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Du nationalisme à l’internationalisme (5ème partie)Anonyme, Jeudi, Septembre 25, 2008 - 16:06 (Analyses | Economy | Imperialism | Politiques & classes sociales | Repression | Resistance & Activism | Solidarite internationale)
Steve Tremblay
Laisser croire qu'il pourrait y avoir un quelconque lien, une quelconque démarche ou recherche commune au marxisme-léninisme ou au maoïsme avec la Gauche communiste, dans la construction du parti communiste, c’est la porte ouverte à toutes les compromissions organisationnelles et politiques, voire à l'entrisme, que la Gauche communiste a justement combattu. Les ex-militants de ces groupes doivent faire le bilan de leur passé politique et rompre politiquement avec celui-ci. Les communistes internationalistes de Montréal publient en sept parties, avec l’accord de l’auteur, la brochure Du nationalisme à l’internationalisme. Ci-dessous : la 5ième partie. 2ième partie : http://www.cmaq.net/node/30929 3ième partie : http://www.cmaq.net/node/30974 4ième partie : http://www.cmaq.net/node/31002 Les clandestins des Jeux Olympiques de 76 Lors de la venue des Jeux Olympiques à Montréal, en 1976, nous avions appris que les forces policières devaient faire des arrestations peu avant qu’ils ne débutent. Des membres du comité central et quelques autres personnes à peu près dans la même situation que la mienne (nombreuses arrestations) vont alors soit se déguiser, soit se cacher pendant toute la durée des jeux. En avril, un agent de la GRC est venu deux fois écoeurer ma conjointe, en lui disant qu’il voulait absolument me voir. Je n’avais pas eu de démêlés avec la police depuis 1971. Finalement, un soir, deux flics réussissent à me trouver à la maison. Comme ils n’avaient aucun mandat, je leur ai dit que je ne voulais rien savoir d’eux et qu’ils pouvaient décrisser sur le champ. Un des flics m’a dit qu’il m’épinglerait l’été prochain. J’ai donc passé la période des jeux, caché aux États-Unis. Il y eut effectivement des arrestations mais ce ne furent pas celles des militants; la police s’amusa plutôt à persécuter les clochards et autres vagabonds indésirables en vue de nettoyer la ville durant les Jeux, jetant ceux-ci en prison ou les « déportant » hors de l’Île de Montréal. Au Québec, depuis novembre 76, c’est le parti Québécois qui est au pouvoir. La première loi votée par celui-ci visa à empêcher toutes formes d’enquête sur la construction du stade olympique. Aucune investigation ne devait révéler comment des capitalistes québécois s’étaient enrichis frauduleusement lors de la construction du stade avec la complicité des syndicats de la construction. Un tout petit exemple : des grues étaient louées au coût exorbitant de 1 000$ par jour; on s’assurait aussi qu’une deuxième grue était en place au cas où la première briserait; et d’une troisième si par malheur la deuxième brisait! Le nouveau gouvernement péquiste vota – par une taxe spéciale sur la cigarette – que les fumeurs et fumeuses assumeraient les coûts faramineux de la construction du stade; c’est dire que c’est quand même en grande partie le prolétariat qui a payé pour ce dernier puisque le prolétariat compose la majeure partie de la population de n’importe quel pays! Un accident concernant le Premier ministre Lévesque montre que l’application des lois n’est jamais la même dépendamment de la classe sociale à laquelle on appartient. Le 5 février 77, Lévesque écrase à mort un homme durant la nuit après avoir passé la soirée avec des amis. Est-ce que Lévesque portait ses lunettes? Est-ce qu’il avait trop bu? Nous ne l’avons jamais su. Lévesque s’en tira très bien. Aucune enquête ne fut convoquée et il eut droit à un chauffeur privé dès le surlendemain de « l’accident ». Après avoir affirmé que les « objectifs à plus long terme de diffusion du programme et de ralliement ouvrier ont stagné dans une bonne mesure » et qu’ « il n’y a peut-être qu’un terrain [les luttes de libération nationale] sur lequel nous avons avancé vraiment », les campagnes de soutien à des luttes de libération nationale se poursuivaient : Salvador, Iran, Irlande et Nicaragua. Des articles dans le journal et la revue étaient publiés, des fonds étaient ramassés et même des militants ont été envoyés au Nicaragua quand les sandinistes ont pris le pouvoir. Au printemps 80, EL condamne le terrorisme de l’OLP. Cependant, et cela n’est pas sans rappeler le Parti communiste Révolutionnaire (PCR) qui appuie les maoïstes au Népal, les maos d’EL avaient « alors compris qu’il était vain de considérer ces luttes comme devant ou pouvant déboucher sur le socialisme de façon immédiate et nous avons cessé de critiquer les partis ou fronts qui y étaient engagés du point de vue de la lutte immédiate pour le socialisme. » Sur la crise du mouvement marxiste-léniniste, Charles Gagnon 1981. Cette seule citation est suffisante pour montrer qu’EL était complètement à l’extérieur du camp prolétarien et au service de la bourgeoisie quelle qu’elle fût. Les ouvriers ne ralliaient plus mais l’organisation avançait vraiment dans son appui aux luttes nationales dans les pays cités plus haut. EL ne critiquera pas les partis ou fronts qui mélangent les intérêts de la bourgeoisie aux prolétaires de ces pays parce que ce n’est pas une lutte pour le socialisme. Fallait-il s’étonner après cela que le ralliement des prolétaires stagne? Un autre thème qui m’a particulièrement touché fut le financement de cette organisation. Je peux en parler en toute connaissance de cause puisque j’ai été responsable national des finances de l’organisation pendant plusieurs années. Autour de 1978, à un certain moment, nous avons même fait une campagne de financement à l’échelle du pays, campagne qui accumula 147 500$. Quand je pense à cet argent pris dans la poche de travailleurs et de travailleuses pour une organisation du capital, il n’y a pas de quoi pavoiser. En Lutte! avait aussi toute une panoplie d’entreprises pour diffuser le marxisme-léninisme: une maison d’édition, une imprimerie (les Presses Solidaires) qui imprimait aussi pour les syndicats, une troupe de théâtre (le théâtre de la Shop), des librairies à Québec, Montréal, Toronto et Vancouver, une troupe de chanteuses et de chanteurs ainsi qu’une agence de distribution de brochures, de films et de disques. Deux disques de chants révolutionnaires furent produits par En Lutte! Toutes ces entreprises avaient une foule de permanents (Voir note 1) qui, avec la majorité des élus libérés de leur travail quotidien, possédaient ainsi un poids politique important dans l’organisation. Je n’ai jamais été permanent et je pense toujours qu’une véritable organisation révolutionnaire doit avoir le moins possible de militants permanents. À partir de 1976, une revue théorique nommée Unité Prolétarienne, produite en anglais et en français, (Voir note 2) commença à être publiée avec des articles plus en profondeur que le seul journal En Lutte! . Les articles étaient cependant basés sur le maoïsme et le marxisme-léninisme et donc toujours à cent lieues des idées que je préconise actuellement, c’est-à-dire, les positions politiques générales du courant de la Gauche communiste. D’ailleurs, l’existence même de la Gauche communiste était ignorée des militants. Une revue internationale en français, en anglais et en espagnol (Forum International) a été publiée dès 1977. Cette revue publia des articles de différents groupes staliniens : maoïstes, marxistes-léninistes, pro-albanais. Quelques fois des militants d’ En Lutte! allaient dans d’autres pays aider des groupes à mieux s’organiser. En Lutte! était indépendant financièrement de tout groupe ou pays dans le monde. Cependant ses journaux et revues ont fait la promotion du capitaliste d’État chinois et albanais qu’ils nommaient socialisme. En Lutte! prétendait que la Chine avait été socialiste jusqu’à la mort de Mao mais qu’après, sans qu’il y ait des soulèvements ouvriers, elle passa au capitalisme d’état. Bizarre dialectique car si la Chine avait été vraiment socialiste, la classe ouvrière aurait réagi fortement pour ne pas perdre le pouvoir. Devant l’évidence de l’aspect réactionnaire de la théorie des Trois-Monde, En Lutte! finit par dénoncer cette idée maoïste. En effet, cette théorie éliminait complètement la lutte de la classe ouvrière contre la bourgeoisie. Selon celle-ci, il y avait deux superpuissances : les État-Unis et l’Union Soviétique qui constituaient le premier monde. Le deuxième monde était représenté par les pays impérialistes sous la coupe des pays du premier monde. Le troisième monde était tous les autres pays incluant les pays « socialistes » comme la Chine. Des régimes du soi-disant troisième monde, aussi pourris furent-ils, comme par exemple, la Roumanie de Ceausescu et le Chili de Pinochet, devaient être appuyés lorsqu’ils étaient en lutte contre le premier monde ! Un parti maoïste comme le parti « communiste » ouvrier (PCO) alla jusqu’à appuyer l’impérialiste canadien en soutenant les velléités d’indépendance de la bourgeoisie canadienne contre l’impérialisme américain. Quant au parti « communiste » chinois, il en venait même à appuyer des gestes de l’impérialisme américain contre l’impérialisme soviétique. En effet, pour les maoïstes chinois, l’ennemi principal était représenté par l’impérialisme soviétique ; cela encouragea même la Chine à accorder une aide financière au régime de Pinochet du Chili parce qu’il était contre l’impérialisme russe. Voici ce qu’en dit le Bureau International pour le Parti Révolutionnaire dans sa plateforme : « En Chine, à travers un parcours différent, on aboutit au même résultat, c’est-à-dire à un capitalisme d’État qui est encore aujourd’hui en train de chercher son rôle au sein du système impérialiste international. La différence essentielle dans l’histoire chinoise est qu’elle n’a jamais connu de révolution prolétarienne similaire à l’Octobre russe de 1917. L’histoire du présent régime chinois débute par la défaite tragique du mouvement prolétarien de Canton et de Shanghai en 1927. Elle fut suivie d’une guerre nationale conduite par un bloc de classes dans laquelle la paysannerie servit de troupes de choc. Elle se termina par l’établissement d’un régime sous les auspices staliniens, et fondé sur le même genre de rapports capitalistes d’État hautement centralisés. Ce régime, qui rompit avec la sphère d’influence russe dans les années 60, sous la bannière du néo-stalinisme, se retrouva orienté vers les États-Unis dans les années 70. Mais ces revirements, apparemment contradictoires, étaient le résultat de tentatives pour maintenir le contrôle de l’économie et pour encourager l’accumulation du capital. La Chine n’a jamais été une puissance prolétarienne, et l’idéologie du maoïsme n’était rien de plus qu’un moyen pour embrigader les masses afin qu’elles sacrifient leurs intérêts au bénéfice du capital national. » La position d’ En Lutte! , lors du référendum de 1980, le plaça encore plus formellement – face à la classe ouvrière – dans le camp des partis politiques parlementaires en n’exprimant seulement le souci que la question référendaire soit claire. Dans le système démocratique parlementaire, il n’y a que les opinions politiques bourgeoises qui peuvent être exprimées. EL prôna donc l’annulation lors du référendum alors que le PCO prôna l’abstention. Alors En Lutte! mit sur pied un comité pour l’annulation qui était illégale parce que tous les votants selon la loi des péquistes devaient être sous les parapluies du OUI ou du NON. Une brochure fut publiée dont le titre était Ni fédéralisme renouvelé, ni souveraîneté-association. Elle a été diffusée dans tout le Canada. Où se situent les intérêts du prolétariat dans un choix aussi pourri? Loin de tout cela, loin des questions parlementaires qui servent toujours uniquement les intérêts de la bourgeoisie, peu importe laquelle. Répétons-le encore : malgré tout semblant d’apparence prolétarienne, En Lutte! n’a jamais figuré dans le camp du prolétariat. Les positions gauchistes qu’il véhiculait, comme toutes les positions gauchistes en général, n’ont fait qu’avantager la bourgeoisie en semant la confusion parmi notre classe. À l’été 80, j’ai organisé un voyage en Albanie avec une vingtaine de membres et de sympathisants. Ce fut toute une affaire pour y aller parce que le Canada n’avait absolument aucun lien avec ce pays, un des résultats de la guerre froide. En Albanie, les staliniens d’Enver Hoxha prirent le pouvoir durant la deuxième guerre mondiale. Lors des querelles inter-impérialistes russes et chinoises, l’Albanie se rangea dans le camp de l’impérialisme chinois. En 76-77, les contradictions entre les staliniens purs albanais et les staliniens maoïstes s’aggravèrent et l’Albanie s’orienta vers l’impérialisme français et celui des pays scandinaves. Car, dans l’ère de la décadence actuelle, où le capitalisme a réussi à étendre sa domination partout sur le globe, chaque pays devient impérialiste. Donc, empêtrés dans la boue stalinienne du marxisme-léninisme, nous nous préparions un voyage en Albanie comme les musulmans vers La Mecque. Nous avons visité ce petit pays de deux millions d’habitants pendant deux semaines. Nous avons visité des usines, un hôpital, une garderie, des musées, une coopérative, un centre dentaire et j’en oublie. Quelle déception ce fut pour la plupart d’entre nous! Premièrement il fut complètement impossible de rencontrer des dirigeants du Parti du Travail d’Albanie, le parti stalinien qui gérait le capitalisme d’état albanais ne reconnaissait que la secte du PCC (m-l). Deuxièmement, le nationalisme albanais était présent partout et notre idéal de « l’internationalisme prolétarien » même à travers la lorgnette marxisme-léninisme en prenait un coup. Encore la police et ses mercenaires Autre incident avec les forces policières à Katevale (Sainte-Catherine d’Hatley) en Estrie, le 29 septembre 78. Des militants d’EL et de groupes populaires avaient loué pour une fin de semaine un camp pour de la formation. Une vingtaine d’agents de la GRC encerclèrent alors le lieu de la réunion. Leur but? Il est fort probable qu’il s’agissait encore une fois d’une manœuvre de répression en vue de gêner le travail de certains militants et d’intimider les plus jeunes. Il fallait se tirer d’affaire. Quelques militants réussirent à sortir du camp sans que les policiers ne s’en rendent compte et ils téléphonèrent à des journalistes toujours en quête de nouvelles sensationnelles. Ils leur dirent qu’il y avait une réunion paisible en cours dans un camp plutôt tranquille de Katevale et qu’une vingtaine d’agents policiers en civil l’encerclaient actuellement. Il n’en fallut certes pas plus pour que les journalistes se rendent sur place ce qui gêna le travail des policiers pour procéder à des arrestations. Nous en avons photographié quelques-uns dont certains étaient déguisés en chasseurs. Suite à cette bavure monumentale, la Sûreté du Québec prétendit ne pas être au courant de cette rencontre et de l’activité de ses agents là-bas. Cependant, au même moment, ces flics menteurs fouillaient des voitures dans le village de Katevale. Évidemment, les médias bourgeois ont très peu parlé de cette entreprise d’envergure de la police qui a foiré. Restons un peu dans le même sujet. Au printemps 70, dans une librairie maoïste de Montréal, le feu avait été mis (c’était un incendie criminel) alors qu’il y avait un gars de la librairie à l’intérieur. Celui-ci avait essayé d’éteindre le feu avec ses mains et des linges, se brûlant assez sévèrement par la même occasion. Des policiers sont arrivés presque immédiatement après que le feu se fût déclenché et ils ont procédé à l’arrestation du responsable de la librairie. Celui-ci a été condamné à six mois de prison prétendument parce qu’il avait mis le feu à sa librairie afin de faire de la publicité pour la cause maoïste. La preuve, il s’était brûlé les mains en y mettant le feu! Un midi à l’été 77, alors que je sortais du centre aux adultes où j’enseignais, j’écoutais la radio et j’entendis qu’à l’usine Robin Hood, on venait de tirer sur les ouvriers en grève. Je décide de me rendre expressément sur les lieux pour voir de quoi il en retournait. J’appris alors que « les tueurs à gage » de la compagnie venaient de tirer sur les travailleurs. Aucun gréviste n’avait été blessé par chance. Cependant de l’autre côté de la rue, une balle avait traversé la fenêtre d’un appartement et avait heurté un mur juste au-dessus du lit où un bébé faisait sa sieste. Donc, sur les lieux de l’accrochage, je vois les gardes de sécurité et/ou tueurs à gage qui se replient sur le terrain de la compagnie. Les policiers arrivent un peu plus tard. Personne ne trouve le moyen de réagir face à cette fusillade. J’ai alors fait de l’agitation auprès des grévistes en disant que « les gardiens de la compagnie viennent de vous tirer dessus devant tout le monde et la police ne fait rien, ce sont des tueurs, il faut les arrêter. » Nous avons donc pressé les flics à arrêter ces tueurs potentiels… Devant notre insistance, deux autos de flics ont pénétré le terrain de l’usine…Une demi-heure plus tard, les autos des flics sortent à toute vitesse avec, nous semblait-il, aucun garde à l’intérieur que des flics à l’intérieur. Nous avons su par la suite que les flics avaient permis à ceux-ci de se coucher sur le siège arrière pour ne pas être vus. Bien entendu, il fallait s’y attendre, lors de leur passage en cour, ils ont tous été acquittés. Selon le juge, ils étaient en loi; ils étaient chargés de défendre la propriété privée de Robin Hood. Les grévistes devaient rester sur le trottoir et non pas empiéter d’un mètre ou deux sur le terrain de la compagnie sinon les capitalistes et leurs gardes de sécurité avaient le droit de leur tirer dessus. Il y a d’autres exemples du fait que l’État n’est pas neutre, qu’il est un instrument de répression pour protéger la propriété des capitalistes. À la Regent Knitting Mills à St-Jérôme, avant sa fermeture, il y eut des incidents semblables : des ouvriers avaient été battus parce qu’ils avaient osé faire quelques pas sur le terrain de la compagnie. Dissolution du groupe maoïste En Lutte ! Dès 1980, En Lutte! a eu de plus en plus de difficulté à rallier des travailleurs, en particulier des ouvriers. Durant toute son existence, En Lutte! n’eut qu’une minorité d’ouvrières et d’ouvriers comme membres. L’organisation était composée de beaucoup plus de professeurs de cégeps, d’université et d’étudiants que de prolétaires. Comme EL avait prôné l’annulation lors du référendum de 80, beaucoup de militants ont quitté suite à la victoire du NON, certains mettaient de l’avant qu’il aurait fallu proposer de voter OUI mais un Oui critique (sic). Françoise David qui a fondé Québec Solidaire (QS) était de ce groupe. Aussi, après la dissolution, certains sont devenus anticommunistes parce qu’ils assimilaient le communisme au stalinisme, d’autres ont opté pour le nationalisme québécois à la sauce féministe saupoudrée de social-démocratie comme une des cadres de l’organisation Françoise David. Il y en a eu aussi qui ont carrément rejoint les rangs féministes bourgeois ou social-démocrates. Quant à d’autres, ils se sont enrichis grâce aux entreprises qu’ils ont créées. Le programme stalinien d’ En Lutte! n’était plus défendu – et avec des bémols – que par une petite minorité : les comités des trente. J’ai rejoint cette minorité pendant quelque temps jusqu’à sa disparition quelques semaines après la dissolution de l’organisation. Quant à la majorité, elle défendait des positions sociales-démocrates. L’OMLC En Lutte! s’est dissoute en mai 82 à 187 voix en faveur de sa dissolution, 25 contre et 12 abstentions. En Lutte! n'a pas pu trouver dans ses études staliniennes la force théorique et politique pour tirer les leçons de la succession de défaites en Allemagne, Russie, etc. Il n’a pas trouvé que l’isolement de la Russie révolutionnaire au début des années 20 était la cause principale de sa rapide dégénérescence. C’était le point principal qui indiquait bien qu’EL n’était pas dans le camp prolétarien. En fait, En Lutte! a été une très bonne école de formation pour des cadres et dirigeants d’organisations de la bourgeoisie. Ce fut la même chose avec les autres formations staliniennes rivales. En voici quelques exemples mais la liste est très incomplète. D’ En Lutte! , il y a eu Françoise David, chef de QS; François Saillant, candidat de QS et dirigeant du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU); Raymond Legault du Collectif Échec à la guerre; André Paradis de la Ligue des Droits et Libertés; André Lavallée, maire d’arrondissement de Montréal pour le parti du maire Tremblay; Monique Séguin et Diane Fortier, ex-présidentes de l’Alliance des profs de Montréal; des journalistes des médias comme Christian Rioux au Devoir et des avocats syndicaux. Du PCO, il y a eu Marc Laviolette, ex-président de la CSN et militant du PQ; Gilles Duceppe, chef du Bloc Québécois; Pierre-Paul Roy, ex-chef de cabinet de Gilles Duceppe et ancien conseiller de Lucien Bouchard ; Jean-François Lisée, journaliste et ex-conseiller spécial du PQ. Du PCC (m-l), il y a eu Arnold August, président de l’agence de voyage Voyages Culture Cuba; Pierre Dupont journaliste à Radio-Canada. De l’Union Bolchévique, il y a eu Pierre Dubuc, directeur de l’Aut’Journal et candidat à la chefferie du PQ. De Mobilisation, il y a eu Pierre Baudet à l’Alternatives. Ces individus ont introduit parmi la classe ouvrière la position nationaliste du « socialisme dans un seul pays ». Ces personnes au fond ont jamais trahi, elles ont simplement continué la politique de la bourgeoisie mais d’une autre façon. J’avais déjà démissionné depuis octobre 81 après avoir investi neuf ans de ma vie politique dans cette organisation. Ce n’est pas parce que j’étais conscient qu’ En Lutte! avait été une organisation stalinienne mais plutôt parce que je trouvais que depuis un an, l’organisation tendait de plus en plus vers la social-démocratie. Mes activités politiques militantes dans des groupes ou partis nationalistes et gauchistes m’ont fait perdre du temps, de l’argent, des jours de liberté et surtout m’ont désorienté dans ma volonté d’être partie prenante dans la lutte pour le communisme. Certains diront qu’en militant dans ces groupes, je me suis politisé. Non pas du tout et même pire, les habitudes et les idées acquises dans des groupes gauchistes ont retardé ma connaissance d’un marxisme véritablement vivant. Le militantisme dans ces groupes ou partis m’a rendu complice de ces organisations du capital en embarquant des éléments conscients du prolétariat dans la même galère que moi tout en semant la confusion parmi ceux-ci. Il n’existe aucune continuité entre le militantisme dans ces groupes du camp politique bourgeois et le camp prolétarien( Note de ST). Laisser croire que les révolutionnaires puissent faire un bout de chemin ou "partager une expérience", avec des groupes maoïstes, c’est dans le meilleur des cas, l'ouverture au frontisme... que la Gauche communiste a toujours combattue. Laisser croire qu'il pourrait y avoir un quelconque lien, une quelconque démarche ou recherche commune au maoïsme avec la Gauche communiste, dans la construction du parti communiste, c’est la porte ouverte à toutes les compromissions organisationnelles et politiques, voire à l'entrisme, que la Gauche communiste a justement combattu. Ces militants doivent faire le bilan de leur passé politique et rompre politiquement avec celui-ci. C’est une condition indispensable pour pouvoir développer une activité révolutionnaire dégagée, au mieux des restes de gauchisme, tant dans la compréhension des questions politiques que dans les questions organisationnelles. C’est ici la raison principale de cet ouvrage. Je n’ai pas abordé le trotskisme et les trotskistes dans cette autobiographie politique. La raison en est bien simple : c’est que je n’ai jamais milité de près ou de loin dans aucune de leurs organisations. Je considère que les organisations trotskistes sont tout aussi nuisibles au prolétariat que les maoïstes. Pour plus d’informations, je suggère la lecture de la brochure Trotski, le trotskisme, les trotskistes De la révolution au réformisme. La brochure est une traduction d’un texte de la Communist Workers Organisation datant d’octobre 2000. Sa publication en français est le produit des efforts du Groupe Internationaliste Ouvrier (Canada) et de Bilan et Perspective (France). Parallèlement, j’avais toujours milité dans la CEQ et l’Alliance des professeurs et j’ai continué à militer dans ces organisations de sabotages des luttes ouvrières jusqu’en 2002. Pour plus de détails sur le bilan que je fais de mes trente ans d’engagement syndical, voir la brochure « Du syndicalisme critique à la critique du syndicalisme, Témoignage d’un ex-syndicaliste en colère ». Le fait que j’en suis venu à rejeter les syndicats en tant qu’organe prolétarien ne veut pas dire que je ne participe pas aux luttes de mes frères et sœurs de l’enseignement, loin de là. En participant par exemple aux assemblées de profs, je fais des propositions pour que nos luttes sortent du cadre corporatiste syndical, qu’elles s’étendent à d’autres travailleuses et travailleurs sur des bases communes. Après la dissolution d’ En Lutte! , j’ai rejoint quelques militants qui se rencontraient régulièrement pour critiquer le « marxisme » de Staline et surtout sa vision idéaliste des sciences. Ce petit groupe de discussion intellectuelle a eu une existence brève qui ne dépassa pas une année. Un de ses sujets de débat fut l’affaire Lyssenko. Un scientifique favori de Staline, Lyssenko attaqua la génétique de manière agressive ce qui fit en sorte qu’elle fut finalement qualifiée de “pseudoscience bourgeoise” et bannie en 1948 par l’URSS. Beaucoup de scientifiques se soumirent aux théories de Lyssenko qui avait l’approbation du comité central du parti stalinien. La consolidation du capitalisme d’état en Russie s’est faite à tous les niveaux de la société. « L’inquisition » stalinienne a eu des résultats néfastes même pour la science bourgeoise. Ainsi les scientifiques publièrent des lettres dans lesquelles ils avouaient leurs erreurs et louaient la sagesse du parti stalinien. Ceux qui s'y refusèrent perdirent leurs postes. Certains furent même envoyés dans des camps de travail, d'autres disparurent à tout jamais. En effet, dans les années 30, l’État de Staline tenta de discréditer les intellectuels universitaires qualifiés de bourgeois et trop souvent instruits à l’étranger, pour les remplacer par des « fils du peuple » dont l’ascension dépendait de l’État et qui étaient, en l’occurrence, beaucoup plus malléables. Pour plus de détails, lire le roman Les robes blanches de Vladimir Doudintsev 1967. C’est le sort tragique d’un savant ayant refusé de se plier aux thèses de Lyssenko qui avait condamné la génétique. Après le naufrage des m-l, j’ai continué à errer sur la mer du militantisme comme les passagers du radeau de la Méduse sans trop savoir où j’allais. Dans les faits, je m’embourbais encore plus dans le réformisme et le nationalisme sans même m’en rendre compte. L’idéologie bourgeoise est des plus insidieuses. La lutte contre les pesticides dans une ville de banlieue En 89, je fonde un Groupe pour en Finir avec les Pesticides (GFP). J’étais écoeuré des banlieusards qui voulaient un gazon semblable à un tapis vert de table de billard et empoisonné par les vapeurs des pesticides. Ce fut mon petit trip écolo dans le sens de « penser localement et agir localement », slogan que certains anars aiment particulièrement. Le maire ultra-conservateur de la ville avait comme personne-ressource sur les pesticides un représentant du monopole Chemlawn. Ce monopole savait s’introduire les pieds dans les conseils municipaux où il y avait une forte opposition à l’usage des pesticides chimiques. D’ailleurs, quand une interdiction des pesticides chimiques a été votée par un autre conseil municipal quelques années plus tard, Chemlawn avait déjà son pesticide « écologique ». Les Verts font même la promotion de ce monopole en disant que « L'industrie va s'adapter à cette nouvelle réalité et va offrir des solutions alternatives, comme c'est déjà le cas de certaines compagnies» (incluant Chemlawn!) . (Mémoire présenté au Groupe de réflexion sur les pesticides en milieu urbain par la Coalition pour les alternatives aux pesticides) . Cependant pour les ouvriers et ouvrières, rien n’a changé, le monopole continue toujours à engranger la plus-value. Je parle de cette lutte pour montrer qu’il est toujours possible de gagner quelques miettes sans que ça remette en cause l’ensemble d’un système politique et économique, un régime économique qui, par la prémisse même de son existence (la nécessité d’accumuler de la valeur d’échange, de faire des profits), a détruit l’environnement terrestre jusqu’à entraîner l’effet de serre. D’ailleurs, ces quelques miettes gagnées ne sont jamais que l’illusion d’une victoire où les corporations financières, de concert avec les politiciens, acceptent de concéder la partie dans cette mystification qu’on appelle démocratie. En réalité, pour ces compagnies, leur pseudo protection de l’environnement peut doublement servir leurs intérêts et devenir payant sur le plan politique. Pour des petits ou gros politiciens comme Al Gore, ça permet de détourner les masses de travailleuses et de travailleurs de la lutte contre la cause de la destruction de l’environnement c’est-à-dire la recherche du profit. Il y a une vérité qui dérange et qu’ils ne diront pas : c’est que le véritable responsable de ce bouleversement climatique menaçant est le système capitaliste avec son inévitable course effrénée aux profits. Complètement à l’opposé de la réalité (où la satisfaction des besoins repose dans une dialectique permanente avec son environnement), pour les entreprises capitalistes, l’épanouissement et la survie et de leurs commerces ne se trouvent pas dans la préservation environnementale ou dans le développement de la satisfaction des besoins humains : ils se trouvent dans la capacité immédiate d’engranger le plus rapidement possible la plus-value ; et ce, peu importe les répercussions à court ou long terme. Note 1 : En Lutte! compte 68 employés en 1978 sur 378 membres soit 18% ce qui est énorme et très bureaucratique. http://www.cmaq.net/node/27683 |
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