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CAMEROUN, rumeurs d'un coup d'étatAnonyme, Mercredi, Octobre 22, 2008 - 14:08
AIME MATHURIN MOUSSY
La République n’existe que de nom. L’ armée couve sous les braises de non-dits. La paix est fragile : les institutions sont soumises à rude épreuve. Le Cameroun ne parvient pas à enrayer la rébellion qui progresse à petits pas, d’abord dans le Nord par la prise en otage des populations, ensuite à Limbé avec l’attaque des symboles de l’Etat ces derniers jours. Il y a des milices dont on ne parvient toujours pas à cerner les motivations, les « coupeurs de routes ». Plusieurs types d’exactions sont perpétrées au quotidien par les hommes en tenues. Des menaces à ciel ouvert sont brandies sur les médias qui osent défier l’ordre établi. Si, pour désamorcer la menace d’une guerre civile, le président Paul Biya promet des réformes politiques, sociales et économiques ; la classe politique, et quelques barons du parti au pouvoir , font de sa démission un préalable. Pénalisant toute l’économie nationale, la crise révèle la faiblesse d’un gouvernement étranglé par les institutions de Bretton Woods et dépendant d’un secteur para public qui exploite les ressources du pays sans participer à son développement : la fuite des capitaux et des cerveaux. Mystification de la paix En Afrique, depuis les indépendances, les relations entretenues par les gouvernements et les populations avec leurs armées sont marquées par une dangereuse illusion, déclarait Anatole Ayissi, dans Le Monde Diplomatique. L’ Etat a cru que les forces de sécurité depuis 1958, après les émeutes indépendantistes, parce que armées, représenteraient ce robuste socle sur lequel reposeraient la paix et la stabilité du pouvoir politique, raison pour laquelle la moyenne d’âge des généraux est de soixante dix ans(70ans). On espérait qu’en cas de troubles graves les militaires, seule force sociale organisée et muette, au sein d’un État décadent comme le Cameroun, pourraient légitimement s’ériger en sauveurs du pouvoir politique en péril. Anatole Ayissi dans son article, citait le colonel Joseph Désiré Mobutu, qui justifiait sa prise de pouvoir par les armes en 1965 comme « un mal nécessaire... un acte correct, légitime, fondé et bienséant ». Ainsi le général Sani Abacha, en 1991, brisa-t-il brutalement l’élan du peuple nigérian vers la démocratie pluraliste et clama que sa seule ambition était de gouverner le Nigeria de manière « ferme » et... « humaine ». Par conséquent, plusieurs « Apôtres » en camoufflets, ont utilisé ces arguties pour justifier l’irruption de la force militaire au cœur du pouvoir, Paul Biya n’ayant pas de dauphins supposés, laisse courir tous genres de guéguerres au sein des institutions. Car, déclarait-il, il ne pouvait pas laisser le Cameroun dans le chaos et entre les mains d’apprentis sorciers. L’armée étant son excroissance politique va-t-elle donner libre cours à une démocratie ? Quand les armes changeront d’épaules L’atout majeur des forces de défense demeure l’esprit de corps comme le disait Napoléon. Il est né et s’est consolidé à travers les périodes de troubles, c’est dans ces lieux d’adversité où chaque fantassin, quels que soient son grade, son ethnie ou sa religion remet littéralement sa vie entre les mains de ses camarades d’armes. Une armée indisciplinée et divisée finit par devenir un danger pour elle-même, pour l’État et pour les citoyens qu’elle est censée protéger. Dans bien des pays africains, c’est au contraire l’esprit de clan et de caste qui domine au sein de forces armées, n’étant unitaires et républicaines que de nom. D’un côté émerge une armée de briscards, qui deviennent les maillons d’ une sorte de complot entre les différents des bras séculiers de la nomenklatura, où le pouvoir politique se sert de l’armée, et vice-versa. Au sommet de cette cohorte trônent des thuriféraires en uniforme, une minorité de hauts gradés, sauvagement embourgeoisés et incontournables. Mais, s’il est vrai que la proximité entre pouvoir politique et militaire, a fait de ces derniers des nababs, des fedayins aux ordres des leviers de décisions, il n’en demeure pas moins que le moral des forces armées au Cameroun, est plus que pitoyable. Et, à côté des étoilés, il existe une autre armée tout au fond de l’échelle sociale de la nomenklatura militaire. Elle est faite de tous ces laissés-pour-compte en tenue, malheureux, pauvres qui sont en dissonance, avec un haut commandement riche et méprisant. Les fonctionnaires corrompus camerounais sont plus riches que les hommes d’affaires, par ailleurs les militaires pourris du Cameroun sont plus riches que les ministres. La déliquescence des forces armées zaïroises, qui avait conduit à la misérable fin du président Mobutu, illustre cette naissance d’armées à deux vitesses, divisées, opposées et inégales, la règle qui prévaut pour le recrutement et plus encore pour l’encadrement des soldats étant souvent celle du clientélisme politico-ethnique, afin de les rendre plus sûrs et manipulables. Ainsi, les quelques centaines de militaires à l’origine de la mutinerie de Limbé ont été recrutés par le haut commandement actuel pour des raisons discrétionnaires. Face à la précarité matérielle, à la discrimination et à l’exclusion, nombre de ces soldats laissés à la traîne basculent facilement de l’indigne statut d’honnêtes gueux en uniforme à celui, moins honorable mais beaucoup plus profitable, de bandits armés. A reprendre ce néologisme qu’on a trouvé pendant la guerre civile de Sierra Leone le « sobel » - « soldier and rebel », une sorte de militaire hybride ayant la faculté d’être soldat le jour et rebelle gangster la nuit, c’est cette espèce qu’on retrouve le plus au sein de notre armée. Cette confusion qui ne dit pas son nom, laisse pantois ! Si la misère d’un citoyen civil peut demeurer un simple problème social, la misère morale d’un soldat en armes peut dégénérer en un défi politique propre à mettre en danger non seulement la survie du régime, mais également la paix et la stabilité de la société tout entière. Là réside l’extrême danger de la paupérisation dont certains sont victimes dans nos forces armées. Ce problème relève plus de l’encadrement civique. En Côte-d’Ivoire, les mutineries de décembre 1999 et de septembre 2002 eurent pour origine non pas des questions d’ordre politique, mais des revendications corporatistes : salaires, primes, casernes, promotions. Mais, au Cameroun les salaires sont encore assurés. Tout cela suffit-il à discipliner une armée où le vice et l’arbitraires, sont les grades les plus partagés ? Que faire de ces militaires médiocres et incontrôlables, dans un environnement délétère où les revendications civiles, bien qu’étant essentiellement alimentaires, sont une menace pour ce régime déjà fragilisé par les difficultés économiques ou les guerres de clans? Cette gâchette que Paul Biya braque sur le peuple camerounais, ne peut –elle pas se retourner contre lui ? |
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