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Tests de missiles iraniens: qui donc est le véritable agresseur?Eric Smith, Vendredi, Juillet 18, 2008 - 15:42
Larry Everest
L'article qui suit est paru dans l'édition de cette semaine de l'hebdomadaire Revolution (n° 136, le 20 juillet 2008, revcom.us), publié par nos camarades du Parti communiste révolutionnaire des États-Unis. L'auteur -- Larry Everest -- commente la réaction de l'administration Bush et de l'État d'Israël à la suite de l'annonce de la tenue de nouveaux tests de missiles par le régime iranien. - Le Drapeau rouge-express Mercredi et jeudi de la semaine dernière, l'Iran a procédé à de nouveaux exercices militaires incluant la mise à feu d'un certain nombre de missiles à longue et moyenne portée, de même que le lancement de diverses roquettes et torpilles. Les impérialistes US et Israël ont immédiatement qualifié ce geste de «provocation inacceptable», laissant entendre qu'il était le fait de fanatiques obsédés par la guerre, dans une région (le Moyen-Orient) autrement paisible. Les médias ont adopté le même ton, jouant la nouvelle à la une, tout en présentant moult images des missiles en question dans les divers bulletins de nouvelles télévisés. Les dirigeants états-uniens et israéliens en ont profité pour intensifier leurs menaces de guerre. La secrétaire d'État Condoleezza Rice a fait cette mise en garde à l'intention des autorités iraniennes: «Nous défendrons les intérêts américains et les intérêts de nos alliés. Nous prenons très au sérieux nos obligations de défendre nos alliés et nous avons l'intention de le faire.» (nouvelobs.com, le 10 juillet 2008) De son côté, le ministre de la Défense israélien, Ehoud Barak, a laissé entendre que son pays était prêt à attaquer l'Iran, insistant sur le fait qu'Israël «a prouvé dans le passé qu'il n'hésite pas à agir quand ses intérêts vitaux en matière de sécurité sont en jeu» (La Presse canadienne, le 10 juillet). S'il dit favoriser un règlement pacifique, le porte-parole de l'État sioniste a précisé qu'à défaut d'un tel accord, il pourra s'avérer nécessaire de «frapper l'ennemi». Il faut toutefois se demander qui est le véritable agresseur dans cette histoire. Les exercices militaires iraniens répondent en fait à un lourd passé d'agression impérialiste au Moyen-Orient, à des années de menaces de «changement de régime», aux nombreux rapports qui font état de l'intensification des préparatifs de guerre des États-Unis, et à l'escalade des menaces militaires et des manœuvres israéliennes, qui pointent en direction d'un danger réel et croissant d'une attaque israélo-étatsunienne. Provocations et menaces de la part des États-Unis et d'Israël Les tests de missiles iraniens ont eu lieu au lendemain de la conclusion d'un exercice militaire que les États-Unis et la Grande-Bretagne ont eux-mêmes mené dans le golfe Persique, tout près des côtes iraniennes. Étrangement, il n'y a eu aucun tollé dans les médias impérialistes au sujet de cet exercice -- en fait, il faut chercher longtemps avant de trouver un article qui en fasse mention. Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont justifié leurs manœuvres en invoquant le fait que l'Iran a menacé de s'en prendre à leur armada installée dans le golfe Persique, en cas d'attaque contre lui. Mais cette menace découle elle-même d'un exercice réalisé par Israël, pas plus tard qu'en juin, ayant impliqué plus d'une centaine d'avions de chasse dont on a testé les capacités de ravitaillement, dans l'hypothèse d'un bombardement contre l'Iran. Cet exercice était loin d'être anodin. Selon l'ex-président états-unien Jimmy Carter, Israël dispose de quelque 150 têtes nucléaires. En outre, les dirigeants israéliens et états-uniens ne se sont jamais cachés pour affirmer que «toutes les options sont sur la table» pour régler le «problème iranien» -- incluant l'option nucléaire. De fait, Israël a déjà bombardé d'autres pays dans la région, dont l'Irak (voisin de l'Iran) en 1981 et la Syrie, l'automne dernier. Pourtant, quand l'État sioniste a mené ses récents exercices visant précisément à préparer le bombardement de l'Iran, il n'y a eu ni tollé, ni dénonciation de ce geste agressif, guerrier et hautement dangereux. Contrairement à Israël, l'Iran ne possède aucune arme nucléaire; l'Agence internationale de l'énergie atomique (l'AIEA) a reconnu à plusieurs reprises que ses inspecteurs n'ont trouvé aucune preuve que l'Iran aurait poursuivi ou poursuivrait actuellement un programme d'armement nucléaire -- cela, même après avoir exigé que le pays leur fournisse un tas d'informations supplémentaires au sujet de son programme d'enrichissement de l'uranium. En outre, des experts ont minimisé l'importance des récents tests de missiles, affirmant qu'ils ne témoignent d'aucune augmentation des capacités militaires de l'Iran -- et encore moins de préparatifs pour une «frappe» contre Israël ou contre les forces états-uniennes dans la région: il s'agirait tout au plus d'un avertissement à l'effet que le pays compte répondre à une éventuelle attaque qui pourrait être lancée contre lui. Les tests de missiles iraniens ont néanmoins secoué les États-Unis et suscité un tollé du côté israélien. Un porte-parole de la Maison-Blanche, Gordon Johndroe, a déclaré que ces tests violaient les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et exigé que Téhéran «cesse immédiatement de mettre au point des missiles balistiques, qui pourraient être utilisés comme vecteurs d'une arme nucléaire potentielle» (Reuters, le 9 juillet). Il a toutefois omis de mentionner -- tout comme les principaux médias états-uniens, d'ailleurs -- que l'Iran ne dispose d'aucune arme nucléaire, alors que les États-Unis possèdent des milliers de missiles et de bombes nucléaires, capables de frapper n'importe où dans le monde à quelques minutes d'avis. En plus d'utiliser les tests de missiles iraniens pour accentuer la pression sur l'Iran, les États-Unis ont pris prétexte de cette nouvelle «crise» pour mettre de l'avant leur propre réarmement, et promouvoir plus spécialement l'établissement d'un système de «défense antimissile» en Europe. Pour la plupart des experts, un tel système vise à mettre en place une capacité de «première frappe» militaire dirigée principalement contre la Russie, et a peu à voir avec un «bouclier de défense». Les «intérêts états-uniens»: des intérêts impérialistes, donc injustes Pourquoi le régime Bush -- et derrière lui, l'ensemble de la classe dominante états-unienne, incluant les démocrates -- fait-il tout un plat à propos de l'Iran et de la poignée de missiles dont ce pays dispose? Et quels sont donc ces «intérêts états-uniens» que le régime Bush prétend défendre dans la région? Depuis des décennies, le contrôle du Moyen-Orient est au cœur de la capacité de l'impérialisme US à s'établir comme superpuissance mondiale; et l'Iran a toujours été un élément clé dans ce dispositif. La région est un carrefour décisif au plan géopolitique, et stratégique au plan militaire. On y trouve pas moins de 60% des réserves mondiales de pétrole -- cela, dans un contexte où le contrôle des sources d'énergie s'avère un facteur de plus en plus important pour quelque puissance souhaitant s'imposer dans le cadre de la guerre économique qui se déroule à l'échelle internationale. Globalement, le pétrole est aussi une source d'énormes surprofits pour le capital impérialiste. La domination de l'impérialisme US au Moyen-Orient participe au maintien de son hégémonie mondiale. Depuis plus de 60 ans maintenant, l'impérialisme US n'a cessé d'intervenir dans la région, ouvertement et secrètement, politiquement, économiquement et militairement, dans le but d'y maintenir sa domination. Il y a installé et soutenu les pires tyrans, multiplié les menaces de guerre et fait de l'État d'Israël une force de police et d'attaque potentielle sur toute la région. Cela, les IranienNEs l'ont expérimenté directement, et deux fois plutôt qu'une. En 1980, les États-Unis ont encouragé Saddam Hussein à attaquer l'Iran, fomentant ainsi la terrible guerre qui a opposé l'Iran et l'Irak de 1980 à 1988, qui fut l'un des conflits les plus sanglants depuis la Seconde Guerre mondiale. Trente ans plus tôt, en 1953, la CIA avait déjà organisé le coup d'État ayant renversé le gouvernement Mossadegh et replacé le boucher impitoyable et tortionnaire Reza Pahlavi (le Chah) sur le trône. Aujourd'hui, 55 ans plus tard, les États-Unis menacent encore d'imposer à l'Iran sa «libération» (sic). Et si l'Iran la refuse, cette «libération», il restera toujours la possibilité «d'effacer totalement ce pays de la carte du monde», comme Hillary Clinton l'a si bien dit fin avril. La soi-disant «guerre contre la terreur» a été déclenchée par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 pour assurer une protection plus efficace de ses intérêts au Moyen-Orient. Elle vise plus spécifiquement à refaçonner le paysage politique et social de la région, afin de répondre aux nouveaux défis posés à la fois par les courants politiques fondamentalistes islamiques et les rivaux de l'impérialisme US, qui ont leurs propres objectifs dans la région. Depuis le début de cette guerre, l'Iran a été une cible de choix. Mais contrairement au discours officiel, ce qui motive les impérialistes US, ce n'est pas le fait que les dirigeants théocratiques réactionnaires de l'Iran y oppriment les masses populaires: les États-Unis ciblent l'Iran parce que la République islamique est un obstacle aux transformations que les États-Unis souhaitent imposer dans la région, aux fins d'établir leur empire planétaire incontesté. Les difficultés auxquelles l'impérialisme US a été confronté depuis septembre 2001 -- dont le fait que l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak a eu pour effet d'alimenter le fondamentalisme islamique et de renforcer l'Iran -- ont rendu encore plus nécessaire pour les États-Unis d'abattre la République islamique. C'est pourquoi la question du «changement de régime» en Iran est toujours restée à l'ordre du jour. À cet égard, la position officielle des États-Unis pour une négociation avec l'Iran n'a jamais été qu'accessoire; elle vise essentiellement à isoler et affaiblir les dirigeants iraniens et s'inscrit dans le cadre des préparatifs d'une future offensive militaire -- la question de l'enrichissement nucléaire n'étant au fond qu'assez secondaire dans toute la chose. Intensification des préparatifs de guerre Les manoeuvres complexes auxquelles on assiste actuellement, incluant les menaces et mouvements de troupes, le positionnement politique des uns et des autres, ainsi que les nombreuses tractations diplomatiques, participent de ce qui apparaît de plus en plus comme un encerclement systématique de l'Iran. Divers scénarios demeurent possibles. Mais fondamentalement, ce sont la dynamique évoquée plus haut et les nécessités qui en découlent, qui constituent le moteur des événements. Tel est donc le contexte dans lequel les récents tests de missiles iraniens se sont déroulés et la réponse agressive des États-Unis et d'Israël s'inscrit. Rappelons que tout ça s'est produit à peine deux semaines après les révélations du journaliste d'enquête Seymour Hersh, qui a dévoilé que le régime Bush a autorisé un budget spécial de plus 400 millions de dollars pour mener des opérations secrètes de déstabilisation contre l'Iran, incluant l'assassinat ciblé de nationaux iraniens (The New Yorker, le 7 juillet). La trajectoire des événements pointe clairement dans le sens des préparatifs en vue d'une guerre ouverte: le danger d'une attaque états-unienne et israélienne est de plus en plus grand. Seul le peuple peut arrêter la guerre -- nous n'avons rien à attendre d'Obama et des démocrates Il est clair, une fois de plus, que Barack Obama et les démocrates ne feront rien pour arrêter cette guerre: dans les faits, ils ajoutent leurs voix au chœur belliqueux, à quelques nuances près. Le Congrès contrôlé par les démocrates débat actuellement d'un projet de loi visant à rendre encore plus rigoureuses les sanctions imposées contre l'Iran et à mettre en place des mesures qui pourraient mener à l'imposition d'un blocus naval contre ce pays -- ce qui équivaudrait à une déclaration de guerre. En fait, les démocrates poussent encore plus fortement que les républicains pour l'adoption de ce projet de loi. Réagissant aux récents tests de missiles iraniens, Barack Obama a publié le communiqué suivant: «Ces tests montrent une fois de plus que nous devons changer de politique et traiter plus agressivement la menace posée par le régime iranien. Par son programme nucléaire, ses capacités de lancement de missiles, son ingérence en Irak, son soutien au terrorisme et ses menaces contre Israël, l'Iran représente actuellement notre plus grand défi stratégique dans la région du Moyen-Orient. Il est temps de poursuivre une diplomatie directe et agressive avec le régime iranien, renforcée par des sanctions unilatérales et multilatérales endurcies. Il est temps d'offrir aux Iraniens un choix clair entre l'augmentation des coûts qu'entraînera inévitablement la poursuite de leur comportement inquiétant, et des incitatifs concrets qui pourraient être mis en place, s'ils acceptaient de changer de cap.» (barackobama.com, le 9 juillet, notre traduction) Cette déclaration du candidat à la présidence part d'un point de vue totalement impérialiste: Barack Obama y répète les mêmes accusations portées par le régime Bush contre l'Iran -- des accusations faites d'un mélange de mensonges, de demi-vérités et de déformations, auxquels il ajoute une poignée d'arguments impérialistes usuels. Obama adhère au consensus prédominant qui veut que l'Iran constitue le principal obstacle à la poursuite de la domination des États-Unis sur le Moyen-Orient et que par conséquent, il faille se montrer plus agressif avec ce pays. Parmi les critiques qu'il soulève, Obama prétend que la politique actuelle des États-Unis n'a pas réussi suffisamment à affaiblir et isoler l'Iran; il aurait souhaité que les États-Unis réussissent à forcer l'Iran à se soumettre. Pour contrer cette «insuffisance», il propose l'adoption de nouvelles sanctions «unilatérales et multilatérales» et d'une diplomatie plus «agressive». Mais ce sont là des actes d'agression impérialiste, purement et simplement. Les sanctions et ce type de diplomatie ont mené à la mort d'au-delà de 500 000 Irakiennes et Irakiens durant les années 1990. Ces mesures s'inscrivent dans une stratégie d'ensemble, qui inclut les menaces et les préparatifs de guerre (ajoutons qu'Obama insiste sur le fait que «toutes les options» doivent demeurer sur la table). En fait, Obama a déclaré très ouvertement que la diplomatie, les sanctions et les pressions économiques sont cruciales pour placer les États-Unis dans la meilleure position possible, au cas où la guerre s'avérerait nécessaire. Apparemment, Obama et son équipe affichent quelques différences avec l'administration Bush, concernant notamment la manière avec laquelle il faudrait traiter l'Iran, ainsi qu'au sujet de questions de stratégie impérialiste plus globales. Mais ces différences s'inscrivent dans le cadre d'un même objectif, savoir comment faire pour assurer une meilleure gestion de l'empire planétaire sous domination états-unienne; si Obama et l'administration Bush ne s'entendent pas toujours sur le «comment», ils s'entendent très bien sur le «pourquoi», qui se résume à gagner leur fameuse «guerre contre la terreur». Tout ce qu'Obama a dit et a fait depuis quelques années -- et encore plus ce qu'il n'a pas fait (comme de s'opposer clairement à une attaque militaire contre l'Iran) -- montre qu'il ne mettra aucun bâton dans les roues de George W. Bush si celui-ci décide de déclencher les hostilités avant la fin de son mandat. Pour qu'une résistance de masse sérieuse émerge contre l'agression et l'ingérence israélo-étatsuniennes -- voire une guerre ouverte contre l'Iran -- il faut absolument rejeter les termes du débat imposés par Obama, McCain, Bush et l'ensemble de la classe dominante des États-Unis. Si on demeure prisonnier de ce cadre de pensée, cela noua amènera à évaluer les événements -- et surtout à agir -- à partir des intérêts impérialistes des États-Unis; on commencera par appuyer l'ingérence et la domination états-unienne, et l'on finira inévitablement par soutenir l'armée et la guerre impérialistes. Il faut plutôt partir du point de vue que la totalité de la politique états-unienne au Moyen-Orient est immorale, réactionnaire et injuste. Peu importe la forme qu'elle prend, cette politique ne sera jamais dans l'intérêt des peuples du monde, de ceux du Moyen-Orient, ni même de la vaste majorité des gens qui vivent aux États-Unis. La situation est grave, et elle évolue très rapidement. Il faut, dès maintenant, s'opposer et résister à toute attaque israélienne ou états-unienne contre l'Iran. Larry EVEREST -- Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 184, le 13 juillet 2008.
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