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Du nationalisme à l’internationalisme (3ième partie)Anonyme, Jeudi, Septembre 18, 2008 - 16:08 (Analyses | "Anti-terrorisme"/Liberté | Economy | Imperialism | Politiques & classes sociales | Resistance & Activism | Solidarite internationale | Syndicats/Unions - Travail/Labor) L’action du FLQ a permis a un parti bourgeois comme le PQ de s’ériger en défenseur pacifique des institutions établies d’une part et d’autre part à l’État d’intensifier sa répression contre ceux qui n’avaient rien à voir avec le FLQ. L’action du FLQ, même s’il y avait à l’intérieur quelques ouvriers, ne reflétait aucunement un début de conscience de classe révolutionnaire mais plutôt un populisme ouvriériste. Les communistes internationalistes de Montréal publient en sept parties, avec l’accord de l’auteur, la brochure Du nationalisme à l’internationalisme. Ci-dessous : la 3ième partie. 2ième partie : http://www.cmaq.net/node/30929 La crise d’octobre Le 5 octobre, c’est l’enlèvement de James Richard Cross, haut fonctionnaire britannique. Le 8 octobre, c’est la diffusion sur les ondes du manifeste du FLQ. Le 10 octobre, le gouvernement de Robert Bourassa refuse toute négociation. Une heure plus tard, à St-Lambert, c’est l’enlèvement de Pierre Laporte par la cellule Chénier des frères Rose, Francis Simard et Bernard Lortie. Les dernières demandes du FLQ étaient la lecture du manifeste et le réengagement des 66 ouvriers de Lapalme qui se battaient encore pour retrouver leur emploi. Il s’agissait de 450 camionneurs de la compagnie privée Lapalme à qui le gouvernement fédéral avait retiré un important contrat de transport postal. C’étaient des travailleurs qui avaient été congédiés bêtement par le Fédéral sans compensation. La libération des prisonniers politiques avait été abandonnée. Mais ces nouvelles demandes étaient encore trop pour l’État fédéral. Le 15 octobre, en soirée, alors que l’armée est dans la rue, le gouvernement du Québec rejette les conditions du FLQ et offre la libération conditionnelle de cinq prisonniers politiques tout en permettant aux ravisseurs de quitter le pays. Bourassa demande à Ottawa d’invoquer la Loi sur les mesures de guerre. Le lendemain, pour la première fois au pays, le premier ministre du Canada, Pierre Elliot Trudeau, proclame la Loi sur les mesures de guerre en temps de paix. Ces deux kidnappings donnèrent l’excuse nécessaire à l’État pour arrêter près de cinq cents personnes. J’étais toujours actif, comme maoïste, à Sherbrooke afin d’aider à la publication de l’Estrien Rouge. Le jeudi 15 octobre, en allant passer des tracts pour dénoncer les arrestations, on se fait arrêter sur l’autoroute 10 de l’Estrie. La police fouille le moteur, la valise, nos tracts étaient sur le siège arrière. Les flics ne les ont pas vus. Nous avons pu les passer à l’université de Sherbrooke. La même soirée, au centre Paul-Sauvé à Montréal il y eut une assemblée de plus de 3000 nationalistes qui appuyaient le Manifeste du FLQ. Le 17 octobre, les policiers retrouvent le cadavre de Pierre Laporte. Le 18 octobre, comme il nous reste encore des tracts et que je n’aime pas gaspiller, nous retournons à Sherbrooke. Nous y allons deux couples. Ma conjointe et moi et un autre couple. Nous avons réussi à nous rendre à Sherbrooke en passant par des routes secondaires parce que les routes principales étaient beaucoup plus surveillées. Nous passons nos tracts à la résidence des étudiantes de l’U. de S. Rendus à la dernière chambre, des policiers en civil nous attrapent. Nous sommes arrêtés et on demande aux flics ce qu’ils feront à nos conjointes ? Les flics répondent qu’ils n’ont rien contre elles et qu’elles sont libres. Trois semaines plus tard, toujours en prison, j’ai su qu’une demi-heure après notre arrestation, nos conjointes avaient été arrêtées pendant qu’elles nous attendaient dans l’auto. Nous avons été amenés à la prison de Sherbrooke et les femmes à la prison Tanguay à Montréal. À la prison de Sherbrooke, ils ont pris mes empreintes digitales de force après douze tentatives et ils nous ont amenés à la prison Parthenais de Montréal pour une durée de trois jours. Afin de montrer la peur qu’ils avaient de nous, j’étais menotté aux mains et aux pieds (ce qui habituellement était réservé aux dangereux criminels) avec Lori Rice durant tout le trajet de Sherbrooke à Montréal. Après les trois jours à Parthenais, ils nous ont retournés à la prison de Sherbrooke. Pendant trois semaines, pas de radio, pas de télévision, pas de journaux, pas de contacts avec des avocats et nos parents. La loi des mesures de guerre permettait cela pendant trois semaines. Nous étions aussi complètement isolés des détenus de droit commun. Il y avait une dizaine de personnes arrêtées avec nous dans la région de Sherbrooke. À chaque jour, il y en avait de libérées. Après trois semaines, je me suis retrouvé seul avec Mo. À propos des gens qui avaient été arrêtés, pour vous donner un exemple de l’exagération des mesures prises par l’État durant cette « crise », il y avait parmi nous un québécois qui, en arrivant tout juste des Etats-Unis, en se trouvant dans un restaurant de la province, s’esclaffa en lisant un article sur la mort de Laporte dans le Journal de Montréal. Dans le même restaurant, il y avait aussi un policier qui mangeait. Lorsqu’il l’a entendu, il l’a trouvé louche et a décidé de l’arrêter. Il a fait dix jours de prison pour avoir trouvé cela drôle. Il n’était pas politisé du tout. À la fin des trois semaines, mon camarade anglophone, Lori Rice, a été expulsé immédiatement vers le Royaume-Uni. Quant à nous, Mo et moi, nous passions toutes les semaines devant la cour mais le procès était à chaque fois reporté. Nous étions accusés d’être sympathisants du FLQ ce qui était complètement faux. En novembre, il y a la capture des kidnappeurs de James Cross. Le régime castriste accepte à ce moment de les recevoir. Quelques années plus tard, ils pourront se réfugier en France. Nous voulions sortir de prison. Jeunes et naïfs, nous décidâmes alors de faire une grève de la faim pour être entendus en demandant du même coup aux détenus politiques de Parthenais de faire de même ce qu’ils ont refusé. Nous, les deux couples, décidèrent quand même, avec entêtement, de suivre notre plan et entamèrent une grève de la faim pendant une quinzaine de jours, nous contentant seulement d’eau ou de thé. Bien sûr, ça n’a rien fait d’autre que de nous faire perdre du poids. On nous menaçait en effet de nous envoyer à Montréal si nous poursuivions notre action. Or, nous savions qu’un autre détenu politique faisait la grève de la faim depuis une quarantaine de jours et on le maintenait en vie par des intraveineuses. Nous avons donc cessé notre grève de la faim. En décembre, les autres détenus politiques ont finalement décidé de faire la grève de la faim. Nous avons décidé de ne pas en remettre mais nos deux femmes ont, quant à elles, décidé de reprendre à nouveau cette action une deuxième fois. La grève de la faim s’est terminée lors du réveillon de Noël. Encore une fois, ce moyen de pression ne produisit aucun résultat. Les frères Rose et Francis Simard sont arrêtés le 28 décembre dans un trou qu’ils avaient fait, sous la fournaise, dans le soubassement de la maison de campagne de Michel Viger. En lisant le livre de Francis Simard, j’ai appris qu’ils avaient négocié la libération des quelques détenus politiques qui étaient encore prisonniers, avant de se rendre. Ce qui était clair, c’est que notre libération sous caution dépendait entièrement de la capture des Rose et Simard. Nous sommes ainsi sortis sous cautionnement le lendemain 29 décembre. Par la suite, en mai 71, on chercha de nouveau à nous juger, tous ensemble, les deux couples. Cependant, nous réussîmes finalement à obtenir des procès séparés et je suis celui qui avait été sélectionné pour passer devant le juge en premier. Comme j’étais en prison pour une autre action politique que j’expliquerai plus loin, c’est Mo qui passa donc en cour avant les trois autres. Mo demanda à passer devant un jury. Nous étions tous accusés d’avoir aidé, soutenu et être membres du FLQ ce qui était complètement faux. Nous étions des sympathisants maoïstes et les deux femmes, elles, avaient seulement eu le malheur d’être nos conjointes. Mo fut acquitté par le jury et des membres de celui-ci vinrent même, une fois la sentence rendue, serrer la main de mon camarade devant le nez du juge. Le point sur lequel la défense s’était appuyée résidait dans le fait que de pouvoir passer des tracts pour informer la population, représentait un droit démocratique. Dans le tract venant du PCC(m-l), on disait qu’il y avait eu des centaines d’arrestations, que des gens avaient été battus, qu’un jour tout ceci se paierait cher et que le peuple finirait un jour par se révolter. Quant tu es attaqué par des fusils, la seule façon de se défendre vis-à-vis des gens qui ont des fusils, c’est d’avoir aussi des fusils. Ce texte reflétait l’aventurisme typique des maos, un aventurisme complètement coupé de la classe ouvrière. Le PCC (m-l) se basait sur la citation de Mao "le pouvoir est au bout du fusil" qui n’appartient nullement au corpus théorique du marxisme. C’est la conscience de la classe ouvrière qui est le facteur déterminant, même si la violence sera inévitable dans le processus du bouleversement révolutionnaire. Après ma libération en décembre, je suis retourné à mon travail (Metals and Alloy) pour chercher mon dernier chèque parce qu’après tous ces incidents, on n’a évidemment pas voulu me réembaucher. À mon départ, la langue de travail était principalement l’anglais. Je n’avais fait aucune action politique sur les lieux de travail mais quand les boss ont su que je m’étais fait arrêter sous des accusations de sympathie avec le FLQ, ils ont eu tellement peur que le français commença à prédominer dans l’entreprise. Les petits boss francophones, en admirables crétins, m’accueillirent comme un héros. En janvier, j’étais embauché comme professeur de physique au Cégep de Granby pour la session d’hiver, poste que je devais encore une fois perdre à l’automne à cause d’une autre arrestation. Durant cette période de procès, tout près du Cégep, il y avait une douzaine d’ouvrières en grève depuis neuf mois à la World Wide Gum, une fabrique de cartes de collection de sportifs professionnels comme, par exemple, de joueurs de baseball. Elles étaient syndiquées à la CSN et des scabs continuaient la production. Le syndicat, comme c’est la « tradition » pendant de longs conflits, maintenait les ouvrières dans un local pendant des jours, histoire de leur faire gagner leur maigre allocation de grévistes. J’appuyais cette grève avec des étudiantes et étudiants du cégep et après avoir rencontré la représentante des grévistes, qui était elle aussi en grève, nous avons décidé de faire un tract et de faire la tournée des usines syndiquées à la CSN pour parler de leur lutte. À l’une des usines, un cadre enragé a même tenté de m’écraser avec son auto dans le parking de l’entreprise. Grâce à un ouvrier de l’usine, j’ai pu me sauver. Une semaine après cette distribution de tracts aux portes d’usines syndiquées par la CSN, nous lisons dans le journal local de Granby – la Voix de l’Est – un article dans lequel la CSN nous dénonce et dit qu’elle n’a pas besoin de notre appui. Notre vision des syndicats était semblable à celle de la NEFAC aujourd’hui (la Northeastern Federation of Anarchist-Communists) : une critique des boss syndicaux et des directions sans vraiment aller plus loin. Pourtant le rôle du syndicat dans cette lutte était clair : durant neuf mois, il s’agissait de cantonner les ouvrières dans un local, de ne susciter aucune forme de solidarité active dans la région de Granby et auprès des autres prolétaires syndiqués CSN et de dénoncer ceux et celles qui les appuyaient ouvertement. Même si cette lutte était seulement de nature économique, le fait de rendre publique la lutte des grévistes, c’en était trop pour la centrale syndicale. Quelques jours après la parution de cet article dans la la Voix de l’Est, la grève était terminée sans même qu’il fut possible de connaître les conditions de retour au travail des ouvrières. J’ai à maintes reprises tenté de reprendre contact avec la représentante mais, je ne fus jamais en mesure de la retrouver. Dans le monde entier, surtout en Europe et aux Etats-Unis, il y avait encore des manifestations particulièrement violentes contre la guerre au Vietnam. Au Danemark, par exemple, le consulat américain avait été brûlé. En Suède, à Paris, à Londres, les ambassades et consulats américains étaient physiquement attaqués. Pour faire suite à la déclaration de Mao un an auparavant, (Peuples du monde entier, unissez-vous pour abattre les agresseurs américains et leurs laquais !), les maoïstes canadiens décidaient d’organiser une manifestation qui devait se rendre au consulat américain de Montréal. J’avais donc couvert la ville de Granby d’affiches et passé des tracts avec des étudiantes et des étudiants pour cette manifestation. L’évènement eut lieu le 20 mai 71 et débuta au Carré St-Louis. Il y avait près de cinq cents personnes et une très forte pluie s’abattait sur Montréal. Au coin des rues St-Denis et Sherbrooke, les porte-voix de la police aboyaient que la manifestation était illégale, toujours à cause du règlement passé par Drapeau, le maire de Montréal à cette époque. Nous avons quand même continué mais au coin de Sherbrooke et St-Urbain, il y avait plusieurs centaines de policiers qui nous attendaient. Nous étions équipés de 2x4 qui nous servaient comme hampes pour les drapeaux rouges. Devant notre « insistance » à poursuivre la manifestation, le premier rang de policiers est tombé mais le deuxième rang de policiers nous a fait tomber. Ma conjointe a été parmi les premières personnes arrêtées. Ils l’ont lancée dans un panier à salade mais elle réussit à s’échapper du véhicule car, dans l’acharnement des policiers à se défouler à coups de matraques sur les manifestants, ceux-ci ne l’ont jamais vue prendre la fuite. J’ai été arrêté avec plus d’une soixantaine d’autres manifestants. Pendant une semaine à Parthenais, les autorités judiciaires ont refusé de nous libérer sous caution. Des manifestants étaient venus d’Ontario, mais seuls ceux et celles qui demeuraient au Québec ont pu obtenir un cautionnement après une semaine. Un mois plus tard, nous avons eu notre procès. Des policiers venaient témoigner avec des bras dans le plâtre de même que des manifestants tout aussi maganés. Nous avons été accusés de participation à une manifestation illégale ce qui nous valut un mois de prison. Cependant, pour celles et ceux qui avaient un dossier judiciaire, c’était deux mois de prison plus 100$ d’amende. Lors de l’écoute de cette condamnation par le juge (nous étions jugés par groupe de cinq pour que le tribunal se débarrasse plus rapidement de l’affaire), nous avions une consigne stupide provenant de la direction du PCC (m-l) et qui consistait à lui montrer notre poing. Le résultat ne s’est pas fait attendre : une amende supplémentaire de 100$ ainsi qu’un mois de prison additionnel pour ceux et celles ne possédant pas de casier judiciaire et, deux mois de prison additionnels pour les personnes qui en possédaient déjà un. Étant prof de cégep, j’avais des étudiantes et des étudiants qui avaient participé à la manif. Les policiers ont été voir leurs parents pour m’accuser de détournement de mineurs ; cependant, je faisais les réunions au vu et au su des parents et parfois chez leurs parents. Dans certains cas, les parents appuyaient même notre cause, alors la tentative pour m’accuser de détournement de mineurs tomba à l’eau. J’ai donc passé l’été 71 à Bordeaux. Politiquement, l’action des maoïstes avait été de faire le jeu de l’impérialisme chinois que Mao était en train de développer sur les cadavres de millions de paysans et de prolétaires. Les militants maoïstes étaient des pions dans la lutte de Mao contre les autres puissances impérialistes, y inclus l’impérialisme russe. D’ailleurs, les maoïstes se servent souvent du terme peuple pour oblitérer le rôle du prolétariat. Le terme peuple leur permet d’y inclure la bourgeoisie de pays impérialistes dominés – à ce moment – par l’impérialisme américain et russe. À ma sortie de la prison de Bordeaux, ayant perdu toute possibilité d’embauche au Cégep de Granby, j’ai travaillé comme valet d’automobiles dans des stationnements, de huit à douze heures par jour au salaire minimum. Du mois d’août 71 à avril 72, je suis rentré dans une semi-clandestinité parce qu’à cette époque-là, les policiers arrêtaient des militants pour tout ou rien. Par exemple, la police arrête à Montréal un militant, l’emmène en Montérégie dans un bois et puisque celui-ci ne veut pas collaborer, les policiers en civil l’abandonnent dans le bois à trois heures du matin. C’étaient des menaces que certains militants pouvaient voir s’accomplir. Vivre dans une semi-clandestinité, ça voulait dire de continuer à travailler mais en donnant de fausses adresses pour la résidence, pour le téléphone, etc. À l’été 71, le Parti Communiste du Canada Marxiste-léniniste (PCC M-L) créé en 1970 a vu plus de 90% de ses militants francophones le quitter. Le fait que presque toutes les réunions du parti à Montréal se déroulaient en anglais a été un facteur important. La direction aventureuse et provocatrice lors de la manifestation du 20 mai a été un autre facteur important. Comme dans toute organisation au service du capital, la scission ne s’est pas faite sur une base politique claire et il n’était pas question de fraction. Des années plus tard, j’apprenais que la direction du PCC (m-l) avait envisagé l’assassinat d’un sympathisant, leader de la scission, mais que les conditions n’étaient pas propices selon elle à commettre cet acte. J’ai milité quelques mois, le temps de son existence, au Mouvement Révolutionnaire Ouvrier (MRO) dirigé par Pierre Dupont qui, quelque temps après la disparition du MRO s’est retrouvé journaliste à la télé de Radio-Canada. Ce petit groupe ne remettait pas foncièrement en cause le stalinisme et sa variante maoïsme. À l’automne, le 29 octobre, il s’est passé un autre événement : la grande manifestation de soutien devant les bureaux de La Presse dans le centre-ville de Montréal aux travailleuses et travailleurs du journal qui étaient en grève depuis quelques mois. La manifestation était illégale (toujours le même règlement). Il y eut plus de 15 000 manifestants. J’étais de ce nombre et ce fut une autre belle occasion de constater à quel point les policiers pouvaient être enragés face à ce type d’évènement. Ils avaient probablement reçu l’ordre de mater les manifestants et comme toute force répressive appartenant à l’État bourgeois, ils ne mettaient jamais en doute les ordres reçus. Il faut dire que contrairement aux manifs nationalistes des années précédentes, celle-ci était composée majoritairement de prolétaires alors que celles des années 68-69 étaient le fait très majoritairement de petits-bourgeois et d’étudiants principalement. Ce fut toute une escarmouche… 200 arrestations, 300 blessés et même, malheureusement, une personne décédée : la manifestante Michelle Gauthier. Durant la manif, des manifestants reconnurent aussi un étudiant qui était un délateur. Celui-ci réussit à se sauver des manifestants en montant à toute vitesse dans une auto de police… Les manifestants n’auraient assurément pas donné cher de sa peau. Après la dissolution violente de la manif, ses participants se regroupaient par centaines et tous avaient en mémoire un ou une des leurs, blessés par les forces de l’ordre du capital. À cette époque, j’avais la chance de pouvoir loger chez plusieurs personnes réparties un peu partout sur l’ensemble du territoire québécois grâce à des contacts que nous avions à Hull, Sherbrooke, Québec… Ces gens étaient en majeure partie des prolétaires sympathiques à la cause. On pouvait rester chez eux deux à trois jours et ils s’excusaient de ne pouvoir faire que cela pour le moment. Ils étaient gênés que leur seule aide était de pouvoir nous loger. C’était la même chose avec les chauffeurs de taxi. Lors d’une manif par exemple, si on avait à se sauver, on montait dans le taxi et le chauffeur était heureux de nous transporter gratuitement. En 71-72, débuta une forme de conditionnement et même de sabotage des manifs par les militants du PQ. Ceux-ci faisaient de l’agitation du genre « attendons aux élections », « les députés vont régler cela ». Le parlementarisme, qui était ridiculisé dans le milieu ouvrier, recommença à subjuguer plus de prolétaires avec la montée du PQ. Le dévoiement de la classe ouvrière vers la démocratie bourgeoise depuis 100 ans a entraîné sa défaite et sa passivité. Les élections sont un terrain où le prolétariat n’a aucune véritable place sauf lorsque vient le temps de tracer un X à tous les quatre ans pour mettre au pouvoir des bourgeois du même genre [voir http://www.cmaq.net/node/26888 Un cirque de la noirceur et du mensonge : l’Assemblée nationale]. En 71-72, le FLQ est pratiquement disparu. Tout ce qui en reste est le journal « Nous vaincrons » diffusé clandestinement et sporadiquement. Le 16 juillet 1974, une provocation policière a lieu : une bombe éclate entre les mains de l'agent Robert Samson, au moment où le policier allait secrètement déposer l'engin à la résidence montréalaise de la famille Steinberg, propriétaire d'une chaîne de magasins d'alimentation où sévissait une grève. Plus tard, en mars 1976, lors de son procès, l’agent provocateur a reconnu avoir été impliqué, au nom de la GRC, dans d'autres activités douteuses. Sommé de s'expliquer, il évoqua l’"Opération Bricole", nom de code donné à l'intrusion illégale, perpétrée le 7 octobre 1972, dans les locaux de l'Agence de presse libre du Québec (APLQ), agence de presse gauchiste, au cours de laquelle des documents avaient été subtilisés. Une expérience de lutte mémorable fut celle du Front Commun de 1971-72 : « La revendication principale était un salaire d’au moins 100$ par semaine pour tous les employés de l’État. Alors gréviste au Cégep Édouard-Montpetit, j’étais à l’écoute de tout ce qui se passait sur les lieux de travail au Québec, et je me suis rendu compte que les syndicats étaient vraiment en train de perdre le contrôle des travailleuses et travailleurs durant cette lutte. Ainsi, on pouvait constater à travers la province des occupations de villes, comme celle de Sept-Îles, des amorces de conseils ouvriers, des occupations de postes de radio pour informer la classe ouvrière des revendications ouvrières, des appels à la solidarité, des blocages de routes, des débrayages illégaux d’usines pour appuyer le secteur public, des occupations de lieux de travail et de multiples autres manifestations.[Le chef du PQ René Lévesque dénonça les événements de Sept-Îles comme des « folichonneries.]L’État géré par les libéraux finit par réussir à mater les travailleuses et travailleurs par la répression policière et plusieurs arrestations. Il a cependant fallu que l’État jette du lest : la revendication principale, le 100$ par semaine, fut gagnée. Les trois chefs : Marcel Pépin de la CSN, Louis Laberge, déjà cité, de la FTQ et Yvon Charbonneau(voir note) de la CEQ furent condamnés à la prison. Ces trois condamnations permirent au gouvernement libéral de détourner la lutte revendicative vers celle réclamant leur libération. De plus, des syndicalistes de la CSN divisèrent encore davantage la classe ouvrière en formant encore une autre centrale syndicale, la CSD. Les centrales syndicales finirent par reprendre le contrôle idéologique du mouvement en rediffusant très largement trois brochures : “Ne comptons que sur nos propres moyens” de la CSN, “L’État, rouage de notre exploitation” de la FTQ et “L’école au service de la classe dominante” de la CEQ. Malgré leurs titres accrocheurs, les idéologues des centrales ne remettaient pas fondamentalement en cause la dictature qu’impose la bourgeoisie à l’aide de son gouvernement, de son État. Au milieu des années 70, la FTQ devint la branche syndicale officielle de la bourgeoisie nationaliste québécoise et les autres centrales demeurèrent tout aussi nationalistes, mais de façon plus subtile; exception faite peut-être de la CSD qui a opté pour la bourgeoisie nationaliste canadienne… Bref, ce qui n’est guère mieux! » Durant ce Front commun, au mois de mai, je piquetais avec ma conjointe enceinte devant l’hôpital Hôtel-Dieu et au mois de juin de la même année, je deviens papa d’un garçon. Depuis la fin du Front Commun, les militants qui ne croient pas dans le parti Québécois se rendent compte qu’il faut s’organiser plus sérieusement, qu’il faut faire un travail d’éducation politique auprès des travailleuses et des travailleurs. Il fleurit, alors, à l’échelle du Québec et dans les autres provinces aussi, une multitude de cellules et de groupes qui se revendiquaient du marxisme. À Montréal, ce sont les Comités d’Action Politique (les CAPS) qui prédominent, par exemple, le CAP St-Jacques. Ces caps se disaient marxistes mais étaient, en fait, des sociaux-démocrates. Une partie de leurs militants d'origine bourgeoise ou petite-bourgeoise ont même abandonné leurs études pour devenir ouvriers en usine dans les années 70. En usine, ils pratiquaient l’économisme « en regardant le cul politique des ouvriers » et à l’extérieur, ils étaient sociaux-démocrates. Durant l’année 72, j’ai été un sympathisant du Mouvement Révolutionnaire Étudiant du Québec qui publiait le journal Le Partisan. N’étant pas étudiant, je ne me trouvais pas à ma place. La plupart des militants du MREQ sont devenus membres de la Ligue Communiste qui devint plus tard le Parti Communiste Ouvrier (PCO), une autre organisation maoïste. Pendant des décennies, des prolétaires et des étudiants ont été détournés par ces organisations maoïstes vers une contrefaçon idéologique qui propageait, comme socialisme, un capitalisme d’État… Et, pour eux, tout ce que ces régimes faisaient subir au prolétariat était justifié. Malheureusement, à cette époque, je suis encore inconscient que le maoïsme est un véritable piège pour le prolétariat. En octobre 72, Charles Gagnon publia une brochure : Pour un Parti Prolétarien. À l’époque, j’ai trouvé la publication de cette brochure très importante parce qu’elle mettait de l’avant la nécessité de créer un parti révolutionnaire au Québec et qu’une des premières étapes était de faire un journal pour mener la lutte idéologique contre l’idéologie bourgeoise dominante dans la classe ouvrière. Le journal publierait les acquis des différentes révolutions dans le monde, mentionnerait toutes les luttes que mèneraient les travailleurs au Québec et au Canada et ailleurs dans le monde. La brochure était truffée de citations de staliniens : Le Duan du parti des travailleurs du Vietnam, Foto Çami du parti du travail albanais, Charles Bettelheim, maoïste français, de même que des citations provenant de Mao Tsé-toung. Le parti à créer serait de type stalinien avec le postulat du « socialisme dans un seul pays ». Je n’étais nullement conscient que c’était, en fait, un recul pour les prolétaires québécois qui seraient attirés plus tard par une future organisation du Capital, mise sur pied suite à la publication de cette brochure. Je reviendrai plus loin sur cette organisation. Quelques autres événements importants au Québec et dans le monde qui m’ont influencé Le 11 septembre 1973, un coup d’état militaire a lieu au Chili fomenté par la CIA qui fit plus de 3 000 morts officiellement mais la réalité est plus près de 10 000 dans les mois suivants. En décembre 74, c’est la fin du régime des colonels en Grèce. En avril 75, les staliniens vietnamiens prennent le pouvoir au Sud-Vietnam, ce qui signifie la défaite là-bas de l’impérialisme américain et donc, ipso facto, la victoire de l’impérialisme russe. En mai de la même année, les Khmers rouges (maoïstes) prennent aussi le pouvoir au Cambodge… Ainsi, c’est une défaite pour l’impérialisme américain et russe au bénéfice de l’impérialisme chinois. En mars 75, je deviens papa une deuxième fois d’un garçon. Le 12 mai 1975, une soixantaine de grévistes occupent l’usine #2 de United Aircraft (Pratt & Whitney) suite à seize mois de grève. Les points en litige sont: travail supplémentaire volontaire, horaire de travail de douze heures, allocation au coût de la vie, réembauche d’un gréviste, augmentation de salaire égale pour tous. Tous ces points furent ramenés à la reconnaissance légale du syndicat. La lutte est étroitement contrôlée par la bureaucratie syndicale de la FTQ dont Robert Dean fait partie, lui qui deviendra plus tard futur ministre péquiste. Elle est aussi appuyée par un cortège imposant de nationalistes, députés et futurs députés et ministres péquistes (Robert Bisaillon, René Lévesque, Pierre Marois, Robert Burns, Claude Charron etc.). À tel point que l'emblème des grévistes est une fleur de lys en métal, faite à partir de clous que les grévistes vendent. À la suite de cette occupation, 34 grévistes furent très sévèrement frappés et battus par la police lors de leurs arrestations. Plus de 100 000 travailleuses et travailleurs ont débrayé illégalement le 20 mai 1975 pour appuyer ceux-ci. Aucun ne fut réembauché et en mai 1977 (six mois après la prise du pouvoir par le PQ), trois d’entre eux furent condamnés à des peines de prison et des amendes ! Cette occupation qui isola davantage un groupe d’ouvriers des autres fit encore une fois, le jeu du syndicat et des nationalistes. Trente ans plus tard, le parti « communiste » du Québec et la bureaucratie syndicale ont commémoré les « 34 Charlie’s », 34 ouvriers qui leur ont été grandement utiles dans la lutte des politiciens péquistes contre le gouvernement libéral de Robert Bourassa. Un an et demi plus tard, le PQ prenait le pouvoir avec l’appui de la FTQ… Et le bureaucrate responsable de la grève, Robert Dean, était nommé ministre ! Au Québec, il y eut plusieurs Front Commun des centrales syndicales : celui de 72 mentionné plus haut, et d’autres en 76, en 79 et le dernier en 82. Cette année-là … « l’État géré alors par un gouvernement péquiste décide de baisser de 20% les salaires des travailleuses et des travailleurs du secteur public sur une période de trois mois ainsi que de faire d’autres coupures dans la fonction publique pour « assainir » les finances de l’État. En 1976, pour lutter contre le gel des salaires, les syndicats canadiens organisent une activité de « défoulement ». soit une journée de grève avec la participation d’un million de travailleuses et de travailleurs dans tout le Canada. Il s’agit ici surtout de semer l’illusion de la combativité syndicale dans le prolétariat tout en canalisant l’énergie des syndiqués les plus militants. Aussi, il n’est aucunement question pour les syndicats de grève générale après le résultat négatif de leur grèvette. Ils avaient accompli leur activité de sabotage. En France, il y eut la lutte des LIP. C’étaient des ouvrières et des ouvriers de l’horloge qui, face à une fermeture d’usine, occupèrent l’usine, séquestrèrent les patrons et produisirent des montres pendant un an! Ça montrait que la classe ouvrière pouvait facilement assurer la production d’une usine sans les boss, avec en plus beaucoup de problèmes dans la distribution et la vente de leur production. Mais avant tout, c’était une leçon pour le prolétariat à tirer de l’échec d’une forme de lutte autonomiste qui ne voit pas comment la concurrence capitaliste peut écraser facilement ces petits projets idéalistes. L’état bourgeois est toujours en place pour réprimer la classe ouvrière et s’assurer que la classe bourgeoise peut toujours continuer l’exploitation de celle-ci. Voyons comment les gauchistes d’EL voyaient cet échec : « La lutte de LIP en France… et la lutte de la Firestone au Canada furent deux cas où les thèses marxistes-léninistes se vérifièrent tout à fait. Le mouvement ouvrier déclenchait la lutte, celle-ci prenait de l’ampleur, elle se radicalisait et posait la question du régime économique et politique; grâce à leur combativité les ouvriers en lutte parvenaient à susciter un large mouvement d’appui populaire, si bien que les pouvoirs politique et judiciaire ne pouvaient pas l’ignorer c’est-à-dire ne pas la réprimer, et que les directions syndicales se voyaient forcées d’agir… » Un projet semblable aux LIP est mis sur pied avec la fermeture de la Regent Knitting à Saint-Jérôme. C’est le projet autogestionnaire de Tricofil en février 75 qui réussit à se maintenir jusqu’en 82 avec l’aide du gouvernement péquiste (sic !). Comme dans tous ces types de projets, des affrontements surviennent entre l’ensemble des ouvrières et des ouvriers et ceux qu’ils avaient nommés cadres. À tel point que trois ouvriers sont congédiés pour activité syndicale. L’autogestion rime avec auto-exploitation. Les prolétaires d’un tel type d’entreprise sont aux prises continuellement avec la compétitivité du marché capitaliste. Ils délaissent leur lutte historique vers le socialisme pour un petit projet isolé qui quête des appuis à l’État national. Les gauchistes veulent nous faire croire que c’est une « alternative » mais cette soi-disant alternative sert à détourner la classe ouvrière de son organisation en vue de l’abolissement total du capitalisme sur terre. La classe ouvrière n’est pas corporatiste, ni nationaliste, elle est internationaliste. Puis il y a l’élection de Ronald Reagan qui devient président des États-Unis en 80. En octobre 81, il y a eu des millions et des millions de manifestants pacifistes dans le monde contre le danger d’une guerre mondiale nucléaire. En juin 82, un million de personnes ont manifesté à New-York pour la paix devant l’ONU. Ici je voudrais préciser que jamais des pacifistes n’ont arrêté une guerre. La seule force capable d’arrêter une guerre comme l’histoire l’a démontré, c’est la classe ouvrière quand elle fait la révolution. Par exemple, l’insurrection d’Octobre en Russie a mis fin à la guerre. Le pacifisme est une illusion petite-bourgeoise qui tend à dévier le prolétariat de son strict terrain de classe. Il est un instrument souvent utilisé par la bourgeoisie pour défendre les secteurs “pacifistes” et “démocratiques” de la classe dominante. Au Québec, depuis le début des années 2000, des pacifistes regroupés dans le Collectif Échec à la guerre nient que c’est le capitalisme qui cause les guerres. Ils valorisent le cirque électoral en voulant que le retrait des troupes canadiennes d’Afghanistan en soit un enjeu majeur. Pour valoriser davantage la démocratie bourgeoise, ils demandent plus de transparence et de consultation publique sur les véritables enjeux de cette guerre. Le Collectif veut insuffler un semblant de vie à des institutions mourantes. Note :Devenu par la suite député libéral fédéral puis récompensé pour ses services en août 2004 en étant nommé ambassadeur du Canada à l’UNESCO. |
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