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Allocution de la CRAP au rally Justice Pour Anaslacrap, Mardi, Juin 30, 2009 - 04:33 (Analyses | Repression)
lacrap
Voici l'allocution du porte-parole de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) lors du rally de la Coalition Justice pour Anas au palais de justice de Montréal, le lundi 29 juin 2009. *** Croyez-vous ça vous autre que Mohamed Anas Bennis a attaqué soudainement et sans raison un policier avec un couteau de cuisine sur la rue Kent dans le quartier Côte-des-neiges, le 1er décembre 2005 ? Moi, je vous avoue que j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi un jeune homme comme Mohamed Anas Bennis a pu commettre un geste aussi gratuit, un geste aussi suicidaire que d'agresser spontanément et sans raison un policier en pleine rue avec un couteau. Par contre, je n'ai pas de difficulté à voir quel intérêt les policiers auraient pu trouver à inventer l'histoire de l'agression au couteau. L'agent Yannick Bernier du Service de police de la ville de Montréal a abattu Mohamed Anas Bennis de deux balles. Il avait plus qu'intérêt à trouver une bonne raison d'avoir ouvert le feu sur un jeune homme âgé de 25 ans qui avait toute la vie devant lui. Maintenant, je ne dis pas que la version policière est un mensonge fabriqué de toute pièce. J'étais pas là quand ça s'est passé alors je peut pas vous dire qu'est-ce qui est vraiment arrivé sur la rue Kent ce jour-là. Ce que je dis, c'est que cet événement bizarre soulève des questions, j'ajouterai des questions d'intérêt public. Ce que je dis, c'est qu'une tragédie pareille mérite une enquête publique. Vous savez, le but d'une enquête du coroner, ce n'est pas de porter des accusations criminelles contre quiconque. C'est pas de condamner quelqu'un à verser une compensation financière à autrui. Non, le but d'une enquête du coroner, c'est la recherche de la vérité, c'est de faire toute la lumière sur les causes et les circonstances d'un décès. Le but de l'enquête du coroner sur la mort de Mohamed Anas Bennis, c'est de répondre aux questions que se posent encore et toujours les membres de la famille Bennis depuis plus de trois ans et demi. C'est aussi de répondre aux questions que se posent encore et toujours les milliers de personnes qui ont pris la rue par une journée glaciale de janvier 2006 pour exprimer leur besoin de savoir qu'est-ce ce qui s'est vraiment passé sur la rue Kent le 1er décembre 2005. Malheureusement, la Fraternité des policiers et des policières de Montréal s'est adressé à la cour supérieure du Québec pour demander l'annulation de l'enquête du coroner sur la mort de Mohamed Anas Bennis. De quoi est-ce que la Fraternité a peur ? Que la vérité sorte ? Je dois vous dire que l'attitude de la Fraternité ne m'inspire pas confiance. Le syndicat policier agit comme si les policiers avaient quelque chose à cacher dans cette histoire-là. Je comprend pas pourquoi la Fraternité veut empêcher l'agent Yannick Bernier de raconter sa version des faits en public. Pourtant, cette même Fraternité affirme à qui veut l'entendre que la police de Québec a fait enquête et qu'elle a blanchit l'agent Bernier. Moi, je pense qu'il faut se poser de sérieuses questions sur la crédibilité de l'enquête que la police de Québec a faite sur la mort de Mohamed Anas Bennis. La police de Québec n'a jamais interrogé le partenaire de l'agent Bernier, soit l'agent Jonathan Roy. Cette omission me semble difficilement justifiable puisque l'agent Roy était un témoin immédiat du drame qui est survenu sur la rue Kent. Or, au lieu de l'interroger, la police de Québec s'est plutôt contenté de recevoir son rapport, daté du 12 décembre 2005, soit douze jours après l'événement. Mais ce n'est pas tout. Les policiers de Québec ont rencontré les principaux témoins civils au cours des heures qui ont suivi le drame, mais ils attendu plus d'un mois et demi avant de rencontrer le principal acteur du drame, soit l'agent Bernier lui-même. En effet, pendant que l'agent Bernier était hospitalisé, c'était un enquêteur de la police de Montréal qui l'a rencontré et qui s'est chargé de faire parvenir son rapport aux policiers de Québec. D'ailleurs, le rôle des policiers montréalais dans l'enquête sur la mort de Mohamed Anas Bennis ne s'arrête pas là car ce sont aussi des policiers de Montréal qui se sont empressés de retracer les témoins civils et qui ont prit leurs déclarations peu après l'événement. Vraiment, c'est à se demander qui est-ce qui menait vraiment cette enquête-là ! La police de Québec ou la police de Montréal ? Cette façon de procéder discrédite une fois de plus la politique ministérielle, qui stipule qu'un autre corps policier doit prendre en charge l'enquête lorsqu'un policier est impliqué dans le décès d'un citoyen. D'ailleurs, cette situation pour le moins questionnable n'est pas sans nous rappeler les problèmes qui ont marqués l'enquête de la Sûreté du Québec sur la mort de Fredy Villanueva, qui été abattu par l'agent Jean-Loup Lapointe de la police de Montréal le 9 août 2008, à Montréal-Nord. Comme on le sait, les policiers de la SQ ne se sont même pas donnés la peine d'interroger l'agent Jean-Loup Lapointe et sa partenaire Stéphanie Pilote en dépit de leur rôle central dans l'intervention policière qui coûta la vie à Fredy Villanueva. Maintenant, il est intéressant de noter que la Fraternité a bien accueilli la décision du gouvernement québécois de tenir une enquête du coroner sur la mort de Fredy Villanueva. Pourquoi est-ce que cette même Fraternité a-t-elle acceptée sans rouspéter l'enquête sur la mort de Fredy alors qu'elle fait des pieds et des mains pour tenter d'obtenir l'annulation de l'enquête sur la mort de Mohamed Anas Bennis ? Hé bien, figurez-vous donc que j'ai ma petite idée là-dessus. Nous savons tous que la mort de Fredy Villanueva a été suivi le lendemain d'une émeute d'une ampleur sans précédent dans les rues de Mtl-Nord. Pendant les mois qui ont suivis, la Fraternité a vécu dans la crainte que des accusations criminelles soient portées contre l'agent Jean-Loup Lapointe par souci d'apaiser les tensions à Mtl-Nord et éviter de nouvelles émeutes. Or, au lieu de porter des accusations criminelles, le gouvernement a plutôt choisi de tenir une enquête publique, ce qui semblait être un compromis acceptable pour la Fraternité, surtout que cela permettait à l'agent Jean-Loup Lapointe d'éviter d'avoir à subir un procès et ainsi de risquer une peine d'emprisonnement pour la mort de Fredy Villanueva. Dans le cas de l'affaire Mohamed Anas Bennis, la Fraternité semble moins s'inquiéter pour la paix sociale puisque sa mort n'a pas donné lieu à une émeute. En fait, l'argument de la Fraternité pour obtenir l'annulation de l'enquête du coroner peut se résumer à ceci : ça serait une perte de temps parce que la couronne et la déontologie policière en sont tous deux arrivés à la même conclusion, c'est-à-dire que le policier qui a tué Mohamed Anas Bennis a agi en légitime défense. Hé bien, je regrette mais je ne crois pas que cela soit aussi simple que ça. Je dis cela parce que la version policière ne fait pas l'unanimité parmi les témoins oculaires de l'événement, ce qui est d'ailleurs un fait que la plupart des gens ignorent. En effet, une femme qui a été une témoin qui marchait sur la rue Kent au moment des faits a fait la déclaration suivante aux enquêteurs de la police de Québec : « La personne que j'ai reconnu de par ses vêtements [comme étant un policier] était debout sur le trottoir et a tiré un coup de pistolet sur la personne qui était au sol. » Évidemment, quand cette femme parlait de la personne qui était au sol, elle faisait précisément allusion à Mohamed Anas Bennis. Lorsqu'elle a été rencontré par l'enquêteur du Commissaire à la déontologie policière, cette femme a également affirmé qu'elle avait perçu l'affaire comme étant un geste gratuit de la part des policiers qui ne semblaient pas en danger puisque l'individu en question était au sol. Pour ma part, je permettrais d'ajouter que si Mohamed Anas Bennis était au sol lorsque l'agent Bernier a ouvert le feu, alors cela pourrait expliquer pourquoi le rapport d'autopsie indique que les balles ont pénétré dans son corps de haut en bas, ce qui laisse croire qu'on lui a tiré dessus alors qu'il n'était pas dans une posture menaçante. Et si Mohamed Anas Bennis n'était pas menaçant pour la vie de l'agent Bernier, cela jette un sérieux doute sur la thèse de la légitime défense mise de l'avant par la Fraternité. Et si l'agent Bernier a été trop vite sur la gâchette, cela pourrait aussi expliquer pourquoi la Fraternité déploie tant d'énergie à essayer d'empêcher la tenue de cette enquête publique. Pour toutes ces raisons, je crois que la Fraternité devrait cesser d'agir comme si les policiers étaient au-dessus des lois et laisser la justice suivre son cours en permettant à la coroner Catherine Rudel-Tessier de faire toute la lumière sur les circonstances entourant la mort de Mohamed Anas Bennis. Pour finir, je tiens à exprimer au nom de la Coalition contre la répression et les abus policiers nos salutations solidaires à la Coalition Justice pour Anas et à féliciter la famille Bennis pour sa persévérance exemplaire dans sa lutte pour la vérité et la justice. |
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