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La décentralisation territoriale au Nunavik et chez les Nations amérindiennes du QuébecAnonyme, Lundi, Juillet 14, 2008 - 18:37
André Binette
Ce texte sur les transformations politiques au Nunavik fait la lumière sur des accords entre nations dont les modalités officielles sont parfois méconnues. C'est aussi une mise à jour de l'état des lieux en matière de négociations au Québec. Il existe onze Premières Nations au Québec, reconnues par l’Assemblée nationale. Toutes sont des nations amérindiennes, à l’exception des Inuits qui vivent au Nunavik, le Grand Nord québécois. Trois des Premières Nations ont signé des traités modernes avec le Québec et le Canada : les Cris et les Inuits (la Convention de la Baie James et du Nord québécois, en 1975), et les Naskapis (la Convention du Nord-est québécois, en 1978). Les autres Premières Nations vivent sous le régime général de la Loi sur les Indiens, une loi fédérale. Selon les chiffres officiels, les Autochtones représentent environ 1% de la population sur le territoire du Québec (75,000 sur 7,500,000). Leur statut de nations et leurs droits territoriaux les placent toutefois dans une situation unique, qui se distingue nettement de celle des minorités culturelles. Parmi les Premières Nations, le cas des Inuits est particulier. 1. La décentralisation territoriale au Nunavik Il existe environ 120,000 Inuits dans le monde, répartis en quatre États : la Russie (en Sibérie), les États-Unis (en Alaska), le Canada (au Nunavut, au Nunavik et au Labrador) et le Danemark (au Groenland). Le Danemark a accordé le gouvernement autonome au Groenland en 1979. C’est le territoire autochtone le plus autonome au monde (population : 55,000 personnes). Son niveau de vie est élevé, en raison d’un soutien financier considérable du Danemark. Il dispose de son propre ministère des Affaires étrangères et est actif sur le plan international, auprès de l’ONU, de l’OTAN, de l’Union européenne et du Conseil de l’Arctique (où il représente même le Danemark à l’occasion). Il existe néanmoins un fort courant indépendantiste au Groenland. Au Canada, le territoire du Nunavut a été créé en 1999, en divisant en deux parties presque égales les Territoires du Nord-Ouest. La capitale du Nunavut est à Iqaluit, qui est située près de la capitale du Nunavik québécois, Kujjuaq. Le Nunavut est à forte majorité inuite, et son premier ministre et ses ministres sont tous des Inuits, comme au Groenland, ainsi que la majorité des députés territoriaux et des maires. Il existe des échanges socio-culturels réguliers entre le Nunavik, le Nunavut et le Groenland. Les Inuits québécois ont été marqués par l’évolution du statut politique de leurs semblables au Nunavut et au Groenland. Ils cherchent un statut similaire. Ils veulent obtenir un gouvernement autonome, dirigé par un premier ministre et des ministres, et une assemblée régionale qui adoptera ses propres lois. Au Québec, les Inuits sont 9,000 environ, sur une population totale de 10,000 personnes au Nunavik, un vaste territoire de 500,000 kilomètres carrés, ce qui représente un tiers du territoire du Québec. Ce territoire est entièrement régi par la Convention de la Baie James. Les Inuits n’ont jamais été visés par la Loi sur les Indiens. Ils n’ont jamais vécu dans des réserves et n’ont jamais bénéficié d’immunités fiscales. Comme au Nunavut et au Groenland, les Inuits du Québec ont opté pour la formule du gouvernement public. Leur supériorité démographique leur assure le contrôle de ce gouvernement, qui leur donne une juridiction sur un territoire beaucoup plus étendu que les gouvernements ethniques des Amérindiens. Les non-Inuits peuvent être élus à des fonctions politiques par la majorité inuite, ce qui se produit à l’occasion, mais cela ne peut pas se produire dans une réserve indienne. Les droits territoriaux des Inuits sont définis par la Convention, mais leur poids politique a été renforcé par le fait que la loi fédérale de mise en œuvre de la Convention a supprimé sans compensation les droits territoriaux des autres Premières Nations, notamment les Innus, qui fréquentaient traditionnellement ce territoire. Si elle n’est pas corrigée, cette injustice risque d’être aggravée par la création d’un gouvernement régional au Nunavik. En vertu de la Convention, les intérêts ethniques et culturels des Inuits sont défendus par la Société Makivik, qui gère d’importants capitaux découlant de la Convention. Le gouvernement public est la responsabilité de l’Administration régionale Kativik, une MRC ’’plus’’ qui dispose de pouvoirs particuliers en matière de logement, de sécurité publique, etc. La Convention a aussi créé une commission scolaire et une régie régionale de la Santé sous la responsabilité des Inuits. Le Québec, le Canada et Makivik ont signé en novembre 2007 une entente de principe visant la création d’un gouvernement régional au Nunavik. La réforme se ferait en deux temps. La première phase verrait la fusion de la MRC, de la commission scolaire et de la régie de la santé en un gouvernement doté d’une assemblée régionale. Une quinzaine de députés régionaux seraient élus, ainsi que 3 à 5 membres d’un gouvernement régional. La deuxième phase verrait un éventuel accroissement des pouvoirs de l’assemblée et du gouvernement du Nunavik, dont les pouvoirs fiscaux. Les négociations sont en cours. 2. Les nations amérindiennes 2.1 Les nations amérindiennes signataires des Conventions du Nord québécois Au total, la Convention de la Baie James et la Convention du Nord-est québécois recouvrent environ 60% du territoire québécois (environ 950,000km. carrés sur un million et demi, dont les 500,000 km. carrés du Nunavik). En plus des Inuits, deux nations amérindiennes ont signé ces Conventions, les Cris et les Naskapis. Les droits territoriaux de ces deux Nations sont définis par ces Conventions et leur autonomie a été renforcée par des lois particulières fédérales, qui les ont soustraits à la Loi sur les Indiens. Les Cris ont reçu cinq milliards$ en vertu de la Paix des Braves, la plus récente modification de la Convention de la Baie James (3,5 milliards$ du Québec sur 50 ans, 1,5 milliard$ du Canada). Les Inuits ont reçu pour leur part 800 millions. La Paix des Braves, tout comme la Convention de la Baie James elle-même, est un règlement hors-Cour de poursuites judiciaires. 2.2 Les nations amérindiennes régies par la Loi sur les Indiens Les huit autres nations amérindiennes au Québec vivent dans des réserves régies par la Loi sur les Indiens. Chaque Première Nation peut compter plusieurs réserves. Ainsi, les Attikameks en Mauricie sont répartis en trois réserves, et les Innus, qui vivent entre le Lac-Saint-Jean et le Labrador, comptent neuf réserves. Chaque réserve est dirigée par un Conseil et un chef élus au suffrage universel. En pratique, leur autonomie s’est renforcée considérablement au cours des trente-cinq dernières années, même si le texte de la Loi sur les Indiens n’a pas toujours reflété ce mouvement. Leur financement provient pour la plus grande part du gouvernement fédéral. Les responsabilités d’un chef et de son Conseil sont plus étendues de nos jours que celles d’un maire et du conseil municipal d’un village de taille semblable. Elles comprennent la santé, l’éducation, les services sociaux, la sécurité publique, le développement économique. Le Conseil est de loin le principal employeur dans la réserve. La terre appartient à la communauté, et les droits d’occupation sont attribués par le Conseil. La propriété collective de la terre fait qu’il est impossible d’obtenir une hypothèque et difficile d’investir. Les Premières Nations souhaitent généralement s’affranchir de leur dépendance économique en affirmant leurs droits sur leur territoire traditionnel à l’extérieur de la réserve. Elles désirent percevoir des redevances sur le développement des ressources naturelles dans ces territoires. Le précédent de la Paix des Braves est un pas dans cette direction. Elles désirent également s’affranchir de la Loi sur les Indiens en formant des gouvernements autochtones. Cette vision fait consensus parmi les Premières Nations au Québec et au Canada. Elle rencontre cependant une résistance acharnée, notamment des provinces qui sont propriétaires des terres publiques sur lesquelles les Premières Nations font porter leurs revendications territoriales. Ces terres publiques, qui sont aussi en grande partie des territoires traditionnels autochtones, sont souvent dédiées au développement des ressources naturelles (minières, forestières, hydroélectriques, éoliennes) et ont une grande valeur économique et sociale. Les différences majeures entre les perspectives autochtone et gouvernementale expliquent la lenteur excessive des négociations pour de nouveaux traités. Dans le cas des Innus par exemple, l’Approche commune est maintenant en sérieuse difficulté. Seulement trois des neuf réserves participent actuellement aux négociations, qui soulèvent aussi une forte résistance de la population non autochtone. La création de gouvernements régionaux au Québec pourrait être vue dans un premier temps avec scepticisme par les Premières Nations, qui ne considèrent généralement pas que les citoyens des régions soient très sensibles à leurs droits territoriaux. Un dialogue permanent et des partenariats économiques entre les futurs gouvernements régionaux et les futurs gouvernements autochtones seront incontournables. Ce dialogue est déjà commencé dans certaines régions. Le 2 juillet 2008 Ce texte s'inscrit dans une réflexion sur le partage des pouvoirs de la Coalition pour un Québec des régions. Politiquement multiple, et enthousiaste à se diversifier d'avantage cette coalition appelle à des États généraux sur le partage des pouvoirs et compte organiser un colloque pour la région montréalaise cet automne et diffuser des écrits sur la question afin d'alimenter le débat.
coalition pour un Québec des régions
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