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Répression du mouvement animaliste en AutricheAnnie Malle, Lundi, Juin 16, 2008 - 16:51
Martin Balluch
Le 21 mai dernier plusieurs organisations de protection animale ou de promotion des droits des animaux ont été victimes d’opérations policières violentes en Autriche: perquisitions brutales dans les bureaux et domiciles privés, saisie des ordinateurs et autres matériels et documents, mise en garde à vue de 10 activistes, sans qu’aucun fait précis et avéré ne leur soit reproché. Mon message au mouvement international pour les droits des animaux Ma vie a basculé le mercredi 21 mai. Nous avions préparé une nouvelle campagne portant sur une modification de la constitution en faveur des animaux, qui aurait été soumise au vote du Parlement début juillet. Cette campagne devait être lancée le lendemain même. Pour cette campagne, nous avions réussi à unir le mouvement tout entier en Autriche, à faire que tous tirent dans la même direction. Comme ceux d’entre vous qui me connaissent le savent, c’est là l’un de mes principaux objectifs : unifier le mouvement pour en redoubler la force. Mais cette campagne ne devait pas voir le jour. Mercredi, au petit matin, la police a lancé la plus violente attaque jamais connue dans l’histoire autrichienne moderne contre un mouvement pour la justice sociale et contre des ONG. Des centaines de policiers armés et masqués ont défoncé les portes de 21 domiciles privés et de 6 bureaux appartenant à des ONG différentes, et celui d’un dépôt contenant du matériel utilisé dans des manifestations. 25 personnes ont été arrêtées et interrogées par la police. 10 personnes ont été placées en garde vue, dont moi-même. Afin de « m’attraper », la police a fait irruption non seulement chez moi, mais aussi chez deux de mes frères ainsi que chez mon amie. Des policiers cagoulés de noir se sont précipités à travers la porte brisée et ont couru arme au poing jusqu’à nos lits. Ils ont pointé leurs pistolets sur ma tête et m’ont jeté nu hors de mon lit. Mon frère a été plaqué contre un mur, un pistolet pointé sur le cou. L’une des dix personnes que la police avait l’intention d’arrêter n’était pas chez elle. Alors, ils lui ont téléphoné et… devinez quoi ? Il s’est présenté en toute confiance au commissariat, ne redoutant pas le moindre ennui. Aujourd’hui, 19 jours plus tard, il moisit encore dans une cellule, et il ne sait pas pourquoi. Notons qu’il s’agit du directeur de campagnes de l’association bien connue Four Paws, implantée dans 6 pays différents. Après nous avoir arrêtés, la police a fouillé chacune de nos maisons, y compris les domiciles de ceux de mes frères qui ne sont pas impliqués dans le mouvement pour les animaux. La police a principalement saisi des ordinateurs, mais aussi des brochures, des livres, des vidéos et des téléphones portables. On pourrait imaginer que cette opération policière à grande échelle est la réaction d’un État confronté à un haut niveau de criminalité lié à la question animale. Mais le fait est qu’au contraire l’activité de l’ALF en Autriche est beaucoup plus faible que dans les autres pays où le mouvement pour les droits des animaux est bien implanté. On pourrait imaginer aussi que la police avait reçu des informations selon lesquelles de dangereuses attaques de l’ALF se préparaient, ou lui indiquant des caches de bombes incendiaires et de matériel terroriste. Rien n’est plus faux. Ils n’avaient reçu aucune information de la sorte, et ils n’ont même pas cherché ce genre de matériel. La seule chose qui les intéressait, c’était les ordinateurs, les livres et les vidéos, c’est-à-dire des objets qui disent quelque chose de la façon d’être des personnes arrêtées. Voilà de quoi il s’agit : de ce que des gens sont et font, pas de crimes spécifiques. Si la police détenait de quelconques éléments à charge contre les personnes arrêtées concernant des crimes ou délits qu’elles auraient commis, ces éléments seraient maintenant dits et connus. Mais les ordres d’arrestation parlaient d’autre chose. Voici le motif de notre arrestation à tous : « constituer une vaste organisation criminelle dotée d’une structure hiérarchique à la façon d’une entreprise. » Et les crimes que cette organisation est supposée avoir commis sous le nom d’ALF se sont rien de moins que la TOTALITÉ des délits liés à la cause animale qui se sont produits en Autriche ! On dirait une blague. Ce n’en est pas une. Tous les délits liés à la cause animale : chaque serrure engluée, chaque pneu crevé, chaque fenêtre fracturée… mais aussi – croyez-le ou non – chaque altercation, chaque manifestation, chaque enquête menée incognito sans aucun caractère délictueux, et cela concernant tous les domaines possibles : la fourrure, la vivisection, l’élevage industriel, le cirque… Notre organisation criminelle est supposée avoir accompli tout cela. On pourrait imaginer que, vous soupçonnant de tant de crimes odieux, la police et le ministère public viendront vous interroger après votre arrestation. Erreur là encore ! Depuis que j’ai été placé en détention préventive, personne ne m’a posé la moindre question sur cette affaire. Mon avocat a demandé à la police de voir les éléments à charge et c’est ainsi que nous avons vu quelques 2500 pages. On trouve notamment dans ces pages des expertises médico-légale de quelques-uns des délits liés à la cause animale commis ces deux dernières années, y compris la recherche de traces d’ADN sur un verrou placé sur une porte. Et aucune preuve contre aucune des 10 personnes arrêtées. La police a aussi mis nos téléphones sur écoute, nous a mis sous surveillance, a placé des caméras pointant sur nos portes, a introduit des taupes dans nos groupes et a lu nos courriels. Tout cela deux ans durant ! Et ils n’ont rien trouvé. Alors ils ont lancé la grosse opération policière, cherchant désespérément à découvrir quelque chose à nous reprocher, n’importe quoi, fût-ce des indices de fraude fiscale. Voici comment sont justifiés mon arrestation et mon placement en détention préventive. Il existe une délinquance associée à la cause animale, même si elle est relativement faible. Il doit donc y avoir une grosse organisation dotée d’une structure hiérarchique, conduite à la manière d’une entreprise, qui est responsable de cette activité. Puisque je milite depuis des années pour les animaux, puisque je suis influent, et puisque j’ai des contacts internationaux, je dois être le chef de cette organisation. Point final. Voilà les preuves à charge. Vous arrivez à y croire ? Moi non, mais d’après tout ce que je vois, cela semble être la réalité. Mais comment est-il possible que je me retrouve en détention préventive au nom d’un motif de « suspicion » aussi absurde ? Bonne question. Deux semaines durant, on ne m’a communiqué aucune information sur la raison de mon arrestation. Puis, j’ai pu avoir accès au « dossier » et je suis passé devant un juge le vendredi 6 juin. Le procureur a donné lecture de la liste entière des crimes et délits liés à la cause animale des 11 dernières années, ainsi que d’actions sans caractère délictueux. Ce fut passablement long. Ensuite, il a déclaré que j’étais soupçonné d’être à la tête d’une organisation criminelle responsable de la totalité de ces faits. Mon avocat a dit qu’il n’y avait aucune preuve. Ensuite, j’ai voulu faire une déclaration, mais la juge ne m’y a pas autorisé. Elle m’a simplement tendu un verdict tout préparé, qui stipulait que je devait rester en détention provisoire quatre semaines de plus, et qu’ensuite elle examinerait mon cas à nouveau. Elle a procédé de la même façon avec chacune des 10 personnes arrêtées, y compris le directeur de campagnes de Four Paws International. Qu’y a-t-il donc derrière tout cela ? Je pense qu’il s’agit de l’attaque la plus grave contre le mouvement pour les droits des animaux qui se soit jamais produite dans le monde depuis que ce mouvement existe. Il y a 11 ans, nous nous sommes lancés dans une nouvelle forme de militance en Autriche. Nous avons utilisé la tactique classique des campagnes sur le terrain, le contact avec les media, et des actions de désobéissance civile, afin d’obtenir des réformes législatives. Et nous avons connu beaucoup de succès. D’abord, nous avons fait interdire l’élevage d’animaux à fourrure, puis les animaux sauvages dans les cirques, puis les cages en batterie et l’expérimentation sur les singes et, dernièrement, l’élevage de lapins en cage. Ces succès ont beaucoup inquiété des groupes puissants dans la société. Une fois obtenue l’interdiction de l’élevage des poules en batterie en 2004, nous avons commencé à ressentir une répression policière croissante. La section anti-terroriste de la police a commencé à nous surveiller et à nous diffamer en diffusant des communiqués disant que nous étions soupçonnés d’activités criminelles. Puis, le ministre de l’intérieur nous a publiquement qualifié de groupe violent. Nous avons tenté de porter plainte contre lui pour cela, mais la plainte n’était pas recevable en raison de l’immunité dont il bénéficiait en tant que ministre. Lorsqu’il a été questionné au Parlement à ce sujet, il a cependant admis que son accusation s’était fondée sur des hypothèses erronées. Nous l’avons traité publiquement de menteur. Il est significatif qu’il n’ait pas réagi. Enfin… nous avons cru qu’il ne réagissait pas. A peu près à la même époque, un groupe spécial de police fut constitué et il démarra une opération de surveillance à grande échelle, visant à la fois des ONG et des individus du mouvement pour les droits des animaux. Vous connaissez déjà la suite. Comme après des années de surveillance intensive, la police n’avait toujours pas découvert d’éléments à charge, ils durent se contenter de nous déclarer suspects d’avoir commis un délit pour lequel il n’est pas nécessaire d’apporter de preuve. Selon la loi, il est illégal de former une grande organisation (c’est-à-dire une organisation de plus de 10 personnes), possédant une structure hiérarchique et conduite à la façon d’une entreprise, dont le but est d’influer sur la vie politique ou économique, et qui à cette fin commet aussi des crimes et délits, au moins occasionnellement. Puisque nous menons des campagnes pour influer sur la vie politique et économique, et puisqu’il existe une forme de délinquance – peu développée, concernant des délits mineurs – liée à la cause animale, et même si nous n’y sommes mêlés en rien, cela a suffit au Procureur général pour utiliser cette loi, pour la première fois dans l’histoire, à l’encontre d’une ONG. Et n’oubliez pas, parmi les « crimes » recensés par l’accusation figurent des distributions de tracts, des blocus, et des enquêtes menées incognito dans des élevages intensifs. C’est une évolution très inquiétante. La police est en train d’utiliser la loi anti-terroriste contre des campagnes non délictueuses relevant de l’exercice légitime des droits politiques. Amnesty International a exprimé son inquiétude. Un député du parti des Verts m’a rendu visite en prison et les Verts ont exprimé leur désapprobation et questionné le ministre de l’intérieur au Parlement. Mais il s’est refusé à tout commentaire. Au lieu de quoi, le Procureur général à diffusé un communiqué de presse diffamatoire disant que nous étions suspectés d’être les auteurs d’incendies et « d’attaques au gaz ». Il s’agit d’une opération politique : une attaque de grande envergure contre des campagnes visant à réformer les lois qui se sont avérées efficaces. Je vous en prie, faites entendre vos protestations contre les criminels qui sont les instigateurs de cette attaque, et qui sont probablement haut placés dans le gouvernement. Je soutiendrai ce mouvement de protestation autant que je le pourrai. Dès mon arrestation, j’ai entamé une grève de la faim. Mis à part une collation avant mon passage devant la juge, je n’ai rien mangé depuis. J’ai passé la dernière semaine à la prison de l’hôpital. J’ai des troubles de la vision et me suis déjà évanoui une fois. Ils ont dit qu’ils commenceraient bientôt à m’alimenter de force. J’ai besoin de votre aide. Je compte sur vous. Merci de tout le soutien que vous nous avez déjà apporté. Je vous en prie, croyez-moi quand je vous dis qu’il n’y a vraiment aucune preuve de quelque activité criminelle que ce soit me concernant. Il n’y en pas maintenant, et il n’y en aura jamais. Martin Balluch |
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