs importations en provenance des pays capitalistes avancés et dissimuler les déficits chroniques qu’ils encourent – cela, pendant que les États impérialistes continuent à piller leur économie. Le resserrement du crédit à l’échelle internationale, combiné à la chute draconienne de la demande de matières premières et de produits semi-ouvrés en provenance des pays impérialistes, a eu un effet dévastateur sur les économies des pays sous-développés.

On doit s’attendre à ce que le chômage continue d’augmenter et que la précarisation du travail s’accentue, dans la mesure où la crise incitera les capitalistes à tenter de réduire encore plus les coûts de main-d’œuvre et à intensifier l’exploitation de la force de travail. De même, on peut prévoir que le nombre de personnes sous-alimentées ira en augmentant, alors qu’un nombre croissant de pauvres perdront leur gagne-pain et que les monopoles agrochimiques et commerciaux vont accentuer leur mainmise sur les systèmes de production alimentaire. Des millions de personnes supplémentaires se verront nier l’accès à la santé, au logement, à l’éducation et aux services de base, étant que les États consacrent une part accrue de leurs dépenses au sauvetage des banques et des grandes corporations.

Les États impérialistes se servent de la crise économique et des changements climatiques comme prétexte pour affecter une plus grande part des fonds publics vers l’aide aux grands monopoles, comme ces firmes énergétiques qui cherchent à commercialiser les nouvelles technologies telles que la capture et le stockage de carbone, le «carbone propre», les énergies renouvelables et autres remèdes à caractère technologique, dont le bénéfice écologique est pour le moins douteux, mais qui constituent des opportunités de profits évidentes pour les monopoles. Ce n’est pas pour rien que dans le cadre des négociations de l’Organisation mondiale du commerce et du cycle de Doha, les chefs des pays du G8 ont proposé d’abolir les barrières commerciales pour les produits et services «respectueux de l’environnement»; de cette façon, les grandes entreprises monopolistes pourront contrôler ce secteur et étendre rapidement leurs marchés.

Les dirigeants du G8 poussent aussi pour l’adoption d’une nouvelle entente qui donnerait suite au Protocole de Kyoto, dont l’expiration est prévue pour 2012. Ils souhaitent l’adoption d’un nouveau protocole qui diminuerait encore un peu plus la responsabilité historique et actuelle des capitalistes monopolistes des pays industrialisés quant à l’émission des gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique. Les leaders du G8 répètent sur tous les toits vouloir limiter le réchauffement global moyen à deux degrés Celsius par rapport à l’époque préindustrielle, afin de donner l’impression qu’ils veulent faire quelque chose. Mais pour atteindre cet objectif, ils proposent de faire assumer la plus grande part de la réduction des émissions aux pays sous-développés comme l’Inde et la Chine, là où leurs sociétés multinationales ont délocalisé leurs opérations les plus polluantes. Les chefs du G8 cherchent également à généraliser les systèmes du type des «bourses du carbone», de façon à créer de nouvelles opportunités de spéculation et de profits pour les capitalistes financiers.

Le sommet du G8 consacrera sans doute quelques minutes pour discuter de la crise alimentaire mondiale, mais encore là, ce sera seulement pour justifier une libéralisation accrue du commerce agricole et une nouvelle «révolution verte», qui favoriserait les sociétés multinationales agrochimiques qui détiennent déjà le monopole des semences, des variétés de plantes, des engrais et autres intrants agricoles. Tout cela ne pourra aboutir qu’à une dépossession accrue des paysannes et paysans, à des pratiques agricoles encore plus insoutenables et une plus grande insécurité alimentaire.

La situation désespérée des peuples d’Afrique servira à nouveau de faire-valoir aux prétentions «humanitaires» des chefs du G8. Ceux-ci prendront très certainement de nouveaux engagements qu’ils ne seront même pas foutus d’honorer, même si ces engagements ne sont que symboliques et ne visent en fait qu’à faciliter l’expansion impérialiste du capital. Leur passé parle pour lui-même: les pays du G8 n’ont jamais rempli leurs promesses d’annuler ne serait-ce qu’une fraction de la dette des pays africains, et ils ne leur ont jamais versé les montants d’aide futiles auxquels ils s’étaient engagés, dans le cadre des soi-disant «objectifs de développement pour le millénaire».

L’annulation des dettes illégitimes des pays sous-développés n’est pas à l’ordre du jour du sommet du G8; il y sera donc encore moins question de reconnaître les conséquences des siècles de pillage impérialiste des colonies et semicolonies d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ou encore, de leur restituer ce qu’on leur a volé. Même s’ils se querellent pour contrôler les réserves d’énergie, les mines, les autres matières premières et la production agricole des pays d’Afrique, les États impérialistes s’entendent comme larrons en foire quand il s’agit d’exploiter et d’opprimer les peuples africains.

Il s’agira d’un premier sommet du G8 pour le nouveau président des États-Unis, qui a séduit bien des gens avec ses promesses de changement. Pourtant, Barack Obama continue de s’accrocher au dogme trompeur du néolibéralisme et poursuit la «guerre contre la terreur» amorcée avant lui par les néoconservateurs et George W. Bush. Maintenant que les monopoles anglo-américains ont réussi à établir leur mainmise sur le pétrole irakien, l’administration Obama a commencé à retirer les troupes états-uniennes des plus importantes villes irakiennes. Toutefois, au-delà de 100 000 soldats américains resteront en sol irakien, sur les bases militaires que les États-Unis ont stratégiquement installées un peu partout à travers le pays. Ce nombre s’ajoute à la centaine de milliers de mercenaires officiellement embauchés par des firmes privées, mais qui dans les faits, sont sur le livre de paie du Pentagone. Les États-Unis construisent présentement de nouvelles bases militaires dans les campagnes irakiennes, ce qui montre bien leur intention de prolonger l’occupation bien au-delà de la date limite de 2011 prévue pour le retrait complet de leurs troupes.

Pendant ce temps, en Afghanistan et au Pakistan, les États-Unis intensifient leur campagne militaire contre Al-Qaida et les talibans. Ils utilisent notamment les fameux drones (des avions téléguidés), supposément pour cibler les militants armés alors que dans les faits, les massacres de civils et les déplacements forcés se poursuivent. Évidemment, les chefs du G8 ne condamneront aucunement ces atrocités, pas plus que les innombrables crimes de guerre commis par les forces israélo-étatsuniennes contre le peuple palestinien; au contraire, ces actes seront portés aux nues, au nom de la lutte antiterroriste, de l’humanitarisme et de la «démocratie». De fait, le G8 n’hésitera pas à soutenir et promouvoir les guerres d’agression et le terrorisme d’État. Ses dirigeants parleront encore une fois d’augmenter leurs efforts visant à «prévenir le terrorisme», par le recours à une plus grande surveillance, à la cyberintelligence, la propagande, le recrutement d’agents civils et militaires et la répression, particulièrement dans les régions où la résistance populaire renaît.

Les participants au sommet du G8 insisteront pour ajouter des dents au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui réserve aux États-Unis, à la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine le privilège d’en accumuler un stock gigantesque. Ils fermeront les yeux sur l’occupation et la nucléarisation de la Corée du Sud par les États-Unis, tout en s’indignant du fait que la République populaire démocratique de Corée ose développer son armement nucléaire pour renforcer sa souveraineté nationale et sa capacité d’autodéfense. Ils se diront aussi profondément perturbés par le programme nucléaire iranien. Mais ils continueront à se réjouir du fait qu’Israël possède l’arme nucléaire et se satisferont que l’Inde et le Pakistan l’aient eux aussi.

L’intervention américaine est également croissante en Amérique latine, où des aventures militaires inspirées par les États-Unis ont récemment ciblé des gouvernements nettement critiques ou opposés à l’hégémonisme américain. Les généraux qui ont évincé le président hondurien Manuel Zelaya ont tous été formés à l’École des Amériques (la célèbre School of the Americas, désormais rebaptisée Institut de l’hémisphère occidental pour la sécurité et la coopération) et ils semblent avoir suivi le même scénario utilisé par les généraux qui ont tenté de renverser le président vénézuélien Hugo Chavez en 2002 et par les soldats qui ont kidnappé le président haïtien Jean-Bertrand Aristide en 2004. Cette fois-ci, les États-Unis ont été contraints de se distancer des conspirateurs, après que l’Organisation des États américains eut unanimement condamné le coup d’État. Ailleurs dans la région, l’intervention militaire déguisée des États-Unis prend la forme d’opérations antidrogues menées indistinctement contre les producteurs, les trafiquants et les organisations transnationales liées au crime organisé.

Le trente-cinquième sommet du G8 sera à nouveau l’occasion pour les principales puissances impérialistes de s’unir et d’afficher leur volonté de préserver et profiter du système capitaliste mondial, aux dépens du prolétariat et des peuples. Mais l’aggravation de la crise socio-économique et politique a pour effet d’aiguiser les contradictions les plus importantes à l’échelle internationale, dont la contradiction qui oppose les puissances impérialistes aux peuples et nations opprimés, celle qui oppose la classe ouvrière et la bourgeoisie monopoliste, et la contradiction entre les puissances impérialistes elles-mêmes. De fait, les rivalités interimpérialistes s’intensifient, comme en témoigne la concurrence accrue pour s’emparer des marchés captifs, de la main-d’œuvre à bon marché, des matières premières, des champs d’investissement et des diverses zones d’influence.

La crise du capitalisme mondial inflige des souffrances intolérables aux larges masses populaires. Le mécontentement social et la résistance populaire se répandent et s’approfondissent. Prenant des formes diverses, des luttes de masse militantes ont éclaté, tant dans les pays capitalistes industrialisés que dans les pays sous-développés d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Les masses populaires ripostent à l’exploitation, l’oppression et la discrimination accrues et s’opposent avec vigueur à toutes les formes d’injustice sociale.

La Ligue internationale des luttes des peuples (International League of Peoples’ Struggles) appelle l’ensemble de ses organisations affiliées et les autres organisations populaires en Italie, dans les États membres du G8 et partout ailleurs à mener des campagnes d’information et des actions de masse pour protester contre le G8. Nos campagnes doivent être résolues, militantes et efficaces et doivent cibler l’impérialisme et le réformisme. Nous encourageons les larges masses populaires à développer les forces révolutionnaires et les mouvements de masse afin de lutter pour la libération nationale et sociale de tous les peuples du monde.

Jose Maria Sison
Président, Comité international de coordination
Ligue internationale des luttes des peuples

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Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 215, le 8 juillet 2009.
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