L’Etat sarkozien ne défaille ni ne déraille en montant de bric et de broc une nouvelle affaire Dreyfus – vieux modèle de machination nationaliste qui a inauguré tant de provocations et de complots bien réels pour museler les masses – l’affaire de Tarnac (corrèze, France 2008). L’Etat bourgeois machine toute l’affaire avec la plus totale arrogance et en toute impunité, c’est clair maintenant. L’Etat bourgeois est une structure à vocation terrorisante.
Pourquoi revenir sur cette lamentable persécution d’éléments marginaux ? Alors que le même Etat agite déjà de possibles (vrais) attentats terroristes talibans ?
D’abord parce que reste sous-jacente et encore confuse la riposte de classe au début de la douche de licenciements et de paupérisation absolue. L’Etat supprime de plus en plus les allocations chômage en même temps que la retraite, et il veut en même temps terroriser toute riposte de masse, en sabotant par l’amalgame anarchiste la nature de la lutte nécessairement conflictuelle et violente et en terrorisant les prolétaires (suggérons à la police d’arrêter tous ceux qui possèdent un exemplaire de ce texte subversif que reste de Manifeste communiste de 1848, mais en prenant soin de réquisitionner des milliers de HLM pour emprisonner le prolétariat).
Ensuite parce que les grèves annoncées nous font marrer. Elles sont toutes décommandées, repoussées, après avoir été dûment planifiées par les bonzes syndicaux. Dans la cacophonie la plus complète, enseignants du primaire, cheminots et employés d’Air France vont à l’enterrement syndical la tête inclinée sur le billot. On ne va pas les plaindre. Quand les moutons vont à l’abattoir aussi passivement ce n’est pas spécialement parce qu’ils sont idiots mais parce qu’il y a eu des « petits arrangements entre amis » ; par exemple les flics syndicaux ont relayé les promesses gouvernementales de ne pas pénaliser les plus vieux employés mais de ne frapper que dans quatre ou cinq ans les plus jeunes, et puis Sarko ne sera peut-être plus président, et puis peut-être bien que la gôche sera revenue aux commandes, etc. Et puis chaque corporation n’a pas vocation à représenter toute la classe ouvrière : les laissés pour compte peuvent crever dans leur coin… et tous ces « assistés » qui ont voté Sarko et qui se moquent de ceux qui travaillent et qui demain feront le coup de feu contre les ouvriers avec le lumpen…
Petites grèves de merde donc émiettées syndicalement, les employés suivistes n’ont que ce qu’ils méritent. On n’a plus besoin de ces grèves à la con, elles desservent les vrais moyens de lutte du prolétariat. Pour l’instant, il faut le dire, les ouvriers ne sont même pas fichus de mener des grèves politiques. Tiens, poser le sac partout contre le montage frauduleux du gouvernement et de sa police pour faire libérer les emprisonnés de Tarnac, cela aurait de l’allure ! Mais les ouvriers sont encore trop bouchés et menés par le bout du nez pour comprendre que ce montage débile est aussi une attaque contre leur droit à l’insurrection !
Et le marasme de ce pauvre PS ? Mériterait-il un article de compassion ou un constat de décès ? Imaginez un instant que le PS soit vraiment socialiste, que Ségolène Royal soit sincère et intelligente, que Martine Aubry ne soit pas la fille insipide de son père, que le ventripotent DSK (sponsorisé par le torchon franc-mac 20 minutes) ne soit pas un simple commis capitaliste pervers, que Delanoë ne soit pas un vulgaire patron municipal… il y aurait de quoi pleurer sur l’absence de cohésion politique d’abord, sur le marigot de serpents ensuite. Heureusement ce n’est pas le cas, le PS peut crever dans son caca. Ce parti bourgeois n’a RIEN à proposer de différent de la droite au pouvoir. Et il le paye par sa décomposition avancée. Un point c’est tout.
Et les analyses économiques des « groupes révolutionnaires » ? Oui tous ceux qui, pêle mêle, sont rangés par les RG dans « l’ultra-gauche » au coin des gauchistes officiels et bcbg (Mam a défendu le gentil Besancenot qui s’est lâchement démarqué des soit disants apprentis terroristes de Tarnac). Du CCI à Loren Goldner, de ses fractions exclues aux salonnards comunisateurs, ces messieurs torchent des analyses plus sophistiquées les unes que les autres sur les côtés « inédits » du capitalisme moderne : immatérialité pour les uns, capital fictif pour les autres, etc. Leurs textes sont imbitables et illisibles comme la mauvaise Bible marxiste, le Capital. Les clercs sont des cons, qu’ils se parent d’un beau vocabulaire ou qu’ils prétendent enseigner la science économique aux prolétaires. Allez donc faire un tour dans une de ces réunions publiques où les intellectuels des groupes viennent faire les beaux et répondre à vos questions d’ignare… Ils sont ridicules. Les prolétaires n’ont pas besoin de discours pour étudiants de sciences Po ni d’explication ampoulée sur les causes de la crise du capitalisme. Ils ont bien mieux compris pour l’essentiel qu’il s’agit d’une crise du profit et que la bourgeoisie veut leur faire payer ses dégâts. Ce qu’ils veulent c’est une orientation politique dans laquelle ils soient partie prenante, pas que des petites merdes intellectuelles les privent à nouveau de parole.
Grèves faiblasses et inutiles au prolétariat en général, vomissures d’un PS moribond, et roues de paon de sectes révolutionnaires, il n’y a pas de quoi en faire du tintouin ni un roman. Donc revenons au roman terroriste du gouvernement, plus lucide lui sur les dangers qui l’attendent au tournant et capable d’anticiper, comme ses prédécesseurs, pour mouiller la poudre de la confrontation sociale.
Sans tomber dans la parano excessive, il faut reconnaître que les manipulations de l’Etat bourgeois sont quotidiennes, subliminales et bénites par les médias « voix de son maître ». La photo du « fer à cheval » posé sur un caténaire a été diffusée plusieurs jours dans tous les journaux et sur toutes les chaînes de télé. Si l’air qu’on respire est pollué, les images subliminales aveuglent et les haleines informatives puent.
Avant d’élaborer plus amplement un jour cette question il me semble opportun de débuter cet article par une étude sur la méthode du complot interne chez le parti stalinien. Toujours en défense des jeunes emprisonnés iniquement, après avoir supposé que les « attentats » sur des caténaires n’avaient été que des « pannes » techniques du réseau mises (commercialement) sur le dos de pauvres types (la colère des nombreux voyageurs fut grande contre la SNCF et son impéritie) avec la complicité des divers syndicats, je me suis demandé si ce n’était pas chez les staliniens du PCF et de la CGT qu’il faudrait trouver les coupables (cette engeance a toujours été prompte à livrer les « aventuriers gauchistes » à la police, à les marginaliser ou à les éliminer…).
Vous allez dire que j’exagère et que je livre à la justice (cette pute) de bons camarades syndiqués ? Alors un peu d’histoire ne fera de mal à personne. Celle du PCF sur les rails de la contre révolution stalinienne et gaulliste par exemple, dans l’immédiat après-guerre.
Ce type de parti vieillot et moribond a rapidement fonctionné après des débuts ambigus comme un prototype de parti étatique où tous les coups, toutes les manips sont normales pour assurer le pouvoir de telle ou telle clique.
Le film de Mosco (Mémoires d’ex, 1991, Arte et la Sept), passionnant et révélateur malgré ses zones d’ombre, son apologie de la résistance et les limites des témoignages, n’a pas son équivalent en littérature politique et historique (excepté l’ouvrage dérangeant de Berlière et Liaigre « le sang des communistes »). Les données qu’il fournit n’ont même pas été retraitées, preuve qu’il gêne une nomenklatura intellectuelle de droite à l’extrême gauche qui ne se remet pas de l’aplatissement du parti stalinien. (Chez les anarchistes bizarres de la CNT aux divers ploum ploum il y a encore une large propension à défendre ou à suivre les dernières prétentions de ce parti moribond, cf. en particulier la crédulité vis à vis de l’histoire hémiplégique de Mme Lacroix-Riz ; ah les méchants patrons cause de tout !).
Pas besoin de revenir sur l’histoire des diverses exclusions avant guerre dans le PCF, qui furent guidées par l’Etat russe contre-révolutionnaire. Une littérature développée et des bouquins de militants ont suffisamment creusé le long travail de sape du stalinisme, et des historiens ont bien décrypté les virages politiques et les assassinats de ce parti pendant la guerre (bien qu’il y ait encore beaucoup à révéler…).
Notre étude portera sur l’immédiat après-guerre en France. Pas immédiatement, et il faudra bien que des historiens s’y attèlent, car de nombreux meurtres ont été patronnés par le PCF : celui de l’industriel Louis Renault, du sculpteur Aristide Maillol, sans compter l’assassinat dans l’ombre de trotskistes (ces masos) et probablement divers appels au lynchage ou encouragement « populaire » à la tonte des femmes… Le parti le plus populaire de France se nourrissait à pleines mains de la bassesse populaire.
Le parti stalinien retrouve en effet une vigueur nationaliste cocardière et devient le premier flic de France pour organiser la reprise du travail après cinq années d’une guerre terriblement destructrice. Premier parti de France au niveau électoral, il est tout de même réduit au rôle de faire-valoir de la droite bourgeoise qui se requinque avec le maurrassien De Gaulle, lequel a eu le génie de faire voter pour la première fois les femmes françaises qui permettent, en votant pour le « grand homme », d’éviter la débâcle totale au camp de la droite et d’éviter une hégémonie au pouvoir d’une secte inféodée à Moscou. Le PCF fût néanmoins un chien de garde totalement fidèle à la restauration de l’ordre bourgeois. En automne 1944, peu de temps après le retour de Thorez en France, De Gaulle avait rencontré Staline à Moscou, et ce dernier, avait déclaré à propos de Thorez :"Ne vous fâchez pas de mon indiscrétion… je me permets de vous dire que je connais Thorez, et qu'à mon avis, il est un bon français; si j'étais à votre place, je ne le mettrais pas en prison… du moins pas tout de suite…". De Gaulle avait alors répondu: « Le gouvernement français traite les français d'après les services qu'il attend d'eux ». En septembre 1944, au nom de la CGT, Benoit Frachon (sous-fifre du PCF) avait lancé la "bataille pour la production".
En septembre 1944, au nom de la CGT, Benoit Frachon avait lancé la "bataille pour la production". Le 21 juillet 1945, l’ordure Thorez avait surenchéri en déclarant à Waziers, dans le bassin houiller, devant des prolétaires impatients de voir leurs conditions s'améliorer:« Produire, c'est aujourd'hui la forme la plus élevée du devoir de classe, du devoir des Français. Hier, notre arme était le sabotage, l'action armée contre l'ennemi, aujourd'hui, l'arme, c'est la production pour faire échec aux plans de la réaction ».
En automne 1945, du fait que la droite pétainiste est aussi déconfite que la SFIO, que les partis de droite plus ou moins résistants sont encore faiblards, De Gaulle a besoin de ficeler le PCF dans le gouvernement, et le parti stalinien lui en sera totalement reconnaissant par son zèle à faire plier les ouvriers. Après les élections pour l'assemblée constituante d'octobre 1945, qui donnent 26,1% des suffrages aux communistes, c'est comme ministre de la fonction publique, en compagnie de 4 autres ministres staliniens que le faux mineur Thorez fait son entrée au gouvernement de De Gaulle. Il a rang de ministre d'état. Dans le gouvernement Félix Gouin, en janvier 1946, il sera " vice-président du conseil". En novembre 1946, après des résultats électoraux meilleurs qu'ils n'avaient jamais été, 28,6%, et qui feront du PCF "le premier parti de France", Thorez revendiquera en vain la présidence du conseil. Il affirme alors, dans une interview pour le Times du 18 novembre qu'il existe pour aller vers le socialisme « d'autres chemins que celui suivi par les communistes russes ». Au gouvernement le PCF s’avère donc « loyalement » nationaliste. Malheureusement pour le gros Thorez, deux ans à peine après la fin de la guerre, le prolétariat relève la tête. On s’est beaucoup focalisé depuis des décennies sur la « grève de 47 » à Renault. Or, celle-ci resta pacifique quand au même moment la lutte des mineurs fût extrêmement violente. La grève dure une cinquantaine de jours. Si les sinistres « communistes » au gouvernement n’ont pu désavouer la grève de Renault en avril, il faut user de plusieurs coups bas pour venir à bout de celle des mineurs. Les conditions de la lutte sont très dures pour les familles ouvrières, c’est l’hiver, il n’y a plus de charbon (les grévistes ont épuisé les stocks), les femmes de mineurs n’ont plus d’argent, des centaines d’ouvriers en grève sont emprisonnés dans les prisons de Béthune et de Douai. Dans le film de Mosco, Pannequin livre un témoignage extraordinaire : « L’Huma titre déjà que les mineurs reprennent le travail le front haut, or c’est faux ils sont encore trois à quatre mille en grève, et les responsables du PCF vont de place en place prétendre que les autres ont déjà repris le travail… on ment ainsi à ceux qui ne veulent pas reprendre ».
Le PCF et de la CGT portent la responsabilité de la défaite de la grève des mineurs fin 1947, refusant d'étendre l'action aux autres secteurs de la classe ouvrière et surtout pas avec les usines Renault (dont la grève avait eu lieu en avril de la même année). Le gouvernement a envoyé troupes et CRS dans les régions minières pour écraser la grève aux côtés de la CGT. Les mineurs furent battus et durent reprendre le travail après 56 jours de grève. La bourgeoisie y trouve prétexte (mais ce n’est qu’un prétexte) pour exclure les ministres PCF du gouvernement le 5 mai 1948, chose devenue inévitable depuis le lancement de la "guerre froide". Le 12 mars, Truman, Président des Etats-Unis, avait proclamé sa doctrine de "résistance à la subversion" et les ministres staliniens furent exclus systématiquement des gouvernements italien, belge et français. Pourtant, Thorez avait tout fait pour donner des gages de sa loyauté à la bourgeoisie. Désolé, il doit déclarer à Vincent Auriol qui lui demande un dernier effort que : « Je ne peux plus rien. J'ai fait tout ce que j'ai pu, je suis maintenant au bout de mon rouleau ». Et il pleure non pour les grévistes battus et emprisonnés mais pour la perte de son beau « portefeuille ministériel ». Le PCF, pour ne pas se couper d’un électorat ouvrier qui lui est naïvement soumis tente de rester au gouvernement bien qu’en refusant de voter la confiance à Ramadier. Thorez ayant refusé de donner sa démission, les sinistres « communistes » sont démissionnés par le Président de la République Auriol et son premier commis Ramadier.
Mais, peu avant l’éjection des collaborateurs staliniens à la restauration de l’Etat bourgeois, fin 1947 il s’est produit un drame occulté par les historiens, pas par le film de Mosco, qui va faire de nombreux morts y compris un haut responsable du parti.
LE DERAILLEMENT DU TRAIN PARIS-TOURCOING (3 décembre 1947)
Dans le film de Mosco, l’ex-bonze Auguste Lecoeur narre la vilaine affaire du sabotage du train express Paris-Tourcoing. On est encore en pleine grève des mineurs. Un militant d’Arras « informe » le secrétaire de section du PCF qu’un train au départ de Paris va livrer des centaines de Gardes mobiles pour réprimer les grévistes. Le temps de la résistance n’est pas loin et les cheminots CGT savent comment faire dérailler un train. Une équipe accomplit le « boulot ». Le train déraille, fait une vingtaine de morts (21 ou 24) et une quarantaine de blessés. Le train n’était composé que de voyageurs prolétaires. L’émotion est considérable. Lecoeur convoque le secrétaire de section, Rena Camphin pour explication. Celui-ci lui aurait répondu qu’il ne se considérait pas complice mais qu’il « n’avait pas eu la force politique de l’empêcher ». Lecoeur ment-il pour dédouaner le comité central ? Il ne faut pas oublier que le PCF est extrêmement hiérarchisé, et que ses repentis sont l’objet de menaces de mort si certaines de leurs révélations vont trop loin (cf. Robrieux fût menacé par le milliardaire « rouge » Doumeng).
Consultons sur le web l’ abécédaire de l’Assemblée nationale à la nomenclature du premier flic du moment, Jules Moch :
« Au ministère de l'intérieur, où il est demeuré vingt-huit mois (…) Mais ce sont les tâches de maintien de l'ordre qui ont absorbé l'essentiel de son activité, notamment lors des puissantes vagues de grèves de l'automne-hiver 1947 et la grève des houillères de l'automne 1948. Si l'on ajoute divers heurts et incidents violents survenus à Marseille (12 novembre 1947), Valence (3 et 5 décembre 1947), Clermont-Ferrand (15 juin 1948), Grenoble (18 septembre 1948) et Paris (11 novembre 1948), Jules Moch a dû justifier devant l'Assemblée le comportement souvent brutal des forces de l'ordre. Sans nier le caractère social et salarial, et par là même en partie justifié de ces grèves, il en dénonce la dimension délibérément politique et insurrectionnelle, commanditée à distance par le Kominform comme en témoignerait, par ailleurs, le déraillement du train Paris-Tourcoing le 3 décembre 1947 ».
On reste interloqué par ce conditionnel « comme en témoignerait » et l’absence de poursuite contre un parti criminel capable de bavures aussi odieuses (et si les victimes avaient été effectivement une quarantaine de CRS, Moch aurait-il parlé au conditionnel ?). Moch confirme, même pour peu de temps la solidarité gouvernementale avec un parti anti-ouvrier et… criminel.
L’affaire en reste là au niveau public, mais le parti stalinien se charge d’écluser la vilaine affaire dans ses propres rangs et ainsi protéger sa propre hiérarchie. La prochaine victime, pourtant près de sept années plus tard : René Camphin. Consultons encore l’abécédaire de l’Assemblée. On y lit que Camphin fût un bon député de gauche, assidu aux réunions, père de projets de loi, bon stalinien au demeurant : il avait signé des deux mains en faveur du pacte coco-naze, approuvé les actions terroristes de la résistance, dénoncé lui aussi la grève comme « arme des trusts ». Lisons la suite : « En 1952, il manifeste quelques réticences lors de l'éviction de son ami Charles Tillon. Peu après, il lui est demandé de présenter un réquisitoire contre Auguste Lecœur au Comité central du 5 mars 1954. Prétextant un malaise, il quitte la séance sans avoir lu son texte. Le lendemain matin, Roger Roucaute, délégué par le secrétariat du parti, le retrouve mort asphyxié. Le 9 mars le président André le Troquer annonce son décès à l'Assemblée ».
Le film de Mosco révèle que Camphin est l’ultime victime du déraillement de l’express Paris-Tourcoing. Camphin n’a pas voulu trahir son ami Lecoeur en passe d’être éjecté de l’appareil. On lui a dit qu’on allait lui mettre sur le dos la responsabilité du déraillement mortel. Roger Pannequin qui témoigne, très digne et plein de colère, croit d’abord à un assassinat puis semble agréer à la thèse du « suicide » ; il résume : « je deviens militant, je deviens une crapule, je deviens un flic du parti ».
DE L’AFFAIRE PRONNIER AUX PIGEONS DE DUCLOS:
Il ne faudrait pas croire que le clan gaulliste fût heureux de la cohabitation forcée avec le clan stalinien, même en épongeant la grosse bavure du Paris-Tourcoing. Les fractions bourgeoises se bouffent le nez en catimini sans cesse avec des moyens peu reluisants, comme on l’a vu récemment avec l’opaque affaire EADS et les coups bas discontinus entre Sarkozy et Villepin. La fraction de droite gaullo-IVe République reste méfiante avec ses amis de l’heure. L’action de l’ombre commence par un simple fait divers. Un individu louche du nom de Pronnier assassine un couple de fermiers puis se présente comme membre du PCF, ayant agi sur consignes. Dans le film de Mosco c’est encore plus compliqué –l’affaire n’est pas datée : 1951 ? - il est supposé que c’est une partie de l’appareil intra-muros qui, avec la police, aurait échafaudé ce plan qui visait à éliminer un stalinien pur jus et franc du collier, Auguste Lecoeur, rival du faux pâtissier Duclos. Pronnier était rattaché à la fédération du Pas de Calais dont Lecoeur était le patron. Une banale histoire de fesse ou un lien plus ou moins avéré avec un crime pouvait servir à éliminer un membre en disgrâce de l’appareil, comme dans tout parti politique. Une commission d’enquête est nommée avec à sa tête Léon Mauvais (écarté l’année précédente par Lecoeur…) pour faire porter le chapeau de l’acte « terroriste » de Pronnier sur le responsable du pays ch’ti. L’appareil avait fait chou blanc avec le Paris-Tourcoing et récidivait.
Lecoeur est retors et malin, il assure ne pas connaître Pronnier, mais balance deux proches qui sont sacrifiés pour son maintien (tout provisoire) dans l’appareil. Si l’initiative de l’affaire Pronnier est partie de l’extérieur (la manip policière) son dénouement est interne, et révèle que ce parti pourri est complètement inféodé aux mœurs de la politique bourgeoise. Les deux proches qui se prennent un blâme sont René Camphin et Roger Pannequin. Comme le déclare un des futurs exclus, lucide et intéressant, André Pierrard : « le parti fonctionne comme un gang, il n’a plus ni morale ni doctrine ». Pierrard oublie d’ajouter que c’est tout simplement un parti d’Etat, un parti bourgeois. Bien qu’ayant sacrifié deux amis, Lecoeur est déjà mis sur la touche par Duclos qui brigue le poste de numéro 2.
COMMENT L’HUMA EN 2002 PREND SES LECTEURS POUR DES PIGEONS
Voici ce qu’on lit sous le clavier d’une nommée Francisque Luminet (une pétainiste ?) :
«Il y a cinquante ans, le " complot des pigeons " : Le gouvernement français fait preuve d’une soumission aux pressions des Américains qui veulent que la guerre menée par la France au Vietnam continue, et que le conflit s’étende au continent asiatique en ne voulant pas d’un armistice en Corée. Sous l’égide du Mouvement de la paix, une manifestation est organisée le 28 mai 1952 à l’occasion de la venue à Paris du général Ridgway. Le soir même, Jacques Duclos, dirigeant national du PCF, est arrêté en plein Paris. Pour cette arrestation, les policiers évoquent le fait d’avoir trouvé deux pigeons dans la voiture où il se trouvait : " Pigeons visiblement destinés à transmettre des messages… " Le PCF, il est vrai, était accusé de s’en prendre au moral de l’armée. En fait, les deux pigeons étaient destinés à la casserole du couple Duclos. Jacques Duclos fut libéré le 1er juillet à la suite de la décision de la chambre de mise en accusation. Cet épisode rocambolesque s’il ridiculise la police conditionnée pour l’anticommunisme ne doit pas cacher la répression intense à l’égard des militants communistes à Paris et sur l’ensemble du territoire.
Or, Lecoeur, dans le film de Mosco, révèle que l’épisode de la manip policière stupide (pigeons = espionnages, des experts étaient appelés à déterminer s’ils étaient voyageurs ou pas), ridiculise Duclos, ce gros magouilleur aux mains sanglantes. Lecoeur avait demandé, en prévision de la répression du parti (en opposition en cette année 1952), à tous les membres du CC de ne pas aller au siège du PCF et de ne pas dormir chez eux ; or Duclos a « été faire le malin » en voiture au milieu des manifestants. Lecoeur propose donc un blâme contre ce dirigeant, lequel est accepté à l’unanimité (et Duclos a encore eu de la chance de ne pas être rappelé par Staline).
Voilà c’est tout pour aujourd’hui, mais cet épisode de l’histoire du PCF et de sa tradition de sabotage des voies, et surtout des voies de la lutte des classes, est aussi édifiante qu’est complexe la question des complots d’Etat dans l’histoire.
J’ajoute cependant deux autres épisodes de provocation et bidouillage : la manif du 21 juin 1973 (où j’étais présent mais comme spectateur) qui mena à l’interdiction de la Ligue de Krivine (Besancenot était pas né) et l’histoire des irlandais de Vincennes que nombre d’entre vous ont en tête en pensant à nos jeunes incarcérés. Une autre fois je raconterai comment lors de la venue de Nixon à Paris, le collectif de la librairie libertaire La boulangerie de Montrouge fût interné une semaine sous prétexte que la police avait trouvé des terroristes potentiellement en préparation d’un attentat contre le président US, lesquels furent relâchés ensuite sans la moindre excuse policière ni journalistique.
L’Interdiction de la ligue (extrait du Libertaire):
À l’époque où il était ministre de l’Intérieur, M. Raymond Marcellin, dénonciateur du fameux complot international, fît beaucoup pour accréditer la vision simpliste du complot policier récurrent Or, en termes de lutte, quelle différence existe-t-il entre un rassemblement destiné à provoquer la capitulation d’un pouvoir, comme une manifestation ouvrière, et les provocations de ce même pouvoir en vue de justifier des pressions et des répressions ultérieures, sinon le caractère « public et évident » de la première et éminemment « privé et politique » de la seconde ? Chacun de ces événements fait l’histoire dans ce qu’elle a d’inéluctable et d’irréversible. Le 21 juin 1973, le mouvement d’extrême droite Ordre nouveau décide d’organiser un meeting contre l’immigration sauvage en France. Le mot d’ordre est raciste. Il aurait dû être sanctionné par le gouvernement par une interdiction. Or il n’en est rien et, au contraire, la police (ou du moins certains éléments) aide Ordre nouveau à préparer son rassemblement. La Ligue communiste appelle alors à une contre-manifestation, mais n’est suivie en cela ni par le PSU, qui « flaire le piège », ni par les partis de gauche, qui observent une prudente réserve, se contentant de dénoncer timidement la provocation. C’est donc seule, le 21 juin, que la Ligue affronte les « fascistes » d’Ordre nouveau et une police dont les effectifs ont été « volontairement » réduits pour l’occasion. La violence qui monte rapidement surprend les forces de l’ordre désorientées par des commandements contradictoires, un approvisionnement (grenades lacrymogènes) de misère, des manœuvres mal étudiées et des informations radio erronées (sur le nombre des manifestants notamment). Bref, tout est fait pour que les hommes de Marcellin s’affolent et pour que les affrontements soient très durs. En outre, l’aide apportée par les policiers aux membres d’Ordre nouveau est indéniable. Le 28 juin, c’est avec l’accord du Conseil des ministres que M. Messmer dissout la Ligue communiste et, pour faire bonne mesure, Ordre nouveau. Alors débutent des polémiques qui dureront jusqu’à la fin de l’année 1973.
Sur la provocation ensuite, de son échec ou de sa réussite. Car qui peut dire lequel est sorti gagnant de l’affrontement du 21 juin ? La Ligue est-elle tombée dans une provocation policière ou Marcellin s’est-il laissé entraîner dans une manœuvre gauchiste ? Alors, pas de gagnant ! Le grand perdant ne serait-il pas Marcellin ? Une telle assertion impose une remise en cause de toutes les idées reçues sur les provocations.
Certes, Marcellin, qui sentait s’attiédir la « peur du rouge », n’avait-il pas trouvé de meilleur moyen pour ranimer la flamme de ses hommes que de les exposer, ce qui ne pouvait que raffermir leur solidarité sous les pierres des manifestants, mais l’action a tout de même préparé le 19 décembre. La seule erreur de la Ligue fut de surestimer l’indignation qu’aurait dû susciter dans les foules le rassemblement du meeting fasciste. D’ailleurs, à l’époque, à aucun moment la Ligue ne recula, regrettant seulement qu’une campagne plus importante n’ait pas eu lieu sur le caractère évident de la provocation. Encore eût-il fallu compter sur une certaine tiédeur de la presse. S’il est facile, après coup, d’analyser les « phénomènes historiques », les prévisions sûres sont en revanche impossibles. Manipulation ou utilisation machiavélique d’un événement, la notion même de provocation est trop instantanée, trop ponctuelle pour répondre à toutes les questions. Lame à double tranchant, c’est une arme redoutable pour les protagonistes, prouvant, s’il en est encore besoin, le caractère implacable de l’évolution historique.
Irlandais de Vincennes (blog de l’excellent Georges Moréas (POLICEtcetera) :
Après l’attentat de la rue des Rosiers, Mitterrand saisit l’occasion de justifier la création de sa cellule antiterroriste. C’est le début d’une mélasse «politico-gendarmesque», qui a transformé le palais de l’Elysée en Cour des miracles, nous rappelant les plus mauvais aspects de la monarchie. Nous sommes le 9 août 1982. Il est un peu plus de 13 heures. La foule se presse dans le restaurant Goldenberg, au centre du vieux quartier juif, à Paris. Un homme lance une grenade à l’intérieur de l’établissement. C’est la panique. Mais ce n’est pas fini. Un commando de quatre ou cinq hommes descend la rue des Rosiers en tirant dans la foule. L’attentat fait six morts et vingt-deux blessés. Il n’y aura aucune revendication. Les soupçons se portent sur un groupe palestinien dissident de l’OLP. Mais, quinze jours plus tard, la cellule antiterroriste interpelle les auteurs de cet attentat. Il s’agit de nationalistes irlandais. C’est du moins ce qu’annonce la presse, suite au communiqué de l’Elysée.
Tout est bidon.
Se fiant aux informations d’un indic, que gendarmes, douaniers et policiers, connaissent de longue date, le capitaine Paul Barril, et ses hommes de la cellule, investissent l’appartement d’un ressortissant irlandais, un certain Michael Plunkett, rue Diderot, à Vincennes. Ils espèrent y découvrir armes et explosifs. Ils font chou blanc. Mais déjà le succès est claironné. Prouteau, le chef de la cellule est en vacances. Barril, son adjoint, lui a rendu compte par téléphone, et Prouteau a renseigné Mitterrand. Tout le monde jubile, tandis que les autres services de police, tenus à l’écart, sont pour le moins dubitatifs. Ils ont raison. Car l’affaire est dans l’affaire. Pour ne pas reconnaître qu’il a chanté victoire trop vite, Barril dissimule des armes dans l’appartement de Plunkett. Il s’aperçoit alors, mais un peu tard, qu’il n’est pas officier de police judiciaire, donc juridiquement non compétent pour effectuer la perquisition. Il fait appel à son collègue, le capitaine Jean-michel Beau, tout nouveau promu à la tête de la section de Paris. Ce dernier est en confiance, à la différence du commissaire P., qui lui a décliné la proposition, il prend en charge la procédure. Mais il est arrivé après la bagarre, et il ne connaît rien des faits. Certes, ce jour-là, il a commis une grave irrégularité, suffisante pour carboniser le dossier, mais ce n’est pas moi qui lui jetterais la pierre. Il m’est arrivé de faire de même, pour éviter des ennuis à des collègues. Les trois Irlandais de Vincennes, feront neuf mois de détention pour rien - pour rien, du moins sur le plan du droit. Lorsqu’il a fallu rechercher les responsables, Barril s’est retranché derrière Prouteau, et Prouteau, derrière le fait qu’il était en vacances. Seul Mitterrand a assuré. Il a dû se dire que cela ne ferait que pigmenter son auréole, et ajouter un mystère à sa légende ».
A suivre… LIBEREZ JULIEN COUPAT ET SES AMIS !
Oui
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