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Tibet: la face cachée du dalaï-lamaEric Smith, Vendredi, Mars 13, 2009 - 15:35
Le Drapeau rouge-express
Mardi dernier, des partisanEs du «gouvernement tibétain en exil» ont tenu à souligner, dans différents pays, le cinquantième anniversaire de l'écrasement du soulèvement organisé par les défenseurs du vieux régime féodal au Tibet. Une fois de plus, les médias occidentaux et les intellectuels partisans «de la démocratie et des Lumières» ont affiché leur complaisance face au régime théocratique des lamas, qui souhaite toujours récupérer ses pouvoirs perdus. S'il est vrai que le destin du peuple tibétain apparaît tragique, cela ne saurait justifier que l'on se ferme les yeux sur le caractère profondément réactionnaire de ceux qui prétendent toujours parler en son nom. Nous profitons donc de l'occasion pour publier des extraits d'un article paru il y a quelques années dans le numéro 4 de la revue Arsenal, dont le texte intégral est disponible au www.pcr-rcp.ca/fr/arsenal/4d, qui présentent brièvement la situation qui prévalaient au temps béni où les moines bouddhistes exerçaient leur domination. - Le Drapeau rouge-express Les défenseurs du lamaïsme tibétain décrivent cette religion comme étant au cœur même de la culture du pays. En fait, le bouddhisme a été introduit au Tibet en même temps que le féodalisme. En effet, autour de l'an 650, le premier roi tibétain, Srong-btsan-sgam-po, était marié à des princesses du Tibet, mais aussi de la Chine. Celles-ci y ont introduit les croyances bouddhistes qui se sont mêlées aux vieilles croyances animistes afin de créer une nouvelle religion: le lamaïsme. Durant le siècle qui a suivi, cette religion a été imposée au peuple par la force. Pour y parvenir, le roi Trisong Detsen avait décrété que: • celui ou celle qui pointait un moine du doigt devait avoir le doigt coupé, • celui ou celle qui parlait en mal des moines ou du lamaïsme devait avoir les lèvres coupées, • celui ou celle qui regardait un moine de travers devait avoir les yeux enlevés. Bonjour la non-violence! Puis, de 1400 à 1600, les monastères sont construits sur le territoire tibétain et consolident leur pouvoir. Le professeur Michael Parenti rappelle: «C'est d'ailleurs au début des années 1400 que l'empereur de Chine envoie son armée au Tibet afin de supporter le Grand Lama, un homme ambitieux de 25 ans, qui se donne lui-même le titre de dalaï (Océan) lama, maître de tout le Tibet. Il est donc assez ironique de constater que le premier dalaï-lama a été installé par l'armée chinoise.» [1] Puis, parce que ce système ne pouvait suivre une lignée héréditaire, les moines n'ayant pas le droit d'avoir de relations sexuelles avec une femme, les lamas créèrent une nouvelle doctrine pour leur religion: lorsqu'un dalaï-lama mourait, il était possible de détecter sa réincarnation chez un nouveau-né. À l'âge adulte, celui-ci pourrait à nouveau gouverner le Tibet. Toutefois, dans les faits, seulement 3 des 14 dalaï-lamas ont réellement pu gouverner. En effet, les enfants se rendaient rarement à l'âge adulte, leur entourage préférant les assassiner afin de conserver le pouvoir réel. Richesse des monastères et servage Des moines, modestement habillés, se regroupant afin de prier pour atteindre le nirvana, voilà l'image que l'on nous présente souvent du Tibet avant la prise du pouvoir par la Chine. Cette image est toutefois très incomplète. Dans les faits, les monastères étaient des lieux de pouvoir et de richesses, reposant sur l'exploitation des masses. Il faut bien, en effet, que quelqu'un travaille afin de subvenir aux besoins des moines. Ce quelqu'un, c'était le serf. Ainsi, «le monastère de Drepung était l'un des plus importants propriétaires terriens de la planète avec 185 manoirs, 25 000 serfs, 300 lieux de pâturage et 16 000 gardiens de troupeaux». [2] La majorité de la population subissait l'exploitation de l'aristocratie religieuse. En 1953, six ans seulement avant l'exil de l'actuel dalaï-lama, «les serfs (environ 700 000 personnes sur une population totale estimée à 1 250 000) forment la majeure partie de la population». [3] Ceux-ci (56% de la population) étaient considérés comme des êtres inférieurs. Le simple fait de toucher à un maître pouvait signifier le fouet pour le serf fautif. Les maîtres étaient si distants des serfs que, sur la majeure partie du territoire tibétain, ces deux classes sociales parlaient une langue différente! Certaines personnes appartenaient même à une classe sociale inférieure aux serfs. Les esclaves représentaient 5% de la population. De plus, un grand nombre de moines étaient, en fait, des esclaves en robe (10% de la population). Et tout ceci n'était rien en comparaison avec le sort réservé aux femmes. Le mot femme, en tibétain (kiemen) signifie littéralement naissance inférieure. Il était interdit aux femmes de lever le regard plus haut que la hauteur des genoux d'un homme lui faisant face, en signe de soumission! Avant l'exil du dalaï-lama, 626 personnes possédaient 93% des terres et des richesses et 70% des yaks (les bœufs du Tibet). De ces 626 personnes, 333 étaient à la tête de monastères. Pour parvenir à enrichir ce petit pourcentage de la population, les serfs devaient travailler de 16 à 18 heures par jour! Le dalaï-lama actuel, pour sa part, est présenté comme un saint homme pour qui les richesses matérielles ne sont pas importantes. Pourtant, légalement, c'est lui qui possédait le pays entier, incluant sa population. Avant son exil, sa famille contrôlait directement 27 manoirs, 36 pâturages, 6 170 serfs et 102 esclaves. Il se déplaçait sur un trône tiré par des douzaines d'esclaves, pendant que ses gardes du corps frappaient les gens à coups de bâtons afin de lui faire un passage! [...] Impact des croyances religieuses Les superstitions transmises au peuple par le lamaïsme étaient nombreuses. Ainsi, lorsqu'une personne tombait malade, elle était tenue responsable de son état, puisqu'elle n'avait probablement pas été assez pieuse. Plus tard, les moines ont même dénoncé l'utilisation des antibiotiques ainsi que les campagnes de santé publiques organisées par les maoïstes. Pour eux, la seule façon de guérir, c'était de prier davantage et de donner de l'argent ou des offrandes aux monastères. Alors que la famine régnait constamment sur tout le territoire (75% des familles devaient, à l'occasion, se contenter de manger l'herbe des pâturages afin de survivre), un tiers de la production de beurre, la principale source de protéines pour cette population, était brûlée quotidiennement en offrandes aux dieux. De plus, la notion de karma avait un impact considérable sur le maintien de ce système d'oppression. En effet, selon cette croyance, quand quelqu'un meurt, son âme se voit accorder un nouveau corps. Cette nouvelle vie dépend de la qualité de l'ancienne vie. Ainsi, si une personne a été très pieuse durant son ancienne vie, elle pourra peut-être se réincarner en riche propriétaire d'esclaves. Par contre, quelqu'un qui n'a pas suivi les règles de vie exigée par le lamaïsme risque de renaître dans le corps d'un insecte ou d'une femme! On le comprend assez vite, l'idée du karma et de la réincarnation encourage l'oppression et l'exploitation, au lieu de dénoncer les injustices. Après tout, si quelqu'un exploite un grand nombre de serfs et d'esclaves, c'est parce qu'il l'a mérité! En fait, les connaissances étaient jalousement conservées dans les monastères. Pour la population, les moines préféraient inventer une multitude de légendes et de superstitions afin que les gens acceptent leur exploitation. L'intervention des maoïstes au Tibet de 1950 à 1959 C'est donc dans ce contexte où une vaste majorité de la population du Tibet était soumise à une exploitation honteuse, que la Chine décida d'agir. En 1949, les communistes prenaient le pouvoir en Chine. En 1950, l'Armée populaire de libération (APL) avance dans les terrains montagneux du sud-ouest de la Chine. À Chamdo, l'APL défait très facilement les forces armées envoyées par les classes dirigeantes du Tibet. Puis, l'APL s'arrête et envoie un message à Lhassa, la capitale tibétaine. La proposition peut se résumer ainsi: le Tibet serait rattaché à la république chinoise et les classes dominantes tibétaines pourraient continuer de gouverner, sous la direction du gouvernement central chinois. Les maoïstes n'aboliraient pas le régime féodal d'exploitation, à moins que le peuple soutienne de tels changements. Ce traité fut signé et, le 26 octobre 1951, l'APL marchait pacifiquement dans les rues de Lhassa. En fait, Mao était décidé à mener la révolution au Tibet afin de protéger les frontières de la Chine de l'invasion ainsi que pour libérer les serfs tibétains de l'oppression. Toutefois, la population disséminée sur le territoire avait été isolée de toute information provenant de l'extérieur et n'avait donc jamais entendu parler de la possibilité pour les masses de prendre le pouvoir par une révolution de type maoïste. Pour Mao, une véritable révolution était impossible sans le soutien des masses: c'est en se basant sur les besoins et sur les actions des masses opprimées qu'on peut obtenir de véritables changements. Voilà la raison pour laquelle l'APL, pourtant beaucoup plus puissante que les forces armées du Tibet, a adopté une stratégie de patience. Mao disait: «Ce délai ne nous fera pas grand tort et peut, au contraire, nous être avantageux. Qu'ils poursuivent leurs agissements cruels contre le peuple, tandis que nous nous consacrerons à des tâches bénéfiques telles que la production, le commerce, la construction des routes, le service sanitaire et le front uni (unir à nous la majorité, procéder à une éducation patiente), cela afin de gagner les masses.» [4] C'est durant cette période que la classe dominante a commencé à planifier une révolte armée afin de chasser les communistes du territoire. Le frère du dalaï-lama a facilement réussi à tisser des liens avec la CIA afin que les États-Unis puissent fournir les armes nécessaires ainsi que la reconnaissance politique du régime corrompu des lamas. Pendant ce temps, l'APL construisait les premières routes reliant le Tibet à la Chine. Au milieu des années 1950, les premiers téléphones, télégraphes, stations de radio et imprimeries modernes étaient installés. À partir de 1955, les premières véritables écoles (ouvertes au peuple et pas seulement aux moines) étaient fondées. Dès 1957, 79 écoles primaires accueillaient déjà plus de 6 000 élèves. Les communistes «ont construit les seuls hôpitaux qui existent dans ce pays. [...] Ils ont également installé l'eau courante et l'électricité à Lhassa». [5] Mais, plus que tout, les maoïstes tissaient des liens avec les masses opprimées. Ils et elles travaillaient côte à côte avec les serfs et les esclaves. Pour la première fois de leur vie, ces gens étaient traités comme des humains à part entière. Il était même défendu à l'APL d'utiliser la nourriture de la population afin d'éviter des famines. Ainsi, malgré les rumeurs que les classes dominantes faisaient circuler parmi les masses (les camions de l'armée étaient censés fonctionner grâce au sang des enfants tués au Tibet...), les camps de l'APL devinrent rapidement de véritables aimants pour les esclaves, les serfs et les moines pauvres en fuite. La propagande révolutionnaire faisait son chemin parmi les masses et l'affrontement devenait inévitable. Mao disait: «Dans l'histoire de l'humanité, toute force réactionnaire au seuil de sa perte se lance nécessairement, dans un ultime sursaut, contre les forces de la révolution.» [6] Au mois de mars 1959, des moines armés, accompagnés de soldats tibétains, attaquent les forces armées révolutionnaires installées à Lhassa. Au même moment, les classes dominantes déclenchent un mouvement de révolte le long de la frontière avec l'Inde. Cependant, grâce à un appui important parmi les masses, les communistes sont parvenuEs à freiner cette révolte en quelques jours seulement. C'est à ce moment que le dalaï-lama s'est exilé en Inde. Les lamaïstes décrivent cette fuite comme un événement héroïque, presque mythique. On sait maintenant que cet exil avait été organisé par la CIA, qui souhaitait faire du dalaï-lama un symbole contre la révolution maoïste. Le dalaï-lama a maintenant admis que son organisation recevait 1,7 millions de dollars par année afin d'armer et d'entraîner les forces armées contre-révolutionnaires. Le dalaï-lama lui-même recevait 186 000 $ par an de la CIA! [1] Michael PARENTI, «Friendly Feudalism: The Tibet Myth», dans Swans, 07/07/2003 [notre traduction]. Également à lire pour une analyse plus fouillée: -- Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 205, le 13 mars 2009.
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