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Je boycotte...

Anonyme, Lundi, Mars 31, 2008 - 17:31

Boycottage : action visant à isoler matériellement et moralement un individu ou une institution, en dénonçant ou en sabotant l’utilisation des marchandises (objets ou idéologies) qu’ils mettent en circulation.
( www.claudeguillon.internetdown.org )

JE BOYCOTTE...
Je boycotte les bureaucrates sanglants de Pékin qui tuent, dans la région autonome du Tibet et en Chine, pour garder la main sur le chrome, le cuivre et l’uranium tibétains, pour contrôler au Tibet le plus grand réservoir d’eau potable de l’Asie, pour éviter que les régions chinoises ne fassent sécession comme celles de l’ex-URSS, et pour maintenir leur pouvoir de classe sur une immense main-d’œuvre louée à bas prix au capitalisme mondial.

Je boycotte les ordures d’État, en France et ailleurs, qui les soutiennent, les excusent ou les ménagent en espérant - les crétins ! - « conquérir un nouveau marché ».

Je boycotte un Sarkozy qui ose déclarer que : « Le souhait de la France est que tous les Tibétains se sentent en mesure de vivre pleinement leur identité culturelle et spirituelle au sein de la République populaire de Chine. »
Note 1. Le souhait de Laval et Pétain était que tous les Français se sentent en mesure de vivre pleinement leur identité culturelle au sein de l’Europe régénérée qu’incarnait l’armée nazie. Hélas ! le « dialogue » et la « retenue » ne l’ont pas emporté...
Note 2. Fais pas le malin, Fabius ! Si des émeutiers avaient attaqué l’Hôtel de ville du Grand-Quevilly, tu aurais été le premier à appeler la troupe !

Je boycotte les niaiseux sportifs [1] qui écrivent dans une supplique à Hu Jintao : « Nous croyons que les Jeux, au-delà de la marchandisation du sport, des rivalités politiques, des récupérations, représentent ce que l’humanité a de plus pur : le dépassement de soi, la fraternité, l’amitié et le respect entre les peuple. »
« Au-delà » de l’exaltation de la « race pure », de la paranoïa antisémite et antibolchévique, de l’éradication du mouvement ouvrier et des groupes « racialement inférieurs » dans les camps de travail et d’extermination, le nazisme était une chouette aventure entre garçons musclés et jeunes filles saines appréciant le grand air et la musique symphonique.

Je boycotte un dalaï-lama, curé aussi coincé du cul que ses semblables des autres religions, et sa claque de bobos occidentaux, qui sourient niaisement à chaque communiqué d’appel au dialogue que le bonhomme pond religieusement tous les dix cadavres d’émeutiers (Quand dalaï-lama fâché, dalaï-lama toujours faire ainsi !).
Note. Peut-on boycotter un exilé politique ? En voilà une question idiote ! Imaginez que le énième pape soit chassé du Vatican et obligé de vivre, à Avignon par exemple ! Ses cochonneries sur l’euthanasie, la contraception et la branlette en deviendraient admirables, c’est ça ?

Je boycotte, puisqu’il est question de la Chine et de l’attitude des occidentaux à son égard, un Badiou qui compare les manipulations de Mao lançant la prétendue « Révolution culturelle [2] » avec l’explosion libertaire de Mai 68, et profite du désarroi des degauches sarkozyfiés pour leur refiler une version light du stalinisme maoïste, avec mentions de la « violence », qui visait malheureusement un ennemi « incertain » ou « le parti lui-même ».
Lisez-le : « Le marxisme, le mouvement ouvrier, la démocratie de masse, le léninisme, le Parti du prolétariat, l’État socialiste, toutes ces inventions remarquables du XXe siècle [sic], ne nous sont plus réellement utiles. Dans l’ordre de la théorie, elles doivent certes être connues et méditées. Mais dans l’ordre de la politique, elles sont devenues impraticables. » Badiou Alain, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Lignes, 2007, p. 150. Je souligne.
Combien de dizaines de millions de cadavres [3], Badiou, a-t-il fallu pour contraindre staliniens et maoïstes à reconnaître comme « impraticables » ces « inventions remarquables » ?
On voit qu’il n’y a pas qu’au rayon boucherie des supermarchés qu’on pratique la « remballe » !
Vous allez me dire : Boycotter, c’est un peu court, uniquement négatif... Je vous donne raison, Ninon ! Et c’est pourquoi, dans le même registre symbolique,
Je salue...

Je salue les centaines d’habitant(e)s des vieux quartiers de Pékin, dont on a rasé les maisons au bulldozer pour construire des dortoirs à sportifs et des stades où ces crétins iront battre le record de lancer du marteau. (Et la faucille, c’est pour quand ?)

Je salue les milliers de pékinois que la police harcèle depuis des mois pour qu’ils deviennent « présentables » aux yeux des rares occidentaux qui s’égareraient hors des périmètres balisés. On a particulièrement fait la chasse aux hommes qui prennent le frais torse nu, les soirs d’été. À ceux qui ont la fâcheuse habitude de cracher par terre, on a distribué des petits sacs plastique portant cette inscription : « La civilisation commence par des détails, veuillez ne pas cracher ! » Je réponds : « La civilisation commence par l’essentiel : veuillez nous foutre la paix ! »

Je salue, parmi des centaines de milliers d’autres, les émeutiers de Dongzhou (village côtier à une centaine de kilomètres de Hong Kong) qui protestaient, début décembre 2005, contre les compensations dérisoires offertes pour être chassés de leurs terres où devaient être construite une centrale électrique, attaquant les locaux gouvernementaux sous les tirs de la police (bilan : entre 3 et 20 morts, selon les sources).

Je salue les ouvriers, étudiants, et paysans, protagonistes anonymes de ce que les bureaucrates de Pékin appellent des « incidents de masse », officiellement évalués à plus de 74 000 en 2004, et 87 000 en 2005.

Je salue les dizaines de milliers de gens condamnés chaque année à la « rééducation par le travail » (laojiao), sans jugement, sur décision d’une commission administrative, pour une durée pouvant aller jusqu’à 3 ans, peines non susceptibles de remises.

Je salue Chen Guangcheng, juriste autodidacte, « avocat aux pieds nus », condamné en août 2006 à quatre ans et trois mois de prison, pour avoir dénoncé les stérilisations forcées pratiquées dans la province du Shandong.

Je salue la foule émeutière qui, en mars 2007, tint tête aux policiers cinq jours durant à Zhushan, village de montagne du Hunan, incendiant des bus (dont la compagnie venait d’augmenter les tarifs), des voitures officielles et des véhicules de police.

Je salue les 7 000 manifestant(e)s de Xiamen, ville portuaire, qui protestaient le premier juin 2007 contre la construction d’un complexe pétrochimique.

Je salue la foule émeutière qui, les 19 et 20 mai 2007 à Dungu et dans sept autres cantons de la région autonome du Guangxi, a protesté contre le contrôle autoritaire des naissances en affrontant la police, en brûlant des voitures et en donnant l’assaut aux sièges des gouvernements municipaux et aux bâtiments abritant les services officiels de planning familial.

Je salue le journaliste indépendant Lü Gengsong, condamné en janvier 2008 à quatre ans de prison, pour « incitation à la subversion de l’État », et Hu Jia, arrêté pour le même motif fin décembre 2008, après des mois de résidence surveillée, et tous leurs semblables, des centaines, dont les noms ne nous sont pas toujours connus.

Je salue Huang Qingnan, vitriolé pour avoir aidé des ouvriers à défendre leurs droits, dans un pays où la grève est interdite (mais où les grèves sauvages se multiplient) et où le code du travail ne prévoit que depuis le 1er janvier 2008 que les patrons sont tenus d’établir un contrat à durée indéterminée pour les salariés qui ont plus de dix ans d’ancienneté !

Le boycottage des jeux olympiques, compris comme thème d’agitation (il ne peut être effectif et total), peut n’être qu’une farce de plus au service du grand mensonge capitaliste sur l’évolution conjuguée et harmonieuse du commerce, du salariat et des droits de l’homme.
La seule manière de faire produire au boycottage un effet réel - et d’abord sous nos propres latitudes - est de le resituer dans la perspective d’un soutien au prolétariat et au peuple chinois, partie d’une lutte de classes féroce, dans laquelle nous avons, en tant que consommateurs de produits manufacturés et subissant nous-mêmes le capitalisme des donneurs d’ordre occidentaux, une responsabilité qui n’est pas abstraitement morale, mais politiquement et économiquement concrète.
Il en va de notre responsabilité politique (à nous aussi) si les paysans, les ouvrières et les ouvriers de Chine sont surexploités dans une sweat chop à l’échelle d’un continent d’où sont extraites les matières premières et où sont assemblés les produits que nous utilisons. S’il sert les intérêts de la bureaucratie qui le dirige encore, le régime post-maoïste fait désormais, aux yeux de tous, partie intégrante du capitalisme mondial.
Les Jeux olympiques d’août 2008 ne seront qu’un incident de mass media, qui aura été l’occasion d’un peu plus de misère, de tracasseries policières et de répression pour des dizaines de milliers de gens. Pékin en gardera des cicatrices urbanistiques indélébiles. Mais d’autres plaignant(e)s, d’autres grévistes, d’autres insurgé(e)s se battront contre la police, l’armée, le parti et les patrons.

La révolte violente des jeunes tibétains, qui rejoignent des moines bouddhistes, eux-mêmes souvent fort jeunes, se comprend aisément. Qui peut supporter sans se rebiffer de se voir expulsé de chez lui par l’armée ? Mais, contrairement à ce que semblent croire beaucoup d’admirateurs occidentaux du dalaï-lama, cette révolte n’a aucun surcroît de légitimité du fait que l’armée d’occupation est chinoise... Tous les paysans chinois chassés de leurs terres par « leur » armée et « leur » police (ne l’appelle-t-on pas la « Police armée du peuple » ?), pour construire des usines polluantes ou des résidences de luxe pour nouveaux riches, ont exactement le même droit légitime à l’insurrection, que proclamait la constitution française de 1793.
C’est à l’indépendance du monde - et des humains qui l’habitent - que nous devons consacrer nos efforts.
Ni radotages ni mantras ! Ni pain béni ni Jeux olympiques !
La liberté et la dignité partout, pour toutes et tous ! Dans et par la lutte.

Claude GUILLON - dimanche 30 mars 2008.

Je profite de ce texte pour annoncer la parution début mai 2008 du livre China blues, aux éditions Verticales.
Ses auteurs sont Charles Reeve et Hsi Hsuan-wou. Le premier avait publié Le Tigre de papier. Sur le développement du capitalisme en Chine : 1949-1971 (Spartacus, 1972) ; le second avait collaboré au recueil intitulé Révo. cul dans la Chine pop. Anthologie de la presse des gardes rouges (10/18, 1974).
Tous deux ont déjà publié ensemble Bureaucratie, bagnes et business (L’Insomniaque, 1997).
Après un récent voyage en Chine, d’où ils rapportent une trentaine d’entretiens, ils écrivent : « La Chine du "socialisme de marché" est un des vecteurs de l’unification mondiale du capitalisme. L’émigration chinoise, conséquence de la précarisation des travailleurs chinois, est elle-même une composante de la "globalisation" de la main-d’œuvre à l’échelle mondiale. »
[1] Ceci est un pléonasme. À vos dictionnaires !
[2] « La "Révolution culturelle" qui n’eut de révolutionnaire que le nom, et de culturel que le prétexte tactique initial, fut une lutte pour le pouvoir, menée au sommet entre une poignée d’individus, derrière le rideau de fumée d’un fictif mouvement de masses (dans la suite de l’événement, à la faveur du désordre engendré par cette lutte, un courant de masse authentiquement révolutionnaire se développa spontanément à la base, se traduisant par des mutineries militaires et par de vastes grèves ouvrières ; celles-ci, qui n’avaient pas été prévues au programme, furent impitoyablement écrasées). » Simon Leys, Les Habits neufs du président Mao. Chronique de la Révolution culturelle, Éditions Champ libre, 1971 ; rééd. in Essais sur la Chine, coll. Bouquins, 1999.
[3] Je ne prétends pas faire ici l’addition des victimes du stalinisme dans ses versions concurrentes, soviétique, chinoise, et cambodgienne ; je ne voudrais pas déprimer d’éventuels lecteurs néo-nazis qui se prennent pour de vrais durs.



Sujet: 
dalaï-lama, curé aussi coincé du cul que ses semblables
Auteur-e: 
Michael Lessard...
Date: 
Mar, 2008-04-01 12:51

... dalaï-lama, curé aussi coincé du cul que ses semblables des autres religions

Ici, tu parles de ta haine des religions, et pas vraiment de l'être humain réel dit Dalaï-lama. Si on lit ses opinions sur la science et sur diverses questions, il saute aux yeux qu'il n'est pas aussi « coincé du cul que ses semblables des autres religions ».

Le fait est que la haine des religions amènent certains à haïr aussi toute personne exprimant une spiritualité, ce qui est philosophiquement (et donc rationnellement) idiot. Le type fait des courbettes à tous les chefs d'État dans le triste espoir de sauver son peuple d'un ethnocide (ou pire). C'est facile de juger, mais le type doit assumer d'être porte-parole mondial d'un peuple au bord de la fin.

Enfin,
Michaël Lessard [me laisser un message]
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