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La belle émeute de Belgrade

Anonyme, Jeudi, Février 28, 2008 - 17:04

Tous les ennemis jurés de l'impérialisme yankee vivant d'un bout à l'autre de la planète ont sans contredit ressenti un moment de joie intense à la vue de ces images diffusées dans le monde entier de l'ambassade américaine de Belgrade grignotée par de jolies flammes allumées par des émeutiers serbes.

Ils étaient 200 000 ans les rues de Belgrade, capitale de la république de Serbie, jeudi le 21 février 2008, à protester contre la sécession du Kosovo et surtout sa reconnaissance par bon nombre de grandes puissances, à commencer par les États-Unis. C'était la plus grande manifestation de rue à Belgrade depuis celle qui avait menée à la chute du président Slobodan Milosevic, en octobre 2000.

Alors que la gros de la foule se rend à la cathédrale orthodoxe Saint-Sava pour faire une prière pour le Kosovo, des groupes de jeunes, qualifiés de «hooligans» par les massmédias, préférèrent plutôt rendre une petite visite au quartier diplomatique de Belgrade.

Les ambassades des États-Unis, de la Slovénie et de Croatie furent d'abord attaquées. Un groupe d'émeutiers particulièrement zélé réussit même à pénétrer, par effraction il va sans dire, à l'intérieur de l'ambassade des U.S.A., alors vidée de son personnel, et les flammes prirent naissance dans l'édifice peu après.

Vient ensuite le tour des ambassades bosniaque, turque, allemande, autrichienne et néerlandaise de subir la foudre des émeutiers. Puis, les casseurs transportèrent leur rage au centre-ville de Belgrade où une centaine de magasins subirent des dommages, dont plusieurs furent même pillés, et un restaurant McDonalds n'était plus que l'ombre de lui-même après avoir été incendié.

Sur le plan politique, la belle émeute de Belgrade causa tout un émoi au niveau international. «Une ligne rouge a été franchie jeudi à Belgrade», lisait-on notamment dans le quotidien belge Le Soir. L'affaire prit également une tournure tragique alors qu'au lendemain des événements, le corps carbonisé d'un jeune serbe du nom de Zoran Vujovic, 21 ans, fut retrouvé au rez-de-chaussée dans un couloir de l'ambassade américaine.

De son côté, le Département d'État américain réagissa à l'attaque de son ambassade en ordonnant aux membres de son personnel diplomatique n'assurant pas des taches essentielles, soit 80 à 100 personnes, de quitter la Serbie. «Nous n'estimons pas qu'ils sont suffisamment en sécurité ici», a effectivement indiqué l'ambassadeur américain Cameron Munter.

De son côté, le Conseil de sécurité des Nations unies condamna les actes de violence contre les ambassades alors que la secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, a tenue le gouvernement serbe pour responsable des attaques contre les ambassades.

Par ailleurs, certains n'ont pas manqué de juger plutôt suspect le délai d'intervention de 45 minutes de la police anti-émeute serbe après le début de la casse dans le quartier diplomatique, où, faut-il le noter, logent aussi de nombreux édifices gouvernementaux.

À cela s'ajoutent les propos controversés du ministre des Infrastructures de Serbie, Velimir Ilic, repris dans le journal Le Soir, qui déclara peu après le début les incidents: « Casser des vitres, c'est aussi la démocratie. » (!)

Alors que certains hésitent à peine à se lancer dans des théories de la conspiration et insinuent que les désordres pourraient avoir été commandités par l'État serbe, les débordements ont clairement été dénoncés par le premier ministre Vojislav Kostunica et le président Boris Tadic.

Si la casse s'était strictement limitée aux ambassades ayant reconnu l'indépendance du Kosovo, laquelle fut évidemment dénoncée haut et fort par le gouvernement du nationaliste serbe Kostunica, la théorie de l'émeute commanditée pourrait jouir d'une certaine crédibilité.

Or, le bilan officiel parle pourtant de lui-même: on compte 130 blessés, dont 52 policiers, et de 192 arrestations. De plus, à la lumière des actes de vandalisme et de pillage qui affectèrent un si grands nombres de commerces belgradois, on peut conclure, sans crainte de se tromper, que nous avons affaire ici à une authentique émeute qui échappa à tout contrôle.

Bref, le 21 février, la rue s'est exprimée à Belgrade. Et quand la rue parle, elle a la bouche en feu. C'est souvent quand la rue devient incontrôlable qu'on l'accuse d'être manipulée, pour mieux la discréditer. Que voulez-vous, la rue a le dos large, surtout lorsque l'action se déroule sur un boulevard à 8 voies. Parce que la rue est à la fois sans visage et à visages multiples, les récupérateurs ont ainsi beau jeu de lui prêter milles et unes intentions.



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